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Les cinquante et ung arretz d'amours

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¶ Le .xxxvii. arrest.

En la court de ceans c'est assis ung aultre procés entre une gracieuse dame demanderesse d'une part et les religieux cordeliers de l'observance d'amours deffendeurs d'autre part. et disoit ladicte dame que ja pyeça elle eust grande acointance de familiarité singuliere avec ung jeune religieux nouvellement rendu de l'ordre & tellement qu'ilz se donnerent l'ung a l'autre & promisrent ne separer l'alliance d'entre eulx d'eux pour quelque temps ou fortune qui leur peust advenir. et sur ces choses y eut encores veuz fais en amours confermatoires d'ycelle aliance tant et si avant que faire se pourroit en tel cas mais ce nonobstant ledit amoureux cordelier et pour une petite fumee ou quelque desplaisance qu'il a eue/ puis n'a guieres de temps en ça s'en est de son auctorité et sans le consentement ne prendre congié de sadicte dame aller bouter et rendre en ladicte religion ce qu'il ne pouoit ne debvoit faire/ ainçoys venoit directement encontre son premier veu et serment. Et pource que ceste dame se sentoit tenue quant a l'ame de le declairer une foys/ et qu'elle avoit tresgrant interest d'avoir quitance & renonciation de sa promesse pour se pourveoir ailleurs en lieu de luy d'ung aultre amant et serviteurs elle concluoit et requeroit que lesditz religieux cordeliers fussent condampnez a faire exhibition audit amoureux rendu cordelier & de le amener en justice pour le contraindre et entretenir a ses premiers veuz et promesses ou y renoncer/ et la quitter au regard d'elle ne voulloit pas empescher le sauvement de son ame et qu'il ne demourast religieux de l'ordre s'il en avoit la voulenté. De la partie desdictz religieux de l'observance si fut deffendu au contraire et disoyent que la demande que faisoyt la dame n'estoit pas recepvable car l'amant religieux rendu cordelier dont estoit question estoit ja cordelier vestu/ et avoit fait les veuz de l'observance d'amours par les trois Esquelz veuz d'ycelle observance il est deffendu expressement de ne parler jamais a femme/ parquoy donc de le voulloir contraindre maintenant a le veoir & parler a elle dessoubz umbre de renonciation n'y avoit apparence et estoit trop tard de venir aprés ladicte reduction ramentevoir Et mettre en lieu de present lesdictes aliances promesses et follyes du temps passé. Disoient oultre lesditz religieux que quant ledit amant fut rendu & vestu de l'habit de l'ordre/ ladicte dame deffenderesse y estoit presente & luy veit faire les veuz pourquoy lors debvoit declairez lesdictes promesses et se opposer pour le droyct que elle veult deduire Et sembloyt soubz correction que c'est grant abbus a elle de venir maintenant par telz moyens pour troubler ledict religieux rendu et le mettre es choses mondaines qu'il a ja oubliees Si disoyent par ces moyens lesditz religieux qu'ilz n'estoyent tenus de exiber ledict cordelier/ et pour chose que on peust faire jamais ne partiroit de ladicte religion. A quoy ladicte dame pour ses replicques disoit/ que elle ne voulloit pas le retraire hors de religion ne de le mouvoir de son entreprinse/ mais requeroit seulement pour sa descharge que il renonçast a sa promesse qu'il luy avoit faicte/ et tout ce qui avoit esté faict/ et dict entre eulx deux feust declairé nul et comme non advenu Et disoit oultre ladite dame que cela se debvoit faire avant toute oeuvre/ car elle voulloyt obvier au dangier d'amours qui s'en pouoit ensuivir/ elle vouloit avoir enseignement de la renonciation desdictz promesses et pour monstrer qu'elle aymoit entretenir sa foy mieulx que luy affin qu'on ne luy en peust reproucher riens. Et au regard de ce que lesdis cordeliers disoient que icelle dame estoit presente quant ledit nouveau cordelier fut rendu & qu'elle luy vit faire les veux respondit qu'il estoit bien vray qu'elle y fut avecques ses autres cousines & parentes/ Mais a la verité quant elle veit qu'on le deshabilloit tout nud pour le vestir en cordelier les lermes luy vindrent aux yeulx a si grant affluence qu'elle ne sceut qu'elle devint & luy commença a soubzlever le cueur par telle façon que elle s'esvanouyt en plain chappitre et ne luy souvenoit alors d'aliance ne de promesse/ car il n'est au monde si grant douleur a femme que de veoir son amy rendu en religion. parquoy fault la excuser Et quant elle n'eust point esté troublee si n'eust elle pour rien entreprins d'aller desclairer devant tout le monde qui ne se pouoit rendre pour blasme et deshonneur qu'il en eust peu avoir. Et a ce que lesditz deffendeurs disoient en oultre que pour rien ne le laisseroient partir de religion respondit ladicte demanderesse que par force ilz devoyent estre contrains/ et que au regard d'elle elle avoyt contenné de ne parler point a luy sinon en la presence de deux ou trois religieux telz qu'on vouldroit amener/ mais il estoit force que a la quitance & renonciation desditz promesse ce fist en jugement/ car il y avoit lettres signees de leur main de l'ung et de l'autre qu'il convenoit rompre et casser devant la justice d'amours en concluant au surplus comme dessus Mais lesditz cordeliers deffendeurs perseverant tousjours en ce qu'ilz avoient proposé disoient que ce n'estoit pas raison que ledict amant rendu cordelier vint en jugement ne qu'il vist plus ladicte dame. Primo car se seroit contre son veu qu'il a faict de ne partir jamais de la religion sans licence du general Secundo : car par la reigle de l'observance d'amours telle comme chascun scet ceulx qui y sont rendus jamais n'en peuent saillir sinon que le feu les contraingne a ce faire & sont reputez mors au monde/ ne n'y a nul qui en puisse partir dehors excepté ceulx qui sont deputez a leur tour pour aller querir la pitance & la pourveance du couvent Et pource de requerir maintenant par ladite dame que ce jeune cordelier qui a renoncé aux joyes et a la pompe du monde et qu'il voyt ce quel a cuidé faire perdre a tousjours il n'y avoit nulle apparence et posé que icelle demanderesse fust troublee quant elle le veit ainsi vestir et entrer en la religion touteffoys cela ne la pouoyt pas excuser du tout/ car entre le temps qui vint premierement d'amours en la religion & celluy de la redicion elle avoit eu bon loysir de soy venir opposer et remonstrer lesdites aliances et promesses. Ouyes les parties en tout ce qu'ilz ont voullu dire et alleguer elles ont esté appointees a mettre par devers la court et au conseil. Si a la court veu ledict procés et a grant et meure deliberation avec tout ce qu'il failloit veoir en ceste matiere. Et tout veu la court dit que non obstant chose proposee par lesditz religieux cordeliers de l'observance ledict amoureux nouvellement rendu cordelier viendra en la court de ceans renoncer aux promesses et alliances d'amours par luy faictes avec ladicte dame pour sa descharge & en aura lectre ou acte se bon luy semble. Et si ordonne la court que lesdis cordeliers seront contrains par la presence de leur personnes et ouvertures de leurs portes a faire exhibicion dudict cordelier & le amener en jugement pourveu toutesvoyes que bon leur semble ilz luy pourroyent mettre ung bandeau devant les yeulx affin qu'en parlant ou renonçant audictes promesses et alliances il ne puisse veoir la demanderesse jadis sa dame Et au surplus sont compensés les despens d'ung costé et d'aultre et pour la cause.

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