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Cady mariée : $b roman

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XVII

— Cady !… Comment aurais-tu voulu vivre pour être tout à fait heureuse ?… Je dis, en imagination, pas des choses possibles, naturellement.

Elle répondit immédiatement :

— Quand j’étais petite — et depuis je n’ai rien trouvé de mieux — j’aurais voulu naître toute seule sur une île déserte, où il aurait toujours fait chaud, où le soleil aurait lui sans discontinuer… où il y aurait eu beaucoup de très grands arbres, une quantité d’animaux pas méchants et de petits ruisseaux clairs courant très vite, avec, au fond, des cailloux de couleur, sans jamais de mousse verte dessus, et qui restent luisants quand on les tire de l’eau.

— Mais personne ?… Tout à fait personne ?

— Pas un être humain, oui… C’est surtout cela qui serait nécessaire.

— Des personnes désagréables, je comprends, mais des personnes bonnes, qu’on aimerait ?…

— Tu me dis : « Pour être tout à fait heureuse ». Eh bien, je n’imagine pas le bonheur parfait, inaltérable, si l’on a d’autres êtres autour de soi.

— Dans ton île déserte, tu n’aurais même pas voulu de moi ?

Elle hésita.

— C’est-à-dire que, naturellement, te connaissant, je n’aurais pas eu le courage de te renvoyer, mais alors ça n’aurait pas été le bonheur fixe, certain…

— Pourquoi ?

— Parce que l’on a toujours du chagrin quand on aime vraiment quelqu’un… On se préoccupe trop de ce qu’il pense, de ce qu’il souffre, de ce qu’il désire…

— Tu ne te serais pas ennuyée, toute seule ?

— Je ne sais pas… Je ne crois pas… Je n’aurais pas du tout pensé… J’aurais beaucoup rêvé…

— Rêver et penser, est-ce que ce n’est pas la même chose ?

— Oh ! non !… Penser, c’est réfléchir à des choses nettes, c’est raisonner… c’est presque toujours triste, ou alors c’est banal… Rêver, c’est se laisser aller à des impressions vagues, en dehors de soi… Cela vous apporte le charme imprévu, la perpétuelle nouveauté de ce qui vient de l’extérieur… On se fatigue en pensant, on se repose en rêvant.

Georges songeait.

— Moi, j’ai une idée du bonheur tout autre… J’aurais voulu rester toujours enfant… avec une mère qui m’aurait tendrement aimé, et puis toi qui ne me quitterais jamais… Dans ces conditions, ça me serait égal n’importe où je vivrais, n’importe comment je serais, riche ou pauvre.

Cady se récria avec vivacité :

— Pourquoi une mère ? Je ne t’aurais pas suffi ?

Il hésita, s’interrogea.

— Eh bien, non… il me semble pour que ça soit tout à fait bien qu’il aurait fallu aussi auprès de moi une femme âgée, très douce, très respectable, que je saurais m’aimer infiniment… qui s’occuperait de moi, qui penserait à moi… qui serait contente de m’aimer même si elle savait que je l’aimerais moins qu’elle ne m’aimerait, elle…

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