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Étude sur la Franc-Maçonnerie

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III
QUELQUES TRAITS DE LA GUERRE FAITE A LA RELIGION PAR LA FRANC-MAÇONNERIE

De cette guerre, qui est le fond, la pensée dernière de la Maçonnerie, je ne veux citer ici que trois faits, mais qui ne peuvent laisser subsister aucun doute sur le véritable esprit maçonnique.

Je le demande d’abord : n’est-ce pas une profonde pensée de guerre qui, naguère, en 1869, faisait à la fois surgir, à Bruxelles, à Naples, à Paris ces Convents (c’est le style des francs-maçons), ces Convents ou conciles maçonniques, EN FACE du Concile œcuménique ? et tout récemment encore ce convent qui essayait de se réunir à Rome même ?

On se souvient que le Convent de Paris, était annoncé par une circulaire du Grand-Maître de l’Ordre, le général Mellinet, qui avait été en même temps, sous l’Empire, commandant en chef la garde nationale de Paris.

Voici cette circulaire :

« TT∴ CC∴ FF∴ (cela veut dire : Très-chers frères).

« L’Assemblée générale du Grand-Orient de France, dans sa dernière session, a été saisie de la proposition suivante :

« Les soussignés, considérant que, dans les circonstances présentes, EN FACE du Concile Œcuménique qui va s’ouvrir, il importe à la Franc-Maçonnerie d’AFFIRMER solennellement ses grands principes, etc.

« Invitent le T∴ H∴ (très-haut) grand-maître et le conseil de l’Ordre à convoquer, le 8 décembre prochain, un Convent extraordinaire des délégués des Ateliers de l’Obédience, de ceux des autres rites et des Orients étrangers, pour élaborer et voter un manifeste qui soit l’expression de cette affirmation. »

(Suivent les signatures.)

Le Grand-Maître de l’Ordre,

Signé : MELLINET.

Je ne veux remarquer ici qu’une chose, c’est dans quelle pensée ce Convent était projeté : il s’agissait d’y élaborer et d’y voter UN MANIFESTE SOLENNEL, qui fut, quoi ? Une affirmation de principes, qu’il importait, disait-on, de poser EN FACE du Concile œcuménique. Pouvait-on déclarer d’une manière plus expresse l’antagonisme flagrant entre la Franc-Maçonnerie et l’Église catholique ?

Et s’il était possible de conserver ici un doute quelconque ne suffirait-il pas, pour lever ce doute, de rappeler une lettre publiée alors par M. Michelet, et dans laquelle, selon M. Michelet, « les manifestations, — qu’il importait à la Franc-Maçonnerie de faire, « EN FACE du Concile œcuménique », — seraient « LE VRAI CONCILE QUI JUGERAIT LE FAUX[16] ».

[16] Lettre du 24 octobre 1869, publiée par tous les journaux.


Le second fait où se révèle la guerre que la Maçonnerie a déclarée au Christianisme, ce sont les attaques sorties des Loges maçonniques contre les institutions religieuses du Christianisme, institutions qu’il faut écraser et EXTIRPER MÊME PAR LA FORCE : « L’HYDRE MONACALE », c’est ainsi que le Vénérable de la Loge des Trois Amis les désignait ; et un autre Vénérable reprenant, dans son discours d’installation à son vénéralat, cette heureuse expression : « L’HYDRE MONACALE, s’écriait-il, si souvent écrasée, nous menace de nouveau de ses têtes hideuses[17]. »

[17] M. Neut, t. I, p. 280.

Et un autre, au milieu d’applaudissement frénétiques, ajoutait :

« Nous avons le droit et le devoir de nous en occuper et il faudra bien que le pays entier finisse par en faire justice, DÛT-IL MÊME EMPLOYER LA FORCE POUR SE GUÉRIR DE CETTE LÈPRE ! (Bravos)[18]. »

[18] Discours du frère Bourlard au Grand-Orient de Belgique, le 26 juin 1864. — Neut, t. I, p. 307.


Et que dire, maintenant, de ces confréries maçonniques, où l’on s’engage formellement à ne vouloir ni baptême, ni mariage religieux ; ni prêtre au lit des malades ; où l’on va jusqu’à donner mandat aux confrères d’intervenir, par l’ingérence la plus odieuse, à la dernière heure, entre le mourant et sa famille ; où l’adepte de la Franc-Maçonnerie s’enlève ainsi à lui-même, par ces engagements sacriléges, tout retour possible de la conscience !

Où donc est née cette horrible secte des solidaires, qui semble s’être donné mission d’immoler l’espérance entre ce qu’elle appelle l’inconnu éternel qui précède la naissance, et le néant éternel qui suit la mort ? Dans les Loges maçonniques de Belgique, d’où elle passa promptement dans les Loges maçonniques de France. Bientôt, en effet, une Loge de Paris, l’Avenir, à l’imitation des francs-maçons belges, créait également dans son sein un comité, une confrérie de ce genre. Voici le dixième article de ses statuts :

« Art. 10. — Le libre penseur pouvant être empêché, au moment de la mort, par des influences étrangères (les influences de la famille !), de remplir SES OBLIGATIONS VIS-A-VIS DU COMITÉ, remettra à trois de ses frères, pour faciliter leur mission en ce cas, UN MANDAT, fait au moins en triple ampliation, donnant plein droit aux frères de protester hautement, dans le cas où, pour quelque raison que ce soit, on ne tiendrait pas compte de sa volonté formelle d’être enterré en dehors de toute espèce de rite religieux[19]. »

[19] Cité dans le Monde-Maçonnique, t. IX.

Et ils appellent cela le libre-mourir ! Ils enchaînent ainsi d’avance la volonté de leur adepte ! Ils instituent, sur eux-mêmes, et au sein de leur famille, cette révoltante intrusion, telle, que des francs-maçons, munis d’un mandat en triple ampliation, viendront là, dire à un père, à une mère, à une femme, à des enfants : « Ce mourant, ce mort nous appartient ! Retirez-vous ! »

C’est donc le comité franc-maçon, lui seul, qui veillera au chevet des mourants ; et il n’y aura plus, à sa dernière heure, pour le franc-maçon, ni père, ni mère, ni femme, ni enfant, ni frère, ni sœur, ni lien quelconque de la famille et de la religion ; plus rien que ce comité et sa tyrannie !

La Franc-Maçonnerie officielle, il est vrai, s’est émue en France de cette publique monstruosité, tolérée pendant trop longtemps. Pour des raisons d’ordre et de prudence, le Grand-Maître a voulu voir là une atteinte aux principes maçonniques, et il a suspendu pendant six mois la loge l’Avenir. Mais combien de fois, dans combien de loges et de journaux maçonniques, les principes de la loge l’Avenir et des solidaires n’ont-ils pas été proclamés ?

Ce que les journaux francs-maçons, tel que le Monde-Maçonnique, exaltent le plus, c’est l’athéisme au lit des mourants ; ce sont ces morts sans Dieu, ces départs pour l’éternité sans aucunes consolations religieuses, ces funérailles sans aucunes prières : voilà ce que ce journal appelle « mourir sans faiblesse[20] ». Dans une seule de ses chroniques, je vois relatés et préconisés jusqu’à cinq morts et cinq enterrements solidaires, dont deux de femmes ![21]. Et voici en quels termes : « Il est mort sans l’assistance des prêtres d’aucune religion… Il est mort fidèle à ses principes, et a été enterré sans prêtres… Inutile d’ajouter que les funérailles de Mme F… ont été purement civiles… » Et une autre fois : « Deux mille maçons suivaient le convoi de Mme S. C… »

[20] Le Monde-Maçonnique, novembre 1866.

[21] Ibid., décembre 1867, p. 496, et septembre 1868, p. 296.

Ailleurs, dans la même Revue, je lis : « Dès 1868, le frère Bremond, trésorier de la Loge l’Écho du Grand-Orient, avait remis au vénérable de la Loge une lettre où il déclarait : « Je désire être enterré civilement ET maçonniquement[22]. »

[22] Ibid., juillet 1873, p. 158.

Aussi, ne suis-je pas surpris de lire dans le même Monde-Maçonnique, que la R∴ L∴ l’École Mutuelle, loge infatigable, dit cette Revue, et qui a pour premier Sur∴ (surveillant) le F∴ Tirard, que cette Loge, dis-je, a mis à l’ordre du jour des questions à étudier par elle, celle-ci :

« De l’organisation des enterrements civils ET maçonniques[23]. »

[23] Ibid., mai 1866, p. 30.

Naturellement aussi le Monde-Maçonnique ne pouvait qu’applaudir à ces vers de M. Laurent-Pichat :

Que j’aie été fourmi, que j’aie été géant,
S’il faut que je descende à la nuit du néant,
J’y descendrai sans peur…
Pas de cierges rangés au chœur en promenoir !
Pas de prêtres autour d’un catafalque noir !
Sur les murs de l’Église en deuil, pas de croix blanches[24] !

[24] Ibid., tom. XI, p. 197.

Et quelles impiétés, hélas ! et, je dois l’ajouter, quelles pauvretés, ne débitent pas d’ordinaire en ces occasions les orateurs des loges !

Ainsi, aux funérailles du F∴ Bremond, dont nous parlions tout à l’heure, le F∴ Pinchenat s’écriait : « L’homme meurt, mais les idées ne meurent pas… Pauvre cher frère, tu revivras en nous !… »[25]

[25] Ibid., juillet 1873, p. 162.

Grande consolation, pour ce pauvre frère Bremond, de revivre ainsi dans le cher frère Pinchenat !

Qu’on ne parle donc plus de cette tolérance et de ce respect pour la Religion, inscrits, faut-il dire si hypocritement, au frontispice de la constitution maçonnique !

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