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Cady mariée : $b roman

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XVIII

— Cady, tu me trouves très voyou, n’est-ce pas ?

— Oui et non. Il y a un mélange en toi. On voit que tu as fréquenté tous les mondes.

— Ah ! pour sûr ! Je te choque, avoue-le ?

— Non… Tu m’étonnes quelquefois, voilà tout… et puis, ce qu’il y a de bon en toi, c’est que tu es souvent un peu vulgaire dans les mots que tu emploies, mais jamais dans tes façons. Sûrement, les gens qui se dénomment vertueux diraient que tu as des manières cyniques, sans pudeur… Moi, je ne trouve pas, parce que tu n’es jamais grossier, ni indélicat, ni maladroit. Il y a des hommes très honnêtes, très bien élevés… Eh bien ! on sent quand même que dans l’intimité, ils doivent être révoltants…

Il fit un geste.

— Ah ! tu parles s’il y en a à vomir !… Et le malheur, c’est qu’on ne s’en doute pas soi-même. Alors, on ne peut guère se changer.

— C’est comme ceux qui ne savent ni marcher ni s’asseoir, ni sortir, ni entrer, qui sont gauches en tout ce qu’ils font ; c’est une affaire de tact, d’intuition, d’équilibre…

— Cady, qu’est-ce que tu penses de ce qu’on appelle la vertu ?

— Dame ! ce sont des conventions… qui dépendent du moment, des sociétés… et qui, même quand elles sont soi-disant acceptées n’existent que pour la montre, le dessus… et qui n’empêchent point les gens en dessous de se conduire comme il leur plaît.

— J’ai lu un livre, une fois, qui m’avait paru très bien… En vérité, je crois que si tout le monde vivait comme il disait que ce serait pour le mieux, chacun serait plus heureux.

— Oh ! en théorie, ça ne fait pas de doute !… Seulement, vois-tu, en pratique, ce n’est plus ça…

— En somme, ça ne devrait pas être… Oui, je comprends pour ceux qui naissent au hasard, dans la mouise, avec rien autour d’eux que de la fripouille… Des idées honorables, ça ne serait pas juste de leur demander d’en avoir… Où est-ce qu’ils les auraient prises ?… Mais, quand c’est du monde d’un milieu propre, pourquoi sont-ils aussi cochons que les autres ?

Cady haussa les épaules.

— Mon petit, tu crois que ça foisonne les milieux vraiment propres ?… Oh ! naturellement, tu verras des dehors, des apparences épatantes, mais au fond !… Les façades, évidemment, on les soigne, mais par derrière !… Il y a plus d’apaches que tu ne penses dans le monde, va !… Alors, qu’est-ce que tu veux ?… Les enfants grandissent avec ces idées-là… ils imitent forcément ce qu’ils ont vu faire… et, à leur tour, ils forment d’autres petits à leur image.

— Pourtant, il y a des gens vraiment honnêtes à tous les points de vue.

— Cela, sûrement, ça serait absurde de dire le contraire… Seulement, ils ne sont pas faciles à trouver.

Georges rêvait.

— Une fois… j’ai vu une famille vraiment bien… C’était au bord de la mer. Il y avait une jeune femme avec trois petits enfants qu’elle ne quittait presque pas… Une vieille mère à l’air aimable… Le mari venait chaque samedi… Ils ne fréquentaient personne… Et ce qu’ils avaient l’air contents ensemble !… et liés, et sûrs d’eux… Certainement c’étaient des gens très honnêtes et très heureux.

Cady souriait ironiquement.

— Ça pouvait être une exception, je l’admets… Mais, tu sais, tu aurais peut-être eu des désillusions si tu avais étudié ces gens de plus près… Chez nous autres, dès qu’on est en public, on est tellement habitué à se faire une silhouette irréprochable !

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