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Les cinquante et ung arretz d'amours

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¶ Le .xliii. arrest

En la court de ceans c'est assis ung procés entre troys compaignons amoureux demandeurs et complaignans en cas de saisine et nouvelleté d'une part/ et trois belles dames deffenderesses & opposans : d'autre part Et disoient lesdis demandeurs que quant amour ordonna faire aliance d'homme et femme ensemble il bailla a chascun en droit soy de sa dominacion et voulut que les hommes alassent au dessus des femmes comme raison estoit/ et si leur ottroya aultres grans prerogatives que les dames n'ont point dont n'est de present question. Et fut vray qu'il permist aux amoureux faire cent mille menues choses qui n'apartiennent a faire aux dames comme eulx vestyr court aller desceintz parmy la ville/ porter fauve au pié destre ou senestre tenir ung petit baston en la main sans ce qu'il soit baillé ne ottroyé aux dames d'entreprendre sur leurs droitz. Mais ce nonobstant icelles trois dames deffenderesses de leur auctorité indeue avoient porté et portoyent botte fauve a leur devise/ et avecques ce faisoient fermer leurs soulliers d'aguillettes vertes et par dedans entrelacez de rubiz & diamans/ vouloient aussi porter leurs gans au costé le petit baston en la main et la robe courte a chevaucher et plusieurs autres nouveletés au prejudice desdis demandeurs en les troublant et empeschant a tort et sans cause indeuement et de nouvel en leur possession et saisine parquoy avoient obtenu ladicte conplaincte Et concluoient tout partinent en ceste matiere de nouvelleté/ Et en cas de delay demandoient la recreance. De la partie desdictes dames fut deffendu au contraire et disoyent que amours en faisant la division des joyes mondaines pour avantager les dames voulut qu'elles eussent seigneurie et domination sur les hommes et en signe de ce ordonna qu'ilz seroient requerans et demandeurs/ et les dames deffenderesses en leur ottroyant pouoir & auctorité de refuser ottroyer denier ou escondire ainsi que bon leur sembleroit. Et ainsi doncques tout le bien que les hommes ont si vient d'elles et ne peuent avoir plus grans droitz preminences prerogatives en amours que elles. Et sont les dames en possession et saisine de porter botte fauve pour l'honneur & amour de amy au pié destre ou a senestre en possession et saisine de mettre et trousser leurs gans de costé et les porter a la ceinture/ en possesion et saisine de mettre aucuneffois entre la conroye de leurs soulliers a la boucle/ quant il leur en prent appetit anneaulx et verges d'or/ en signifiant amours defoulez aux piedz dont l'en ne tient plus compte/ en possession et saisine de porter devises & faire cent aultres menues plaisances entre eulx dont elles se peuent adviser/ en possession et saisyne que lesditz amoureux demandeurs ne aultres quelzconques ne peuent ne ne doibvent entreprendre sur leur droit/ et que s'ilz s'estoient efforcés de faire le contraire des possessions et saisine par elles pretendues de les contredire et empescher en proposant possessoire pertinent et concluant en matiere de nouvelleté et en cas de delay demandoient lesdictes dames la recreance Et fut replicqué par lesditz demandeurs et disoient que par leur complaincte ne voulloient en riens diminuer les drois des dames. Or estoit il ainsi que jamais ycelles dames n'avoyent joye desdictes possessions/ mais estoit vray et tout notoire que lesdictes choses appartenoyent aux hommes et par ainsi leur complainte estoit bien recepvable Et au regard des possessions contencieuses lesdites dames ne les pouoient soustenir/ car elles sçavoient bien que ce n'estoyt pas chose licite ne honneste a femme de porter botte fauve et anneaulx aux piez ains apartenoit mieux aux hommes que a elles et ne le veit on jamais faire sinon depuis naguieres que ceste entreprinse a esté faicte de nouveau et pour laquelle derrisyon ilz ont obtenu ladicte complaincte/ Car il leur faisoit mal que aulcuns en prinssent desplaisir contre elles ou qu'elles en fussent blasmees/ mais lesdictes dames en duppliquant disoient que s'il y en avoit aulcuns qui fussent dolens de les veoir porter/ il y en avoit d'autres pour l'amour de qui elles les portoyent qui y prenoient plaisir & pour homme qui en parle ne cesseroyent ja s'il n'estoyt ordonné/ car elles l'avoyent ainsi voué et promis a amours. Et quant est des possessions jamais n'y avoient esté empeschez jusques a present et ne failloit point dire que c'estoit chose mal seant a femme de porter botte ferree. car elle leur siet aussi bien qu'a homme/ si est chose plus joyeuse et nouvelle/ parquoy concluoit comme dessus. Ouyes lesquelles parties en tout ce qu'elles ont voulu dire et proposer elles ont esté appointees en droict et mettre par devers la court et au conseil que bon leur semblera veoir en ceste matiere et tout veu la court dict que lesdictz demandeurs a tort et sans cause se sont dolus & complains et que a bonne et juste cause lesdictes dames deffenderesses se sont opposees Et les maintient et garde la court en possession & saisine de porter la botte fauve au pied dextre ou senestre/ fermer leurs soulliers d'esguilettes vertes ou noires de mettre verges et anneaux d'or et de porter les gans de costé en la seincture leurs robes courtes a chevaucher et en toutes possessions par elles pretendues en levant la main d'amours et tout empeschement qui leur avoit esté donné par lesditz demandeurs a leur proffit en condampnant iceux demandeurs aux despens.

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