Le monde de la mer
CHAPITRE XII
LES ANÉMONES DE MER.
Which like a bud comparted,
Their purple lips contracted;
And now in open blossoms spread,
Stretched like green anthers many a seeking head.
(Southey.)
I
Qu’on suppose un Polype bien grand et bien trapu, possédant, au lieu de six modestes barbillons, un grand nombre de brillants appendices disposés comme une riche collerette, et l’on aura une Anémone de mer.
Le Polype d’eau douce semble l’ébauche de l’Anémone de mer.
Ce nom d’Anémone est admirablement choisi; car ce Polype perfectionné ressemble beaucoup plus à une fleur qu’à une bête. On dirait, en effet, une gracieuse Anémone ou une jolie corolle de Cactus.
Les poëtes ont regardé ces fleurs vivantes comme les Roses du monde des Zoophytes.
On a donné encore à ces charmantes créatures le nom d’Actinies (Brown), pour indiquer leur conformation radiée ou étoilée.
Les Anémones de mer sont des animaux charnus, plus ou moins coriaces, ordinairement fixés par la base, offrant un corps ou colonne en forme de bourse, avec un aplatissement terminal ou disque bordé de tentacules, au centre duquel est percée la bouche.
ANÉMONES DE MER.
La base des Anémones est, en général, une surface plane, au moyen de laquelle l’animal adhère aux corps solides sous-marins (rochers ou plantes). Dans quelques espèces, elle se dilate plus ou moins, et peut même produire comme deux ailerons demi-circulaires; dans d’autres, au contraire, elle se rétrécit considérablement, au point de ne plus pouvoir remplir sa fonction. L’animal n’adhère plus.
La colonne est raccourcie le plus souvent; mais, dans certains cas, elle devient cylindrique et allongée comme une tige. Celle-ci est lisse, verruqueuse ou sillonnée.
Le disque varie en étendue.
Les tentacules sont des cônes creux disposés circulairement sur un ou plusieurs rangs horizontaux et concentriques. Ils sont très-longs ou très-courts, filiformes ou pétaloïdes, renflés ou aplatis, souvent pointus, quelquefois ciliés ou frangés, d’autres fois ramifiés. Il y en a qui ressemblent à de gros Vers cylindriques, demi-transparents et demi-laiteux.
ANÉMONE DE COUCH ANÉMONE ŒILLET
(Aiptasia Couchii Gosse). (Actinoloba dianthus Blainville).
Charles Bonnet a compté dans une espèce cent cinquante tentacules, alignés sur trois rangs. De ces jolis appendices s’élançaient de temps en temps de petits jets d’eau.
La bouche est presque toujours très-large. Elle présente une lèvre circulaire généralement épaisse, tantôt déprimée, tantôt élevée sur une sorte de saillie.
Linné n’a mentionné que cinq espèces d’Actinies. Rapp en a caractérisé vingt-trois, et Lamarck vingt-cinq. Aujourd’hui on en connaît plus de cent.
Ces brillants Zoophytes sont blancs, gris, roses, rouges, pourpres, fauves, jaunes, nankins, orangés, lilas, azurés, verts.....
Regardez cette charmante espèce à barbillons violets finement pointillés de blanc, et cette autre à tentacules rouges légèrement maculés de gris. Examinez celle-ci qui les étale verts, terminés par une pointe d’un blanc mat, et celle-là qui les agite d’un blanc de lait, avec une belle écharpe rose!...
Le corps, le disque et les tentacules n’ont pas toujours la même couleur; ce qui contribue puissamment à varier la parure de ces corolles animées. Voici une Anémone à corps fauve et à disque couleur d’abricot, entouré de tentacules d’un blanc mat. En voilà une seconde dont le centre est rouge, avec des tentacules gris, et une troisième où il est vert, avec des tentacules fauves.
Comme la Nature est féconde et diversifiée dans ses nombreuses créations! Que de variations et de surprises avec le même thème!
II
Les Anémones de mer se tiennent parmi les rochers, souvent dans des crevasses ou des fentes. Il y en a qui logent leur corps dans quelque vieille coquille abandonnée, épanouissant leur collerette autour de son ouverture.
Les individus laissés à découvert par les flots rapprochent leurs tentacules et se dessèchent. Quand la mer revient, ils se gonflent, s’ouvrent et rayonnent de nouveau.
Quoique ces animaux soient très-adhérents, ils peuvent cependant se mouvoir, mais ils le font avec lenteur, par des contractions et des relâchements successifs. Quand ils changent de place, ils étendent par une action imperceptible un des bords de leur base, et retirent le bord opposé. Ils se traînent quelquefois à l’aide de leurs tentacules, qui leur servent alors comme de pieds.
Le professeur Forbes avait une Actinie qui se promenait sur les parois d’un bocal, adhérant alternativement par sa base et par son disque, à la manière des Sangsues (Rymer Jones). Il y a donc, dans la Nature, des fleurs qui se promènent!
A l’approche de l’hiver, les Anémones de nos côtes détachent leur bourse, se laissent emporter par les flots, et vont chercher une température plus douce dans des eaux plus profondes. L’instinct de ces délicieuses bêtes, si différentes des animaux terrestres, est plus assuré, dans ses inspirations, que ne le sont souvent, dans leurs conséquences, les raisonnements suivis des Vertébrés supérieurs. La connaissance de l’instinct chez les animaux est bien certainement une des plus grandes et des plus nobles parties de l’histoire naturelle. Cette partie devrait être étudiée beaucoup plus qu’on ne le fait habituellement.
Lorsqu’une vive lumière éclaire une Anémone, elle épanouit ses tentacules comme un capitule de Pâquerette qui étale ses demi-fleurons. Ces organes s’allongent et se raccourcissent, vont et viennent, se balancent et se tordent autour de sa bouche dilatée. Touchez l’animal avec le bout d’une baguette, ou bien agitez l’eau qui l’environne, et soudain tout se rapproche, se ferme, se contracte et s’amoindrit.
Pendant que l’Anémone étale sa brillante collerette, si un petit ver, un jeune crustacé, un poisson nouvellement éclos, viennent s’y heurter étourdiment, aussitôt, par un brusque mouvement, l’animal vorace pousse l’imprudente victime vers sa gueule béante, et la précipite dans sa bourse, c’est-à-dire dans son estomac... et consummatum est! La vie des Anémones est un affût continuel!
Les tentacules filamenteux de certaines espèces semblent être de véritables armes offensives. M. Gosse a surpris un de ces filaments au moment où il s’attachait à un petit poisson. La pauvre bête fit quelques efforts pour fuir, et ne tarda pas à succomber. M. Hollard a vu de jeunes Maquereaux se coucher sur le flanc et mourir au simple contact d’une Actinie.
Quand on touche ces tentacules, dit M. Rymer Jones, ils occasionnent une cuisson assez vive. Pendant plus d’une heure, la main demeure rouge, enflammée et douloureuse. Si l’on mord un de ces organes, et qu’on applique la langue sur la partie mordue, on éprouve une sensation brûlante et corrosive.
La propriété toxique des tentacules réside dans de petits organes qui s’étendent sur toute leur peau, et consistent en des capsules innombrables, visibles seulement au microscope, lesquelles contiennent un gros fil entortillé. Au moindre contact, ces capsules semblent se crever et lancer leur fil au dehors. Celui-ci s’attache aux corps étrangers, comme certains fruits épineux (Rymer Jones). Ce fil est ordinairement entouré d’une ou de plusieurs bandes en spirale, dont chacune porte une série de petites barbes. L’appareil tout entier sert à l’émission d’un fluide très-venimeux (Gosse).
Les Anémones sont voraces et vigoureuses. Rien ne peut échapper à leur gloutonnerie: tous les animaux qui s’approchent sont saisis, précipités et dévorés.
Malgré la puissance de leur bouche, ces estomacs insatiables ne retiennent pas toujours la proie qu’ils ont avalée. Dans certaines circonstances, celle-ci réussit à s’échapper; dans d’autres, elle est adroitement enlevée par quelque maraudeur du voisinage, plus rusé et plus actif que l’Anémone.
On voit quelquefois, dans les aquariums, des Crevettes, qui ont senti de loin la proie mangée, se précipiter sur le ravisseur, lui prendre audacieusement sa nourriture et la dévorer à sa place, au grand désappointement de celui-ci. Bien plus, lorsque le morceau savoureux a été complétement englouti, la Crevette, redoublant d’efforts, réussit à s’en emparer au milieu même de l’estomac. Elle fond en plein sur le disque étendu de l’Anémone: avec ses petits pieds, elle l’empêche de rapprocher ses tentacules; elle introduit en même temps ses pinces dans la cavité digestive, et saisit l’aliment. L’Anémone essaye en vain de contracter ses barbillons et de fermer sa bouche... Parfois le conflit devient très-grave entre le Zoophyte sédentaire et le Crustacé vagabond... Quand le premier est un peu robuste, l’agression est repoussée, et la Crevette court le risque de former un supplément au repas de l’Anémone.....
Pendant leur digestion, les Actinies semblent dormir; elles entrent en torpeur. Elles tiennent alors leurs tentacules appliqués les uns contre les autres, formant un dôme pointu au-dessus de leur bouche. Ainsi resserrées, elles figurent assez bien un bouton de plante radiée, par exemple celui d’une Marguerite ou d’un Souci.
La cavité viscérale de ces animaux paraît grande et régulièrement divisée en loges rayonnantes.
Il est remarquable que les papiers réactifs plongés dans cet organe, soit chez l’animal à jeun, soit pendant sa digestion, ne donnent aucun signe, ni d’acidité, ni d’alcalinité. (Hollard.)
Comme les Polypes d’eau douce, les Anémones prennent souvent une quantité de nourriture hors de proportion avec leur cavité stomacale. En moins d’une heure elles peuvent vider la coquille d’une Moule ou réduire un Crabe à ses parties dures, qu’elles ne tardent pas à rejeter, en renversant leur poche digestive. (Hollard.)
Le docteur Johnson rapporte qu’il trouva une Anémone crassicorne[53] qui avait avalé une valve de Pèlerine géante, laquelle était entrée en travers et divisait l’estomac en deux compartiments, l’un supérieur et l’autre inférieur. Ce dernier ne communiquait plus avec la bouche; le corps, fortement distendu, était devenu d’une minceur extrême. Une nouvelle bouche, pourvue de deux rangées de tentacules, s’était formée du côté de la base et desservait l’estomac inférieur. L’animal mangeait ainsi par en haut et par en bas!... Un accident qui aurait été funeste à un animal vertébré avait doublé les jouissances de l’Anémone crassicorne!...
Les Actinies supportent des jeûnes prolongés. Cela devait être chez des organismes adhérents, qui sont forcés d’attendre patiemment la nourriture, et par conséquent exposés à ce qu’elle n’arrive pas toujours à point nommé. Quand nos bêtes ne mangent pas, leur corps diminue graduellement de volume; il s’atrophie, et peut se réduire au dixième de sa masse. Mais quand l’abondance revient, il regrossit avec rapidité, et reprend bientôt son premier embonpoint. On assure qu’une Anémone peut vivre deux ans, même trois, sans nourriture.
Quand on irrite l’Anémone rousse[54], elle lance avec force l’eau contenue dans sa bourse stomacale. Cette singulière habitude, bien connue des pêcheurs provençaux, lui a fait donner le sobriquet peu honnête de pissuso.
Les Anémones ont les sens très-obtus. Elles ne paraissent pas se douter du voisinage de leurs proies; elles ne les sentent pas à la plus faible distance; elles ne font rien non plus pour éloigner d’elles un danger. Chose étrange! si l’eau qui les baigne s’évapore, elles n’ont jamais l’idée de s’approcher d’une flaque voisine, quand bien même leurs tentacules pourraient y atteindre sans changer de place (Rymer Jones). Cependant on a vu plus haut que dans certaines circonstances, conseillées par leur instinct, elles savent à propos se détacher de leur rocher et se laisser emporter par le flot.
L’abbé Dicquemare croit avoir reconnu qu’elles sentent les moindres variations atmosphériques. Est-il vrai qu’elles montent et descendent dans les bocaux, suivant le vent qui domine? (Hollard.)
Les Actinies vivent longtemps en domesticité. Une Anémone rousse a été conservée chez sir John Dalyell l’espace de vingt ans; elle devait avoir au moins dix ans lorsqu’elle fut prise dans la mer. Une autre est restée chez le même observateur treize ou quatorze ans. Ces deux patriarches étaient pleins de vigueur à l’époque où l’on a parlé de leur longévité, et semblaient devoir vivre encore de longues années.
III
A certaines époques, on remarque, dans les tentacules des Anémones, des germes et des embryons; les premiers en repos, les autres en mouvement. Le meilleur moyen pour étudier ces corps, c’est de couper les tentacules avec un instrument tranchant.
Sir J. Dalyell, ayant opéré vers la fin d’octobre sur une Anémone rousse, il tomba de la blessure deux corpuscules. Le premier resta immobile; mais le second déploya une sorte de double mouvement rotatoire, tournant sur lui-même avec beaucoup d’activité. L’un était un œuf, et l’autre une larve.
Ces animaux portent donc leurs œufs et leurs petits, non pas sur leurs bras, mais dans leurs bras!
NAISSANCE D’ANÉMONES
(Actinia equina Linné).
Généralement, les larves passent des tentacules dans la cavité stomacale, et sont ensuite rejetées par la bouche, en même temps que le résidu de l’alimentation. Voilà une bouche qui cumule, en dehors de ses fonctions habituelles, deux emplois bien singuliers!
Les Anémones pâquerettes[55] du Jardin zoologique de Paris ont vomi plusieurs fois de jolis petits embryons, lesquels se sont éparpillés et fixés dans divers endroits de l’aquarium, et ont produit des miniatures d’Anémones exactement semblables à leur mère.
Une Actinie qui avait pris un repas trop copieux, rendit, au bout de vingt-quatre heures, une portion de ses aliments, au milieu de laquelle se trouvèrent trente-huit jeunes individus (Dalyell). C’était un accouchement dans une indigestion!
Les animaux des classes inférieures ont en général, comme fondement de leur organisation, un sac avec une seule ouverture. Cette ouverture remplit (ainsi qu’on l’a vu) des usages très-divers; elle reçoit et rejette, elle avale et vomit. Le vomissement, devenu nécessaire, habituel, normal, ne doit plus être douloureux... Peut-être même s’exécute-t-il avec quelque plaisir; car ce n’est plus une maladie, c’est une fonction, et même une fonction multiple. Chez les Anémones, il expulse l’excrément et pond les œufs; chez d’autres, il sert encore à la respiration. Nos animaux-fleurs jouissent donc d’un vomissement perfectionné et régularisé.
Chez quelques espèces, les petits se forment et naissent à la base de la bourse, en dehors. Par exemple, dans l’Anémone déchirée[56], la partie inférieure du corps devient rugueuse, surtout pendant les mois d’août et de septembre. On aperçoit bientôt, aux bords de cette base, des espèces de bourgeons ou gemmes, lesquels se transforment en embryons, et se séparent de la mère pour constituer autant de nouvelles Actinies. (Dalyell.)
M. Rymer Jones a vu une Anémone déchirée donner vingt petites larves dans un mois, et soixante et dix dans une année.
Parlons maintenant d’un autre mode reproducteur, bien plus extraordinaire. Une Anémone œillet[57], de l’aquarium de M. J. Hogg, adhérait si fortement à la paroi du réservoir, qu’au lieu de se détacher sous l’influence d’efforts très-violents, elle se déchira inférieurement, et laissa contre le verre six petits fragments du bord extérieur de sa base. Ces morceaux, solidement collés, ne servirent, pendant plusieurs jours, qu’à indiquer l’endroit où l’Anémone avait vécu. Au bout d’une semaine, M. Hogg, essayant de les enlever avec une baguette, découvrit, à sa grande surprise, que lesdits fragments se contractaient lorsqu’ils étaient touchés. Peu de jours après, il distingua une rangée de tentacules poussant sur la partie supérieure de chacun d’eux. Bientôt il y eut autant d’Anémones parfaitement formées qu’il y avait de petits morceaux!...
De son côté, la mère s’était guérie de sa perte de substance, et se trouvait aussi complète, aussi bien portante qu’avant la déchirure. (Rymer Jones.)
IV
Les Anémones jouissent, comme les Polypes d’eau douce, de l’admirable faculté de reproduire les morceaux qu’on leur enlève. Si on leur ampute les tentacules, ces organes repoussent avec rapidité, et l’on peut répéter l’expérience, pour ainsi dire, à l’infini.....
Si l’on coupe la bête transversalement par le milieu, la moitié inférieure du corps produit une couronne de tentacules et se complète. Quant à la moitié supérieure, elle continue à saisir des proies et à les engloutir comme par le passé, sans faire attention que la nourriture sort immédiatement par l’ouverture inférieure. Mais bientôt l’Anémone se ravise, et apprend à retenir son repas; et voici ce qui arrive. Tantôt cette seconde ouverture se resserre, se ferme, et il s’organise une nouvelle base; tantôt il naît des tentacules à son pourtour, et il se forme une seconde bouche, opposée à la première; en sorte que l’animal saisit des proies et les avale par en haut et par en bas. Plus tard, il s’opère un étranglement vers le milieu du corps, d’abord faible, et graduellement plus fort. Il en résulte deux Anémones attachées base à base ou dos à dos: Ritta-Christina-Anémone! A cet étranglement succède une rupture, et l’on a des animaux parfaitement indépendants. Ritta et Christina se sont émancipées.
Si l’on divise un de ces Zoophytes dans le sens vertical, de manière à partager sa bourse en deux parties égales, en peu de jours les bords se soudent dans chaque demi-bête, et l’on obtient deux Anémones complètes, mais un peu plus étroites que dans l’état habituel.
Trembley a rendu célèbres les Polypes d’eau douce; l’abbé Dicquemare a illustré les Anémones. Il a fait de nombreuses expériences sur ces curieux animaux, plus remarquables encore par leur ténacité à la vie que par la vivacité de leurs couleurs. Il les a mutilés de toutes les manières; il a toujours vu les fragments isolés supporter vaillamment les douleurs de la vivisection, et sortir tout à fait triomphants de cette rude épreuve.
«On m’accusera peut-être de cruauté, dit cet excellent homme; mais je crois que, vu le résultat de mes expériences, ces animaux auraient plutôt lieu de se féliciter d’en avoir été l’objet. Car, non-seulement j’augmentais la durée de leur vie, mais encore je les rajeunissais.»
V
Les Anémones sont bonnes à manger.
En Provence, on recherche la rousse et l’Anthée. Du temps de Rondelet, la crassicorne se vendait à Bordeaux à un bon prix. L’abbé Dicquemare regarde cette dernière comme la meilleure pour la table. Lorsqu’elle a bouilli dans l’eau de mer, elle devient ferme et très-appétissante: elle a l’odeur de l’Écrevisse. Le même auteur assure que l’Œillet est aussi très-estimé. Plancus a conseillé de l’apprêter à la manière des Huîtres.
VI
Les Lucernaires, très-voisines des Anémones, en diffèrent par un tissu plus mou et par leur partie supérieure dilatée comme un parasol renversé. Leur corps est porté par un pédicule. Leurs tentacules sont réunis en faisceaux; ils entourent quatre espèces de cornes qui partent de la cavité digestive, et contiennent une matière grenue de couleur rouge.
Elles s’attachent aux Varecs et aux autres corps marins.
La Campanule est probablement la plus jolie espèce du genre. Son nom de fleur lui convient à merveille. Figurez-vous une corolle en forme de cloche, haute d’environ 25 millimètres, d’un brun foncé uniforme, attachée par un pédicule mince et court. Sa gorge est fermée par une lame transversale un peu concave, au milieu de laquelle s’ouvre une petite bouche carrée, placée sur un mamelon. Les bords de la corolle sont régulièrement découpés en huit lobes, portant chacun un bouquet de tentacules microscopiques terminés par un bouton glandulaire d’un rose vif. Quand on regarde cette charmante bestiole de côté, les huit touffes de tentacules ressemblent aux étamines polyadelphes de certaines Myrtacées (Métaleuques).
DEUX LUCERNAIRES CAMPANULES SUR UNE ALGUE
(Lucernaria octoradiata Lamarck).
Nous aurions bien des choses à dire encore sur les Anémones et sur les animaux qui leur ressemblent, et cependant, malgré la belle monographie de M. P. H. Gosse, ces Zoophytes sont encore très-mal connus. «L’histoire naturelle est un vaste pays dont nous connaissons à peine les frontières, et cependant nous voulons en dresser la carte!» (Ch. Bonnet.) L’Homme est toujours pressé, il ne sait pas attendre. Ératosthène et Hipparque ont rédigé la géographie du globe avant Christophe Colomb et Vasco de Gama.