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Étude sur la Franc-Maçonnerie

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VI
INCOMPATIBILITÉ DU PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA FRANC-MAÇONNERIE AVEC TOUTE RELIGION

Il est évident du reste, pour peu qu’on veuille y réfléchir, que le principe fondamental de la Franc-Maçonnerie implique non-seulement la négation formelle du christianisme, mais encore une flagrante erreur philosophique. C’est la formule même du scepticisme et de l’indifférentisme le plus complet.

Ce principe, en effet, quel est-il ? C’est la libre pensée : « La libre pensée est LE PRINCIPE FONDAMENTAL de la Maçonnerie[46] » ; non pas la liberté RESTREINTE, mais COMPLÈTE[47], universelle ; la liberté ABSOLUE, illimitée, dans toute son étendue[48] : « La liberté ABSOLUE de la conscience est l’UNIQUE BASE de la Maçonnerie[49]. » La Maçonnerie, en effet, « est SUPÉRIEURE à TOUS les dogmes[50] » ; elle est « AU-DESSUS des religions[51] » ; « la liberté de la conscience est SUPÉRIEURE à TOUTES les croyances religieuses[52] » ; quelles qu’elles soient, même à la croyance en Dieu : « La Maçonnerie est une institution soustraite à TOUTES LES HYPOTHÈSES DES MYSTIQUES[53] » ; Les Francs-Maçons doivent en conséquence se placer non-seulement au-dessus des différentes religions, mais bien au-dessus de toute croyance EN UN DIEU QUELCONQUE[54]. » Enfin ils vont jusqu’à dire : « Nous serons nos propres prêtres et NOS PROPRES DIEUX[55] » ; et cette liberté, non pas restreinte, mais complète, universelle, illimitée est un DROIT[56].

[46] A. Neut, t. I, p. 408.

[47] Le Monde-Maçonnique, novembre 1866, p. 441.

[48] Ibid., mai 1866, p. 22.

[49] Ibid.

[50] Ibid.

[51] M. Neut, t. I, p. 285.

[52] Ibid., t. II, p. 192.

[53] Le Monde-Maçonnique, novembre 1866, p. 441.

[54] Neut, t. II, p. 233.

[55] Ibid., p. 202.

[56] Const. maçonnique, art. 1er.

Ainsi, la liberté, le droit, au point de vue non de la loi civile, mais du for intérieur de la conscience ; la liberté, le droit universel, absolu, illimité, de croire ce qu’on voudra, comme on voudra, ou de ne rien croire du tout, ce droit, proclamé antérieur et supérieur à toute croyance religieuse : Voilà, d’après les Maçons que nous venons d’entendre, le principe fondamental, l’unique base de la Maçonnerie.

Eh bien, il est manifeste d’abord que ce principe, ainsi entendu, est une flagrante erreur philosophique, et j’en demande bien pardon à ceux de MM. les Francs-Maçons qui croient en Dieu, c’est la négation implicite, même de la religion naturelle.

En effet, si la religion naturelle existe, elle oblige, par elle-même, en principe et en droit ; c’est cette obligation qui est antérieure et supérieure à l’homme, et elle limite sa liberté, elle lie sa conscience. En fait, l’homme, devant cette obligation, peut bien trouver, dans son ignorance ou sa bonne foi, pour son incroyance, une excuse, mais non pas un droit, antérieur et supérieur à la loi. Là est l’équivoque et l’erreur capitale du principe maçonnique. Certes, il ne suffit pas de nommer sa conscience pour avoir le droit de tout faire et de tout nier.

Et pour mettre ceci sous les yeux par un exemple frappant, il ne suffit pas, comme le disait très-bien à la tribune l’honorable M. Laboulaye au sujet des Mormons, il ne suffit pas, pour se dégager, qu’on puisse dire : « ma conscience exige que j’aie plusieurs femmes » ; non cela ne suffit pas, ni vis-à-vis de la morale, ni vis-à-vis de la loi civile.

Un raisonnement identique s’applique au Christianisme. S’il est une institution divine, il oblige, par lui-même, tous les hommes ; et cette obligation, supérieure à l’individu, à moins qu’on ne proclame l’individu supérieur à Dieu, limite sa liberté : là encore l’ignorance ou la bonne foi peuvent fournir une excuse, mais non pas créer un droit, absolu, illimité, antérieur et supérieur au Christianisme.

Cette liberté, absolue et illimitée, de la conscience, que les francs-maçons posent à la base de la Maçonnerie, n’existe donc pas ; c’est là une des chimères de ce faux libéralisme, condamné par l’Église, et qui n’est autre chose que le scepticisme ou l’indifférentisme en matière de croyances ; le proclamer, comme fait la Maçonnerie, c’est nier implicitement, mais réellement, toute religion, naturelle ou révélée.

Donc le principe maçonnique est exclusif du Christianisme, et dès lors un chrétien ne peut pas être franc-maçon.

Du reste, quand une institution se propose, comme la Maçonnerie, le progrès, non-seulement matériel, mais intellectuel et moral, de l’humanité, en dehors de la Religion, en dehors du Christianisme, que fait-elle encore autre chose que se substituer à la Religion, au Christianisme ; le nier par conséquent ? Car s’il est inutile et superflu pour une telle œuvre, les hommes n’en ont que faire : il est pour cela, ou il n’est rien.

Quand donc le Monde-Maçonnique vient nous dire que le propre de la Maçonnerie est de réunir tous les hommes, à quelque Religion qu’ils appartiennent, je lui demande encore bien pardon, mais le Monde-Maçonnique ne s’entend pas lui-même : et pour peu qu’on ne se paye pas de mots, et qu’on aille au fond des choses, on verra que placer à la base des constitutions maçonniques un tel principe, et prétendre ensuite qu’on ne touche pas à la religion, c’est une contradiction et une duperie.

C’est ce que reconnaissait, avec une franchise qui ne laisse rien à désirer, un haut dignitaire d’une loge allemande :

« Maçonnerie et catholicisme, écrivait-il, s’excluent réciproquement : CE SONT LES ANTIPODES… Je demande comment un catholique peut rester fidèle à sa religion tout en professant les doctrines maçonniques… Un homme qui croit au symbole des apôtres, comment peut-il entendre dire qu’il est libre et qu’il n’est tenu à aucune croyance ? » Ce sont deux choses contradictoires. — Extrait de la brochure : Die gegenwart und Zukunft der Freimaurerei in Deutschland. (Leipzig, 1854, p. 116 et suiv.) »

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