Étude sur la Franc-Maçonnerie
PREMIÈRE PARTIE
Antagonisme radical de la Franc-Maçonnerie
et de la religion.
I
POSITION DE LA QUESTION
Peut-on être à la fois franc-maçon et chrétien ?
Je réponds : Non.
Parce que la Franc-Maçonnerie, dans son esprit véritable, dans son essence même, dans son action dernière, est l’ennemie du Christianisme, et, par son principe fondamental, une inconciliable ennemie.
Je n’ai pas ici à m’étendre sur ce qui peut se dire et se faire de bon ou d’indifférent dans les Loges, et qui suffit à expliquer la présence là, après comme avant 89, d’hommes absolument aveuglés sur le but dernier des véritables initiés. Philanthropie, fraternité, humanité, progrès, ces mots que je lis en tête de la première Revue maçonnique imprimée en France sous le gouvernement de Juillet, pris dans leur vrai sens, loin d’être antichrétiens, appartiennent au contraire à la langue chrétienne : c’est de nous que le monde les a appris ; mais la question est de savoir comment, dans la réalité, la Maçonnerie les entend et les pratique.
L’article 1er de la constitution Maçonnique française, votée en 1865, déclare la Maçonnerie une institution « essentiellement philanthropique ». — Il est notable cependant, et c’est le Monde-Maçonnique lui-même qui le déclare, que « la bienfaisance n’est pas le but, mais seulement un des caractères, et DES MOINS ESSENTIELS, de la Maçonnerie ». Des moins essentiels ; puisque ces Messieurs l’avouent, il ne le faut pas oublier ; mais le but, les caractères essentiels, je le demande encore, quels sont-ils donc ?
Les Maçons disent : le progrès de l’humanité. Mais quel progrès ? Je réponds : un prétendu progrès, sans la Religion, et contre la Religion.
Mais ici tout d’abord, la Maçonnerie m’arrête, et me dit : La Religion, le Christianisme, mais lisez-donc mes constitutions ! je ne m’en occupe pas. Je suis à côté, je ne suis pas contre. Je respecte la foi religieuse de chacun de mes disciples, et n’exclus personne pour ses croyances. Je suis autre chose que la religion, mais je ne suis pas l’irréligion.
« Respecter toutes les religions, n’en attaquer aucune, ce seront là toujours les règles inviolables de la Maçonnerie » : voilà en effet ce que je trouve sans cesse dans les déclarations officielles ; et l’art. 125 d’un règlement maçonnique porte expressément : « On s’engage à ne jamais traiter dans les loges d’aucune question de controverse religieuse. »
Mais aux déclarations, aux affiches de la Franc-Maçonnerie, j’oppose les déclarations faites, les discours tenus dans les Loges par les chefs des francs-maçons, et qui ont été enfin publiés, d’abord en Belgique, où depuis plus longtemps les Loges jouissent d’une liberté qui leur permet de tout dire ; liberté dont elles n’ont commencé à jouir en France, que depuis la circulaire de M. de Persigny, en 1864[3]. J’écoute donc ; et qu’est-ce que j’entends-là ? Des explosions de haine, des cris de guerre incessants contre le Christianisme, qu’on doit, dit-on, respecter.
[3] La Franc-Maçonnerie, dit le F∴ Félix Pyat, a été longtemps société secrète ; mais le temps est venu où elle doit marcher tête levée, et faire hautement son œuvre : « La société secrète, comme la vestale antique, a gardé constamment le feu sacré à l’abri des coups de vent du despotisme. Mais pour éclairer le monde, le soleil doit sortir du nuage, la vérité du voile, et l’œuvre de la Loge. » — Le Rappel cité par le Monde-Maçonnique, mai 1870, p. 162.