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Étude sur la Franc-Maçonnerie

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IV
LES RITES ET LES MYSTÈRES MAÇONNIQUES

Nous entendions tout à l’heure les francs-maçons nous dire : « Débarrassons l’imposante majesté de Dieu de toutes les frivolités du culte extérieur, de toutes les erreurs au moyen desquelles on enchaîne les ignorants et les faibles. Il n’y a, en fait, aucune religion que puisse embrasser l’être intelligent[107]. »

[107] Installation de la Loge l’Espérance, à Bruxelles, 26 novembre 1848, discours du sérénissime Grand-Maître national de Facqz, cité par M. Neut.

Ils disent cela, et immédiatement ils se donnent le plus complet démenti ; car ils ajoutent :

« Cependant l’homme est essentiellement religieux. Il éprouve le besoin d’un culte qui soit digne de lui et de l’être supérieur auquel il le consacre. »

« Eh bien ! M∴ F∴, QUE LA MAÇONNERIE SOIT POUR NOUS CETTE RELIGION !… Soyons ses apôtres fervents ; initions à SES MYSTÈRES[108] ! »

[108] M. Neut, t. I, p. 142.

Ses mystères : voyons-en donc quelque chose.

Dans le tracé officiel de la fête maçonnique célébrée en l’honneur de Léopold Ier, entre autres cérémonies, on vit le Grand-Maître se rendre à l’autel où brûlait le feu sacré (le feu, cet unique purificateur, comme ils disent), et offrir à l’ombre vénérée des libations :

« Ombre vénérée de notre auguste frère, entends ma voix ! Au nom de tous les maçons réunis dans ce temple, je t’offre l’eau, je t’offre le vin, je offre le lait[109] »

[109] M. Neut, t. I, p. 165.

L’eau, le vin, le lait, voilà donc les hommages et les secours, aussi vides que solennels, que l’ombre du roi des Belges reçut de ses confrères en maçonnerie.

Ce goût des rites, des cérémonies, ils le poussent si loin qu’à ma grande surprise, j’ai trouvé dans les livres maçonniques jusqu’à la parodie de nos Sacrements, un Baptême, une Confirmation, une Cène !

Oui, il y a un baptême maçonnique, car ils veulent prendre aussi, et comme ils disent, adopter les enfants. Et voici comment ils procèdent : je ne cite qu’un de ces rites : « … Le parrain tient de la main droite le fil d’un aplomb, de manière que l’extrémité inférieure de l’aplomb soit en face du cœur du Louveton (l’enfant) ; le premier surveillant touche de la main droite le côté du cœur du Louveton et dit : « Que la ligne verticale de l’aplomb t’enseigne à marcher droit[110]. »

[110] Histoire de la Franc-Maçonnerie, par Dubreuil, t. 2, p, 139.

Je reproduis ici textuellement le récit d’un baptême, tel qu’il est donné dans le Monde-Maçonnique :

« La loge de la Parfaite-Union, à l’Orient de Rennes, célébrait le lundi, 13 septembre 1858, ce que les anciens Maçons appelaient un baptême maçonnique. Le F∴ Guillet, Vénérable, présidait cette cérémonie avec l’expérience que lui donnent trente-cinq ans de Maçonnerie… Les portes du temple s’ouvrent… le Vénérable fait approcher l’enfant de l’autel. Sur une table placée au milieu du temple brillent, dans l’argent et le cristal, le pain, les fruits, l’eau et le vin, le miel et le lait, qui doivent servir aux cérémonies de l’initiation… Le Vénérable, en partageant aux parrains ce repas, qui rappelle les agapes des premiers chrétiens, leur adresse quelques mots heureux, empreints d’une douce morale ; il termine en bénissant l’enfant[111]. Etc. »

[111] Le Monde-Maçonnique, juillet 1872, p. 202.

Le 16 juillet 1870, la Loge les Amis-Réunis, de Bordeaux, adoptait huit enfants : deux filles et huit garçons ; et le F∴ Delboy leur disait : « Puissent vos esprits s’ouvrir à la lumière maçonnique ! Que les rayons de la vérité illuminent vos esprits, comme font les rayons du soleil dans les cieux, quand se lève le matin. » Mais quelle est cette lumière maçonnique ? Le prédicateur maçonnique l’expliquait : c’est, disait-il, la liberté de penser, qu’il faut mettre, ajoutait-il, au-dessus de toutes choses[112].

[112] Le Monde-Maçonnique, t. 1, p. 403.

Voici maintenant une Confirmation. Après les épreuves préliminaires, on entend le bruit du tonnerre précédé d’éclairs, et on semble aussi entendre des murs s’écrouler avec fracas : « Le bruit et le fracas que vous avez entendus, dit le Vénérable, accompagnent ordinairement les premiers pas de ceux qui commencent à marcher dans la carrière maçonnique… »

« Alors un cliquetis d’armes et des détonations d’armes à feu se font entendre de loin…

« Le préparateur fait ensuite marcher l’initié à reculons, pour qu’il apprenne par là qu’on n’a rien sans peine. »

On lui fait boire aussi le calice d’amertume, symbole de la peine qu’il y a à confesser ses défauts ; car on a commencé par lui demander cette confession[113].

[113] Histoire de la Franc-Maçonnerie, par Dubreuil, t. II, p. 139 et suiv.

Quelques détails maintenant sur la Cène maçonnique :

« Au fond de la loge, vers l’Orient, est un triangle en forme de gloire, avec le nom de Jéhova, en caractères hébraïques ; du côté du midi, dans un transparent, un soleil qui s’élève au-dessus d’un tombeau. Près de ce transparent, on place une table, sur laquelle il y a un agneau en pâtisserie, un couteau, une coupe et un vase de vin… Un chandelier à trois branches est sur l’autel.

« Le Vénérable, encense différentes fois le chandelier à trois branches… Alors le maître des cérémonies découpe l’agneau… Le Vénérable prend le plat sur lequel se trouve l’agneau découpé, et présente le plat au Frère qui est à sa droite en disant : « Prenez et mangez !… » Ensuite il prend la coupe, il boit, et la présente au Frère qui est à sa droite en disant : « Prenez et buvez ! » Et il donne le baiser de paix[114]. »

[114] Ibid.

Ainsi donc, ils sont Prêtres, ils sont Pontifes : ils baptisent, ils confirment, ils communient.

O inconséquence de la pauvre humanité ! ou plutôt, ô besoin éternel du cœur de l’homme que Dieu a fait religieux, et qui ne peut, quoi qu’il en ait, se passer de religion ! S’il rejette celle que Dieu lui-même a donnée au monde, il sera forcé de s’en faire une autre à sa guise, bien étrange assurément, mais qui lui plaira, parce qu’elle sera de sa façon. Voilà donc des hommes dont beaucoup se croiraient humiliés, presque déchus de leur dignité d’hommes, si on les surprenait pratiquant les devoirs du Christianisme, et qui, entre eux, dans le secret de leurs mystères, observent gravement un culte et des rites, tels qu’il est difficile d’en imaginer de plus bizarres.

Un souvenir nous revient ici à la mémoire.

Robespierre, lui aussi, voulut un jour faire le Pontife. Il apparut, élégamment, solennellement vêtu, tenant à la main un bouquet de fleurs qu’il offrit à l’Être Suprême, fondateur de la république. « Et pourquoi pas ? dit à ce propos le P. Lacordaire. Pourquoi un magistrat, couvert d’habits solennels, n’aurait-il pas offert à Dieu l’une des choses les plus pures et les plus aimables de la création, un bouquet de fleurs ? Il tomba cependant sous le coup d’un ridicule accompli. »

C’est qu’en effet la religion est un domaine réservé ; et le sacrilége ici ne sauve pas la parodie du ridicule. Non, il ne suffit pas d’un cordon bleu et d’un soleil d’or sur la poitrine pour animer de vains simulacres, et sacrer des Pontifes sans caractère et sans mission. Si le culte, si les sacrements chrétiens sont augustes et vénérables, sachez-le, c’est qu’il y a là ce que Dieu seul y a mis, ce que Dieu seul y pouvait mettre. Mais vous, que pouvez-vous mettre dans vos rites bizarres et dans vos creux symboles ? Voilà pourquoi, je le répète, vos pratiques sont ridicules, quand elles ne sont pas impies. La foi s’indigne, et le sens commun vous prend en pitié.

Pauvres hommes, vous rejetez la réalité, et vous vous prenez à des ombres ! Et ces ombres vous suffisent, parce que c’est vous qui les avez faites. Païens d’une nouvelle espèce, vous adorez les œuvres de vos mains. Mais votre temple, comme votre âme, est vide : on y cherche en vain la Divinité.

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