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Étude sur la Franc-Maçonnerie

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I
TÉMOIGNAGES MAÇONNIQUES :
M. LOUIS BLANC, — MAÇONS FRANÇAIS ET BELGES.

Il y a, sur l’action politique et révolutionnaire de la Maçonnerie, un texte de M. Louis Blanc, dont nous citions tout à l’heure quelques paroles, et qui donne un premier démenti aux protestations des constitutions maçonniques :

« Il plut à des souverains, au grand Frédéric, dit M. Louis Blanc, de prendre la truelle, et de ceindre le tablier ; pourquoi non ? L’existence des hauts grades leur étant soigneusement dérobée, ils savaient seulement de la franc-maçonnerie ce qu’on en pouvait montrer sans péril.

« Ils n’avaient point à s’en occuper, retenus qu’ils étaient dans les grades inférieurs, où ils ne voyaient qu’une occasion de divertissement, que des banquets joyeux, que des principes laissés et repris au seuil des loges, que des formules sans application à la vie ordinaire ; en un mot, qu’une COMÉDIE de l’égalité. Mais en ces matières, la comédie touche au drame, et les princes et les nobles furent amenés à couvrir de leur nom, à servir aveuglément de leur influence, les entreprises latentes dirigées contre eux-mêmes. »

Impossible de mieux peindre cette étonnante imprévoyance des princes et de l’ancienne noblesse française, qui se jetaient aveuglément dans la Maçonnerie, comme dans le philosophisme impie du XVIIIe siècle, et acceptaient le rôle ridicule de comparses dans cette grande comédie de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, sans prévoir la tragédie qui la devait suivre de si près : impossible aussi de révéler plus clairement le plan profond de la Maçonnerie, qui déguisait, sous des apparences séduisantes, ses entreprises latentes, son but secret et subversif, sa conspiration permanente.

Et en effet, comme le disait encore M. Louis Blanc :

« L’ombre, le mystère, un serment terrible à prononcer, un secret à apprendre pour mainte épreuve courageusement subie, un secret à garder sous peine d’être voué à l’exécration et à la mort, des signes particuliers auxquels les Frères se reconnaissaient aux deux bouts de la terre, des cérémonies qui se rapportaient à une histoire de meurtre, et semblaient couvrir des idées de vengeance : quoi de plus propre à former des conspirateurs ! »

Du reste, les maçons français et belges sont ici en parfait accord avec M. Louis Blanc.

Ainsi, à la fête centenaire célébrée à l’Orient de Marseille, par la Loge la Parfaite Sincérité, un franc-maçon, influent dans l’ordre, le F∴ Brémond, esquissant l’histoire de la maçonnerie, disait :

« Comment ne pas admirer la persévérance de ceux qui, au XVIIIe siècle, bravaient les préjugés religieux et SE PRÉPARAIENT dans l’ombre et le silence ? ILS CONSPIRAIENT, a-t-on dit. C’est possible. » Et en effet, « lorsque du fond des loges sortirent ces trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité, LA RÉVOLUTION ÉTAIT FAITE[120] ».

[120] Le Monde-Maçonnique, février 1867, p. 613.

Et le F∴ Brémond ajoutait : « Depuis quelque temps ; un nouvel élan a été imprimé à la Maçonnerie… De toutes parts les maçons élèvent des temples, fondent des écoles, s’affirment devant le monde profane… Ils font plus encore : ils prennent UNE PART ACTIVE au mouvement du siècle[121]. »

[121] Ibid.

Deux ans après, en juillet 1869, avait lieu à Paris une Assemblée générale du Grand-Orient, et là, le dernier grand-maître de la Maçonnerie française, le F∴ Babaud-Laribière, s’exprimait, dans un discours solennel, plus catégoriquement encore :

« La Maçonnerie, disait-il, était intimement mêlée à tous les actes civiques dans LES PREMIERS BEAUX JOURS DE LA RÉVOLUTION.

« Philosophique avant la révolution, civique sous la Constituante, militaire sous l’empire, pendant la restauration, la Maçonnerie se trouve mêlée directement à la politique, ET LE CARBONARISME ENVAHIT LE PLUS SOUVENT LES LOGES.

Allant plus loin encore, le F∴ Babaud-Laribière déclare que c’est à la Maçonnerie qu’on doit l’agitation POUR LA RÉFORME, qui amena la chute du Roi Louis-Philippe, et le SUFFRAGE UNIVERSEL :

« Le SUFFRAGE UNIVERSEL ayant été mis en vigueur dans les ateliers, ce furent des Maçons qui demandèrent les premiers son application dans le monde profane : et l’on retrouverait encore leurs noms sur les pétitions pour la Réforme électorale dans les dernières années du règne de Louis-Philippe[122]. »

[122] Ibid., juillet 1869, p. 169.

Et enfin, il proclame « le besoin impérieux pour la Maçonnerie de prendre part au mouvement libéral et social », et déclare que « le véritable rôle de la Maçonnerie consiste à devancer la société politique ».

Et n’est-ce pas hier encore que, dans une des loges les plus influentes de Paris, les mêmes prétentions furent affichées ? Là, on rendait les honneurs funèbres à la mémoire du docteur Montanier, vénérable de la Loge le Progrès, et préfet de M. Gambetta au 4 septembre ; et on exaltait ses convictions maçonniques. Et quelles étaient ces convictions ? C’était, avec la guerre à la religion, au surnaturel, comme il le disait, l’étude immédiate et constante DE LA QUESTION SOCIALE[123].

[123] Ibid., avril 1872, p. 724.

C’est là ce que proclamait en son nom le F∴ Albert Joly, qui, lui-même, s’exaltant pour son compte, s’écriait, aux applaudissements de la loge tout entière :

« Que la Maçonnerie se mette donc à l’œuvre : qu’elle CONTINUE de faire la guerre au surnaturel… et mette à l’étude, mais sans aucun retard, LA GRANDE QUESTION SOCIALE[124]. »

[124] Ibid.

Que devant de pareilles déclarations les dupes de la Franc-Maçonnerie viennent donc encore nous citer les textes des constitutions maçonniques, qui défendent de s’occuper de religion et de politique ! Je leur répondrai, moi, qu’ils ne peuvent continuer d’être dupes à ce point, sans devenir complices.

Et, en effet, à quoi lui servirait sa vaste et puissante organisation, si ce n’était précisément à faire descendre de la hauteur des spéculations, pour les introduire dans le domaine des applications et des faits, les idées élaborées au sein des loges ? C’est ce qui fut expressément et nombre de fois déclaré par des orateurs maçonniques.

Écoutons la Maçonnerie belge : voici comment, par l’organe de ses représentants les plus autorisés, elle s’exprimait dans la grande fêle solsticiale du 24 juin 1854, où toutes les loges étaient représentées, et où, selon l’aveu de l’un des orateurs, on a dit tout haut ce que tout le monde dans la Maçonnerie pense tout bas :

« Si la Maçonnerie devait se confiner dans ce cercle étroit (qui exclut la politique), à quoi servirait la vaste organisation, l’immense développement qui lui sont donnés ?… Je ne suis ici qu’un écho ; je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas. »

Et le même orateur poursuivait de la sorte :

« Quand j’interroge le passé de notre institution, n’y vois-je pas que la Maçonnerie a été LA VIGIE ATTENTIVE QUI VEILLE A LA MARCHE DU VAISSEAU POLITIQUE ?

Parlant ensuite de la lutte de la Maçonnerie contre le gouvernement, l’orateur va jusqu’à avouer que, « dans les crises politiques, chaque fois qu’il le fallait, LE CENTRE, LE POINT D’APPUI DE LA RÉSISTANCE était là, dans la Maçonnerie ».

Aussi le même orateur ne craignit-il pas d’attribuer hautement à l’organisation et à l’activité de la Maçonnerie le triomphe de ses opinions dans le pays :

« Si notre opinion a triomphé, je dis que c’est à la Maçonnerie qu’elle le doit ! »

« LA MAÇONNERIE, s’écriait-il encore, S’EST MÊLÉE ACTIVEMENT AUX LUTTES POLITIQUES[125]. »

[125] M. Neut, t. I, p. 301.

Certes, voilà, en dépit de tous les articles de constitution, des aveux, qu’on nous passe cette expression, aussi crus que possible.

Mais voici qui va plus loin encore : dans une autre fête maçonnique, la fête de l’Ordre, célébrée le 15 juin 1845, l’orateur de la Loge, le F∴ Émile Grisar, révélait, dans des termes et avec des images auxquels il est impossible de rien ajouter ce qu’est au vrai la Maçonnerie, ce qui en fait une Association si redoutable, aux étreintes de laquelle il est si difficile qu’un pays échappe, quand une fois elle l’a enlacé :

« La Maçonnerie, disait-il, possède, par ses affiliations, des ressources immenses. » Et, pour enflammer le zèle des frères, il représentait la Maçonnerie comme « un CORPS ROBUSTE, un COLOSSE A MILLE TÊTES, A CENT MILLE BRAS, UN GRAND INSTRUMENT DE RÉFORMES SOCIALES, UN LABORATOIRE D’IDÉES NOUVELLES, et enfin le précurseur de cet esprit démocratique qui s’avance. »

« Les cadres de notre sainte milice S’ÉTENDENT DE JOUR EN JOUR, ajoutait-il, NOS BRAS SE MULTIPLIENT, et bientôt nous pourrons ÉTREINDRE TOUT LE PAYS[126]. »

[126] Ibid., p. 290.

Telle est donc la Maçonnerie ; tel est son but, et sa vaste organisation : colosse à mille têtes, à cent mille bras, qui jette autour de lui, comme un réseau immense, ses affiliations, afin de préparer les réformes sociales, d’élaborer les idées nouvelles, et d’étreindre tout un pays.

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