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Cady mariée : $b roman

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XIX

Cady attendait Georges depuis près d’une heure. Et, lorsqu’il entra, pâle, la démarche incertaine, une gêne indicible sur ses traits défaits, une angoisse l’étreignit.

— Quoi ? Qu’y a-t-il ? Qu’as-tu ? balbutia-t-elle, bouleversée.

Il répondit, contraint, essayant de sourire :

— Mais rien du tout, je te jure…

Il s’assit. Immobile, les bras abandonnés, toute menue en son large kimono de satin rose pâle, elle l’interrogeait anxieusement du regard.

Jamais encore il ne lui était apparu si jeune, si faible, si enfant… si empli d’une détresse inconnue… si mystérieux aussi…

Lentement elle enleva sa robe, s’allongea dans le grand lit toujours ouvert et tendit les bras :

— Viens ! dit-elle avec douceur.

Il se dressa, approcha.

— Cady, fit-il suppliant, je t’en prie, ne me demande rien, ne t’étonne de rien… Je te jure que je ne puis pas te dire… qu’il ne faut pas que je te dise…

Elle l’appela de nouveau avec une tendresse infinie.

— Viens…

Il se déshabilla avec précaution, et, avec un affreux sursaut au cœur, Cady aperçut, à la hauteur de la poitrine de Georges, sur la chemise blanche, des maculatures sanglantes…

— Tu es blessé ? murmura-t-elle défaillante.

Il jeta vivement :

— Presque rien ! N’aie pas peur !… Ce n’est rien, je te l’affirme… Le sang, c’est si voyant… mais j’ai à peine la peau entamée…

Les dents serrées, livide, elle dit :

— Approche… Montre…

Et, la chemise, le tricot de soie enlevés, deux mouchoirs fins déchirés, en tampon, pleins de sang, tombés à terre, Cady aperçut le torse de Georges labouré de plaies… les unes superficielles, les autres creuses et sinistrement violacées…

Elle dit seulement, la voix saccadée :

— Qu’est-ce qu’on peut faire ? Comment te soigner ?

Énervement, douleur, rappel d’on ne sait quelle scène tragique ; d’on ne sait quel attentat mystérieux, ou accident louche, il tremblait de tout son corps, son épiderme traversé de frissons. Cady l’attira, sans essayer de le questionner, appréhendant un trop écœurant secret.

— Couche-toi… Tu as froid… Je vais aller chez le pharmacien… Il faut mettre quelque chose…

Il se glissa sous les couvertures, grelottant, retenant les mains de la jeune femme avec désespoir.

— Ne me quitte pas !… Je n’ai besoin de rien, que de toi !… Et puis, il ne faut pas éveiller l’attention… Je t’en prie, ne dis rien, reste ici… Viens près de moi, tout près !…

— Attends… petit, mon cher petit…

Courant à la commode, elle en tira une chemise de batiste qu’elle déchira en morceaux qu’elle vint placer sur la poitrine sanglante.

— Remets ton jersey pour que cela tienne… et aussi mon kimono, pour te réchauffer…

Il balbutiait, ses yeux l’implorant :

— Toi, toi… je veux toi… Viens près de moi…

Avec d’infinies précautions elle s’étendit près de lui, tremblante elle aussi, et passa son bras sous les épaules du jeune homme.

— Je ne te fais pas mal ?

Il se blottit contre elle.

— Non, non… Oh ! non !

Les yeux clos, le visage appuyé au creux de l’aisselle de son amie, il murmurait tout bas, peu à peu calmé :

— Je suis bien… Oh ! je suis bien… Ne me quitte pas…

Les prunelles fixes, toute palpitante d’émotion, Cady prononça d’un ton de pitié et d’amour indicibles, tandis que de grosses larmes se formaient au bord de ses paupières :

— Pauvre gosse !

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