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Le Témoin: 1914-1916

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XXXI

Et l’univers n’était, sous nos yeux, qu’une plaine.
Tel, au pied de la croix, Jean, près de Magdeleine,
Le vieillard, sur le haut crucifix vermoulu,
S’appuya, cette fois dans un geste voulu.
Il mourait, et cherchait cet appui de son âme.
Et de ses veux sa foi jaillit comme une flamme ;
Il sembla qu’elle allait allumer tout là-bas
Des renouveaux d’espoir aux cœurs de nos soldats ;
Et l’on eût dit, au front du Sinaï, Moïse
Lançant des feux lointains sur la Terre Promise,
Et certain que les fils d’Israël la verront.
Ses cheveux au soleil irradiaient son front ;
Sa barbe ruisselait dans le vent comme un fleuve :
Et ses yeux contemplaient une humanité neuve,
Préparée, à travers tant de siècles éteints,
Par tous les rêves purs qu’on n’a jamais atteints.
O Terre de l’amour ! éternelle espérée !
Or, sous la Croix, qui me parut démesurée,
Le vieillard, tout à coup, en murmurant : « Je vois ! »
Tomba. Tout s’éteignit en lui, regards et voix…
Et la Croix, sous mes yeux, parut grandir encore.
Midi, plus rayonnant, mais plus frais qu’une aurore,
Frappait d’aplomb sur nous et sur le Crucifix ;
Le Dieu mort promettait le triomphe à ses fils :
Sur ses bras grands ouverts tombait tant de lumière,
Que leur ombre enlaçait la terre tout entière.

ACHEVÉ D’IMPRIMER
SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE LAHURE
LE 10 MARS 1916

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