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Étude sur la Franc-Maçonnerie

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III
LES TRAVAUX DE TABLE, OU BANQUETS

Les initiations ont quelque chose en apparence de terrible ; mais pour reposer nos lecteurs, voici des détails moins sombres : je veux parler des travaux de table, c’est ainsi que se nomment les banquets maçonniques. — Ici encore je copie textuellement les rituels :

Voici, selon le F∴ Ragon, et selon un autre écrivain franc-maçon, fort accrédité aussi dans l’ordre, le F∴ Clavel, comment se passent ces banquets :

« La salle où se fait la mastication doit être, comme la Loge, à l’abri des regards profanes. On la décore habituellement de guirlandes de fleurs[100]. »

[100] Ibid., p. 76.

« Le V∴ dit : « F∴, surv∴, prévenez vos FF∴ que les travaux sont suspendus et que nous allons nous livrer à la mastication[101]. »

[101] Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie, par le F∴ Clavel, Introd., p. 30.

« Fr∴ 1er et 2e surv∴, invitez les FF∴ qui sont sous votre commandement à se disposer à charger et à aligner pour la première santé d’obligation[102]. »

[102] Rituel de l’Apprenti, p. 76, 77.

« Pendant le repas, on tire sept santés d’obligation. Lorsqu’on tire les santés, la mastication cesse » ; — c’est-à-dire qu’on cesse de manger pour boire ; et voici comment cela se fait. « Les frères se lèvent, se mettent à l’ordre, et jettent leur drapeau (leur serviette) sur l’épaule gauche. Sur l’invitation du Vénérable les frères chargent leurs canons (les verres) et quand tout cela est fait, le Vénérable dit : Mes frères, nous allons porter une santé… Nous y ferons feu, bon feu, le feu le plus vif et le plus pétillant de tous les feux.

« Mes frères ! La main droite au glaive (c’est le couteau) !

« Haut le glaive !

« Salut du glaive !

« Le glaive dans la main gauche ! »

Tous les couteaux se lèvent et se saluent.

Après ce mouvement brillant, on met la main aux armes, c’est-à-dire aux verres :

« Haut les armes !

« En joue ! — Ici, les frères approchent le verre de leur bouche.

« Feu ! — On boit une partie de ce qu’il y a dans le verre.

« Bon feu ! — On boit encore une partie.

« Le plus vif et le plus pétillant de tous les feux ! — On vide le verre. »

Pour annoncer la première santé, « Le Vénérable commande l’exercice ainsi :

« Attention, mes FF∴! la main droite aux armes !

« Haut les armes ! En joue !

« 1er feu ! A la santé de S. M. l’Empereur !

« 2e feu ! A la santé du Prince Impérial, de l’Impératrice et de la Famille Impériale.

« 3e feu ! A la gloire de la France[103] » !

[103] Rituel de l’Apprenti, p. 77.

Et l’exercice se poursuit ainsi :

« F∴ armes au repos ! — On approche le verre de l’épaule droite.

« En avant les armes ! Signalons nos armes !

« Un ! — A ce commandement, on approche le verre de l’épaule gauche.

« Deux ! — On le ramène à l’épaule droite.

« Trois ! — On le reporte en avant.

« Un ! Deux ! Trois ! — A chacun de ces temps les frères font un mouvement par lequel ils descendent graduellement le canon vers la table. Au troisième, ils le posent avec bruit et ensemble, de manière qu’on n’entende qu’un seul coup[104]. »

[104] Ibid., p. 82.

On en fait autant du glaive, c’est-à-dire du couteau.

Vraiment, il est assez difficile ici, quelque gravité qu’on veuille apporter à cette étude, de ne pas sourire un peu. Et quand involontairement, en lisant ces choses, certains noms propres se présentent à la mémoire, et que, par la pensée, on voit là certains hommes qu’on croyait graves, on éprouve un triste étonnement.

Et comment ne pas se rappeler aussi ces banquets de joyeux bons vivants, comme le siècle dernier en a tant vus dans les temples maçonniques, cette philanthropie inter pocula, et comme disait en 1852 le Constitutionnel, « ces bons drilles des loges maçonniques, célébrant l’amour et le vin aux soupers du caveau. Depuis lors, ajoutait le Constitutionnel, les choses ont bien changé ; les drilles philosophiques et anacréontiques, endormis dans le vin versé par l’athéisme, se sont réveillés dans le sang versé par les révolutions…[105] »

[105] M. Neut, t. I, p. 285.

Et comment ne pas sourire encore lorsqu’on entend ces grands réformateurs exposer la théorie maçonnique du plaisir, et présenter la Maçonnerie comme une espèce d’île de Calypso où règne un printemps éternel, que ne troublent jamais les orages ?

« La science a ses moments d’intervalle ; l’homme est par nature ami des plaisirs ; ceux que la Maçonnerie vous offrira satisferont et votre cœur et vos sens ; là se trouve un asile où règne un printemps éternel, où les fleurs s’épanouissent sans cesse, où la tempête ne mugit jamais[106]. »

[106] Discours prononcé par le F∴ Frantz Faider, à l’occasion de son installation comme Vénérable de la Loge de la Fidélité, de Gand, 2 juillet 1846. M. Neut, t. I, p. 286.

Mais c’est assez sur tout ceci : le moins qu’on puisse dire, assurément, c’est qu’il est permis de ne pas trop compter, pour le progrès réel de la vertu dans l’humanité, sur ce côté de la Maçonnerie.

« Cela, disait le révolutionnaire italien que nous citions tout à l’heure, est trop pastoral et trop gastronomique ; mais cela a UN BUT qu’il faut encourager sans cesse… C’est sur les loges que nous comptons pour doubler nos rangs. »

Nous reviendrons sur ce BUT.

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