Cady mariée : $b roman
XX
— Cady, depuis que tu m’as, tu ne vas plus avec ton mari ?
Elle répondit la vérité, sans hésiter.
— Si… J’aurais trop d’embêtements.
— Et avec tes amis ?
Elle repoussa le drap, se souleva, se détira, les bras nus, les seins arrondis sous la batiste et les dentelles froissées de la chemise, encore anéantie par la douceur du demi-sommeil dans les bras de Georges.
— Mes amis ? D’abord, je n’en ai pas.
— Quelle blague !
— Mais non… Avec Montaux, c’est fini il y a beau temps.
— Et Laumière ?
Cady songea longuement.
— Jacques n’est pas un amant.
— Tu m’as pourtant dit que si…
Elle branla la tête, et, relevant les genoux, prit ses deux pieds dans ses mains :
— Si tu veux, oui… Et, pourtant, c’est tout de même non… Je ne sais pas comment te faire comprendre… Enfin, il est beaucoup dans ma vie, et il n’y compte pas… C’est plutôt une espèce de camarade.
— Cependant, tu le revois ?
Elle chercha.
— Je le revois, évidemment, très souvent dans le monde, chez moi… Mais comme tu l’entends… je ne me souviens plus…
Il l’étudiait curieusement.
— Tu es drôle !… Je sens bien que tu ne mens pas… et pourtant, ce serait bizarre que tu ne saches vraiment pas…
— Mais non, cela a si peu d’importance… Tiens, si, cela me revient, j’ai été le voir il y a peut-être trois semaines… Il m’a grondée parce que j’étais pressée de m’en aller et parce que je ne venais plus… Dame ! je n’ai plus le temps…
Il insista.
— C’est bien vrai que tu ne vas plus chez lui ?
— Oui, c’est vrai.
— Est-ce réellement parce que tu n’as plus le temps ou si c’est que le goût t’en manque ?
— Les deux… Oui, je pense bien que si je ne trouve plus le moyen de le retrouver, c’est que je n’en ai plus le désir… Je préfère te voir, toi, ou même demeurer seule ici, à penser à toi.
Et, comme Georges restait préoccupé, elle demanda en souriant :
— Est-ce que tu es jaloux de Jacques ?
Il avoua :
— Peut-être oui, parce que, celui-là, c’est plus pareil à moi que tu l’aimes.
Elle se récria :
— Quelle bêtise !…
Et elle tenta d’expliquer.
— Certainement, autrefois, avant que je te retrouve, Jacques était plus près d’être ce que j’appelle « mon amant » que les autres… Mais, depuis que je t’ai, c’est fini, il m’est devenu indifférent.
Georges songea longuement ; puis, il dit avec timidité :
— Cady, si je te demandais d’être, à partir de maintenant, comme une étrangère avec lui, est-ce que tu voudrais me le promettre ?
Elle balança.
— Si je le voudrais ?… Oui, je le voudrais… mais, je n’ose pas.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne serais pas sûre de tenir ma promesse.
— Ah !
— Ne te chagrine pas, Georges, je te jure qu’il n’y a pas de quoi. Mon amitié pour Jacques est si pâle auprès de celle que j’ai pour toi.
— Tu lui as parlé de moi ?
— Un peu, oui.
— Qu’a-t-il dit ?
— Oh ! il a fait tout ce qu’il a pu pour me détacher de toi… Il est jaloux, lui aussi, quoiqu’il ne l’avoue pas… Et puis, il a sincèrement peur de toi pour moi… du scandale possible…
Georges releva avec aigreur :
— Eh bien, et lui ?… Est-ce qu’il ne te compromet pas bien plus que moi, que tout le monde ignore, qui ne vis pas auprès de toi ?… Qu’est-ce que tu risques avec moi ?… Rien du tout !…
Les yeux de Cady s’attachèrent, profonds et graves, sur ceux de son ami, et elle prononça avec lenteur, ardemment, d’un accent qui mit soudain un frisson d’indicible émoi sous l’épiderme du jeune homme :
— Oh ! si, Georges, je risque beaucoup avec toi… Mais, cela m’est égal.