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Les cinquante et ung arretz d'amours

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¶ Le .xix. arrest

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une tresbelle dame et le procureur general d'amours avec elle adjoinct demandeurs en cas de excés et de delict d'une part/ et une vieille chamberiere deffenderesse d'aultre part. et disoit la dame que toutes servantes devoyent foy & loyaulté a leurs maistresses avoir courte langue et longues oreilles & grandes qu'elles ne sont pas dignes de demourer en quelque maison que ja pieça elle loua une chamberiere pour la servyr deux ans pour certain pris convenu entre eulx. Et oultre luy avoit promis par dessus son sallaire mais qu'elle fist bien la besongne une paire de chausses au bout de l'annee et ung de ses vielz chapperons. Et combien qu'elle en eust trouvé assez d'autres qui eussent bien voulu demourer avec elle sans prendre denier ne maille touteffois a l'ocasion de ce que la chamberiere sembloit estre secrette & avoit beaucop veu/ icelle dame fut meue de la retenir devant toutes autres et la fist venir des lors en son hostel ou du commencement elle a fait merveille de servir mais en effect voyant que sa maistresse se fioit fort en elle luy monstroit grans signes d'amours elle a voulu entreprendre sur elle et se mesler de toutes besongnes Et de fait est advenu quant ung sien amy de congnoissance que ladicte dame aymoit en tout bien & en tout honneur venoit a l'hostel soy esbatre ou compter des nouvelles de la ville et passer temps Ceste chamberiere escoutoit tout Le lendemain ou le soir mesmes rapportoit tout ce que ladicte dame et son amy avoient dit ensemble a dangier le mary qui estoyt mal faict a elle/ et tellement que bien souvent la nuit au lict ledit dangier luy tenoit plusieurs rigueurs et luy en gectoit puis ça puis la ung mot a la vollee et par ambages dont elle estoit bien esbahie mais icelle dame considerant qu'il n'estoyt pas possible qu'il en sceust rien a la verité s'il ne le devinoit ne jamais n'eust cuidé que la vieille en eust parlé ung mot veu qu'elle la tenoit seure de son costé comme elle devoit estre Or estoit vray que a une journee ainsi que ledict gallant s'en vint esbatre l'apresdinee comme il avoit acoustumé la dame tenant sa quenoulle d'aventure laissa cheoir son fizeau. Lequel gallant en demonstrant son humillité le leva et en luy baillant la baisa. Dont ycelle dame le remercia en soubzriant et sans penser nul mal/ mais la vieille en despit de sa maistresse qui l'avoit tancee le matin pour occasion de ce qu'elle ne luy avoit pas ployé ses gorgias dist et proposa en soymesmes qu'elle s'en vengeroit/ et de faict aussy tost que dangier fut venu de la ville elle luy commença a compter tout le cas & plus la moytié qu'il n'y avoit/ dont il n'en sonna mot et le garda en son cueur trois ou quatre jours en rechygnant puis aprés se desgorga en maulgreant que se le gallant y retournoit plus qu'il luy coupperoit les jambes. Si fut la dame bien esbahye et ne se feust jamais doubtee de ladicte vieille. Mais touteffois a la fin il a tout sceu et a la vieille gasté son cas/ car par le moyen de telz rappors elle cuidoit devenir maistresse & tailler les morceaulx a ladicte demanderesse & pource a esté boutee hors de l'hostel et depuis constituee prisonniere pour raison du cas qui est de grant consequence et concluoit ladicte dame a l'encontre d'icelle vieille chamberiere qu'elle feust condampnee a luy crier mercy et faire amende honnorable nudz piedz & sans coyffe coeuvrechief ny chaperon en sa teste et aussy en tenant une torche en sa main et disant que a tort et maulvaisement elle avoit raporté les parolles de sa dame et maistresse & de ce qu'elle l'avoit fait tancer qu'elle s'en desdisoit devant tout le monde/ et en oultre qu'elle feust contraincte et condempnee a venir dire et declairer devant dangier que tout ce qu'elle luy avoit dit et raporté de sadicte maistresse avoit esté controuvé par elle contre verité et par mallice. affin que icelluy danger n'y eust plus de suspition. Et au regard dudict procureur general d'amours qui estoit adjoinct avec ladicte dame il disoit que ce cas icy estoit digne de grant punition. et que il ne se devoit point passer soubz dissimulacion/ Car la consequence estoit trop perilleuse pour l'esclandre qui en pouoit tous les jours advenir Disoit aussi que chamberieres sur toutes choses doibvent estre secrettes et aussy celer tout ce qu'elles voient faire en amours comme font confesseurs et y est la paine si grande selon les droictz que celles qui revelent ainsi secretz sont digne de mort. Or disoit il que ceste vieille avoit revellé les secretz de sa maistresse audit dangier pour a tousjours le cuyder mettre en noise et rapporter la moytié plus qu'il n'y avoit de mal. Et pour ce concluoit a l'encontre d'elle qu'elle fust condampnee a estre arce & bruslee ou a tout le moins qu'on lui perçast la langue d'ung fer chault devant tout le monde affin que les autres servantes et chamberieres y prinsent exemple et que son sallayre qu'elle devoit avoir fust declairé forfait & fust confisqué. Ou que telles autres conclusions fussent adjugees ainsi que le cas le requeroit et que la court adviseroit en requerant au surplus que pour pourveoir a telz inconveniens y eust visitacion sur lesdictes chamberieres/ car les plus grans dangiers du monde en viennent. et disoit oultre que jamais l'en ne devoit laisser a telles vieilles chamberieres porter la clef du vin car quant d'aventure elles ont beu ou faict bonne chere elles parlent aussi bien contre elles que pour elles/ et la ou elles cuydent sauver l'honneur de leurs maistresses c'est adonc l'heure qu'elles gastent tout. Et puis aprés ne leur en souvient lendemain et jurent et afferment hardyement que en leur vie n'en parlerent mot dont ce a esté cause de plusieurs maulx qui en viennent parquoy le procureur requist que la court mist sur ce provision De la partie de ladicte vieille fut deffendu au contraire et disoit que quant elle vint demourer en l'hostel de ladicte maistresse elle luy promist fayre beaucoup de biens/ mais elle s'en estoit bien petitement apperceue et si avoit tant eu de peine que merveilles. Or estoit vray que ledit dangier son mary des l'entree et au commencement qu'elle entra leans il parla a elle a part en l'oreille & luy promist de luy donner tous les ans une robe et ung bon chapperon oultre son sallaire affin qu'elle se print garde de la dame qui estoit encore bien jeune et luy rapporter toutes nouvelles de ce que son maistre luy avoyt faict promettre ycelle chose luy disoyt tout ce qu'elle veoit faire a sa maistresse en gardant tousjours l'honneur des dames comme tenue y estoit/ et aussy affermoit que jamais elle ne luy fist faire chose qui ne feust bonne et honneste/ et combien que ladicte vieille la servist le myeulx qu'elle pouoit/ touteffois ycelle maistresse ne s'en pouoit contenter/ et la tença tresbien dont ladicte chamberiere se courrouça et advint que pource qu'elle veist le gallant ledict jour a l'hostel qu'elle le dist a son maistre & comment il l'avoit baisee Or disoit elle que de ce l'en ne la pouoit reprendre & qu'elle n'avoit point fait de mal/ car elle estoit beaucoup plus tenue d'obeyr a son maistre qu'a elle et aussi avoit il marchandé a elle et louee par telle condition qu'elle luy devoit tout rapporter. Parquoy elle n'avoit faict que son debvoir et ne luy en eust point parlé/ si non que son maistre luy promist qu'il n'en diroit riens a elle & ainsi l'on la debvoit excuser tendant & concluant par ses moyens affin d'absolution A quoy fut repliqué par ladicte demanderesse disant que toute l'eaue de la riviere ne la pouoit laver du cas/ car elle sçavoit bien qu'elle se fyoit en elle et qu'elle s'en fust bien gardee se elle eust voulu et sans ce qu'il en eust riens sceu. Et supposé que l'on dye que toutes servantes et chamberieres doybvent servir premierement leurs maistres que leurs maistresses cela s'entent touchant le service comme de boire & de manger/ mais au regard d'autres choses riens/ ains fault que elles obeyssent a leurs maistresses. Aussi ont elles previllege que se leurs chamberieres ne sont a leur poste elles ne doybvent pas demourer trois jours en la maison/ & aprés disoit le procureur que veu que ladicte vieille confessoit que elle prenoit argent de son maistre oultre son loyer pour reveller les secretz d'amours l'en ne le pourroit trop pugnir/ & quant est de l'excusation qu'elle prenoit sur ce que son maistre lui avoit promis de n'en rien dire ne luy en faire semblant elle ne valloit riens/ car jamais en tel cas l'on ne faict telles promesses si non pour sçavoir et enquerir plus avant et concluoit a reparation du cas comme dessus est dit. Surquoy ladicte vieille disoit au contraire que son faict estoit pitoyable & que jamais n'en eust parlé se elle eust sceu qu'il en fust venu mal/ ou qu'il y eust eu danger pour sa maistresse. Finablement parties ouyes ont esté apoinctees en droict et a produire par devers la court et au conseil ce que bon leur semble. Si a ladicte court veu le procés avecques la confession faicte par la vieille & tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere a grant et meure deliberation/ et tout veu la court a condampné ladicte faulce vieille pour raison du cas a elle commis a crier mercy a ladicte demanderesse et estre pilloriee par trois foys au jour de marché et oultre la prive & bannisse du service des dames a tousjoursmais de quelque estat qu'elles soyent en luy deffendant sur peine de la hart que jamais en bonne compaignie ne se trouvast. Au regard des aultres provisions requises par le procureur general touchant la visitacion/ la court a ordonné certains commissaires qui se informeront sur les abus pour aprés y pourvoir ainsi qu'il appartiendra

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