Avis au peuple sur sa santé: ou traité des maladies les plus fréquentes
CHAPITRE XXV.
La Galle.
§. 325. La galle est une maladie contagieuse par l'attouchement de la personne, ou des habits; mais non point par l'air; ainsi en évitant ces moyens d'infection, on peut être sûr de ne pas la prendre.
«Quoique toutes les parties du corps puissent en être attaquées, la galle se montre d'ordinaire, d'abord aux mains, & principalement entre les doigts. Il paroit au commencement, une ou deux pustules, qui sont remplies d'une espece d'eau claire, & qui donnent des démangeaisons très incommodes. Si on perce ces pustules en les grattant, l'eau qui en découle, communique le mal aux parties voisines. Dans le commencement, on ne peut gueres distinguer la galle, à moins qu'on ne soit bien au fait de ce mal; mais dans son progrès, les pustules augmentent en nombre, & en grandeur. Lorsqu'on les ouvre en les grattant, il s'y forme des croutes dégoûtantes, & le mal gagne toute la superficie du corps. Si elles durent long-tems, elles forment de petits ulceres, & elles sont en même-tems très contagieuses.»
§. 326. Le mauvais régime, surtout l'abus du salé & des fruits mal mûrs; & la malpropreté occasionnent cette maladie.
Quand elle paroit chez une personne, sans qu'on puisse soupçonner qu'elle l'a gagnée par contagion, il faut commencer par lui retrancher absolument le salé, & les choses aigres, les graisses, & les épiceries. On lui fait boire une ptisane de racine de chicorée amere, ou celle No. 25, dont on prend cinq ou six verres par jour; & on purge avec le No. 21, ou avec une once de sel de Sedlitz. On continue le régime: on repurge au bout de six ou sept jours; & ensuite on frotte toutes les parties malades, & les environs, le matin à jeun, avec le quart de l'onguent No. 51. Le lendemain, le surlendemain, & le quatrieme jour, on frotte de nouveau: & ensuite on emploie une seconde dose d'onguent, en frottant seulement de deux jours l'un. Il est rare que ces remedes n'emportent pas le mal; mais quelquefois, il revient. Il faut repurger, & revenir à l'onguent, dont j'ai éprouvé, & dont j'éprouve tous les jours les bons effets.
Si le mal est gagné par contagion, l'on peut hardiment employer l'onguent dès qu'on s'en apperçoit, sans l'avoir fait préceder d'aucun purgatif. Mais au contraire, quand on a négligé long-tems le mal, & qu'il est parvenu à un degré considérable, il faut que le malade ait été long-tems au régime que j'ai indiqué, & qu'il ait été purgé avant que d'en venir à l'onguent; & dans ces cas, j'ai toujours commencé par l'onguent No. 27, dont on emploie le demi quart tous les matins. Souvent même je n'emploie point l'autre, & j'ai toujours trouvé ce dernier tout aussi sûr, mais un peu plus lent.
§. 327. Pendant qu'on prend des remedes, il faut éviter le froid & l'humidité, sur-tout quand on fait usage du remede No. 27, dans lequel il entre du mercure, qui pourroit, si l'on négligeoit ces précautions, occasionner de l'enflure à la gorge, & aux gencives, & même une salivation. Cet onguent a un avantage sur l'autre, c'est qu'il n'a point d'odeur, & qu'on peut même lui donner une odeur agréable; mais il est très difficile de déguiser celle de l'autre.
Il faut aussi changer souvent de linge; mais il faut éviter de changer d'habit; parceque, les habits s'infectant, ceux qu'on a porté pourroient redonner la galle, quand on les reprendroit après être guéri.
«Il faut parfumer de soufre les chemises, culotes, bas, avant qu'on les mette; mais cette fumigation doit se faire en plein air.»
§. 328. Quand cette maladie dure très long-tems, elle épuise le malade par l'insomnie, l'inquiétude, des démangeaisons, & quelquefois la fiévre. Le malade maigrit extrêmement. Dans ces cas, il faut, après un purgatif doux, ordonner quelques bains tiedes. On met le malade au régime des convalescens, & en même-tems on lui fait prendre, soir & matin, la poudre No. 52, pendant quinze jours. Souvent la maladie est rebelle, & il faut varier les remedes suivant les circonstances; détail dans lequel je ne puis pas entrer.
§. 329. Après quelques purgatifs, des bains soufrés, tels que ceux d'Yverdun, guérissent très souvent. Et les simples bains froids de rivieres ou de lac, ont emporté des galles très rebelles.
Il n'y a rien qui entretienne plus long-tems la galle, que l'abus des eaux chaudes.
§. 330. Je réitére, qu'on ne doit jamais employer étourdiment l'onguent No. 51, ou les autres remedes qui font disparoître la galle. Il n'y a point de maux qu'on n'ait vu suivre la trop prompte guérison de cette maladie par des remedes extérieurs, employés avant que d'avoir évacué & un peu diminué l'âcreté des humeurs.