← Retour

Avis au peuple sur sa santé: ou traité des maladies les plus fréquentes

16px
100%

CHAPITRE XX.
Des inflammations de Poitrine, & des Pleurésies fausses & bilieuses.

§. 267. L'inflammation de poitrine & la pleurésie qu'on appelle bilieuses, sont la même maladie. C'est proprement une fiévre putride, avec un engorgement du poulmon, qui est, ou sans douleur, alors on l'appelle peripneumonie putride ou bilieuse; ou avec cette douleur de côté qu'on nomme point, & on l'appelle pleurésie.

§. 268. Les signes qui distinguent ces maladies, des maladies inflammatoires du même nom, que j'ai décrites Chap. IV & V, sont un pouls moins dur, moins fort, plus vite, sans qu'il y ait les symptomes qui le rendent tel même dans les maladies inflammatoires (voyez §. 46 & 85). La bouche est mauvaise & amere, la chaleur âcre & seche; le malade a un sentiment de pesanteur & de malaise, dans les environs de l'estomac; il a le teint moins rouge, mais un peu jaune; il a l'air défait, les urines ressemblent à celles des fiévres putrides, & non point à celles des fiévres inflammatoires. Il y a très souvent une petite diarrhée bilieuse & très fétide. La peau est ordinairement très seche; les crachats moins épais, moins rouges, mais plus jaunes, que dans l'espece inflammatoire.

§. 269. Le traitement est le même que celui des fiévres putrides §. 212. S'il paroit y avoir un peu d'inflammation, on la détruit par une saignée. On donne la ptisane d'orge No. 3, & des lavemens; & dès qu'il n'y a plus d'inflammation, la potion émétique & purgative No. 33. Ensuite on peut repurger au bout de quelques jours, avec le remede No. 22. La poudre No. 24 réussit aussi très bien comme vomitif. Et si la fiévre devient très forte, il faut donner beaucoup de la potion No. 10. Ces maladies sont souvent épidémiques, comme les fiévres putrides simples. Il y en eut une nombreuse épidémie ici en 1753; & le traitement que je viens de proposer réussit très bien. Les vésicatoires aux jambes sont très utiles, quand l'oppression ne diminue pas après les évacuations générales.

§. 270. La fausse inflammation de poitrine est un engorgement du poulmon, produit par des matieres extrêmement tenaces, glaireuses, adhérentes, & non point par un vrai sang inflammatoire, ou par une humeur putride & bilieuse.

§. 271. Cette maladie attaque plus au printems que dans une autre saison. Les vieillards, les enfans foibles & mal constitués, les femmes languissantes, les hommes foibles & particulierement ceux qui sont usés par la boisson, sont les personnes qui en sont très fréquemment attaquées; surtout si elles ont pris peu de mouvement, pendant l'hyver; si elles ont vécu d'alimens visqueux, farineux, gras; comme pâtes, chataignes bouillies, fromages. Toutes leurs humeurs ont pris un caractere d'épaississement visqueux; elles circulent avec peine; & quand au printems, la chaleur ou l'exercice augmente le mouvement tout-à-coup, les humeurs qui trouvent un engorgement dans le poulmon l'augmentent. Cette partie se remplit, & le malade meurt.

§. 272. L'on reconnoît cette maladie, 1. quand les circonstances, dont j'ai parlé, ont précedé. 2. Par les symptomes qui la précedent. Le malade, plusieurs jours à l'avance, a un peu de toux, une legere oppression quand il se donne du mouvement, un peu d'inquiétude, quelquefois un peu de mauvaise humeur; le visage est plus rouge qu'il ne devroit être, il a du penchant au sommeil, & dort mal. 3. Quand cet état a duré quelques jours, il survient un frisson plus long que violent; ensuite une chaleur peu forte, mais accompagnée de beaucoup d'inquiétude & d'oppression. Le malade ne peut pas tenir au lit; il va & vient dans la chambre quoique très abattu; le pouls est foible & assez vite; les urines ne sont quelquefois que peu changées; d'autres fois en petite quantité & assez rouges; il ne tousse pas beaucoup, & ne crache qu'avec peine. Le visage est ordinairement très rouge & même livide, il ne peut ni veiller ni dormir; il a des momens de rêveries; dans d'autre l'esprit est libre. Quelquefois, surtout chez les vieillards, cet état finit tout-à-coup par un évanouissement mortel. D'autres fois l'oppression & l'angoisse augmentent; le malade ne peut respirer qu'assis, & avec un travail cruel; le cerveau s'embarrasse tout-à-fait, le pouls est très vite & très petit. Cet état dure quelques heures, & finit aussi tout-à-coup.

§. 273. Cette maladie est très dangereuse; premierement, parcequ'elle attaque des sujets dont le tempéramment n'a pas de ressources: en second lieu, parcequ'elle est prompte; car on meurt quelquefois dès le troisieme jour, & on passe rarement le septieme: pendant que la cause du mal demanderoit de longs secours. D'ailleurs, s'il y a des raisons pour employer un remede, il y en a souvent d'autres qui l'empêchent, & tout ce qu'on peut faire se réduit à ceci: 1. Si le malade a encore beaucoup de vigueur, s'il n'est pas d'un âge trop avancé, si le pouls a de la dureté, & en même tems de la force, si le tems est sec, & que le vent du nord domine, on doit faire une saignée raisonnable; mais si la plûpart de ces circonstances manquoient, elle seroit très nuisible. S'il falloit faire une regle générale, il vaudroit mieux bannir la saignée que de l'employer. 2. L'on débarrasse l'estomac & les intestins, des matieres glaireuses qu'ils contiennent; & les remedes qui réussissent le mieux, sont le remede No. 34, quand il y a des symptomes qui indiquent un grand besoin de vomir, ou celui No. 24, qui, après avoir fait vomir, purge par les selles, fait uriner, brise les glaires qui causent la maladie, & augmente la transpiration. Quand on craint le vomissement on donne la potion No. 11. Il faut être circonspect avec les vieillards; ils peuvent mourir pendant que le remede agit. 3. L'on fait boire, dès le commencement du mal, beaucoup de ptisane No. 25, qui est la meilleure boisson dans cette maladie, ou de celle No. 12, à chaque livre de laquelle on ajoute une demi dragme de nitre. 4. On donne de deux en deux heures, une tasse de la potion No. 8. 5o. L'on applique des vésicatoires aux gras des jambes.

Quand on n'est pas sûr de sa marche, il faut s'en tenir à ces trois derniers remedes, qui ont souvent suffi dans des cas assez graves, & qui ne peuvent point nuire.

§. 274. Quand cette maladie attaque les vieillards, quoiqu'ils guérissent en partie, cependant ils ne se remettent pas toujours entierement; & si l'on ne prend pas des précautions, ils tombent aisément dans l'hydropisie de poitrine.

§. 275. La fausse pleurésie est une maladie qui n'intéresse point le poulmon, mais seulement la peau & les muscles qui couvrent les côtes. C'est une humeur rhumatismale, qui se jette sur ces parties, & qui, y produisant des douleurs très vives, qui ressemblent à celle qu'on appelle point; a fait donner ce nom à la maladie. On croit ordinairement parmi le peuple, & même parmi beaucoup de gens d'un autre ordre, qu'une fausse pleurésie est plus dangereuse qu'une véritable; c'est une erreur. Elle est souvent précédée d'un frisson, & presque toujours accompagnée d'un peu de fiévre, d'une petite toux, & d'une legere difficulté de respirer, qui nait, aussi bien que la toux, de ce que le malade, souffrant dans les mouvemens de la respiration, les diminue autant qu'il peut; ce qui fait qu'il s'amasse un peu trop de sang dans le poulmon. Mais il n'a ni l'angoisse, ni les autres symptomes des vraies pleurésies. La douleur s'étend chez quelques malades, presque sur toute la poitrine, & jusques à la nuque. L'on ne peut pas se coucher sur le côté malade.

Cette maladie n'a pas plus de danger qu'un rhumatisme, excepté dans deux cas. 1. Quand la douleur est si forte, que le malade fait des efforts pour ne pas respirer; ce qui produit un engorgement dans le poulmon. 2. Quand cette humeur, comme toute autre humeur rhumatismale, se jette sur quelque partie intérieure.

§. 276. Il faut la traiter tout comme le rhumatisme (voyez §. 157, 158, 159). Après la saignée, ou les saignées, un vésicatoire sur l'endroit malade produit souvent un très bon effet: c'est véritablement l'espece de pleurésie dans laquelle il convient.

§. 277. Ce mal cede quelquefois à la premiere saignée, souvent il se termine le troisieme, le quatrieme, ou le cinquieme jour, par une sueur abondante: rarement il passe le septieme. Quelquefois il naît tout-à-coup, après une transpiration arrêtée; si dès ce moment & avant que la fiévre ait paru, & ait eu le tems d'enflammer le sang; on donne une infusion de faltran ou vulnéraires de Suisse, il guérit très promptement, en rétablissant la transpiration. Ce sont des cas semblables, ou celui §. 91, qui ont acquis à ce remede la réputation qu'il a contre cette maladie; réputation funeste, toutes les années, à plusieurs paysans, qui trompés par une fausse ressemblance, emploient hardiment ce remede dans les vraies inflammations.

Chargement de la publicité...