Étude sur la Franc-Maçonnerie
VII
NOUVEAUX DÉTAILS SUR LA GUERRE FAITE AU CHRISTIANISME :
LA MORALE SANS DIEU, L’ENSEIGNEMENT SANS RELIGION
La Maçonnerie est donc une guerre profonde déclarée à toute religion. Mais le but odieux des Francs-Maçons apparaît surtout dans le zèle qu’ils déploient pour prêcher la morale sans Dieu, et, par suite, l’enseignement de la jeunesse séparé de toute croyance religieuse.
La morale, disent-ils, c’est toute la Maçonnerie ; mais cette morale, ils la veulent sans aucune religion. C’est dans les Loges que s’est élaborée, c’est des Loges qu’est sortie cette chimère impie qu’ils ont intitulée la morale indépendante, et qui n’est qu’une forme de l’athéisme.
Pas si chimère pourtant, puisque la Commune triomphante à Paris se hâta de la réaliser, en faisant disparaître des écoles tout emblème, tout enseignement religieux, et que, tout récemment encore, revenant aux traditions de la Commune, le Conseil général de la Seine votait, dans le même sens et dans le même but, l’enseignement obligatoire et laïque.
« La morale est indépendante de toute hypothèse religieuse[57]. »
[57] Le Monde-Maçonnique, mai 1867, p. 51.
Tel est l’axiome de la Maçonnerie. Et voici les conséquences qu’elle en tire : c’est que l’instruction religieuse doit être supprimée. Et la raison qu’elle en donne, c’est que les croyances religieuses sont inutiles pour l’éducation de la jeunesse, et de plus que la FOI EN DIEU ENLÈVE A L’HOMME SA DIGNITÉ, TROUBLE SA RAISON, et PEUT CONDUIRE A L’ABANDON DE TOUTE MORALE.
C’est ce qui a été expressément déclaré dans la R∴ L∴ La Rose du parfait silence, à Paris. A cette question en effet : « L’instruction religieuse doit-elle être supprimée ? Sans aucun doute, fut-il répondu ; et l’orateur de la R∴ L∴ développa en ces termes cette réponse :
« Le principe d’autorité surnaturelle, c’est-à-dire la foi en Dieu, ENLÈVE A L’HOMME SA DIGNITÉ ; est inutile pour discipliner les enfants ; et il est même susceptible de LES CONDUIRE A L’ABANDON DE TOUTE MORALE. »
« Le respect dû spécialement à l’enfant, ajouta-t-il, interdit de lui inculquer des doctrines QUI TROUBLENT SA RAISON[58]. »
[58] Ibid., octobre 1866, p. 372, 373.
Veut-on un autre témoignage ? Je lis encore ceci dans le Monde-Maçonnique[59] :
[59] T. XIII, mai 1870, p. 40.
« La R∴ Loge les Amis de l’Ordre, Orient de Paris, a posé dernièrement la question suivante :
« Quelle éducation un Maçon doit-il donner à ses enfants ? »
« Tous les orateurs se sont montrés partisans d’une éducation libre, laïque, indépendante de l’étroitesse de l’enseignement religieux. »
Et le Monde-Maçonnique cite en entier un de ces discours, dont j’extrais le passage suivant :
« Plus de cette instruction bâtarde, faussée, basée sur des dogmes surannés… Cette méthode d’élever nos enfants a trop duré ; il est temps, grand temps qu’elle finisse… La base sur laquelle il faut fonder l’instruction de nos enfants, la voici : Apprenons-leur à admirer, à étudier les grands phénomènes de la nature, et l’orateur ajoute : « sans nous trop soucier de quel nom nous devons décorer ces belles choses[60]. »
[60] Ibid., p. 14, 15.
Mais voici un sentiment plus paternel encore, et qui inspire ces Messieurs dans l’éducation de leurs enfants :
« La Maçonnerie », disait le F∴ Massol, dans une des séances de la session maçonnique internationale tenue en Juillet 1867, « doit être et n’est qu’une école de morale, indépendante de tous les dogmes religieux. J’ai élevé des enfants, mais je ne leur ai jamais menti. CHAQUE FOIS QU’ILS M’ONT DEMANDÉ CE QUE C’ÉTAIT QUE DIEU, JE LEUR AI RÉPONDU : « JE N’EN SAIS RIEN. » C’EST AINSI QUE J’EN AI FAIT DES HOMMES[61]. »
[61] Le Monde-Maçonnique, août 1867, p. 196-197.
Voici du reste comment dans une poésie maçonnique du F∴ Lachambaudie, lue dans un banquet maçonnique, est traité le catéchisme chrétien :
[62] Ibid., avril 1867, p. 722.
Les Loges belges ne se sont pas laissé devancer ici par les Loges françaises. Ainsi, en 1864, le Grand-Orient de Belgique, — je ne cite pas, on le voit, du minces autorités maçonniques, — mit la même question à l’ordre du jour de toutes les Loges de l’Obédience ; les Loges lui répondirent, et voici jusqu’où la Loge d’Anvers en particulier ne craignait pas d’aller dans sa réponse :
« L’ENSEIGNEMENT DU CATÉCHISME EST LE PLUS GRAND OBSTACLE AU DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS DE L’ENFANT.
« L’INTERVENTION DU PRÊTRE dans l’enseignement PRIVE LES ENFANTS DE TOUT ENSEIGNEMENT MORAL, logique et rationnel[63]. »
[63] Journal de Bruxelles, 28 novembre 1864. — Cité par M. Neut, t. I, p. 347.
Des diverses réponses envoyées par les Loges de son obédience au Grand-Orient de Belgique sortit donc un projet de loi en vingt-trois articles, dont l’art. 1er disait : SUPPRESSION DE TOUTE INSTRUCTION RELIGIEUSE ; et l’art. 2 : OBLIGATION POUR LE PÈRE ET POUR LA MÈRE VEUVE, de conduire DE FORCE ses enfants à l’école.
Que l’on remarque bien la connexion redoutable de ces deux articles. Ainsi donc, si les vœux de ces grands libéraux sont exaucés, la loi FORCERA le père, la mère, la mère veuve, à conduire ses enfants à une école où toute instruction religieuse sera supprimée.
Et voilà pourquoi à Paris comme à Bruxelles on réclame si ardemment l’enseignement laïque, gratuit et obligatoire : « C’est sur cette question que doivent se concentrer tous les efforts de la Franc-Maçonnerie[64] », dit le Monde-Maçonnique ; et pourquoi ? Les Loges belges ne l’ont pas dissimulé : Pour que l’enfant soit élevé — DE FORCE — sans Dieu et sans aucune religion.
[64] Le Monde-Maçonnique, octobre 66, p. 358.
Et la Chaîne d’Union, journal maçonnique de Londres, répondant à la Loge d’Anvers, au Grand-Orient de Belgique, et à La Rose du parfait silence de Paris, en donnait la raison : elle déclarait que l’éducation religieuse est un poison, et demandait, en conséquence « que les parents S’ENGAGEASSENT à soustraire leurs enfants AU VIRUS de l’éducation religieuse[65] ».
[65] Ibid., 1er mai 1866.
Ainsi donc l’enfant N’APPARTIENDRA PLUS A SES PARENTS ; et la loi les FORCERA de l’envoyer à des écoles, desquelles Dieu et tout enseignement religieux sera banni.
Certes, s’il y a une odieuse, une exécrable tyrannie, c’est bien celle-là. Aussi, M. Ledru-Rollin lui-même, un jour, a-t-il trouvé, pour la flétrir, les énergiques paroles que voici : « Y a-t-il une souffrance plus grande pour l’individu que la déportation de ses fils dans les écoles qu’il regarde comme des lieux de perdition, que cette conscription de l’enfance traînée violemment dans un camp ennemi, et pour servir l’ennemi ?[66] »
[66] Dit au Corps législatif, et cité par M. Neut, t. I, p. 350.
Eh bien, c’est là, on ne saurait trop le redire, c’est sur ce point capital de l’enseignement OBLIGATOIRE ET ATHÉE, que la Maçonnerie en Belgique et en France, déploie aujourd’hui ses plus grands efforts. Le Monde-Maçonnique le déclarait tout à l’heure ; et ailleurs encore il s’écriait : « Un champ immense est ouvert à notre activité. L’ignorance et la superstition pèsent sur le monde ; créons des écoles, des chaires, des bibliothèques. »
Aussi, car MM. les Francs-Maçons sont gens qui agissent en même temps qu’ils parlent, la Maçonnerie adopte, comme elle dit, des enfants, et je ne suis pas surpris de lire, dans le procès-verbal du protectorat international maçonnique, qui a terminé, le 27 juillet 1867, la session organisée par les loges écossaises, les paroles que voici :
« Soixante-dix-neuf enfants venaient, accompagnés de leurs familles, demander à la Maçonnerie asile et protection ; soixante-dix-neuf enfants dont l’intelligence ne sera pas EMPOISONNÉE par des théories rétrogrades ; soixante-dix-neuf enfants, POUR LA PLUPART DES FILLES, qui sèmeront nos idées dans le champ fécond de l’avenir. »
D’autre part, le convent maçonnique de 1870 prit, à l’unanimité, la décision suivante[67] :
[67] Le Monde-Maçonnique, t. X, p. 267.
« La Maçonnerie française s’associe aux efforts faits dans notre pays pour rendre l’instruction gratuite, obligatoire et laïque[68]. » Laïque ; non pas seulement donnée par des laïques, mais, séparée de toute religion[69].
[68] Le Monde-Maçonnique, mai 1870, p. 202.
[69] C’est ce que ne débrouillait pas très-bien ce brave ouvrier dont on me racontait ces jours-ci l’histoire : « Je veux, disait-il aux frères, en leur amenant son petit garçon, que mon fils reçoive une instruction laïque. » « Mais alors, lui dirent les chers frères, ce n’est pas à nous qu’il faut le confier. » « Oh ! si fait, répondit le brave homme, je veux que mon fils reçoive une instruction laïque, comme on dit au Conseil municipal ; mais je veux tout de même aussi qu’il soit élevé comme moi par les frères. »
« On sait, ajoute le Monde-Maçonnique, que cette décision dut être renvoyée à M. Jules Simon pour qu’il l’appuyât au Corps législatif. »
De même en Belgique, à la grande fête solsticiale-nationale célébrée à Bruxelles, le F. Bourlard s’écriait : « Quand des ministres viendront annoncer au pays comment ils entendent organiser l’éducation du peuple, je m’écrierai : A MOI MAÇON ! A MOI LA QUESTION DE L’ENSEIGNEMENT ; A MOI L’EXAMEN, A MOI LA SOLUTION ! » (Applaudissements)[70].
[70] M. Neut, t. I, p. 306.
Et ce prosélytisme impie a été solennellement pratiqué en Belgique et en France. A Bruxelles, le 10 octobre 1865, lors de l’inauguration d’une statue érigée au Grand-Maître de la Franc-Maçonnerie belge, M. Verhaegen, la Maçonnerie eut l’audace de faire venir là les enfants des écoles communales, et de faire chanter à ces enfants les strophes athées que voici :
[71] Cité par M. Neut, t. I, p. 362.
Ces doctrines, hélas ! ont fait et font chaque jour leur chemin ; et à Paris, pendant la Commune, à laquelle, nous l’avons vu, la Maçonnerie témoigna de si étranges sympathies, n’a-t-on pas fait monter dans la chaire de Saint-Sulpice un enfant de douze ans, proclamant, aux applaudissements d’un peuple en délire, qu’il n’y a pas de Dieu ?