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Avis au peuple sur sa santé: ou traité des maladies les plus fréquentes

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CHAPITRE X.
Des coups de Soleil.

§. 142. L'on appelle coup de Soleil, les maux qui résultent d'une trop forte action du soleil sur la tête: c'est la même chose que insolation.

Si l'on fait attention que le bois, la pierre, les métaux, exposés à l'action du soleil, s'échauffent, même dans les climats tempérés, au point qu'on ne peut pas les toucher sans se brûler, on comprendra tout le danger qu'on court, si la tête est exposée à une telle chaleur. Les vaisseaux se desséchent, le sang s'épaissit; il se forme une véritable inflammation, qui quelquefois, tue en très peu de tems. C'est un coup de soleil qui tua Manassés, mari de Judith; car comme il étoit auprès de ceux qui lioient les gerbes aux champs, la chaleur lui donna sur la tête, & il tomba malade, & il se mit au lit, & il mourut. Les signes qui caractérisent un coup de soleil, sont le séjour dans un endroit où il donnoit fortement; un violent mal de tête, avec la peau chaude, & extrêmement séche; les yeux rouges & secs, ne pouvant ni rester ouverts, ni soutenir la lumiere; quelquefois un mouvement continuel dans la paupiere, du soulagement par l'application de quelque liqueur fraiche; souvent une impossibilité de dormir; d'autres fois un grand assoupissement, mais accompagné de réveils violens: une fiévre très forte; un abbatement & un dégoût total; quelquefois beaucoup d'altération, d'autres fois point; la peau du visage est souvent brûlée.

§. 143. L'on est exposé aux coups de soleil dans deux saisons de l'année, ou au printems, ou dans les grandes chaleurs; mais ils sont bien différens dans leurs effets. Au printems, les gens de la campagne, les ouvriers, y sont peu sujets; ce sont les gens de la ville, les personnes délicates, qui ont pris peu de mouvement pendant l'hiver, & qui ont acquis beaucoup d'humeurs. Si dans ces circonstances elles vont au soleil, comme il a déja une certaine force; que par le genre de vie qu'elles ont mené, les humeurs sont déja plus disposées à se porter à la tête; que le fraicheur du terrein, sur-tout quand il a plû, fait qu'on ne se réchauffe pas aussi aisément les pieds, il agit sur leur tête comme un vésicatoire, & il détermine une plus grande quantité d'humeur; ce qui procure de violens maux de tête, accompagnés souvent d'élancemens vifs & fréquens, & de douleur dans les yeux; mais ce mal est rarement dangereux. Les gens de la campagne, les personnes de la ville, qui n'ont point discontinué l'exercice pendant l'hiver, ne craignent point ces soleils de printems. Les coups de soleil en été sont bien plus fâcheux, & ils attaquent les ouvriers ou les voyageurs, qui sont long-tems exposés à l'ardeur: c'est alors que le mal est porté à son plus haut dégré, & que les malades meurent souvent sur la place. Dans les pays chauds, cette cause tue plusieurs personnes dans les rues, & fait de grands ravages dans les armées en marche. L'on en voit, dans les pays tempérés, de tristes effets. Après avoir marché tout le jour au soleil, un homme tomba en léthargie, & au bout de quelques heures mourut avec des symptomes de rage. J'ai vu un couvreur, un jour très chaud, se plaindre à son camarade d'un violent mal de tête, qui augmentoit de minute en minute. Au moment où il voulut se retirer, il tomba mort, & fut précipité. Cette cause produit très fréquemment dans les campagnes, des phrénésies très dangereuses, que le peuple appelle fiévres chaudes. L'on en voit plusieurs toutes les années.

§. 144. L'effet du soleil est encore plus dangereux, si l'on y est exposé pendant le sommeil. Deux faucheurs s'endormirent sur un tas de foin la tête nue; ayant été réveillés par les autres, ils chancelerent, prononcerent quelques mots qui n'avoient point de bon sens, & moururent. Quand l'effet du vin & celui du soleil se réunissent, ils tuent très promptement, & il n'y a pas d'années, qu'on ne trouve morts dans les chemins des paysans, qui, étant ivres, vont tomber dans quelques coins, où ils périssent par une apoplexie vineuse & solaire. Ceux qui réchappent, conservent souvent toute leur vie des maux de tête, & même quelque léger dérangement dans les idées. J'ai vu qu'après quelques jours de violens maux de tête, le mal se jettoit sur les paupieres, qui restoient longtems rouges & fort tendues, sans qu'on pût les ouvrir. L'on a vu des personnes, chez lesquelles un coup de soleil occasionnoit un délire continuel, sans fiévre, & sans qu'ils se plaignissent d'un mal de tête. Quelquefois la goutte sereine en a été la suite; & il est fort commun de voir des personnes, chez lesquelles un long séjour au soleil, laisse une impression dans l'œil qui leur fait appercevoir différens corps voltigeants en l'air, & qui troublent la vision.

§. 145. Chez les enfans fort jeunes, qui ne sont jamais exposés si long-tems à une si violente ardeur, mais sur lesquels une petite cause agit, le mal se manifeste, ou par un assoupissement profond, qui dure plusieurs jours, ou par des réveries continuelles, mêlées de fureur & de frayeur, presque comme quand ils ont eu quelque violente peur, par des mouvemens convulsifs, par des maux de tête qui redoublent par accès, & leur font pousser de hauts cris, par des vomissemens continuels. J'ai vu des enfans qui, après un coup de soleil, ont conservé long-tems une petite toux.

§. 146. Les vieillards qui s'exposent souvent imprudemment au soleil, ne savent pas tout le danger qu'ils courent. On a vu un homme qui, s'étant tenu à dessein fort long-tems au soleil, le jour libre d'une fiévre tierce, eût une attaque d'apoplexie qui l'emporta le lendemain. Lors même que le mal n'est pas prompt, cependant cette habitude dispose certainement à l'apoplexie & aux maux de tête. Un des plus légers effets du soleil sur la tête, c'est de procurer un rhume de cerveau, un mal de gorge, un enroument, un gonflement des glandes du col, une sécheresse dans les yeux, qui se fait quelquefois sentir long-tems.

§. 147. L'effet de la trop violente chaleur du feu, est le même que celui du soleil. Un homme s'étant endormi la tête contre le feu, mourut apoplectique dans ce sommeil.

§. 148. L'action d'un soleil trop fort ne nuit pas seulement lorsqu'elle tombe sur la tête, mais elle nuit aussi aux autres parties; & ceux qui y restent exposés en préservant la tête, essuient des douleurs violentes, un sentiment de chaleur, & une roideur considérable dans ces parties qui ont été desséchées, comme aux jambes, aux genoux, aux cuisses, aux reins, aux bras; quelquefois il leur survient de la fiévre.

§. 149. En examinant une personne malade d'un coup de soleil, il faut faire attention s'il n'y a point d'autres causes concourantes. Un voyageur, un manœuvre, sont souvent autant affectés par la fatigue de la route ou du travail, que par le soleil.

§. 150. Il est très important de traiter d'abord les coups de soleil. Si on les néglige, ceux mêmes qui auroient été aisés à guérir, deviennent très fâcheux. On les traite, comme toutes les maladies précédentes, par les saignées & les rafraichissans de toute espece, en boissons, en lavemens, en applications, en bains.

Si le mal est pressant, il faut commencer par une très forte saignée, & la réitérer. Il fallut saigner neuf fois Louis XIV, pour le sauver en 1658, après un coup de soleil qu'il reçut à la chasse. Après la saignée, on met les jambes dans l'eau tiéde; c'est un des remedes qui soulagent le plus promptement, & j'ai vu le mal de tête se dissiper & revenir, à proportion du nombre & de la longueur des bains de jambes. Il faut quand le mal est grave, en venir au demi-bain, & même au bain entier; mais il ne doit être que tiéde, non plus que les bains de pied, l'eau chaude seroit très nuisible. Les lavemens faits avec une décoction d'herbes émollientes quelconques, produisent aussi un très bon effet. Il faut boire abondamment du lait d'amande No. 4, de la limonade faite avec le jus de citron dans de l'eau, (c'est la meilleure boisson dans ce cas) ou de l'eau & du vinaigre, qui supplée très bien à la limonade; & ce qui est encore plus efficace, du petit lait très clair, avec un peu de vinaigre. Toutes ces boissons peuvent être bûes fraiches; le remede No. 31 est très efficace, on en prend cinq ou six verres par jour. L'on applique sur le front, sur les tempes, sur toute la tête même, des linges trempés dans l'eau fraiche, & un peu de vinaigre rosat; ce qui peut tenir lieu de tous les autres remedes employés dans ce cas. Ceux qu'on vante le plus, sont les jus de pourpier, de laitue, d'artichaud sauvage, & de verveine.

§. 151. Les bains froids ont quelquefois guéri des cas presque désespérés. Un homme de vingt ans, ayant été fort long-tems exposé à un soleil brûlant, rêvoit violemment sans fiévre, & étoit véritablement maniaque. Après plusieurs saignées, on le jetta dans un bain froid, qu'on réitéra souvent, & en même tems on lui jettoit de l'eau froide sur la tête: ces secours le guérirent peu à peu. Un Officier qui avoit couru la poste pendant plusieurs jours de suite par les grandes chaleurs, eut, en descendant de cheval, un évanouissement qui résista à tous les remedes ordinaires. On le sauva en le faisant plonger dans un bain d'eau glacée. L'on ne doit jamais employer le bain froid dans ces cas, qu'après les saignées.

§. 152. Il est certain, que si l'on est tranquille, on recevra plus aisément un coup de soleil, qu'en se donnant du mouvement; & l'usage des chapeaux blancs, ou de quelques feuilles de papier sous un chapeau noir, contribue sensiblement à prévenir les mauvais effets d'un soleil médiocre; mais il est inutile contre un très fort.

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