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Avis au peuple sur sa santé: ou traité des maladies les plus fréquentes

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CHAPITRE XVI.
Des Fiévres putrides.

§. 218. Après avoir parlé des maladies fiévreuses qui dépendent de l'inflammation du sang, je parlerai de celles que produisent les matieres corrompues qui croupissent dans l'estomac, dans les boyaux, dans les visceres du bas ventre, ou qui ont déja passé dans le sang, & qu'on appelle fiévres putrides, ou quelquefois fiévres bilieuses, quand la bile paroît avoir le plus de part à la maladie.

§. 219. Cette maladie s'annonce souvent plusieurs jours à l'avance par un grand abattement, une pesanteur de tête, des douleurs de reins & de genoux, la bouche mauvaise le matin, peu d'appétit, un sommeil inquiet; quelquefois un mal de tête excessif pendant plusieurs jours, sans aucun autre symptôme. Ensuite il survient un frisson suivi d'une chaleur âcre & séche, le pouls qui est petit & vîte pendant le frisson, s'éleve pendant la chaleur, & est souvent très fort, mais il n'a pas la même dureté que dans les maladies précédentes, à moins que la fiévre putride ne soit compliquée avec une fiévre inflammatoire; ce qui arrive quelquefois. Pendant ce tems-là le mal de tête est ordinairement très violent, le malade a presque toujours des nausées, & même quelquefois des vomissemens; de l'altération, des rapports désagréables, la bouche amere; il urine peu. Cette chaleur dure plusieurs heures, souvent toute la nuit; elle diminue un peu le matin; & le pouls, toujours fiévreux, l'est alors un peu moins; le malade souffre moins; mais il est très abattu.

La langue est blanche, sale, les dents se salissent, l'haleine a une mauvaise odeur. La couleur, la qualité, & la consistence des urines varient beaucoup. Quelques malades sont resserrés, d'autres font fréquemment de petites selles, qui ne les soulagent point. La peau est quelquefois seche, d'autres fois il y a de sa transpiration, mais qui ne fait aucun bien. La fievre redouble tous les jours, & souvent à des heures irrégulieres. Outre le grand redoublement qu'on observe chez tous les malades, il y en a souvent des petits chez quelques-uns.

§. 220. Quand le mal est abandonné à lui-même, ou mal soigné, ou plus fort que les remedes, ce qui n'est pas rare, la fievre augmente, les redoublemens deviennent plus longs, plus fréquens, irréguliers; il n'y a point de bons momens; le ventre se tend comme un ballon, ce qu'on appelle metéorisme; les rêveries surviennent; le malade ne sent plus ses besoins, & se salit dans son lit; il refuse les secours, parle continuellement, il a le pouls vite, petit, irregulier. Il paroît quelquefois de petites taches, d'un brun livide, sur la peau, surtout du col, du dos, & de la poitrine. Toutes les matieres qui sortent du corps du malade, ont une odeur très puante; il survient des mouvemens convulsifs, surtout au visage; il ne se couche que sur le dos, & tombe insensiblement vers les pieds du lit; il chasse aux mouches. Le pouls devient si petit & si vite, qu'on ne peut qu'à peine le sentir, & point le compter. L'angoisse paroît inexprimable; il coule une sueur de détresse; la poitrine s'emplit, & l'on meurt misérablement.

§. 221. Quand la maladie est moins violente, ou qu'elle est bien traitée, & que les remedes réussissent; le mal reste quelques jours dans l'état décrit (§. 219) sans empirer & sans diminuer; alors il ne survient aucun des symptomes (§. 220); mais au contraire tous les symptomes diminuent. Les redoublemens sont moins longs, & moins violens; le mal de tête plus supportable; les selles sont moins fréquentes, plus abondantes & soulagent; les urines coulent abondamment, quoiqu'elles continuent à varier; il revient un peu de sommeil, & il est plus tranquille; la langue se nétoie, & chaque jour la santé revient.

§. 222. Cette maladie n'a pas de terme fixe, ni pour guérir ni pour tuer. Quand elle est très violente, ou mal conduite, elle tue quelquefois le neuvieme jour. Souvent l'on en meurt du dix-huitieme au vingtieme; quelquefois seulement environ le quarantieme, après avoir eu des alternatives de mieux & de pire. La maladie, quand elle est legere, est quelquefois guérie au bout de peu de jours, après les premieres évacuations. Il y a des malades qui ne sont hors de danger qu'au bout de six semaines, & même plûtard; mais il est vrai que ces maladies si longues, dépendent souvent, en grande partie, du traitement; & qu'ordinairement le cours en doit être décidé entre le quatorzieme & le trentieme jour.

§. 223. Pour guérir les fievres de cette espece, 1. S'il y a inflammation, ce qu'on connoît par la force & la dureté du pouls & par le temperamment du malade, s'il est fort & robuste, ou s'il est échauffé par quelqu'une des causes marquées (§. 214), il faut faire une saignée, & même, s'il est nécessaire, une seconde quelques heures après. Mais j'avertis que très souvent il n'y a point d'inflammation, & qu'alors la saignée seroit nuisible. 2. On met le malade au régime (§. 29-42), & quoiqu'il ait le ventre libre, quelquefois même un peu de diarrhée, il faut également donner tous les jours un lavement. La boisson ordinaire est de la limonade, ou la ptisane No. 3. 3. Quand il a bu, deux jours, abondamment de cette ptisane, s'il a encore la bouche très mauvaise & de fortes envies de vomir, on lui donne la poudre No. 33, délayée dans un demi pot d'eau tiede, dont il boit un verre tous les demi quarts-d'heure. Mais comme ce remede fait vomir, il ne faut le prendre que quand on est sûr qu'il n'y a aucune circonstance qui doive en empêcher l'usage; ces circonstances seront indiquées dans le chapitre des remedes de précaution §. 441 & suiv. Si, dès les premiers verres, le malade commençoit à vomir abondamment, on ne lui en donneroit plus & l'on se contenteroit de lui faire boire, une très grande quantité d'eau tiede. S'il ne vomit pas, ou s'il ne vomit que peu, on continue. Ceux qui craindroient ce remede, qui est ce qu'on appelle ordinairement l'émétique, pourroient prendre celui No. 34 en buvant aussi beaucoup d'eau tiede, quand il opéreroit; mais le premier est à préférer dans les cas graves. L'on ne doit au reste jamais employer ni l'un ni l'autre quand il y a inflammation; ce seroit alors donner un vrai poison; & même si la fievre est très forte, quoique sans inflammation, l'on ne doit pas s'en servir. Le moment de les placer, c'est après le redoublement, quand la fiévre a beaucoup baissé. Ordinairement après avoir fait vomir, le reméde No. 33 purge; le No. 34 opére plus rarement cet effet. Dès que les vomissemens ont fini, on recommence la ptisane, & il faut bien se garder de donner du bouillon au malade, sous prétexte qu'il est purgé. Les jours suivans on continue comme les premiers; mais comme il est important de tenir le ventre libre, il faut prendre tous les jours la ptisane No. 31. Ceux pour qui elle seroit trop dispendieuse, y suppléeront en mettant tous les jours le quart de la poudre No. 33, dans cinq ou six tasses d'eau, dont ils prendroient une tasse toutes les deux heures, en commençant de grand matin. Mais si la fiévre étoit très forte, le No. 31 doit être préféré. 4. Après l'effet de l'émétique, si la fiévre continue, si les selles restent puantes, si le ventre est un peu tendu, si les urines ne coulent pas abondamment, il faut donner, de deux en deux heures, une tasse de la potion No. 10, qui arrête la putridité & abbat la fiévre. Quand le mal est très pressant, on peut en donner toutes les heures. 5. Quand malgré ces secours, la fiévre continue, & que le cerveau n'est pas net, que le malade a de violens maux de tête ou de l'inquiétude, il faut mettre au gras des jambes les emplâtres vésicatoires No. 35, & les laisser suppurer le plus long-tems qu'il sera possible. 6. Quand la fiévre est très forte, il faut absolument retrancher toute nourriture. 7. Quand on ne peut pas donner l'émétique, l'on doit donner le matin, deux jours de suite, trois prises de la poudre No. 23, à une heure de distance l'une de l'autre: ce remede procure quelques selles bilieuses qui abbattent beaucoup la fiévre & diminuent considérablement la violence de tout le reste de la maladie. On l'emploie avec succès dans les cas où la fiévre trop forte empêche l'émétique, & l'on doit se borner à ce remede toutes les fois qu'on est incertain si les circonstances du mal permettent le vomissement, dont on peut d'ailleurs se passer dans un très grand nombre de cas. 8. Quand le mal a beaucoup diminué, que les redoublemens sont foibles & que le malade est quelques heures sans fiévre, on doit discontinuer l'usage journalier des boissons purgatives; mais l'on continue celui de la ptisane, & l'on fait très bien de donner, de deux en deux jours, deux prises de la poudre No. 23 qui prévient très bien toutes les suites facheuses de la maladie. 9. Si la fievre a fini pendant la plus grande partie du jour, si la langue est bonne, si le malade a été bien purgé, & qu'il reste cependant un accès de fievre tous les jours, il faut donner la poudre No. 14 quatre prises entre la fin d'un accès & le commencement d'un autre: l'on continue quelques jours sur ce pied. Ceux qui ne seroient pas en état de se procurer ce remede, pourroient y suppléer par la boisson amere No. 36; dont ils prendroient quatre verres à distances égales entre les accès. 10. Comme les organes qui servent à la digestion, ont été extrêmement fatigués dans cette maladie, il est très important de se menager long tems, pour la quantité & la qualité des alimens; & de prendre de l'exercice dès que les forces le permettent, sans quoi, l'on pourroit tomber dans quelque maladie de langueur.

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