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Cady mariée : $b roman

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XVI

Un jour, Cady avait trouvé un chat à la porte de l’appartement. Il avait le poil gris, court, mais épais et soyeux. L’œil brillant, il s’était dressé avec empressement, ronronnant, offrant son échine aux caresses, sollicitant l’entrée du logis, d’un air mystérieux et informé. Elle le fit entrer, enchantée, le bourra de gâteaux secs qu’il acceptait d’une lèvre délicate, la mine condescendante, le gava de baisers qu’il accueillait, ravi et voluptueux.

Il devint l’hôte assidu du nid amoureux, contemplant les amants d’un œil sérieux, amical et approbatif, dormant avec délices au creux des oreillers, ou se livrant avec Cady à des parties folles. Ses cabrioles étaient insensées ; il mimait des colères terribles, griffes avancées, moustaches hérissées, le dos en bosse de chameau, une oreille collée à la tête, l’autre dressée, s’avançant vers l’index pointant, menaçant de la jeune femme, avec des contorsions d’ataxique ; puis bondissant tout d’un coup sur son bras nu qu’il feignait de dévorer et de labourer de ses griffes, bien qu’en réalité il épargnât adroitement son amie. Ou alors, c’était elle qui le chatouillait, fourrageait dans son ventre sursautant, l’étranglait, le boulait, le roulait, en criant :

— Au chat !… A la bête féroce !…

D’où venait-il ? On n’en savait rien. La concierge, interrogée, avait déclaré qu’aucun locataire ne possédait d’animal semblable. Et comment avait-il l’intuition des jours et des heures où Cady et Georges venaient au petit appartement ?…

Vis-à-vis du jeune homme, il se montrait simplement poli, très réservé, sans jamais accepter de jouer avec lui.

Un après-midi, Cady le trouva piteusement collé contre la porte du palier, mouillé, sali, diminué, grelottant de fièvre. Il ne put se soulever et miaula d’une voix étouffée. Elle le prit.

— Oh ! mais, il est tout sanglant !…

Quelque chien avait dû le saisir par la nuque, où une large plaie s’ouvrait.

Ce jour-là, Cady et Georges passèrent leur temps à panser et à consoler leur ami, qui râlait d’émotion et de reconnaissance.

Comme il dormait, encore frissonnant, dans les bras de Cady, qui n’osait bouger de peur de l’éveiller, Georges eut un petit rire.

— On dirait un enfant que tu as !

Elle ne répondit pas, et se pencha pour effleurer de petits baisers le front du chat, — de ces baisers légers qui ne troublent point le sommeil des nourrissons.

Georges reprit au bout de quelques instants, suivant une idée :

— Tu n’as jamais désiré des enfants, Cady ?

Elle secoua la tête négativement, et prononça avec lenteur :

— Non.

— Pourquoi ?

Elle réfléchit pour exprimer sa pensée.

— Eh bien, je vais te dire… Si j’avais des enfants, sûr que je ne voudrais pas les élever comme j’ai été élevée, moi…

— Tu t’en occuperais ?

— Oui.

— Tu ne les laisserais pas à des bonnes ?

— Jamais !

Il médita :

— Évidemment qu’on est bien malheureux quand on est petit… et ça ne serait pas si la mère vous aimait et vous gardait près d’elle.

Cady fit un geste bref.

— Oui, mais d’un autre côté, ça m’embêterait beaucoup de faire tout ce que je ferais sûrement pour eux…

— Ça ne t’embêterait peut-être pas ?

— Oh ! si, c’est toujours ennuyeux de se dévouer… Tiens, tu vois ce chat… Eh bien, j’ai une crampe de le garder comme cela sur moi… Et il est comme un enfant, il se fiche pas mal de me fatiguer.

— Mets-le sur le lit.

— Non, ça lui ferait de la peine… et je ne veux pas… Mais, il m’embête tout de même.

A cet instant, comme s’il eût compris ces paroles, le chat sauta à terre et s’en fut, l’air offensé et digne, se coucher au milieu des coussins de la chambre arabe.

Georges et Cady éclatèrent de rire.

— Non, mais, as-tu vu ? s’écria la jeune femme… Crois-tu qu’il ait entendu ?

Georges hocha la tête.

— Oh ! les bêtes !… C’est plus malin que ça en a l’air, tu sais !…

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