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Le Témoin: 1914-1916
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Derrière les grands pics montait l’aube sublime ;
Puis l’aurore alluma des feux sur chaque cime.
Candélabres géants, ténébreux par en bas,
Les pins, les châtaigniers, ouvrant de larges bras,
Portaient, au plus fin bout de leurs épaisses branches,
Des feuilles qu’un reflet changeait en flammes blanches ;
Les nids se réveillaient ; une joie en frissons
Courait sur la colline où naissaient des chansons.
Et le témoin de tant de jours tombés au gouffre,
De tous les maux soufferts et de tous ceux qu’on souffre,
Tourna vers moi son front par l’aurore éclairé.
On ne sait quoi de grand, d’étrange, de sacré,
La force du prophète et la douceur du sage,
Étaient, en creux profonds, gravés sur son visage.
Ses cheveux sur ses reins tombaient, bouclés et blancs ;
Sa barbe en nœuds tordus s’enroulait à ses flancs ;
Aux plis déchiquetés de sa souple tunique,
Le vent jeune arrachait une poussière antique ;
Et, depuis deux mille ans, n’ayant fait que marcher,
Ses grands pieds, nus et durs, effritaient le rocher.
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