Il faut marier Jean!
XXII
La soirée s’avance et Jean n’a pas paru.
Elle regarde encore la pendule. Dix heures ! La résistance qu’elle a prévue se prolonge. Et à mesure que coulent les minutes, elle sent fuir de son âme, l’espérance qui y palpitait comme un oiseau fou.
Incapable de s’occuper, elle s’est réfugiée auprès de la couchette où dort Bobby. Une incessante supplication monte de son cœur.
Dix heures et demie ! Et comme la réponse de la destinée, juste à cette minute, le timbre d’entrée résonne.
Elle se dresse, soudain haletante ; et elle est déjà dans le studio, aussi blanche que sa robe, les mains jointes par l’angoisse, quand la portière se relève.
Il entre… Et, tout de suite, elle voit qu’il a dans les yeux la fièvre de la lutte… et du triomphe ! Mais que ses traits sont altérés ! Et une souffrance lui crispe le cœur à la pensée que, à cause d’elle, il vient de passer des heures qui lui ont donné ce visage.
D’un geste large, il l’appelle dans ses bras.
— Demain, mon amour, mère viendra vous demander d’être ma femme.
Sa voix, encore frémissante, n’ajoute pas un mot. Plus tard, seulement, — peut-être… — il pourra lui raconter la scène où sa volonté a vaincu la stupeur, puis la colère exaspérée et insultante de Mme Dautheray contre celle qui lui apporte une telle déception, l’effondrement de toutes ses ambitions… Peut-être, alors, il dira l’apaisement que sa ferme décision a su, peu à peu, amener dans le cœur de sa mère, dont il connaît la nature bonne, la générosité, surtout le souverain amour pour lui…
A cette heure, il n’éprouve plus que l’immense désir de reposer la lassitude de sa victoire, dans l’amour de la femme qu’il a ainsi conquise.
Elle le sent bien. Douce infiniment, tremblante de bonheur, de tendresse, de reconnaissance, elle met ses deux mains sur les épaules de Jean ; et lui offrant toute son âme dans le regard plein de larmes qu’elle lève sur lui, elle murmure passionnément :
— O Jean, mon Jean, je crois bien que, toujours, je vous ai adoré !
FIN