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Cady mariée : $b roman

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XIII

Ce jour-là, ils étaient encore ensemble.

Couchée sur le ventre, le buste relevé, les coudes enfonçant dans l’oreiller, le menton dans ses mains, Cady demanda soudain :

— Tu as volé souvent, Georges ?

Les paupières du jeune homme battirent. Il coula un regard sournois vers son amie, la scrutant pour savoir ce qu’il pouvait avouer et ce qu’il fallait taire.

— Volé, quoi ?… Mais non, je n’ai jamais volé, dit-il mollement, pour gagner du temps.

Elle s’impatienta.

— Je t’ai défendu de mentir avec moi !… Réponds, tu as volé ?

Il répondit alors avec indifférence :

— Oui.

— Plusieurs fois ?

— Oui.

— Quand ?… et combien ?

Il fit un geste, s’abandonnant.

— Oh ! bien, si tu crois que j’ai compté !

Elle s’étonna naïvement.

— Tant que cela ?… Et quoi ?… des choses importantes ?

Il mentit avec précipitation.

— Du tout !… des broutilles.

— Quelles ?

— Je ne sais plus… Une fois, un porte-cigares… C’était quand j’étais groom à Alexandrie… Un Anglais qui pose l’objet sur la table où il buvait… En passant, je l’ai fait tomber sous sa chaise… Il n’y a plus repensé, et lorsqu’il est parti du café, j’ai raflé la chose.

— Et puis ?…

— Un autre jour, le sac d’une femme, dans une voiture arrêtée… Elle visitait un monument à Gênes, le cocher dormait… J’ai pris la valise sur la banquette, et je m’en suis allé tranquillement… Il y en avait des choses là dedans !… Tiens, je crois bien que la bague que j’ai là y était…

Les yeux dans le vide, Cady songeait. Elle reconstituait à présent nettement les passages jusqu’alors obscurs pour elle de la vie de son ami.

Quand il avait quitté brusquement l’explorateur qui lui montrait tant d’affection… puis, lors de son expulsion du grand hôtel de Florence où il était interprète… et sa fuite d’auprès de ce couple de grands personnages italiens chez qui il était simultanément l’homme de confiance, le favori du mari et de la femme… Vols, évidemment, après lesquels, par ennui des poursuites à exercer, crainte du scandale, on s’était contenté de l’envoyer se faire pendre ailleurs…

Cette constatation n’apprenait rien d’absolument neuf à Cady. Elle avait l’intuition de ces choses dont elle obtenait aujourd’hui la certitude. Tout de suite, dès la première minute de leur rencontre, la silhouette du jeune homme s’était dressée devant elle accompagnée de toutes ses tares.

Cela n’éveillait en elle aucune répulsion, pas la moindre indignation.

Le vol, en soi, ne lui inspirait aucune révolte. Elle ne l’eût pas accompli elle-même parce que les conséquences probables lui eussent été désagréables ; mais, si elle avait été sûre de l’impunité, sa sourde animosité contre le genre humain se fût contentée en ce geste, aussi bien que le fond primitif et sauvage de sa nature y eût goûté une satisfaction pour ainsi dire naïve.

De plus, un fait la dominait. Quels que fussent les actes de Georges, elle les admettait en bloc, les yeux ouverts, sans l’ombre d’une défaillance ; il était comme cela.

Elle affirma, certaine de ne pas se tromper :

— Mais tu n’as tué personne.

Il confirma, avec une vivacité sincère :

— Oh ! cela, je te le jure !…

Elle le regarda en souriant.

— Tu n’as pas besoin de jurer, je sais que c’est vrai.

Il rougit légèrement.

— Tu me crois très lâche, pas ?…

Elle chercha un terme qui lui parût plus juste. Ce mot lâche impliquait un blâme, et elle ne blâmait point Georges.

— Non, pas lâche, mais…

Il dit doucement :

— Si, je suis lâche… Que veux-tu, ce n’est pas ma faute… Jusqu’à seize ans, j’ai été tant battu !…

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