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Le monde de la mer

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CHAPITRE XIX
LES MOLLUSQUES ACÉPHALES.

Mais de cervelle point!

(La Fontaine.)

Les Mollusques solitaires sont les vrais Mollusques. Il en existe un très-grand nombre. On peut les ranger tous sous deux types généraux. Les uns sans tête, c’est-à-dire à structure plus ou moins simple: on les appelle Acéphales. Les autres pourvus d’une tête, c’est-à-dire à structure plus ou moins compliquée: on les nomme Céphalés.

Occupons-nous d’abord des Acéphales.

Ces Mollusques sont tantôt nus, et tantôt enfermés dans une coquille (testacés).

I

Les Acéphales nus rampent sur les rochers, sur les Fucus et sur les animaux. Il y en a qui flottent en peuplades innombrables à la surface de la mer. Quelques-uns, collés contre les corps solides, ne paraissent avoir aucun mode de progression bien caractérisé.

Parmi ces Mollusques, mentionnons d’abord les Ascidies solitaires. Pauvres Ascidies! Figurez-vous des animaux en forme de sac irrégulier, qui adhèrent par une extrémité à quelque pierre ou à quelque coquille, et qui sont condamnés à vivre, à se reproduire et à mourir, sans changer de position. On en pêche fréquemment, à Cette, une espèce bien connue, de très-vilaine forme, et qu’on appelle Bichus[91]. On la dépouille de sa peau coriace, épaisse, ridée, d’un gris brunâtre; on isole ses viscères, qui sont d’un jaune pâle, et on les mange. Ils ont un goût d’abord salé, puis douceâtre, puis un peu piquant et comme poivré.

Ces Mollusques présentent deux orifices, à marge quelquefois ciliée, par lesquels, à la moindre pression, ils projettent avec beaucoup de force une certaine quantité d’eau[92].

Les Ascidies n’ont pas de mains, ni de lèvres pour saisir leur proie. Leur bouche est placée très-défavorablement; elle se trouve au fond du sac, et non à l’une de ses extrémités. Mais la nature n’a pas oublié qu’un animal, avant tout, doit se nourrir. La surface interne de la poche viscérale est couverte d’une multitude de cils vibratiles très-serrés, qui produisent dans l’eau de forts courants, tous dirigés vers l’orifice buccal. Vus au microscope, les cils dont il s’agit, font l’effet de roues ovales délicatement dentelées, tournant continuellement de gauche à droite. Ce mouvement engendre de toutes petites vagues; celles-ci entraînent les substances alimentaires vivantes ou inanimées, qui entrent dans le sac avec l’eau de la respiration, et les conduisent jusqu’à la bouche. Ainsi, chez ces curieux animaux (comme du reste chez beaucoup d’autres), manger et respirer sont deux fonctions qui se confondent! La Providence est économe d’organes, quand il faut!

Quelques auteurs attribuent des yeux aux Ascidies. Ils regardent comme tels six ou huit taches rouges (dans les organisations inférieures, les yeux sont souvent rouges) disposées en cercle autour des orifices de la peau. Il est difficile de comprendre à quoi serviraient des yeux chez des animaux privés de la faculté de se mouvoir et dont la structure est si dégradée. Mais qui sait, dit un savant naturaliste, de quelles nonchalantes jouissances les Ascidies peuvent être susceptibles? (Rymer Jones.)

Les larves des Ascidies ne sont pas adhérentes comme leur mère. Elles se transportent librement d’un endroit dans un autre; elles nagent. Leur corps est rougeâtre. Elles ont une grosse tête presque opaque, avec une tache noire antérieure, et une petite queue aplatie qui constitue leur principal instrument de natation. Elles ressemblent à un têtard de Grenouille ou de Crapaud.

A l’époque où ces larves doivent se fixer, voici ce qui arrive. Elles appuient leur tête contre un corps solide, et restent là, la queue en l’air. Représentez-vous des baladins qui feraient l’homme droit. En même temps, leur face s’élargit et semble se creuser. L’animal sort alors de son calme habituel; il témoigne, par de violentes commotions, que ce n’est pas volontairement qu’il est retenu. L’amour de la liberté semble plus fort chez lui que le besoin de la transformation. Il fait tous ses efforts pour se dégager. Les vibrations de sa queue deviennent si rapides, qu’on ne peut presque plus la distinguer. Hélas! la pauvre bête est collée, solidement collée et pour toujours collée! Enfin cette agitation s’apaise. Une matière sort des bords de la tête, s’étale sur le corps solide, et la larve demeure irrévocablement fixée. La queue disparaît; elle n’était plus bonne à rien. Une tunique résistante s’organise autour de l’animal, et, sur les marges de la partie adhérente, surgissent de nombreuses saillies radiculaires qui assurent sa fixation (J. Dalyell.)

L’Ascidie adulte et immobile se rappelle-t-elle les courses vagabondes de son premier âge? Le Papillon se souvient-il du ramper de la chenille?

L’Ascidie laineuse[93], contrairement aux habitudes de ses congénères, est libre. Ici l’adulte a conservé les prérogatives de l’enfant. Cette espèce habite dans les eaux profondes, parmi le sable. Son sac est arrondi et d’un brun rougeâtre, avec l’intérieur des orifices écarlate. On ignore si l’extrémité inférieure du Mollusque est ou non enfoncée dans le sol; mais, en captivité, l’Ascidie reste couchée horizontalement, sans faire le moindre effort pour descendre plus bas ou pour changer de position. (Rymer Jones.)

II

Les Acéphales testacés sont plus nombreux que les Acéphales nus.

On les appelle bivalves, parce qu’ils possèdent une coquille à deux battants (valves). Ils sont abrités dans cette double carapace comme un livre dans sa couverture.

Quoiqu’ils manquent de tête, ils se nourrissent, ils sentent et ils se reproduisent. Ils ont des amitiés et des inimitiés, peut-être même des passions..... Toutefois ces dernières ne doivent pas être bien vives; car la plupart de ces animaux ont de la peine à changer de place, même à faire le moindre mouvement. Plusieurs demeurent fixés au rocher qui les a vus naître. Or, les sentiments tumultueux ne sont guère compatibles avec l’immobilité.....

Les bivalves sont répandus dans toutes les mers. On trouve partout des Vénus, des Tellines et des Arches. Quelques espèces semblent cantonnées dans certaines régions: les Pandores n’appartiennent qu’aux mers du Nord; les Cames ne prospèrent, au contraire, que dans la zone australe. Les Tridacnes n’ont été encore trouvées que dans les eaux situées entre l’Inde et l’Australie.....

Les bivalves habitent dans le sable ou dans la vase, sur des rochers et au milieu des plantes aquatiques. Ils peuvent vivre à de très-grandes profondeurs. La sonde a retiré, de 2800 mètres, une Huître et une Pèlerine pleines de vie et de santé (A. Edwards).

Les bivalves ont une coquille ovoïde, globuleuse, trigone, en forme de cœur, allongée comme une gousse ou aplatie comme une feuille. Cette coquille est une sorte d’étui à charnières, composé de battants égaux ou inégaux. Parfois l’un de ces battants est bombé et l’autre plat. Leur partie antérieure ressemble à la postérieure, ou en diffère d’une manière plus ou moins tranchée.

Les deux valves peuvent offrir plusieurs pièces accessoires; de là le nom de multivalves que les anciens avaient donné aux coquilles ainsi organisées.

Les bivalves, un peu locomotiles, changent de place à l’aide d’un pied charnu extensible, qui ressemble moins à un véritable pied qu’à une grosse langue. Cet organe varie beaucoup quant à sa forme. C’est tour à tour une hache, une ventouse, une perche, une alène, un doigt, une sorte de fouet, une espèce de ressort. Ce pied est simple, fourchu ou frangé. Chez quelques espèces, son tissu paraît spongieux et capable de recevoir une quantité d’eau considérable. Alors l’organe se gonfle, s’allonge et se roidit. Puis, expulsant brusquement tout le liquide qu’il contient, il redevient petit et flasque, et peut rentrer dans la coquille.

TELLINE ÉLÉGANTE
(Tellina pulcherrima Sowerby).

Les Mollusques se servent de leur pied très-habilement. Ils l’étendent, le fixent par l’extrémité, le contractent sur son point d’appui, et se portent en avant. Réaumur a comparé la progression de ces animaux à celle d’un homme placé sur le ventre, qui allonge un bras, saisit un objet solide et entraîne son corps vers cet objet. Il y a cette seule différence que, chez le Mollusque, le membre se contracte tout entier.

MODIOLE LITHOPHAGE
(Modiola lithophaga Lamarck).

Dans quelques cas rares, le bivalve agit exactement en sens inverse: il appuie fortement son pied contre le sable, le roidit, et fait reculer son corps, à peu près comme le batelier qui dirige sa nacelle en pressant avec sa rame contre le fond de la rivière.

Certains Acéphales exécutent de petits bonds et même de véritables sauts, mais c’est par un autre mécanisme: c’est en ouvrant et fermant leurs valves à plusieurs reprises et brusquement. Les Pèlerines s’élancent quelquefois à travers les ondes pour éviter un danger. Les Limes[94] voltigent dans l’eau comme les papillons dans l’air, avec la même légèreté et la même étourderie. Leur locomotion est favorisée par une centaine de tentacules allongés, grêles, cylindriques, très-contractiles et très-mobiles, placés sur les bords du manteau, et composés de nombreux petits articles qui rentrent, au besoin, les uns dans les autres. (Deshayes.)

III

Les Manches de couteau, ou Solens, s’enfoncent verticalement et profondément dans le sable. Leurs places sont indiquées par des trous qui correspondent au siphon de l’animal. Quand le Mollusque est alarmé, il rejette hors de son trou une certaine quantité de liquide, qu’il lance comme un petit jet d’eau. Ces Mollusques s’enterrent avec leur énorme pied conique, qu’ils allongent outre mesure; ils en font une dague naturelle qui s’aplatit, se fait pointue et perfore admirablement le terrain, puis qui redevient cylindrique, se renfle à l’extrémité et tire le coquillage de haut en bas. Il faut très-peu de temps pour qu’un Manche de couteau ait pénétré à une profondeur de 50 centimètres.

Les Dattes de mer, les Pétricoles, les Saxicaves et les Pholades se pratiquent une résidence dans le bois et dans les pierres. Leur cellule semble faite avec un emporte-pièce. Les Mollusques y sont logés étroitement, comme dans un étui, à pli de corps.

PHOLADE DANS LA PIERRE
(Pholas dactylus Linné).

Comment ces animaux parviennent-ils à creuser les matières les plus dures? Aldrovande croyait qu’ils naissaient dans le sein même de la roche, pendant qu’elle était encore molle. Réaumur pensait qu’ils y entraient à cette même époque. Mais comment naissaient-ils ou s’introduisaient-ils dans le bois? D’autres ont supposé que le courant d’eau déterminé par leur respiration entamait à la longue les solides, comme la goutte d’eau use le granit. Mais la loge d’une Pholade est creusée en quelques mois! Suivant quelques-uns, le pied et le bord du manteau, pénétrés de particules siliceuses, frottent le roc comme du papier de verre, et râpent peu à peu le calcaire ou le silex. Suivant d’autres, le Mollusque est pourvu d’un liquide dissolvant qui attaque la substance dans laquelle il veut entrer. Enfin, un grand nombre soutiennent que l’animal perfore par un mouvement rotatoire de sa coquille, laquelle agit comme une sorte de tarière. Ces deux dernières opinions paraissent les seules vraies. Les bivalves qui se logent dans les calcaires tendres y entrent, les uns à l’aide d’une sécrétion acide, les autres par un moyen mécanique. Les bivalves qui creusent le gneiss, le grès, le bois, se servent du moyen mécanique seulement (Caillaud). Tous ces Mollusques pénètrent de plus en plus profondément, et rendent leur demeure de plus en plus spacieuse à mesure qu’ils grossissent.

MODIOLES LITHOPHAGES DANS LE ROCHER.

La perforation des bivalves est en définitive un combat entre un corps dur et un corps mou, singulier combat dans lequel le corps mou a le dessus. Pourquoi triomphe-t-il? Parce que la vie domine et dominera toujours la matière. Le corps mou est animé, et le corps dur est inerte!

Il est des bivalves qui produisent une soie résistante, brune ou dorée, dont ils forment des câbles (byssus) qui les amarrent solidement aux rochers. Chez les Moules, le byssus est court et rude; chez les Pinnes, il est long et soyeux. On a essayé de filer et de tisser ce dernier. Les habitants de Tarente en font des gants et des bas. On en fabrique aussi des draps d’un brun fauve assez brillant, recherchés pour leur finesse et leur moelleux. On en a vu de très-beaux, à Paris, à l’exposition de l’an IX et à celle de 1855. M. J. Cloquet a offert, l’année dernière, à la Société zoologique d’acclimatation, une paire de mitaines faites de byssus de Pinne.

Chez quelques espèces, le byssus sert au Mollusque, non-seulement à s’attacher aux divers corps, mais encore à réunir ensemble de petites pierres, des morceaux de corail, des fragments de coquilles et d’autres matières solides, dont l’ensemble compose un manteau raboteux, dans lequel elles attendent leur proie, patiemment et à l’abri (Draparnaud). En construisant cette enveloppe, le Mollusque, par un artifice singulier, file et tisse la matière de son byssus, la tapisse intérieurement d’une couche plus fine et plus unie, et la renforce extérieurement avec les petits corps durs dont il vient d’être question, qu’il associe avec adresse et maçonne avec solidité. Son travail est donc en même temps, celui du tisserand, celui du tapissier et celui du maçon!

Ainsi vêtus d’un habillement calcaire ou d’un manteau feutré, enfoncés dans une roche ou attachés par un câble, les bivalves, animaux très-mous et très-délicats, peuvent vivre sans avaries et sans trouble, au milieu d’un élément toujours agité, quelquefois turbulent, souvent terrible!...

IV

Les plus petits bivalves ont à peine un demi-millimètre de longueur.

L’espèce la plus grande, la Tridacne gigantesque[95], peut dépasser un mètre. On l’appelle vulgairement Bénitier, parce qu’on se sert de ses valves, dans les églises, comme réservoirs d’eau bénite. Il en existe un bel échantillon à Montpellier, dans l’église de Sainte-Eulalie. Il y en a deux autres encore plus grands, à Paris, dans l’église de Saint-Sulpice. Ces derniers avaient été envoyés en présent à François Ier, par la république de Venise. Le curé Languet se les fit donner par Louis XIV. On dit que l’animal de ce bivalve, isolé, peut atteindre le poids de 15 kilogrammes, et que chaque valve peut dépasser celui de 300!

Le manteau des Acéphales est une sorte de tunique membraneuse très-grande, à deux pans, épaissie et même frangée sur les bords. Ce manteau les protége, et il est lui-même protégé par les deux volets de la coquille.

L’animal possède quelquefois des yeux et des oreilles; mais, comme il n’a pas de tête pour les porter, ses yeux sont placés à la marge du manteau, et ses oreilles dans le ventre!.....

Les Tellines, les Pinnes, les Arches, les Pétoncles, ont des organes oculaires assez distincts, mais très-petits. Ces animaux sont, du reste, très-myopes, et le grand jour les éblouit.....

Les oreilles sont de petites ampoules qui contiennent un caillou microscopique suspendu dans une goutte d’eau.....

Lorsque l’on compare entre eux les organes des diverses espèces animales, on reconnaît bientôt qu’ils passent de l’état le plus simple à l’état le plus compliqué par des nuances infinies. Mais les parties de ces mêmes organes n’arrivent pas toutes à la même perfection d’un pas égal. Il en est même qui s’arrêtent en route, pendant que d’autres accomplissent leur évolution.

Ce qui a lieu entre les éléments d’un même organe s’effectue de la même manière entre les organes d’un même appareil ou entre les appareils d’un même organisme[96]. Il semble même exister une harmonie compensatrice qui préside à ces inégalités de développement, souvent si prononcées, accordant à certaines parties ce qu’elle refuse à d’autres, de telle sorte que le budget de la nature se maintient toujours dans un équilibre parfait. (Gœthe.)

V

C’est parmi les Mollusques Acéphales que se trouvent les redoutables animaux marins connus sous le nom de Tarets.

Ces Vandales d’un nouveau genre attaquent tous les bois submergés, à peu près comme les larves de certains insectes attaquent les bois exposés à l’air. En quelques mois, en quelques semaines, des planches épaisses, des poutres de sapin, des madriers de chêne, sont vermoulus de manière à n’offrir aucune résistance et à céder au moindre choc. On a vu des navires s’ouvrir en pleine mer sous les pieds des marins, que rien n’avait avertis du danger.

Linné appelait les Tarets, la calamité des navires (calamitas navium).

Dans le commencement du siècle dernier, la moitié de la Hollande faillit périr sous les flots, parce que les pilotis de toutes ses grandes digues avaient été minés par les Tarets. Il en coûta des millions pour résister aux désordres produits par un chétif animal!

Les Tarets ont le corps allongé, vermiforme, mou, demi-transparent, d’un blanc légèrement grisâtre, terminé à une extrémité par une partie arrondie, improprement appelée tête, et à l’autre par une sorte de queue bifurquée.

TARET COMMUN
(Teredo navalis Linné).

Ils peuvent atteindre jusqu’à 35 centimètres de longueur.

Ils sont enfouis dans un long étui creusé aux dépens du bois, la partie céphalique au fond et la queue bifide en haut.

Les parois de l’étui sont revêtues d’un enduit mucoso-calcaire blanchâtre, très-fin, qui en rend les murs à la fois plus unis et plus solides.

La partie arrondie ou céphalique du Mollusque offre deux petites valves très-minces et très-fragiles, semblables à deux demi-coques de noisette. Ces valves sont immobiles et ne protégent qu’une très-faible portion de l’animal.

Les Tarets forment en quelque sorte le passage entre les Acéphales nus et les Acéphales bivalves.

Leur manteau constitue une espèce de fourreau charnu; il se divise en deux tubes que le Mollusque allonge et raccourcit à volonté. L’un de ces tubes sert à introduire l’eau aérée, qui va baigner les organes de la respiration et apporter jusque dans la bouche les molécules organiques dont le bivalve se nourrit. L’autre rejette au dehors cette eau épuisée, ainsi que les résidus de la digestion qu’elle entraîne en passant.

Les organes du Taret, au lieu d’être placés à côté les uns des autres, sont disposés les uns derrière les autres, à cause de la forme étroite et allongée de l’animal.

Quand on réfléchit à la mollesse des Tarets, on a peine à comprendre comment ils peuvent entamer et détruire les bois les plus durs.

La larve de ce Mollusque est pourvue d’une couronne de cils natatoires. Elle nage avec facilité, monte et descend, cherchant le bois dans lequel elle doit pénétrer. Quand elle a rencontré une pièce à sa convenance, elle se promène quelque temps à sa surface, à la manière des chenilles arpenteuses. Elle y exerce une pression en se mouvant de droite à gauche et de gauche à droite, et pratique d’abord un tout petit godet dans lequel elle loge la moitié de son corps. Le jeune Taret se recouvre alors d’une couche de substance muqueuse qui se condense, brunit un peu, et offre au centre un et quelquefois deux petits trous pour le passage des siphons. Cette première couche, qui le lendemain, et surtout le troisième jour, devient calcaire, est l’origine du tube de l’animal. On ne peut voir ce qui se passe au-dessous, à cause de son opacité. Mais en sacrifiant et en détachant du bois quelques jeunes individus, on reconnaît que l’animal sécrète avec une très-grande promptitude une nouvelle coquille blanche, tout à fait semblable à celle de l’adulte, parsemée, comme cette dernière, de stries à dentelures très-fines.

L’apparition de la nouvelle coquille coïncide si exactement avec la térébration du bois et la formation rapide d’un trou relativement profond, qu’on doit la considérer évidemment comme l’instrument principal de la perforation.

Le jeune Taret mange les molécules du bois râpé. (L. Laurent.)

On protége les bois contre les ravages des Tarets en enfonçant dans leur tissu des clous à grosse tête. Ces clous se rouillent par l’action de l’eau salée, et le bois se trouve bientôt couvert d’une épaisse cuirasse d’oxyde de fer. Les Tarets éprouvent une forte antipathie contre la rouille et respectent le bois qui en est imprégné. On pourrait encore empoisonner le tissu ligneux avec le procédé bien connu du docteur Boucherie. On garantit les navires en les doublant de cuivre.

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