Avis au peuple sur sa santé: ou traité des maladies les plus fréquentes
CHAPITRE XXX.
Maladies chirurgicales. Des brulures,
des Plaies, des Meurtrissures, des
Ulceres, des Membres gelés, des Hernies,
des Clous, des Panaris, des
Verrues & des Cors.
§. 396. Les paysans sont exposés par leurs travaux, à plusieurs accidens extérieurs; coupures, meurtrissures &c. qui, quelques graves qu'ils soient, se termineroient presque toujours aisément, & cela par une suite de la nature du sang, qui a ordinairement beaucoup moins d'âcreté que dans les villes; mais un traitement pernicieux rend souvent facheux les maux les plus legers en eux-mêmes; & j'ai vu un si grand nombre de ces malheurs, qu'il me paroit nécessaire d'indiquer ici le traitement qui convient à ces maux externes, quand ils n'exigent pas nécessairement la main du Chirurgien. Je dirai aussi un mot de quelques maladies extérieures, qui dépendent cependant d'une cause interne.
Des Brulures.
§. 397. Quand la brulure est très legere, & qu'il n'y a point de vessie levée, il suffit d'y mettre une compresse trempée dans l'eau fraiche, & de la changer tous les quarts d'heures, jusques à ce qu'on ne sente plus de douleur. Quand il s'est levé une vessie, il faut y faire une très petite ouverture, qui laisse écouler l'humeur, & l'on applique dessus une compresse de linge très fin, enduite de la pommade No. 63, qu'on change deux fois par jour. Si la peau est brulée & les chairs mêmes endommagées, il faut se servir de la même pommade; mais au lieu d'une compresse, il faut se servir de charpie, qui s'applique plus exactement; & par dessus la charpie, on met une simple toile cirée, que chacun peut aisément préparer, No. 64, ou, si l'on veut, un sparadrap, No. 65. Mais indépendamment de ces secours extérieurs, qui sont les plus efficaces qu'on puisse employer; quand la brulure est très forte & très enflammée, & qu'on craint les progrès & les suites de cette inflammation, il faut employer les mêmes remedes que dans les fortes inflammations. L'on doit faire une saignée, & mettre au régime; ne faire boire que les ptisanes No. 2 ou 4, & donner tous les jours deux lavemens simples.
Quand le mal est proche de sa fin, & qu'il ne reste plus qu'une très petite plaie, il suffit d'appliquer le sparadrap No. 65.
Des Plaies.
§. 398. Si une plaie a pénétré dans l'intérieur des cavités, & a blessé quelque partie contenue dans la poitrine & dans le ventre; si sans pénétrer dans les cavités, elle a ouvert quelque grosse artere; si elle a blessé quelque nerf, ce qui occasionne des accidens beaucoup plus violens qu'ils ne devroient être sans cela; si elle est allée jusques à l'os, & qu'il ait souffert; enfin s'il survient quelque symptôme extraordinaire, il faut nécessairement appeller un Chirurgien. Mais quand la plaie n'est accompagnée d'aucune de ces circonstances, qu'elle n'intéresse que la peau, les graisses, les chairs, & des petits vaisseaux, l'on peut la panser aisément sans secours, parcequ'ordinairement tout se réduit à la préserver des impressions de l'air, & à donner cependant issue au pus.
§. 399. Si le sang ne sort d'aucun vaisseau considérable, mais coule à-peu-près également de tous les points de la plaie, on peut hardiment le laisser couler, pendant qu'on prépare promptement de la charpie. Quand elle est prête, on en met ce qu'on peut dans la plaie, sans la presser, ce qui seroit très facheux, & auroit les mêmes inconvéniens que les tentes & les bourdonnets; on la couvre avec une compresse huilée avec un peu d'huile d'olive, ou la toile cirée No. 64, je préfere la compresse pour les premiers pansemens; & l'on soutient le tout avec une bande large de deux doigts, longue proportionnellement au volume de la partie qu'il faut bander, & qu'on serre assez pour qu'elle ne se dérange pas; assez peu, pour qu'elle n'occasionne aucune inflammation. On laisse cet appareil vingt-quatre heures; les plaies étant d'autant plutôt guéries, qu'on les panse moins souvent. Alors on ôte la charpie qu'on peut ôter aisément; & s'il y en a qui se soit attachée par le dessechement du sang, on la laisse, l'on se contente d'en remettre un peu de nouvelle, & le reste du pansement se fait comme la premiere fois.
Au bout de vingt-quatre heures, on trouve ordinairement la premiere charpie détachée, & la plaie commence à suppurer. On continue à y mettre un peu de charpie, point serrée, & d'appliquer la toile cirée. Quand la plaie est devenue tout-à-fait superficiele, il suffit d'appliquer la toile cirée, ou le sparadrap No. 65, sans charpie.
Les personnes qui ont quelque prédilection pour les huiles impregnées des vertus de quelques plantes, peuvent, si cela augmente leur confiance, employer celles de millepertuis, de trefle, de lis, de camomille, de balsamines, de roses rouges.
§. 400. Quand la plaie est considérable, on doit s'attendre qu'elle s'enflammera, avant que la suppuration, qui alors paroit plus tard, ait pû s'établir, & que cette inflammation sera accompagnée de douleurs, fiévre, quelquefois de rêveries; il faut dans ce cas, au lieu de la compresse ou de la toile cirée, appliquer un cataplasme de mie de pain & de lait, dans lequel on met un peu d'huile, afin qu'il ne s'attache pas; & on le change, sans toucher à la plaie, deux & même trois fois par jour.
§. 401. S'il y avoit quelque vaisseau un peu gros ouvert, il faudroit appliquer dessus un morceau d'agaric de chêne, No. 66, dont on devroit avoir par-tout. On le contient en appliquant dessus beaucoup de charpie, & en couvrant le tout avec une grosse compresse, & un bandage un peu plus serré qu'à l'ordinaire. Si cela ne suffisoit pas, & que la plaie fût à un bras, ou à une jambe, il faudroit faire une forte ligature, en dessus de la plaie, avec un tourniquet, qui se fait dans le moment, avec un écheveau de fil, ou de chanvre, qu'on passe autour du bras en forme d'anneau; on introduit entre deux une piece de bois épaisse d'un pouce, & longue de quatre ou cinq, & en tournant cette piece de bois, on serre autant que l'on veut; tout comme le paysan serre un tonneau, ou une piece de bois sur sa charette, avec la chaîne & le levier ou garrot. Mais il faut avoir soin; 1. d'arranger l'écheveau de façon qu'il conserve une largeur de deux pouces; & 2. de ne pas serrer assez fort pour occasionner une inflammation, qui dégénereroit bientôt en gangrene.
§. 402. Tous les éloges prodigués à une quantité d'onguens, sont une pure charlatannerie; l'art ne contribue pas le moins du monde à la guerison des plaies; c'est la nature qui fait tout; & tout ce que nous pouvons, c'est d'éloigner les obstacles qui s'opposent à la réunion. Pour cela, s'il y a quelque corps étranger dans la plaie, comme fer, plomb, bois, verre, morceaux d'habits & de linge, il faut les ôter, si l'on peut le faire avec beaucoup de facilité, si-non, il faut s'adresser à un bon Chirurgien, qui décide quel parti l'on doit prendre. Ensuite on panse comme je l'ai dit. Bien loin d'être utiles, il y a beaucoup d'onguens qui pourroient faire beaucoup de mal; & les seuls cas dans lesquels on doit en employer, c'est quand il y a dans la plaie quelques vices, qu'il faut détruire par des secours particuliers; mais une plaie fraiche, dans un homme sain, n'en veut point d'autres que ceux que je viens d'indiquer, & ceux du régime.
Les applications spiritueuses sont ordinairement nuisibles. Quand les plaies sont à la tête, au lieu de la compresse huilée, ou du sparadrap, on couvre la plaie avec une emplâtre de bétoine, ou si l'on n'en a point, on trempe la compresse dans du vin chaud.
§. 403. Comme les accidens qu'on a à craindre, sont ceux de l'inflammation, les secours qu'on doit employer, sont ceux qui détruisent cette maladie; la saignée, le régime, les rafraichissans, les lavemens. Quand la plaie est très legere, il suffit de ne rien prendre d'échauffant; & sur-tout il faut retrancher l'usage du vin & de la viande. Quand elle est considérable, & qu'on craint l'inflammation, il faut nécessairement faire une saignée, ordonner un repos total, & mettre au régime: quelquefois même, il faut réitérer la saignée. Ces secours sont sur-tout indispensablement nécessaires, quand la blessure a attaqué quelque partie intérieure; & il n'y a pas de remede plus sûr, qu'une diette extrêmement legere. Des malades jugés ne devoir vivre que quelques heures, après des plaies de la poitrine, du bas-ventre, des reins, ont été complettement guéris, en ne vivant, pendant plusieurs semaines, que de ptisane d'orge, ou d'autres ptisanes farineuses, sans sel, sans bouillon, sans aucun remede quelconque, & sur-tout sans onguents.
§. 404. Les baumes & les plantes vulnéraires si vantés, sont très nuisibles, pris intérieurement, parceque leur usage donne la fievre & qu'il faut l'abattre.
§. 405. Autant la saignée, faite modérément, est utile, autant son excès est nuisible. Les grandes blessures sont ordinairement accompagnées d'une hémorrhagie considérable, qui épuise déja le malade, & souvent la vitesse du pouls est une suite de cette hémorrhagie. Si, dans ces circonstances, l'on ordonne encore des saignées, l'on détruit totalement les forces; les humeurs croupissent, se corrompent; la gangrene survient, & le malade meurt misérablement, au bout de deux ou trois jours, par une suite des saignées, & non pas de la blessure. Le Chirurgien se glorifie de dix, douze, quinze saignées, & prouve que la blessure étoit nécessairement mortelle, puisque tant de sang répandu, n'a pas pu sauver le malade; pendant que c'est réellement cette profusion qui l'a tué. Les plaisirs de l'amour sont mortels aux blessés.
Des Meurtrissures.
§. 406. L'on appelle meurtrissure ou contusion, cassein, parmi le peuple, l'effet du coup d'un corps non tranchant, sur le corps de l'homme ou d'un animal; soit qu'il soit jetté contre l'homme, comme quand on reçoit un coup de pierre ou de bâton; soit que l'homme soit porté contre lui, comme dans une chûte; soit enfin que l'on se trouve serré entre deux corps, comme quand le doigt est pris entre la porte & le montant, ou tout le corps froissé entre une voiture & une muraille. Les meurtrissures sont encore plus fréquentes à la campagne que les plaies, & ordinairement plus dangereuses; d'autant plus que souvent on ne peut pas juger exactement de tout le mal, & que le désordre qui se manifeste d'abord, n'est qu'une petite partie du mal réel; souvent même il ne s'en manifeste point d'abord, & il ne se déclare que quand il n'est plus tems d'y remédier.
Il n'y a que quelques semaines, qu'un Tonnelier vint me consulter; sa respiration, sa physionomie, la vitesse, la petitesse & le peu de régularité de son pouls, me firent d'abord juger qu'il y avoit du pus dans la poitrine. Il alloit & venoit cependant encore, & travailloit même à quelques fonctions de son métier. Il avoit fait une chûte en remuant des tonneaux, & tout le poids de son corps avoit porté sur le côté droit de la poitrine. Il ne sentit cependant presque rien d'abord; mais quelques jours après, il commença à avoir une douleur sourde dans cette partie, qui continua & amena la gêne dans la respiration, la foiblesse, le mauvais sommeil, le manque d'appétit. Je lui ordonnai le repos; je lui défendis la viande & le vin, & je lui conseillai la ptisane d'orge, avec un peu de miel, bue abondamment. Il ne suivit exactement que le dernier conseil. Quelques jours après, l'ayant rencontré, il me dit qu'il se trouvoit mieux. Dans la même semaine, je sûs qu'on l'avoit trouvé mort dans son lit: l'abcès s'étoit surement rompu, & l'avoit étouffé.
Un jeune homme, emporté par un cheval, fut froissé contre la porte d'une écurie, sans ressentir d'abord aucun mal. Au bout d'une douzaine de jours, il eut les malaises qu'on a au commencement d'une fievre: l'on crut qu'il avoit une fievre putride, & il fut très mal traité pendant plus d'un mois. Enfin une consultation décida qu'il y avoit du pus dans la poitrine; on l'envoya chez lui, & l'opération de l'empyeme put heureusement le guérir. J'ai cité ces deux exemples, pour prouver le danger qu'il y a à négliger les coups violens.
Ces deux malades auroient évité vraisemblablement, l'un, la mort, l'autre, une maladie longue & cruelle, s'ils avoient pris, d'abord après l'accident, les précautions nécessaires dans ces cas.
§. 407. Quand une partie est meurtrie, il arrive de deux choses l'une, & ordinairement toutes deux à la fois, sur-tout si la meurtrissure est un peu considérable; ou les petits vaisseaux de la partie meurtrie sont brisés, & le sang qu'ils contenoient s'épanche dans le voisinage; ou, sans épanchement, ces vaisseaux perdent leur force, &, n'aidant plus la circulation, le sang croupit. Dans l'un & l'autre cas, si la nature, ou seule, ou aidée, n'y remédie pas, il survient une inflammation, suppuration de mauvaise espece, pourriture, gangrene, sans parler des accidens qui dépendent de la meurtrissure de quelque partie particuliere, comme nerf, gros vaisseau, os. L'on comprend aussi tous les dangers de la meurtrissure, quand elle a attaqué quelque partie intérieure, & que le sang s'est épanché, ou que la circulation ne se fait plus dans quelque partie importante à la vie: c'est-là la cause de la mort subite des personnes qui ont fait quelque chûte violente, ou reçu quelques corps pesants sur la tête, ou quelques coups, sans qu'il paroisse aucun mal extérieurement.
L'on a plusieurs exemples de morts subites après un coup de poing sur le creux de l'estomac, qui occasionnoit la rupture de la ratte: c'est parceque les chûtes occasionnent une legere meurtrissure générale, tant intérieure qu'extérieure, qu'elles ont quelquefois des suites si fâcheuses, sur-tout pour les vieillards, chez lesquels la nature, déja affoiblie, ne rétablit point les désordres; aussi l'on en voit plusieurs, qui, ayant joui d'une excellente santé, la perdent au moment d'une chûte, qui paroit d'abord ne leur faire aucun mal, & languissent continuellement jusques à leur mort, que ces accidens accelerent presque toujours.
§. 408. Il y a pour les meurtrissures, des remedes internes & externes. Quand le mal est leger, & qu'il n'y a point eu de secousse générale, qui ait pu occasionner des meurtrissures intérieurement, les remedes externes suffisent. Ils doivent être propres 1o. à résoudre ce sang épanché, qu'on voit d'une maniere si marquée, & qui, de noir qu'il est un peu après la contusion, devient successivement brun, jaune, grisâtre, à mesure que la grosseur diminue: elle disparoît enfin totalement, & la peau reprend sa couleur, sans que ce sang soit sorti extérieurement; mais peu-à-peu il se dissout, & il est repompé par les vaisseaux. 2o. A redonner un peu de force aux vaisseaux. Le meilleur, c'est le vinaigre, mêlé, s'il est fort, avec le double d'eau tiede. Dans ce mêlange, on trempe des linges, qui servent à envelopper la partie meurtrie, & qu'on change toutes les deux heures, pendant le premier jour.
L'on applique aussi, avec grand succès, le persil, le cerfeuil, l'artichaud sauvage, legerement concassés; & ces remedes sont à préférer au vinaigre, quand il y a, en même tems, plaie & meurtrissure: l'on peut aussi appliquer les cataplasmes No. 67.
§. 409. L'on est dans l'usage d'employer d'abord les liqueurs spiritueuses, telles que l'eau de vie, l'eau d'arquebusade; mais un long abus ne doit pas faire loi. Ces liqueurs qui épaississent le sang, au lieu de le dissoudre, sont réellement nuisibles, quoiqu'on les emploie quelquefois impunément dans les cas très legers. Souvent, en déterminant ce sang épanché vers les entre-deux des muscles, ou même en l'empêchant de s'épancher, & en le figeant dans les vaisseaux meurtris, elles paroissent guérir: mais ce n'est qu'en concentrant le mal, qui se reproduit sous une forme fâcheuse, au bout de quelques mois. J'ai vu de tristes exemples de ce cas; ainsi l'on ne doit jamais employer les remedes de cette espece, & le vinaigre doit les remplacer. L'on peut, tout au plus, quand on juge que tout le sang épanché est dissout & repompé, mêler un tiers d'eau d'arquebusade au vinaigre, afin de redonner un peu de force aux parties affoiblies.
§. 410. C'est une méthode encore plus pernicieuse, d'appliquer des emplâtres composées de graisses, de résines, de gommes, de terres, &c. Le plus vanté est toujours nuisible; & l'on a plusieurs exemples de contusions, extrêmement legeres, qui auroient été guéries en quatre jours, si on en avoit remis tout le soin à la nature, & que des emplâtres, appliqués par des ignorans, ont fait dégénérer en gangrene.
§. 411. L'on ne doit jamais ouvrir ces sacs de sang coagulé, qu'on apperçoit sous la peau, à moins de quelque raison pressante; parceque, quelques gros qu'ils soient, ils se dissipent peu à peu; au lieu qu'en les ouvrant, ils laissent quelquefois une ulcération dangereuse.
§. 412. Le traitement intérieur est précisément le même, que celui des plaies. Mais dans ce cas, la meilleure boisson, c'est le remede No. 1, auquel on joint une dragme de nitre par pinte.
Quand quelqu'un a fait une violente chûte, qu'il a perdu connoissance, ou qu'il est fort étourdi; que le sang sort par les narines, ou par les oreilles, qu'il est fort oppressé, ou qu'il a le ventre fort tendu, ce qui dénote épanchement de sang dans la tête, la poitrine, ou le bas ventre, il faut sur-le-champ, en commençant par la saignée, employer tous les secours, §. 403, & donner au malade le moins de mouvement qu'il est possible. Il faut surtout éviter de le secouer, ou de l'agiter, dans la vue de rappeller le sentiment; c'est exactement le tuer, en augmentant l'épanchement. Il faut fomenter tout le corps avec quelqu'une des décoctions indiquées. Quand le mal est à la tête, il faut les faire avec de l'eau & du vin, au lieu de vinaigre. L'on a vu des chûtes accompagnées de blessure & de fracture du crâne, avec les accidens les plus graves, se guérir par ces secours internes, & sans autres secours externes, que des fomentations aromatiques.
Un homme de Pully-petit vint me consulter, il y a quelques mois pour son pere, qui avoit fait une chute de dessus un arbre: il étoit depuis vingt-quatre heures sans sentiment, sans connoissance, & sans autre mouvement que des efforts fréquens pour vomir; il perdoit du sang par le nez & les oreilles; il n'y avoit point de mal extérieur, ni à la tête ni ailleurs. Heureusement on ne lui avoit rien fait. Je lui conseillai une ample saignée, & beaucoup de petit lait miellé, en boisson & en lavement; on exécuta ponctuellement l'ordonnance. Quinze jours après le pere vint à Lausanne, qui est à quatre lieues de Pully-petit, & me dit qu'il se portoit très bien. Il convient, dans toutes les contusions considérables, de purger avec quelque purgatif rafraichissant; comme Nos. 11, 22, 31, 46. Le remede No. 23, & le petit lait miellé sont excellens par la même raison.
§. 413. Dans ces circonstances, le vin, les liqueurs, tout ce qui anime, tue; ainsi il ne faut point s'impatienter de ce que les malades sont sans connoissance & sans sentiment. L'usage de la térébenthine peut faire plus de mal, que de bien. Si elle a été utile quelquefois, c'est en purgeant un malade, qui, peut-être en avoit besoin. Le blanc de baleine, le sang dragon, les yeux d'écrevisses, les graisses quelconques, sont des remedes au moins inutiles, & dangereux, si le cas est grave, soit par le mal réel qu'ils font, soit par le bien qu'ils empêchent de faire.
§. 414. Quand un vieillard a fait une chute, ce qui est d'autant plus dangereux, qu'il est plus âgé & plus replet, quoiqu'il ne paroisse point incommodé, il faut, s'il est sanguin, & encore vigoureux, lui faire une petite saignée de trois ou quatre onces; lui donner tout de suite quelques tasses d'une boisson un peu aromatique, qu'il boit chaude, comme de la melisse avec du miel, & le faire promener doucement. Il faut qu'il diminue un peu la quantité de ses alimens, pendant quelques jours, que deux fois par jour, il réitére sa boisson; & qu'il continue regulierement un petit exercice.
§. 415. Les entorses, ou foulures, qui arrivent très fréquemment, sont une espece de meurtrissure, occasionnée par le violent frottement des os, contre les parties voisines; & quand les os se remettent d'abord à leur place, le mal ne doit être traité, que comme contusion; s'ils ne se remettent pas, il faut la main d'un Chirurgien.
Le meilleur remede, c'est la compresse de vinaigre & d'eau, & le parfait repos, jusques à ce que toute la contusion soit dissipée, & qu'on soit sûr qu'il n'y a point d'inflammation à craindre. Alors on fait bien de joindre au vinaigre, un peu d'eau de vie, ou d'eau d'arquebusade; & l'on doit porter la partie (c'est presque toujours le pied) bandée assez long-tems; sans quoi, elle fait souvent de faux mouvemens, ou elle reçoit de nouvelles entorses, qui l'affoiblissent journellement davantage; & si l'on néglige trop long-tems ce mal commençant, la force ne revient jamais en entier: & souvent il survient une legere enflure pour toute la vie.
Quand le mal est extrêmement leger, le bain d'eau froide est bon. Si on ne le fait pas dans le premier moment, ou si la contusion est forte, il est nuisible.
La méthode de rouler le pied nud sur quelque corps rond, est insuffisante quand les os ne sont pas parfaitement replacés, nuisible quand il y a contusion.
Il arrive tous les jours que les paysans s'adressent à des ignorans ou à des gens de mauvaise foi, qui trouvent, ou veulent trouver, un dérangement des os, là où il n'y en a point; & qui, par la violence avec laquelle ils manient ces parties, ou par les emplâtres dont ils les couvrent, y attirent une inflammation dangereuse, & changent en mal très grave, la crainte d'un mal très leger.
Ce sont ces mêmes gens, qui ont créé des maladies impossibles; telles que l'estomac & les reins ouverts. Mais ces grands mots effraient, & ils dupent plus aisément.
Des Ulceres.
§. 416. Quand les ulceres dépendent d'une corruption générale de la masse du sang, on ne peut les guérir, qu'en détruisant la cause, qui les entretient; & c'est même une imprudence, que de vouloir les fermer par des remedes extérieurs, & un malheur, que de réussir.
Mais le plus souvent les ulceres, à la campagne, sont les restes de quelque plaie, de quelque meurtrissure, ou de quelques tumeurs mal traitées & surtout pansées avec des remedes trop âcres ou trop spiritueux. Les huiles rances, sont aussi une des causes, qui changent en ulceres rebelles, les plaies les plus simples; ainsi l'on doit les éviter, & les Apoticaires doivent avoir cette attention; quand ils préparent des onguens gras, qu'il convient de préparer souvent; parcequ'une grosse provision est rancie avant que d'être débitée, quoiqu'on eût employé de l'huile très fraiche en la préparant.
§. 417. Ce qui distingue les ulceres des plaies, c'est la dureté & la secheresse de leurs bords, & la nature de l'humeur qui en découle, qui, au lieu d'être un vrai pus, est une liqueur moins épaisse, moins blanche, qui exhale quelquefois une mauvaise odeur, & si âcre, que souvent, si elle touche la peau du voisinage, elle y produit de la rougeur, de l'inflammation, des boutons, des especes de dartres, & même de nouvelles ulcerations.
§. 418. Les ulceres qui durent trop long-tems, qui sont étendus, ou qui fluent beaucoup, minent le malade & le jettent dans une fiévre lente, qui le tue.
Quand un ulcere a duré long-tems, il est très dangereux de le tarir, & l'on ne doit jamais le faire, qu'en suppléant à cette évacuation, qui est presque devenue naturelle, par quelqu'autre; comme les purgations de tems en tems.
L'on voit tous les jours des morts subites, ou des maladies cruelles, après avoir arrêté tout-à-coup ces écoulemens, qui duroient depuis long tems; & quand quelque Charlatan, (tous ceux qui font cette promesse méritent ce nom) promet de guérir, en peu de jours, un ulcere invéteré, il prouve qu'il est un ignorant dangereux; qui, s'il réussissoit, rendroit un office mortel. L'on en voit qui appliquent des remedes extrêmement rongeans, & même arsenicaux; mais l'on voit aussi la mort la plus violente être la suite de ces applications dangereuses.
§. 419. Tout ce que l'art peut faire, relativement aux ulceres, c'est de les changer en plaies. Pour cela, il faut diminuer la dureté & la sécheresse des bords, & même de tout l'ulcere, & en ôter l'inflammation. Quelquefois ce vice est tel, qu'on ne peut amollir les bords, qu'en les scarifiant par des coups de lancette. Quand cela n'est pas nécessaire, il faut appliquer sur tout l'ulcere un plumaceau enduit de l'onguent No. 68, & recouvrir, avec une compresse pliée en plusieurs doubles, trempée dans la liqueur No. 69, qu'on change trois fois par jour, & le plumaceau seulement deux fois.
Comme j'ai dit que les ulceres étoient souvent le produit des remedes âcres & spiritueux, l'on sent qu'il faut absolument les éviter dans les traitemens; sans quoi l'on ne guérira jamais.
Il faut, pour avancer la guérison, éviter le salé, le vin, les épices, manger peu de viande, & entretenir la liberté du ventre par un régime de legumes, & par l'usage du petit lait miellé.
Quand les ulceres sont aux jambes, ce qui est très ordinaire, il est très important, aussi bien que dans les plaies des mêmes parties, de marcher peu, & de ne se tenir jamais debout sans marcher. C'est ici un de ces cas dans lesquels je souhaite que les personnes qui ont quelque crédit sur l'esprit du peuple, ne négligent rien pour lui faire comprendre la nécessité de prendre quelques jours d'un repos absolu, & lui prouver que bien loin que ce soit un tems perdu, c'est le tems de sa vie le plus chérement payé. La négligence à cet égard change les plaies les plus legeres en ulceres; les ulceres les moins fâcheux, en ulceres incurables; & il n'y a personne qui ne puisse trouver dans son voisinage, quelque famille réduite à l'hôpital, parcequ'on a négligé quelque mal de cette espece.
Je réitére que les ulceres qui viennent de cause interne, ou ceux qui viennent de cause externe, mais chez une personne d'un mauvais tempéramment, demandent souvent d'autres soins.
Des Membres gelés.
§. 420. Il arrive souvent dans les hyvers rigoureux, que quelques personnes sont saisies par un froid si fort, que les mains ou les pieds, ou ces deux parties à la fois gelent tout comme un morceau de viande exposé à l'air.
Si l'on se laisse aller au mouvement si naturel de les réchauffer, & surtout de réchauffer les parties gelées, tout est perdu. Il survient des douleurs insupportables, & une gangrene incurable. Il n'y a plus de ressource pour les sauver, que de leur couper les membres gangrenés.
L'on a vu, il n'y a que peu de tems, à Cossonay, le triste cas d'un homme qui eut les mains gelées. On lui appliqua chaudement des onguens gras; la gangrene suivit, & l'on fut obligé de lui couper les dix doigts.
§. 421. Il n'y a qu'un seul remede dans ce cas-là, c'est de mettre les malades dans un endroit où il ne puisse pas geler; mais où il fasse très peu chaud, & de leur appliquer continuellement, sur les parties gelées, de la neige si l'on en a, sinon de les laver continuellement, mais fort doucement, car toute friction forte seroit dangereuse, avec des linges trempés dans de l'eau de glace, à mesure qu'elle se fond. Ils s'apperçoivent peu-à-peu que le sentiment renaît; ils éprouvent une grande chaleur dans la partie, & commencent à en recouvrer le mouvement; alors on peut les porter dans un endroit un peu plus chaud, & leur donner quelques tasses de la potion No. 13, ou de quelqu'autre de même espece.
§. 422. Il n'y a personne qui ne puisse juger du danger de la méthode échauffante, & de l'utilité de l'eau glacée, par une expérience qui se fait tous les jours. Les poires, les pommes, les raves gelées, mises dans l'eau prête à geler, reprennent leur premier état, & peuvent être mangées. Si on les met dans l'eau tiede, ou dans un endroit chaud, la pourriture, qui est une gangrene, s'en empare d'abord. Je joindrai ici une observation, qui fera mieux comprendre ce traitement, & en constatera l'efficacité.
«Un homme avoit une route de dix lieues à faire, par un tems froid, & un chemin plein de neige & de glace. Ses souliers lui manquerent; il fit les trois dernieres lieues à pieds nuds, & eut, dès la premiere demi lieue, des douleurs assez vives aux jambes & aux pieds, qui allerent en augmentant. Il arriva presque perclus des extrêmités inférieures. On le mit devant un grand feu, on échauffa bien un lit, & on l'y coucha. Les douleurs devinrent insupportables; il ne cessoit d'être dans de violentes agitations, & de pousser des cris perçans. On demanda un Medecin dans la nuit, qui trouva les doigts des pieds d'une couleur noirâtre, & commençant à perdre le sentiment. Les jambes & le dessus des pieds excessivement enflés, d'un rouge pourpre, varié de taches violettes, souffroient encore les douleurs les plus aigües. Le poulx étoit dur & fréquent, & le mal de tête très violent. Le Medecin fit apporter un seau d'eau de la riviere, & y fit ajouter de la glace; & il obligea le malade à plonger les jambes dedans: ce premier bain dura près d'une heure; & les douleurs, pendant ce tems là, furent moins violentes: une heure après il ordonna un second bain, & le malade s'y trouvant de nouveau soulagé, le prolongea deux heures. Pendant ce tems là, on enlevoit de l'eau du seau; & l'on y remettoit de la glace & de la neige. Les doigts des pieds, qui étoient noirs, devinrent rouges; les taches violettes des jambes se dissiperent, l'enflure diminua; les douleurs étoient legeres & avec intervalle. L'on réitera cependant six fois: après quoi il ne resta d'autre mal, qu'une sensibilité à la plante des pieds, qui empêchoit le malade de marcher. On lui fit quelques fomentations aromatiques, on lui fit boire une ptisane de salsepareille; (celle de sureau est toute aussi bonne & moins couteuse.) Le huitieme jour il fut parfaitement guéri, & s'en retourna le quinzieme jour, à pied.»
§. 423. Quand le froid est très fort, & qu'on y reste long-tems exposé, il tue; il congele le sang, & il en détermine une trop grande quantité au cerveau; ainsi on meurt d'apoplexie, & cette apoplexie commence par un sommeil: aussi le voyageur, qui se sent assoupi, doit redoubler d'efforts pour se tirer du danger éminent auquel il est exposé: ce sommeil, qui paroit devoir adoucir ses souffrances, seroit pour lui le dernier sommeil.
§. 424. Les remedes, dans ce cas, sont les mêmes que dans le cas précédent §. 421, 422. Il faut mettre le malade dans un endroit plutôt froid que chaud; le frotter avec de la neige, ou de l'eau glacée, l'on a même plusieurs exemples constatés, & ils sont fréquens dans les païs plus froids, qu'un bain d'eau très froide est très salutaire.
L'on a rappellé à la vie plusieurs personnes, qui avoient été dans la neige, ou exposé à l'air pendant une forte gelée cinq ou six jours, & qui ne donnoient aucun signe de vie, pendant plusieurs heures; ainsi il faut toujours essayer de donner du secours.
Des Hernies.
§. 425. Les Hernies, descentes, ruptures, que le païsan désigne, en disant, qu'il est rompu, sont quelquefois une maladie de naissance, plus souvent l'effet des cris excessifs, d'une toux forte, ou d'efforts réitérés pour vomir dans la premiere enfance. Dans la suite, elles sont produites à tout âge, ou par quelques maladies, ou par des efforts violens: elles sont beaucoup plus fréquentes chez les hommes, que chez les femmes; & l'espece la plus commune, la seule dont je me propose de dire un mot, c'est celle qui dépend du passage d'une partie des intestins, ou de la coëffe, dans les bourses.
Elle est aisée à connoître. Quand elle se trouve chez de petits enfans, on la guérit presque toujours en faisant porter constamment un bandage, qui ne doit être que de triege, avec une pelotte de linge, de crin, ou de son. Il faut en avoir au moins deux, afin de les changer de tems-en-tems, & avoir le plus grand soin de ne jamais le mettre, que quand l'enfant est couché sur le dos, & qu'on est sûr, que tout est bien rentré. Sans cette précaution, il feroit les plus grands maux.
L'on peut aider l'effet du bandage, en appliquant sur la peau dans le pli de l'aine, à l'endroit du passage, une emplâtre astringente quelconque, comme celui pour les fractures, ou celui dont j'ai parlé.
L'on ne doit point laisser monter à cheval les enfans, jusques à ce qu'ils soient entierement guéris.
§. 426. Dans un âge plus avancé, un bandage simplement de triege est insuffisant; il en faut un où il y ait du fer; &, quelque gênant qu'il paroisse d'abord, l'on s'accoutume bien vite à cet usage, & l'on n'en est plus incommodé.
§. 427. Les hernies acquierent quelquefois, un volume prodigieux; & la plus grande partie des intestins passe dans les bourses, sans aucun symptome de maladie; mais cela entraine une incommodité très grande, qui met ordinairement ces gens hors d'état de travailler; & quand le mal est aussi considérable, & en même tems invétéré, il y a ordinairement des obstacles, qui empêchent qu'il ne rentre tout à fait; l'usage du bandage est impossible, & ces infortunés sont condamnés à porter toute leur vie cette incommodité, qu'on peut un peu soulager, par l'usage d'un suspensoir, adapté à la taille de la hernie. Cette crainte d'augmentation, est une raison bien forte pour en arrêter le progrès dès les commencemens; il y en a une encore plus forte, c'est que les hernies sont susceptibles d'un accident, qui est très souvent mortel. Il arrive, quand la partie des intestins, qui est dans les bourses, s'enflamme, qu'alors, acquérant plus de volume, & se trouvant extrêmement comprimés, il survient des douleurs aigües; le volume étant plus considérable, le passage qui les avoit laissé sortir, ne peut les laisser rentrer; les vaisseaux mêmes étant gênés, l'inflammation augmente d'un moment à l'autre; la communication entre l'estomac & le fondement, est souvent entiérement interceptée; il ne passe rien: il survient des vomissemens continuels, (c'est l'espece de miséréré dont j'ai parlé §. 301.) le hoquet, le délire, les défaillances, les sueurs froides, la mort.
§. 428. Cet accident des hernies arrive, quand les excrémens viennent à se durcir dans la partie des boyaux renfermés dans les bourses; quand le malade s'est échauffé par le vin, les liqueurs, le régime; quand il a reçu quelque coup sur cette partie, ou qu'il a fait quelque chute.
§. 429. Le meilleur remede est, 1o. dès qu'on s'apperçoit de cet accident, une très forte saignée, faite dans le lit, le malade étant couché sur le dos, la tête cependant un peu élevée, & les jambes un peu flechies, de façon que les genoux soient en l'air. C'est même l'attitude qu'ils doivent toujours conserver, autant qu'il est possible. Quand le mal n'est pas trop avancé, souvent la premiere saignée guérit radicalement, & les intestins rentrent dès qu'elle est faite. D'autres fois, cela ne réussit pas aussi bien, & il faut alors réitérer la saignée. 2o. On ordonne un lavement No. 46. Il faut appliquer sur toute la tumeur, des linges trempés dans l'eau glacée, & les changer constamment tous les quarts d'heures. Ce remede appliqué d'abord, a produit les plus grands effets; mais si le mal a duré violemment plus de dix ou douze heures, il est trop tard, & alors il convient mieux d'appliquer des flanelles trempées dans une décoction tiede de fleurs de mauve & de sureau, & les changer souvent. 3o. Quand ces secours ne sont pas suffisans, il faut essayer les lavemens de fumée de tabac, qui ont souvent dégagé des hernies qui résistoient à tout. Enfin, si ces remedes ne réussissent pas, il faut se déterminer à faire l'opération, sans perdre un seul moment; car ce mal tue quelquefois au bout de deux jours; mais pour cela il faut avoir un très bon Chirurgien.
L'on a vu ici une femme, morte depuis quelques années, qui entreprenoit effrontément cette opération, & tuoit les malades, après les tourmens les plus cruels, & l'amputation du testicule, que font toujours les Charlatans, & les Chirurgiens ignorans; mais qu'un Chirurgien entendu ne fait jamais dans ce cas.
Je ne parlerai point de la façon de la faire, parceque je ne pourrois pas m'étendre assez pour instruire un Chirurgien qui l'ignoreroit; & qu'un Chirurgien éclairé sait tout ce que je pourrois lui dire.
Des Furoncles ou Clous.
§. 430. Tout le monde connoît les furoncles, ou clous, qui font quelquefois souffrir beaucoup, s'ils sont gros, fort enflammés, ou situés de façon à gêner les mouvemens, ou les positions. Quand l'inflammation est très considérable, qu'il y en a plusieurs à la fois, qu'ils empêchent de dormir, il convient de se mettre à un régime rafraichissant, de prendre quelques lavemens, de boire beaucoup de ptisane No. 2.
Si l'inflammation est très forte, on applique extérieurement un cataplasme de mie de pain & de lait, ou d'oseille un peu bouillie & pilée. Si elle est moins forte, l'on se sert de l'emplâtre de mucilage ou diachilon simple étendu sur de la peau. Le diachilon gommé est plus actif; mais chez quelques personnes, il augmente si fort les douleurs, qu'elles ne peuvent pas le soutenir.
Les furoncles, qui reviennent souvent, indiquent quelque vice dans le tempéramment, & souvent un vice assez considérable, & dont les suites pourroient être à craindre; ainsi il faut chercher à en connoître la cause, & à la détruire. C'est un détail que je ne puis pas donner ici.
§. 431. Le clou se termine ordinairement par la suppuration; mais c'est une suppuration d'une espece singuliere. Il s'ouvre d'abord dans son sommet, & il en sort quelques gouttes d'un pus tel que celui de tous les abcès, & alors on découvre ce qu'on appelle le germe ou le bourbillon; c'est une matiere purulente, mais si épaisse & si ferme, qu'elle a l'apparence d'un corps solide, & on la tire en entier, sous la forme d'un petit cilindre, comme de la moelle de sureau, de la longueur de quelques lignes, quelquefois même d'un pouce & au-delà. La sortie de ce bourbillon est suivie ordinairement de celle d'une certaine quantité de pus liquide, épanché au fond de la tumeur. Dès que cette évacuation est faite, les douleurs cessent entierement, & la grosseur disparoît au bout de peu de jours, en continuant le diachilon simple, ou l'onguent No. 65.
Des Panaris.
§. 432. Le danger des panaris est beaucoup plus grand qu'on ne le croit ordinairement. C'est une inflammation à l'extrêmité d'un doigt, qui est souvent l'effet d'un peu d'humeur extravasée dans cette partie, soit par une meurtrissure, soit par une piquure; d'autres fois, il paroît qu'il n'a aucune cause extérieure, & qu'il est l'effet d'un vice intérieur.
L'on en distingue plusieurs especes, suivant l'endroit dans lequel l'inflammation commence; mais la nature du mal est toujours la même, & demande des remedes de même espece; ainsi les personnes qui ne sont ni Médecins, ni Chirurgiens peuvent se passer de la connoissance de ces divisions, qui, quoiqu'elles varient le danger, & l'opération du Chirurgien, n'influent point sur le traitement, dont l'activité doit être reglée par la violence des symptomes.
§. 433. Le mal commence par une douleur sourde avec un leger battement; sans enflure, sans rougeur, sans chaleur, mais bientôt la douleur, la chaleur, le battement deviennent insupportables. La partie devient extrêmement grosse & rouge; les doigts voisins, toute la main enflent. On observe, dans quelques cas, une fusée enflée & rouge, qui commençant à la partie malade, se continue presque jusques au coude, & il n'est pas rare, que les malades se plaignent d'une douleur très vive sous l'épaule. Ils ne dorment point, & la fiévre avec ses accidens, ne tardent pas à paroître. Si le mal est grave, le délire & les convulsions surviennent.
L'inflammation du doigt se termine, ou par la suppuration, ou par la gangrene. Quand ce dernier accident arrive, le malade est dans un danger très pressant, s'il n'est promptement secouru; & il a fallu, plus d'une fois, couper le bras, pour sauver la vie. Quand la suppuration se fait, si elle est très profonde, âcre, ou si les secours du Chirurgien arrivent trop tard, la derniere phalange du doigt est ordinairement cariée, & on la perd. Quelque leger qu'ait été le mal, il est rare que l'ongle ne périsse pas.
§. 434. Le traitement intérieur des panaris, est le même que celui des autres maladies inflammatoires. Il faut se mettre au régime, plus ou moins exactement, à proportion du degré de la fiévre; & si elle est très forte, & l'inflammation considérable, faire une ou plusieurs saignées.
Le traitement extérieur, consiste à diminuer l'inflammation, à amollir la peau, & à donner issue au pus, dès qu'il est formé. Pour cela l'on trempe long-tems le doigt dès les commencemens du mal, dans l'eau un peu plus que tiede; on reçoit aussi la vapeur de l'eau bouillante; en faisant cela presque continuellement, pendant le premier jour, on est souvent parvenu à dissiper entierement le mal. Mais malheureusement on croit que ces petits commencemens n'auront point de suites, & l'on se néglige, jusques à ce que le mal ait fait de grands progrès; alors il faut nécessairement qu'il suppure. On hâte cette suppuration, en enveloppant continuellement le doigt avec une décoction de fleurs de mauves cuites dans du lait, ou un cataplasme de mie de pain & de lait. On peut le rendre plus actif, en y ajoutant quelques oignons de lis, ou un peu de miel; mais il ne faut le faire que quand l'inflammation diminue, & que la suppuration commence; avant ce tems-là, tous les remedes âcres sont très dangereux. L'on emploie aussi à cette époque, le levain, qui hâte puissamment la suppuration. Le cataplasme d'oseilles, §. 430, est très efficace.
§. 435. L'évacuation prompte du pus est très importante; mais c'est l'affaire du Chirurgien, parcequ'il ne convient point d'attendre que l'ouverture se fasse naturellement; d'autant plus que la peau étant quelquefois extrêmement dure, le pus se répandroit dans l'intérieur des chairs, avant qu'elle se perçât. Ainsi, dès qu'on soupçonne que le pus est formé, il faut voir un Chirurgien, qui décide du moment où l'ouverture doit se faire. Il vaut beaucoup mieux la faire un peu trop tôt, qu'un peu trop tard; & il vaut mieux qu'elle soit trop profonde que pas assez.
Quand l'ouverture est faite, on panse avec l'emplâtre No. 65, étendu sur une toile, ou avec le sparadrap No. 64, & l'on change tous les jours.
§. 436. Quand le panaris est occasionné par une humeur extravasée dans le voisinage de l'ongle, un Chirurgien adroit en arrête très promptement les progrès, & guérit radicalement, par une incision, qui donne issue à cette liqueur. Mais quoique cette opération ne soit pas difficile, tous les Chirurgiens ne savent pas l'exécuter; plusieurs même n'en ont point d'idée.
§. 437. Quelquefois il se forme des chairs fongueuses, ou baveuses; on les desseche en les poudrant avec un peu de minium, ou d'alun brûlé.
§. 438. Quand il y a carie, il faut nécessairement voir un Chirurgien, aussi bien que quand il y a gangrene; ainsi je ne parlerai point de ces deux cas. J'avertis seulement, qu'il y a trois remedes essentiels, contre la gangrene, le quinquina, No. 14, dont on donne une dragme toutes les deux heures; les scarifications sur toute la partie gangrenée; & les fomentations avec la décoction de quinquina, à laquelle on ajoute l'esprit de soufre. Il est vrai que ce remede est très cher; mais on peut y suppléer par une décoction d'autres herbes ameres, & l'esprit de sel. J'ajoute encore, qu'il convient, dans la plûpart des cas de membres gangrenés, de ne faire l'amputation que quand la gangrene s'arrête d'elle-même; ce qu'on connoît par un cercle très sensible, & très aisé à distinguer par les plus ignorans, qui en marque les bornes, & fait la séparation entre le vif & le mort.
Des Verrües.
§. 439. Quelquefois les verrues sont la suite d'un vice particulier de la masse du sang, & il en naît des quantités étonnantes. Cela arrive à quelques enfans de quatre à dix ans, qui prennent trop de laitages; ils guérissent par le changement de régime, & les pilules No. 18. D'autrefois c'est un vice accidentel de la peau, qui dépend de quelques causes extérieures. Dans ce cas, si elles incommodent par leur grosseur, par leur situation, par leur durée, on peut les détruire, 1o. en les liant avec une soie, ou un fil ciré. 2o. En les coupant avec des ciseaux ou un bistouri, & en couvrant la plaie avec un peu de diachilon gommé, qui occasionne une petite suppuration destinée à détruire la racine de la verrue. 3o. En la séchant par quelque application un peu corrosive, comme le lait de feuille de pourpier, de figuier, de chelidoine, de thitimale; mais outre que ces sucs ne se trouvent qu'en été, les personnes qui ont la peau délicate ne doivent pas s'en servir; ils pourroient leur occasionner une enflure considérable & douloureuse. Un vinaigre fort, dans lequel on a fait dissoudre autant de sel qu'il est possible, est très bon. L'on fait aussi des emplâtres avec du sel ammoniac & du galbanum pêtris ensemble, & appliqués sur la verrue, qui ne manquent gueres de la détruire.
Les corrosifs plus forts ne doivent être employés que sous la direction d'un Chirurgien; & il est même plus sage, de ne point les employer, non plus que les brûlures artificielles. L'amputation est un moyen plus sûr, moins douloureux & sans danger. Les loupes, dès qu'elles sont un peu grosses, & qu'elles durent depuis quelque tems, ne guérissent que par l'amputation.
Des Cors.
§. 440. Les cors sont toujours l'effet de souliers trop rudes ou trop étroits. Toute la guérison consiste à les amollir par plusieurs bains de pieds chauds; à les couper au sortir du bain avec un canif, sans attaquer les parties saines, qui sont d'autant plus sensibles qu'elles sont plus tendues; & à appliquer dessus une feuille de joubarbe, ou de lierre grimpant, ou de pourpier, qu'on peut tremper dans du vinaigre. On peut, au lieu de ces feuilles, si l'on veut s'épargner la petite peine du pansement journalier, y appliquer une emplâtre de diachilon simple, ou de gomme ammoniac amollie dans le vinaigre. Il n'y a point d'autre moyen de prévenir les retours des cors, que d'éviter les causes qui les ont produits.