Étude sur la Franc-Maçonnerie
VIII
PROPAGANDE DE L’ENSEIGNEMENT SANS RELIGION PAR LES ÉCOLES
D’ADULTES. — LES ÉCOLES PROFESSIONNELLES DE FILLES. — LA
LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT
La Maçonnerie déploie une égale ardeur de prosélytisme pour s’emparer des adultes par l’enseignement athée : C’est ainsi que l’orateur maçonnique, qui, dans la loge la Rose du parfait silence, à Paris, déclarait l’enseignement religieux inutile pour discipliner les enfants, et susceptible de les conduire à l’abandon de toute morale, terminait son discours par ces paroles :
« J’émets le vœu que des Maçons éloquents fassent aux ouvriers, dans toutes les villes de France, s’il est possible, des « cours de droit élémentaire et de morale universelle » sans qu’il y soit jamais question d’un enseignement religieux susceptible de les conduire à l’abandon de toute morale[72]. »
[72] Le Monde-Maçonnique, octobre 1866, p. 374.
Certes, il est temps que nous ayons autant de zèle, nous, catholiques, pour éclairer les ouvriers, que les Francs-Maçons pour les corrompre !
Mais c’est surtout à conquérir, à pervertir les femmes chrétiennes que travaillent les Maçons : oui, cette conspiration effroyable, tentée de nos jours pour arracher la foi du cœur des femmes, quels en sont les promoteurs infatigables ? Les francs-maçons.
Écoutons ce que disait à ce sujet le F∴ Massol, dans la loge Bienfaisance et Progrès, à Boulogne, le 19 juillet 1867 :
« Par l’instruction, les femmes parviendront à secouer le joug clérical, et à se débarrasser des superstitions qui les empêchent de s’occuper d’une éducation en rapport avec l’esprit moderne. Pour n’en donner qu’une preuve, quelle est la femme anglaise, allemande ou américaine qui, aux deux questions religieuses que peuvent leur adresser leurs enfants : « Qui est-ce qui a créé le monde ? Existe-t-on après la mort ? » oserait répondre qu’elle n’en sait rien, et que personne n’en sait rien ? Eh bien, cette audace, la femme française instruite l’aurait[73]. »
[73] Ibid., Août 1867, p. 205.
Est-ce clair ?
Et la raison de cette propagande, le F∴ Albert Leroy, naguère professeur de rhétorique, si je ne me trompe, au lycée de Versailles, sous le ministère de M. Jules Simon, l’exposait en ces termes dans une séance de la session maçonnique internationale d’août 1867, à Paris : « Sans la femme, tous les hommes réunis ne pourront jamais rien[74]. »
[74] Ibid., août 1867.
Deux faits, du reste, contemporains et éclatants, témoignent de cette activité de la Maçonnerie à propager l’enseignement athée et en dehors de toute religion, je veux parler de la création des Écoles professionnelles de filles et de la Ligue de l’Enseignement.
Les écoles professionnelles de filles — Sous l’Empire, dans un écrit que j’ai intitulé les Alarmes de l’Épiscopat, et auquel presque tous les évêques de France ont bien voulu adhérer par des lettres publiques, j’ai été amené à dénoncer cette institution comme une entreprise des plus dangereuses : j’ai démontré que la pensée d’où sont nées ces écoles était une pensée antireligieuse, antichrétienne ; que, sous prétexte d’enseignement, c’était l’irréligion pratique que l’on s’efforçait d’inculquer aux jeunes filles ; que l’on se proposait, positivement, d’en faire des libres-penseuses, vivant et mourant en dehors de tout christianisme et de toute religion. Rien de tout cela n’a été et ne pouvait être l’objet d’un démenti quelconque ; je citais en effet les déclarations des fondatrices, et l’exemple trop décisif de leur vie et de leur mort ; les discours impies prononcés sur leurs tombes en présence de leurs élèves ; les termes formels des prospectus officiels ; en un mot, je prouvais, péremptoirement, que l’institution avait deux faces : « l’une, sur laquelle était écrit, pour les dupes : Enseignement professionnel ; c’était l’enseigne : l’autre sur laquelle on aurait pu écrire : Plus de Christianisme, ni pendant la vie, ni à la mort » ; c’était le vrai but.
Ce que j’ajoute ici, c’est que la Franc-Maçonnerie avait la main dans cette œuvre ; c’est que les plus ardents propagateurs de ces écoles, c’étaient les Francs-Maçons et les journaux Francs-Maçons. Tout en effet ici était maçonnique : et le but, à savoir, l’éducation en dehors de toute religion, l’irréligion pratique ; et le moyen, le grand moyen de propagande maçonnique, l’école, l’enseignement, la perversion des jeunes filles et de la femme par l’enseignement.
Mais, plus formidable encore que les écoles professionnelles, parce que la diffusion, grâce à la légèreté publique, en a été rapide et universelle dans notre pays, c’est cette Ligue dite de l’enseignement, fondée en Belgique par les Francs-Maçons solidaires, et importée de Belgique en France, par un Franc-Maçon célèbre, que j’ai déjà nommé, le F∴ Jean Macé.
C’est en effet, ainsi qu’on peut le lire dans le 2e bulletin de la Ligue, « après avoir assisté à Liége à une séance de la ligue de l’enseignement belge », que le F∴ Jean Macé prit « la résolution de provoquer en France la formation d’une Ligue analogue ».
Cette origine, maçonnique et solidaire, de la Ligue de l’enseignement, en révèle assez clairement le but ; et quant au F∴ Jean Macé lui-même, pour connaître quel esprit l’anime, il suffirait de son toast, porté lors de l’inauguration, à Strasbourg, d’un nouveau temple maçonnique : « A la mémoire du F∴ Voltaire[75]… »
[75] Le Monde-Maçonnique, mai 1867, p. 25.
De même que les écoles professionnelles, la Ligue de l’enseignement a deux buts, l’un proclamé, l’autre caché ; le but avoué, c’est la diffusion de l’instruction : Mais quelle instruction ? C’est ce qu’on dit beaucoup moins ; l’instruction sans Dieu, en dehors de toute religion, et dont le résultat est d’amener l’homme à vivre comme si le Christianisme n’existait pas. Voilà la vraie pensée de l’œuvre.
Que si une foule d’hommes inattentifs et trompés, en entrant dans cette Ligue, n’ont pas regardé jusque-là, et se sont arrêtés à l’enseigne ; qu’ils écoutent ce que les journaux Francs-Maçons, qui savent bien ce qu’ils font et ce qu’ils disent, ont écrit à ce sujet :
« Nous sommes heureux de constater », écrivait dans son numéro d’avril 1867 le Monde-Maçonnique, « que LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT ET LA STATUE DU F∴ VOLTAIRE rencontrent DANS TOUTES NOS LOGES, les plus vives sympathies. On ne pouvait avoir deux souscriptions plus en harmonie : Voltaire, c’est-à-dire la destruction des préjugés et des superstitions (traduisez des religions) ; la Ligue de l’enseignement, c’est-à-dire l’édification d’une société nouvelle, UNIQUEMENT basée sur la science et l’instruction, (c’est-à-dire affranchie de toute religion). TOUS NOS F∴ LE COMPRENNENT AINSI ».
Et ailleurs encore : « Les principes que nous professons, sont en parfait accord avec CEUX QUI ONT INSPIRÉ LE PROJET DU F∴ JEAN MACÉ. »
Qu’on le remarque bien, c’est le Monde-Maçonnique qui dit cela, un journal qui, à toutes ses pages, déclare que les religions sont les ténèbres, que la Maçonnerie c’est la lumière, que Dieu, l’âme et la vie future, ne sont que des hypothèses, des fantômes ; qu’en conséquence l’homme doit être élevé et le progrès réalisé, en dehors de tout Christianisme et de toute religion : c’est ce journal qui déclare ses principes en parfait accord avec ceux qui ont inspiré LE PROJET du F∴ Jean-Macé, et qui ajoute : « Les Maçons doivent adhérer EN MASSE à la ligue de l’enseignement, et les Loges doivent étudier, dans la paix de leurs temples, les meilleurs moyens de la rendre EFFICACE. »
C’est, du reste, ce que reconnaissait le F∴ Jean-Macé lui-même dans cet autre toast : A l’alliance de la Ligue et de la Maçonnerie, où il déclarait que tous les Maçons devaient être ligueurs, et tous les ligueurs, Maçons ; que le but, le principe, et le mot d’ordre de la Ligue et de la Maçonnerie, sont identiques :
« A l’entrée de tous les Maçons dans la Ligue ;
« A l’entrée dans la Maçonnerie de tous les ligueurs ;
« Au triomphe de la lumière, le mot d’ordre commun de la Ligue et de la Maçonnerie[76] ! »
[76] Ibid., juillet 1869.
Et cet appel était si bien entendu que dans un Rapport sur la première année de propagande de la Ligue en France, le F∴ Jean-Macé pouvait se glorifier que déjà tous les départements français, excepté douze, était enrôlés dans la Ligue ; « et c’est ainsi, concluait-il, que la Ligue française finira par devenir UNE GRANDE ARMÉE ».
Armée d’enseignement, certes, qu’aucun ministre de l’instruction publique ne gouvernera facilement.
Devant de tels faits et de tels principes, devant un tel but, et une telle propagande, quels que soient les sentiments contraires de tels ou tels francs-maçons trompés, de telle ou telle loge moins avancée, y a-t-il lieu encore de discuter la question de savoir si un chrétien, si un catholique peut entrer dans une telle institution, et s’associer à une telle œuvre ? Non, une telle solidarité est impossible. Et l’auteur franc-maçon d’une Histoire de la Franc-Maçonnerie, le F∴ Goffin, l’a proclamé avec sincérité : « Lorsque la Maçonnerie accorde l’entrée de ses temples à un juif, à un mahométan, à un catholique, à un protestant, c’est à la condition que celui-ci deviendra un homme nouveau, qu’il abjurera ses erreurs passées, qu’il déposera les superstitions dont on a bercé sa jeunesse. Sans cela, que vient-il faire dans nos assemblées maçonniques[77] ? »
[77] Histoire populaire de la Franc-Maçonnerie, p. 517.
Que pourrions-nous dire nous-même de plus fort ? Et en vérité, ne faudrait-il pas avoir perdu complètement toute notion du Christianisme et tout sens commun, pour s’imaginer encore que la Maçonnerie et la foi chrétienne sont choses compatibles ?