Essais de Montaigne (self-édition) - Volume IV
NOTES
«Il faut des notes aux Essais.
«Il en faut, parce qu’on y trouve en grand nombre des mots hors d’usage, des faits historiques altérés ou qu’on ne sait à quelles époques rapporter, des allusions obscures à des événements politiques du temps, des noms propres qui ne disent rien par eux-mêmes, et aussi parce que souvent l’auteur se borne à dire: un ancien, un de nos rois, etc...; dans tous ces cas, il faut aider le lecteur et rectifier l’auteur s’il y a lieu.
«Il en faut pour commenter Montaigne par lui-même, pour renvoyer d’un passage où il exprime une pensée, à un autre endroit où il dit le contraire, ou exprime la même opinion en d’autres termes. Il en faut pour signaler les larcins qu’il a faits à une foule d’auteurs, et rapprocher leur phrase de la sienne.
«Il en faut encore pour citer les emprunts que les modernes se sont permis si souvent à son égard, souvent sans le nommer, et les idées dont ils lui sont redevables.
«Enfin, pour indiquer les principaux changements qu’il a apportés à son ouvrage dans ses éditions successives, et suivre les modifications d’opinions qu’ont pu causer chez lui l’âge, les voyages, l’expérience des affaires, etc.
Les nombres en marge, en caractères gras, indiquent les pages; les autres, les lignes. Le mot qui suit chacun de ces derniers sert de renvoi au passage du texte auquel la note est afférente.
Dans le corps du texte, les groupes de nombres indiquent, le premier en chiffres romains et en caractères gras, le volume; le second, en caractères ordinaires, la page.
La lettre N signifie note; les nombres et mots qui la suivent indiquent le volume, la page et la note auxquels il faut se reporter.
Les dates en caractères gras se rapportent aux temps antérieurs à notre ère.
NOTES.
PREMIER VOLUME.
Titre. Essais.—Ce titre, donné par Montaigne à son ouvrage, semble de prime abord assez singulier. La signification en est controversée. Généralement on l’explique en disant qu’en écrivant son livre, l’auteur s’essayait à écrire et l’on s’est appuyé à cet effet sur ce que lui-même dit, en parlant du Discours de la Boétie sur la Servitude volontaire: «Il l’écriuit par maniere d’essay en sa première ieunesse (I, 298)».—Il y a plutôt lieu d’en rechercher l’explication dans ce membre de phrase du dernier chapitre de son premier livre: «Toute cette fricassée que ie barbouille icy, n’est qu’vn registre des essais de ma vie (III, 626)», d’après quoi son ouvrage serait l’exposé des essais, c’est-à-dire des conceptions morales et physiques, autrement dit des idées qu’il s’était faites au cours de sa vie, sur les hommes et les choses.
Montaigne.—On a beaucoup discuté sur la prononciation du nom de Montaigne: les uns opinant pour dire «Montègne», comme il se dit actuellement le plus ordinairement; les autres pour dire «Montagne», comme il se dit couramment dans le Périgord et le Bordelais.—Les premiers invoquent Catherine de Médicis dont on a un autographe où il est écrit «Montegne», comme vraisemblablement on a pu dire à la cour; les autres se réclament notamment de Voltaire, qui a écrit «Montagne», ce qui indique que le débat remonte loin.
Il est hors de doute que le premier mode a aujourd’hui tendance à prévaloir, mais le second se justifie par les considérations ci-après: Le village origine de ce nom était ainsi appelé en raison de son site élevé (élévation très relative du reste), et il se nommait et se nomme encore «Montagne», alors qu’on écrivait «Montaigne», comme on prononçait ménage, dommage, image, sauvage, campagne, Espagne, Allemagne, gagner, tout en écrivant menaige, domaige, ymaige, sauluaige, campaigne, Espaigne, Allemaigne, gaigner; comme on écrit encore Saint-Aignan, Cavaignac, bien que l’on prononce Saint-Agnan, Cavagnac.
Dans une lettre parvenue jusqu’à nous, adressée en 1585 par Henri IV au maréchal de Matignon, le nom de Montaigne, qui s’y trouve deux fois, est écrit une première fois «Montaigne» et la seconde «Montagne».—Scaliger, avec lequel il était en assez mauvaises relations, a écrit un article assez malintentionné à son endroit qu’il a intitulé: «Monsieur de Montagne». Cette prononciation ressort encore de cette recommandation typographique que lui-même avait rédigée en vue de la réédition des Essais: Écrire campaigne espaigne gascouigne etc. mettez un (i) devant le (g) come a montaigne non pas sans (i) campagne espagne (V. Note sur la langue de Montaigne, fasc. G); et aussi de la teneur du diplôme de bourgeoisie romaine qui lui a été délivré (III, 480) où il est désigné sous le nom de Montanus, traduction littérale de Montagnard, dont Montaigne n’est qu’une forme dérivée. Enfin nombre d’auteurs du XVIIe siècle, Bayle entre autres, l’écrivent exclusivement de cette dernière façon; V. N. II, 136, D’elle.—Une anecdote à ce propos: Pendant la Terreur, dit-on, un administrateur des prisons, en tournée, voyant un détenu lisant un livre, l’interpella: «Que lis-tu là?.—«Montaigne,» répondit celui-ci en prononçant à la Bordelaise.—«Montagne! bravo,» s’écria son interlocuteur qui, peu lettré, s’imaginait qu’il s’agissait d’une œuvre de propagande ou d’une apologie du parti révolutionnaire de ce nom alors au pouvoir et omnipotent. Dr Payen.
Dans l’édition originale de 1595, le texte est précédé d’une longue préface, de style diffus et ampoulé, de Mademoiselle de Gournay; nous l’avons supprimée comme n’émanant pas de Montaigne. Dans l’édition qui suivit, portant la date de 1598, son auteur la remplaçait par une autre de quelques lignes, s’excusant de la première par l’état d’âme où il s’était trouvé, en se voyant en possession et chargé de la réédition de cet ouvrage qui l’avait si fort séduit. Toutefois, en 1635, à quarante ans d’intervalle, Mademoiselle de Gournay rééditait cette préface, mais remaniée. Les défauts dont on lui avait fait reproche ont alors disparu; comme auparavant elle y discute et réfute, mais cette fois avec assez de bonheur, les critiques principales dont déjà, dès leur apparition, les Essais avaient été l’objet.—Cette édition originale de 1595, imprimée à Paris, par Abel L’Angelier, a été éditée par lui et simultanément par Michel Sonnius également à Paris; l’impression est unique, sauf la partie inférieure du frontispice où chacun a apposé sa marque et son nom.
Av Lectevr.—Cette même édition originale, sauf quelques exemplaires tirés en dernier lieu, ne porte pas cet avis qui existe dans toutes les éditions qui l’ont précédée. Cette particularité proviendrait de ce que la copie en aurait été égarée au moment de l’impression, qu’on ne s’en serait aperçu que lorsque le tirage était presque terminé, et qu’à ce moment il y a été pourvu à la hâte. Dr Payen.—Celui donné ici est tel que le porte l’exemplaire de Bordeaux, avec les corrections que l’auteur y a apportées de sa main.
1, Liure.—A l’origine l’u et le v se confondaient dans l’imprimerie, probablement par suite des inscriptions lapidaires où cette confusion se retrouve. Au XVIe siècle, dans les lettres majuscules, on ne faisait usage que du v; dans les minuscules, le v s’employait toujours au commencement des mots, tandis que dans le corps il était fait exclusivement emploi de l’u; c’est Voltaire qui, finalement, dans son dictionnaire, établit la distinction actuellement existante entre ces deux lettres, le v consonne, et l’u voyelle.—L’i et le j s’employaient pareillement l’un pour l’autre; toutefois le j ne se rencontre guère que dans le cas, assez rare, de deux ou plusieurs i minuscules consécutifs, le dernier est alors figuré par un j: Dij, viij.
10, Fusse.—Les éd. ant. port.: paré de beautez empruntées ou me fusse tendu et bandé en ma meilleure démarche, au lieu de: «mieus... estudiée».
13, Vif.—Add. des éd. ant.: mes imperfections.
20, Vins.—Déjà au temps de Montaigne, on disait quatre-vingts au lieu d’octante; et aussi soixante-dix et quatre-vingt-dix pour septante et nonante qui, encore d’usage courant en Belgique, ne se disent plus guère en France que dans quelques localités du midi; la disparition de ces expressions est aussi regrettable qu’illogique.—L’édition de 1588 est datée 12 juin 1588; l’exemplaire de Bordeaux, premier mars mille cinq cens quattre vins, écrit de la main de Montaigne; c’est cette même date, mais avec le millésime en chiffres arabes, que portent les éditions de 1580, 82 et 87.
PREMIER LIVRE
CHAPITRE I.
6, Galles.—Connu sous le nom de «Prince Noir», de la couleur de l’armure qu’il portait; le même qui gagna la bataille de Poitiers (1356) où il fit prisonnier le roi Jean le Bon. Son père, Edouard III, roi d’Angleterre, avait érigé pour lui la Guyenne en principauté (1363); il fixa sa résidence à Bordeaux où il tint une cour vraiment royale et y demeura jusqu’à sa mort, y laissant la mémoire de grands exploits, de grandes vertus et d’une vie sans tache.
17, Ville.—En 1370, lors de la guerre de Cent Ans. Les trois gentilshommes en question étaient Messires de Villemur, de la Roche et de Beaufort, capitaines de la cité: «Nous sommes morts, se dirent-ils, si nous ne nous défendons et vendons chèrement notre vie, ainsi que tout chevalier doit faire. Et ainsi firent; le prince, de son char, les vit et y applaudit fort.» Froissart, I.—Limoges, pillée et brûlée, fut presque complètement détruite.
18, Scanderberch.—Autrement dit Alexandre bey; c’était le surnom de Georges Castriot, roi d’Albanie (anc. Épire), qui reconquit son royaume dont son père avait été dépouillé par les Turcs, desquels il devint la terreur. Les Albanais le chantent encore dans leurs chants nationaux.
Assiegé.—En 1140, dans Weinsberg, ville de la haute Bavière. Calvitius, Opus chronologicum.—V. N. III, 560, Gibelin.
12, Lascheté.—Singulière propension.
15, Stoiques.—Secte de philosophie dont les adeptes se distinguaient particulièrement par leur fermeté d’âme et l’austérité de leur morale; ils estimaient la vertu comme le souverain bien, niaient que la douleur fût un mal, croyaient à la Providence et insistaient sur les causes, comme étant plus à considérer que les effets. Les Stoïciens les plus célèbres après Zénon, furent: chez les Grecs, Chrysippe et Epictète; chez les Romains, Caton d’Utique, Sénèque et l’empereur Marc-Aurèle; chez les modernes, Juste-Lipse.
22, Enfans.—Par contre, La Fontaine dit de l’enfance: «Cet âge est sans pitié»; et au chapitre XXII de ce même livre (I, 158), Montaigne semble avoir changé d’avis.
25, Vertu.—Sous-entendu: «il peut se dire», comme on lit quelques lignes plus haut.
31, Peine.—Avec beaucoup de peine.
36, Arrogante.—Scipion Émilien, accusé de concussion, agit à peu près de même et avec autant de succès, V. I, 660 et N. Pieces.
36, Balotes.—Petites balles ou bulletins employés pour aller aux voix dans les jugements ou les élections.
38, Personnage.—Plutarque, Comment on peut se louer soi-même.—Épaminondas avait prolongé de quatre mois son commandement pour avoir le temps de réduire les Spartiates, ses ennemis, à l’impuissance et de relever de ses ruines et repeupler Messène, leur ennemie séculaire. Il termina son plaidoyer, en cette circonstance, en demandant qu’on inscrivît sur sa tombe qu’il avait été condamné pour avoir contraint, malgré eux, les Thébains à prendre leur revanche des Lacédémoniens qui les avaient pillés et brûlés cinq cents ans auparavant, rebâti Messène deux cent trente ans après sa destruction par ces mêmes Lacédémoniens, remis les peuples de l’Arcadie en confédération et restitué aux Grecs leur liberté.
4, Vengeance.—Le siège de Reggium (368) avait été motivé par une demande que Denys l’Ancien, tyran de Syracuse, avait adressée pour obtenir en mariage une fille de cette cité, demande à laquelle il fut répondu qu’on n’avait à lui donner que la fille du bourreau; le siège dura onze mois, la famine seule eut raison de la résistance des habitants. Diodore de Sicile, XIV, 29.
22, Homme.—Cette idée si juste et les termes employés à la rendre si heureux sont passés à l’état d’aphorisme que l’on entend dire sans cesse. Charron s’en est emparé comme de tant d’autres de Montaigne; le chapitre I du premier livre de son ouvrage sur la Sagesse commence ainsi: «L’homme est un sujet merveilleusement divers et ondoyant, et sur lequel il est très malaisé d’y avoir un jugement assuré.»—«L’inconstance des hommes est si variée dans ses effets, qu’on peut essayer de la peindre, même après Pascal» (Chateaubriand).—Ondoyant et divers est du reste une expression qu’affectionne Montaigne, on la retrouve à diverses reprises dans les Essais, I, 300: II, 70.
22, Vniforme.—Pensée à rapprocher du ch. I du liv. II, où Montaigne traite de l’inconstance de nos actions.
27, Peine.—En 79. Les Mamertins étaient les descendants des mercenaires employés, lors de leurs guerres, par les Syracusains et les Carthaginois. Ramassis de gens sans aveu et de tous les pays, ils s’étaient établis par les armes aux environs de Messine, en Sicile, dont ils avaient fait leur place d’armes, prenant pour nom celui de leur dieu Mamers ou Mars confirmant par là leur résolution de faire la guerre pour la guerre, et, de fait, ne vivant que de brigandage.—Lors de la guerre civile entre Marius et Sylla, ils avaient embrassé le parti du premier à l’instigation de l’un de leurs orateurs (que Plutarque nomme Stenon dans l’Instruction pour ceux qui manient affaires d’état, Stennius dans les Apophthegmes, Stenis dans la Vie de Pompée), ce qui avait attiré sur eux Pompée, lieutenant du second. S’étant tout d’abord réclamés de leur privilège, ils s’étaient attiré cette réponse: «Que parlez-vous de lois à qui porte l’épée?»—Lors de la reddition de Calais aux Anglais, en 1347, Eustache de S.-Pierre a renouvelé l’acte de dévouement de Sténon à l’égard de ses concitoyens.
27, Peruse.—En 82. Le jeune Marius, battu, s’était réfugié à Preneste (et non Pérouse), dans le Latium, contrée d’Italie avoisinant Rome. La ville, assiégée par les troupes de Sylla, dut capituler. Cethegus, lieutenant de Sylla, avait promis la vie sauve à la population; mais le dictateur, s’y étant rendu en personne, fit d’abord juger et exécuter chacun des habitants en particulier; puis trouvant que ces formalités lui prenaient trop de temps, il les fit tous rassembler en un même lieu au nombre de 12.000, et égorger en sa présence. Il ne voulut faire grâce de la vie qu’à son hôte, mais celui-ci lui dit qu’il ne voulait pas devoir son salut au bourreau de sa patrie, et, se jetant au milieu de ses compatriotes, il se fit tuer avec eux. Plutarque, Instruction pour ceux qui manient affaires d’état.
8, Talons.—«Et qu’on y trauersast vne corde». Add. de 1558.
15, Opposition.—En 332. Outre que la résistance prolongée de Gaza avait contrarié les projets d’Alexandre en retardant son entrée en Égypte, ce siège avait coûté beaucoup de sang aux Macédoniens, lui-même y avait été blessé. De là son ressentiment contre Bétis qui avait été l’âme de la défense, à quoi il faut ajouter, dit Quinte-Curce, IV, 6, qu’en cela il se glorifiait d’imiter en quelque sorte dans sa vengeance Achille, l’auteur de sa race, traînant le cadavre d’Hector ainsi attaché derrière son char.
29, Esclaues.—En 335. Les Thébains avaient pris occasion de donner le signal du soulèvement de la Grèce asservie par Philippe de Macédoine, alors qu’Alexandre son successeur combattait les Barbares sur l’Ister (Danube). Revenant en hâte, et ses offres de conciliation ayant été repoussées, le nouveau roi assiège Thèbes, s’en empare après une défense acharnée qui coûte 6.000 h. à ses adversaires, et la fait raser. A l’exception des prêtres, de ses partisans et des descendants de Pindare dont il avait respecté la maison, tout le reste fut vendu comme esclaves. Sa colère passée, Alexandre fit bon accueil à tous les Thébains échappés au désastre, qui s’adressèrent à lui; et, par la suite, il marqua à diverses reprises son regret de s’être montré si dur en cette circonstance. Il attribua le meurtre de Clitus, le refus de son armée de le suivre au delà de l’Indus, à la rancune de Bacchus, dieu tutélaire de Thèbes. Diodore de Sicile, XVII, 4.
CHAPITRE II.
2, Malignité.—Tristezzia, en italien, signifie malignité, méchanceté; et tristitia, tristesse, ennui.
6, Perse.—En 525; Hérodote, III, 14.
12, Domestiques.—Ne signifie pas ici serviteur, mais ami de la maison, familier, sens que ce mot avait en latin et au temps de Montaigne, et qu’il a conservé longtemps encore après. Hérodote dit que cet homme était un vieillard qui mangeait ordinairement à la table du roi (Le Clerc).
14, Nostres.—Un prince des nôtres, c’est-à-dire un prince français, mais n’appartenant ni à la maison royale de France, ni à celle des Bourbons.—Il est question ici du cardinal Charles de Lorraine qui, en 1563, était au concile de Trente (Tyrol), lorsqu’il apprit l’assassinat du duc de Guise par Poltrot de Méré et la mort, à la suite de la bataille de Dreux, d’un autre frère bâtard, abbé de Cluny.
31, Exprimer.—Cette disposition d’esprit si contradictoire existe en moi et probablement chez beaucoup d’autres: Toute histoire touchante que je lis, tout drame que je vois représenter au théâtre, me font venir les larmes aux yeux, tandis que les faits analogues de la vie réelle dont je suis témoin, si tragiques soient-ils et lors même que j’y suis directement intéressé, me laissent impassible. La nouvelle de la mort de mon fils aîné, survenue au Tonkin et apprise par la voie des journaux, ne m’a causé sur le moment nulle émotion apparente, tandis que depuis, et aujourd’hui encore, après bien des années, ma pensée ne se reporte jamais sur lui sans un attendrissement manifeste. G. M.—A la suite de cette réponse de Psamménite, Cambyse donna ordre de délivrer son fils et sa fille; mais déjà le premier, conduit au supplice un mors dans la bouche, ce qui était un signe de servage, n’était plus, et lui-même, il le traita avec bonté. Dans la suite, Psamménite ayant incité les Égyptiens à la révolte, fut condamné à boire du sang de taureau, ce dont il mourut sur-le-champ. Hérodote, III, 14.
37, Dueil.—Lors de la guerre de Troie (XIVe siècle), des vents contraires persistants empêchant la flotte des Grecs de mettre à la voile, les devins déclarèrent que c’était du fait de Diane irritée contre Agamemnon leur chef et que la déesse ne pouvait être apaisée que par le sang d’une princesse de la famille royale. Après avoir longtemps lutté, Agamemnon, cédant aux sollicitations de ses alliés, consentit au sacrifice d’Iphigénie sa fille. Diane satisfaite substitua à la victime une biche qui lui fut immolée et transporta la princesse en Tauride où elle en fit une prêtresse de son culte.—Le peintre qui peignit cette scène, Timanthe (IVe siècle), donnait au grand prêtre Calchas, qui avait réclamé le sacrifice, l’air abattu; il représentait Ulysse consterné, Ajax frémissant de rage d’une telle cruauté, Ménélas poussant des cris lamentables, un aruspice, des amis, un frère en pleurs, et Agamemnon, le père de la victime, la tête couverte d’un voile, laissant, a-t-on dit, à la sensibilité du spectateur à juger de sa douleur; peut-être aussi n’était-il affublé de ce voile qu’en suite du rite en pareille circonstance, ainsi que cela se voit dans certaines cérémonies de l’Église catholique, lors des relevailles par exemple. Cicéron, Orat., 22; Valère Maxime, VIII, 11.—Plutarque raconte un fait identique au sacrifice d’Iphigénie: le consul romain Métellus, devant passer en Sicile avec son armée, avait sacrifié aux Dieux, mais en omettant Vesta. Celle-ci pour se venger fit également souffler des vents contraires qui mettaient obstacle au départ. Pour l’apaiser, Métellus, sur le conseil des devins, consentit également à lui sacrifier sa fille et Vesta, comme Diane prise de compassion, substitua une génisse à la victime qu’elle transporta à Lavinium et attacha à ses autels.—Ce passage des Essais est peut-être ce qui a inspiré à Robert Fleury de représenter, dans son tableau de la mort de Montaigne, sa veuve la figure masquée par un mouchoir qu’elle tient à la main.
40, Rocher.—Niobé, glorieuse de ses sept garçons et de ses sept filles, en vint à mépriser Latone qui n’avait d’enfants qu’Apollon et Diane. La déesse offensée leur remit le soin de la venger; ils firent périr sous leurs flèches tous ceux de Niobé, tandis que la mère elle-même était changée en rocher. Mythologie.
41, Malis.—Le texte d’Ovide porte: Diriguitque malis.
9, Mena.—Mena, dans cette acception, est purement latin; on dit dans cette langue ducere bellum, faire la guerre. Naigeon.
10, Hongrie.—En 1560, à propos de la couronne de Hongrie que Ferdinand I, empereur d’Allemagne, disputa d’abord à Jean I Zapoly, puis à son fils Jean II, dont les droits étaient défendus par sa mère Isabelle, conflit qui se termina par le mariage de Jean II avec la fille de Ferdinand.
31, Nocte.—Ces vers de Catulle sont une imitation d’une Ode de Sappho, que Boileau a traduite. Delille a fait quelques changements à cette traduction, pour se rapprocher davantage de la forme de l’ode sapphique:
39, Iouïssance.—Add. de 1588: accident qui ne m’est pas incogneu.
1, Routte.—Déroute, de l’italien rotta qui a même signification.
1, Cannes.—Le fait est affirmé par Pline, VII, 54.—Tite-Live en raconte un semblable arrivé après la bataille de Trasimène, perdue l’année précédente (217) également par les Romains contre Annibal.
1, Sophocles.—Sophocle serait mort de joie, disent les uns, en apprenant le succès d’une de ses pièces; selon d’autres, en avalant un grain de raisin, comme il arriva à Anacréon. On attribue à Sophocle, mort à 90 ans environ, 120 à 130 pièces de théâtre; vingt fois, il avait remporté la palme de la tragédie.—Chilon serait également mort de joie, en embrassant son fils couronné aux Jeux Olympiques.
2, Tyran.—Pline (VII, 54) dit que ce fut la joie d’avoir remporté le prix de tragédie qui causa la mort de Denys; Diodore de Sicile, que ce furent les excès de table auxquels il se livra en suite de la satisfaction qu’il en éprouva.—Cette épithète de «tyran» n’impliquait pas, dans l’antiquité comme de nos jours, une idée de cruauté; chez les Grecs, comme chez les Romains, elle désignait un souverain de pouvoir absolu et le plus souvent usurpé.
4, Decernez.—En Corse, en 163, Thalva, ou mieux Thalna, offrait un sacrifice quand il reçut le décret du Sénat qui lui accordait les honneurs du triomphe; il l’ouvrit, le lut et tomba expirant de l’autel. Valère Maxime, IX, 12.—Pour obtenir les honneurs du triomphe, il fallait avoir vaincu dans une bataille où cinq mille ennemis au moins avaient été tués, ce qui amenait souvent à continuer le carnage, lors même que déjà on était victorieux.
7, Mourut.—En 1521; Léon X venait d’apprendre coup sur coup la reprise de Milan, de Plaisance et, le jour même de sa mort, celle de Parme sur les Français qu’il abhorrait. Sa fin inopinée donna lieu à des soupçons d’empoisonnement que discrètement on s’abstint d’élucider. Guicciardin, Hist. d’Italie, XIV.—Martin du Bellay (l. II) dit assez plaisamment à cette occasion: «Le pape Léon X fut bien aise de mourir de joie.»
11, Faict.—Diodore mourut de honte de n’avoir pu répondre sur le moment même à des raisonnements captieux que lui proposait Stilpon. Pline, VII, 53.
CHAPITRE III.
14, Beant.—Béer, verbe qui avait le sens du mot latin inhiare; n’est plus aujourd’hui usité qu’aux participes: bouche bée, bouche béante.
26, Plus.—«Le présent n’est jamais notre but; le seul avenir est notre objet; ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons vivre.» Pascal.—«La nature nous rendant malheureux en tous états, nos désirs nous figurent un état heureux; et, quand nous arriverions à les satisfaire, nous n’en serions pas plus heureux pour cela, parce que nous en aurions d’autres conformes à notre nouvel état.» La Bruyère.—«La vie... se passe toute à désirer; l’on remet à l’avenir son repos et ses joies... Ce temps arrive qui nous surprend dans les désirs...; on en est là quand la fièvre nous saisit et nous éteint; si on eût guéri, ce n’eût été que pour désirer plus longtemps.» La Bruyère.
27, Anxius.
... «La prévoyance! La prévoyance qui nous porte sans cesse au delà de nous, souvent nous place où nous n’arriverions point; voilà la véritable source de toutes nos misères.» J.-J. Rousseau, Émile.
28, Congnoy.—«Un beau mot, dit Platon dans Timée, court depuis longtemps dans le monde, c’est que seul le sage s’attache uniquement à ses propres affaires et arrive à se connaître lui-même.»—Cette même idée se retrouve dans ces sentences si souvent reproduites: Γνωθὶ σεαυτόν et Nosce te ipsum (Connais-toi toi-même).
4, L’aduenir.—Épicure enseignait que le plaisir est le souverain bien de l’homme et que tous ses efforts doivent tendre à l’obtenir; mais il faisait consister le plaisir dans la culture de l’esprit et la pratique de la vertu. Après lui, ses disciples dénaturèrent sa doctrine en l’étendant aux plaisirs des sens, que ses adversaires ont alors présentés comme étant son unique but, ce qu’avec eux la postérité a trop facilement admis. Il expliquait tout par le concours fortuit des atomes, rejetait l’immortalité de l’âme, admettait des dieux, êtres d’une nature supérieure à l’homme, mais leur refusait toute action sur le monde et niait la Providence, prétendant détruire ainsi, par la racine, toute superstition.
6, Mort.—Il en était ainsi dans l’Égypte ancienne à l’égard des rois et même des simples particuliers. Tout le monde avait le droit d’accusation, et, si le fait incriminé était prouvé, il entraînait la privation de sépulture légale, c’est-à-dire en rapport avec le rang que le mort avait occupé et dans le lieu que ce rang lui assignait. Diodore de Sicile, I, 6.—«Il est étonnant et regrettable, lit-on dans l’Encyclopédie du XVIIIe siècle, que ceux qui ont imaginé le dogme de l’immortalité de l’âme, ne s’en soient pas servis pour, en même temps, persuader aux hommes qu’ils entendront dans l’autre monde les jugements divers qu’on portera sur eux lorsqu’ils ne seront plus.» Dans ces jugements il ne faut probablement pas comprendre ces panégyriques d’usage, toujours exagérés, quand ils ne sont pas complètement mensongers, prononcés aujourd’hui sur nos tombes.
On ne saurait dire toutefois que, même de nos jours, la mémoire des Chefs d’État qui, abusant de leur irresponsabilité constitutionnelle, laissent tout faire, échappe à toute sanction. La simple énonciation d’une quelconque de ces mentions, suivant le cas: «Panama, Fachoda, Algésiras, Grèves universelles, Expulsion des congrégations, Suppression de l’enseignement religieux, Confiscation des biens de l’Église, Accroissement des monopoles, Déficit,etc...», au revers d’une médaille à leur effigie, en dira plus à la postérité que toutes les polémiques de l’époque.
7, Loix.—Comparaison tirée des corporations de métiers: le maître et le compagnon.
9, Successeurs.—A Venise, après la mort d’un doge, on nommait trois inquisiteurs chargés de recevoir les plaintes de ceux auxquels il avait pu faire quelque dommage pécuniaire; ses héritiers en devaient réparation, quelquefois même avec amende.—Il devrait bien en être actuellement ainsi en France, non seulement à l’égard des Chefs de l’État, mais de tout ministre, et cette instruction s’ouvrir dès qu’ils sortiraient de charge et s’étendre sans que jamais il y ait prescription à tous les dénis de justice, quels qu’ils soient, commis aussi bien par action que par omission, c’est-à-dire qu’ils aient commis soit par abus d’autorité, faiblesse, compromis politique et même par ignorance, ou laissés s’accomplir quand leur devoir eût été de s’y opposer; on évincerait peut-être de la sorte de ces fonctions, pour le plus grand bien de la chose publique, nombre de gens sans caractère ou incapables que nous voyons journellement briguer ou accepter ces mandats.
13, Leur.—Au ch. XLII de ce même livre (I, 492), Montaigne reprend cette même idée: «... le méchant, le bon roy... autant en a l’vn que l’autre».
14, Roys.—A moins qu’ils ne commandent le crime, comme fit, en 1572, le vicomte d’Orthez refusant de se prêter, à Bayonne, aux massacres de la Saint-Barthélemy: «Sire, répondit-il à Charles IX, j’ai communiqué le commandement de V. M. à ses fidèles habitants et gens de guerre de la garnison; je n’y ai trouvé que bons citoyens et fermes soldats, mais pas un bourreau. C’est pourquoi eux et moi vous supplions de ne vouloir employer nos bras et nos vies qu’en choses possibles, quelque hasardeuses qu’elles soient.»—D’autres encore se refusèrent à l’exécution des ordres relatifs à ces massacres: parmi lesquels Éléonor de Chabot, gouverneur de la Bourgogne; le marquis de la Guiche, à Macon; le duc de Longueville, en Picardie; Matignon, en Normandie; Saint-Héran, en Auvergne.—Le nombre des victimes fut, dans les principales localités: à Paris, 2.500 à 3.000; à Orléans, 500; à Meaux, 200; à Lyon, 7 à 800.
28, Tesmoignages.—Tite-Live, XXXV, 48.
32, Mal.—Le premier était le tribun militaire Subrius Flavius, le même dont il est question II, 145, le second le centurion Sulpitius Afer, tous deux inculpés dans la conspiration de Pison (65). Tacite, Ann., XV, 67 et 68.
1, Police.—Est employé ici et à maintes reprises dans les Essais avec sa signification grecque: πόλις ville, et πολιτεία, république.
6, Leurs.—Hérodote, VI, 68.
8, Dernier.—Hérodote, VI, 68.—Postrème et dernier sont synonymes; le premier vient du latin postremus et en a retenu le sens.
8, Aristote.—Aristote fut le génie le plus vaste de l’antiquité (IVe siècle). Il a embrassé toutes les sciences connues de son temps et en a même créé plusieurs. Pendant un grand nombre de siècles, ses écrits posèrent la borne du savoir humain et jouirent d’une autorité absolue; au moyen âge, notamment, il fut l’oracle des philosophes et des théologiens scolastiques. Il est l’auteur d’un grand nombre de traités, dont les progrès de la science moderne ont démontré la valeur; les principaux portent sur la Logique, la Rhétorique, la Politique, l’Histoire des animaux, la Physique, le Ciel, la génération, le Monde, la Métaphysique. En philosophie, il donne comme base à la science tout à la fois l’expérience et la raison; il démontre l’existence de Dieu qu’il présente comme le centre auquel tout aspire; dans l’art, il ramène le beau à l’imitation de la nature; en morale, il fait consister la vertu dans l’équilibre entre les passions, gardant un juste milieu prévenant tout excès; en politique, il assigne l’utilité comme but à la société. V. N. II, 202: Sienne.
10, Heureux.—Hérodote, I, 32; Aristote, Morale à Nicomaque, I, 10.
21, Vindicat.—Montaigne a fait quelque changement au texte latin.
23, Auuergne.—Brantôme, Mémoires, II.—En 1380; sa mort fut cachée aux assiégés qui ne la connurent que le lendemain quand ils vinrent se rendre; celui qui les en avait sommés en son nom, ayant eu la présence d’esprit de leur déclarer que s’ils ne se décidaient, il était résolu à ne plus avoir de communication avec eux.—Duguesclin, attaché au parti de Charles de Blois qui revendiquait le duché de Bretagne; à la mort de celui-ci, il se mit au service de Charles V qui le soutenait. Vainqueur du roi de Navarre à Cocherel (1364), il fut cette même année battu et fait prisonnier à Auray. Rendu à la liberté, il délivre la France des grandes compagnies en les conduisant en Espagne où il est battu et fait à nouveau prisonnier (1367). Il se rachète une seconde fois, et, rentré en France, il se remet à guerroyer, cette fois avec plein succès, contre les Anglais qu’il avait toujours eus en face de lui, à Auray comme en Espagne; il les chasse de la Normandie et du Poitou et meurt au siège de Château-Rendon (1380). Ce fut un des plus grands hommes de guerre de France; il avait été fait connétable en 1370 et fut enterré à Saint-Denis.
33, Craindre.—En 1515. Brantôme, II; Guicciardin, XII.
38, Corinthiens.—En 425, durant la guerre du Péloponnèse. La discussion qui s’éleva à ce propos entre Nicias et ses adversaires portait sur ce que les corps de deux des siens avaient échappé aux recherches de ceux qui, après le combat, avaient été chargés de les enlever, et avaient dû leur être réclamés; cela ne changeait du reste rien au résultat, seule la réputation du général athénien eut à en souffrir. Plutarque, Nicias, 2.
39, Bœotiens.—En 394. Le lendemain de la bataille de Coronée qui avait été indécise, les Thébains demandèrent une trêve pour relever et ensevelir leurs morts; Agésilas la leur accorda, considérant cette demande comme une confirmation de sa victoire. Plutarque, Agésilas, 6.
41, Soing.—Les éd. ant. aj.: que nous auons.
6, Mourant.—En 1307. André du Chesne, Hist. d’Angleterre, XIV.
12, Zischa.—Ou mieux Ziska; héros national de la Bohême, avait perdu l’un après l’autre les deux yeux dans différents combats.
13, Wiclef.—Un des précurseurs de la Réforme; niait la transsubstantiation, repoussait la confession, la primauté du Pape et la hiérarchie ecclésiastique. Jean Huss, en Bohême, adoptant ses idées, fit des prosélytes qui engendrèrent une guerre civile de 1174 à 1434.
26, Corps.—En 1524, au combat de Romagnano (Italie), où, franchissant la Sesia, il était demeuré le dernier pour couvrir la retraite.—Bayard, surnommé le Chevalier sans peur et sans reproche, réunissait en lui les vertus qu’on admire séparément dans plusieurs hommes de l’antiquité. Il s’illustra dans les guerres de Charles VII, Louis XII et François Ier; ce dernier, pour lui témoigner sa haute estime, voulut être armé chevalier de sa main, sur le champ de bataille de Marignan.—Les détails rapportés par Montaigne sont tirés des Mémoires de du Bellay, II.
34, Présent.—Philippe II, roi d’Espagne, fils de Charles-Quint, né lui-même de Philippe le Beau, fils de Maximilien.
38, Percée.—Cette critique n’a pas empêché cette façon de faire de se continuer chez certains grands seigneurs, dont les plus titrés, parmi ceux en agissant ainsi, furent le duc de Vendôme sous Louis XIV et le duc d’Orléans, régent de France, sous Louis XV.
5, Profession.—La profession d’homme de guerre qu’à diverses reprises, au cours de son livre, Montaigne, sans rien préciser et sans que renseigne davantage aucun document autre que son tombeau, laisse entendre comme ayant été la sienne.
7, Mort.—Ce ne furent pas les seules excentricités de ce prince, recommandable du reste sous bien des rapports. Il avait fait faire son cercueil, y avait joint le drap mortuaire et tous les objets nécessaires à ses funérailles, le tout disposé dans un coffre dont il avait la clef et que, dans les dernières années de sa vie, on portait à sa suite dans tous ses voyages. A sa mort, occasionnée, comme celle de son père, pour avoir mangé immodérément du melon, il ordonna qu’on lui coupât les cheveux, qu’on lui arrachât les dents, qu’on les broyât et les réduisît en cendres, et que son corps fût enfermé dans un sac rempli de chaux vive.
13, Religion.—Cyrus, fils de Cambyse, seigneur perse, et de Mandane, fille d’Astyage, roi des Mèdes, commanda d’abord les armées de Cyaxare, fils et successeur d’Astyage; puis, se rendant indépendant, se fit nommer roi des Perses qui depuis longtemps étaient sous la domination des Mèdes (560). Peu à peu, il agrandit son empire, défit Crésus, roi de Lydie, à la bataille de Thymbrée (548), et s’annexa ses états; s’empara de Babylone (538); hérita de la Médie, et devint ainsi le maître d’un empire qui embrassait la majeure partie de l’Asie. C’était un prince brave, énergique, qui ne demandait aux vaincus qu’obéissance et tribut, et respectait leurs institutions. On ignore quelle fut sa fin; Xénophon, dont Montaigne adopte la version, le fait mourir âgé, entouré de ses enfants; selon Hérodote, il fut tué dans une expédition contre les Massagètes, peuple de la Scythie, et son corps étant resté entre leurs mains, Thomyris leur reine, dont le fils avait péri peu auparavant, lui fit couper la tête et plonger dans une outre pleine de sang, en disant: «Monstre, abreuve-toi de ce sang dont tu as toujours été altéré» (530).—Le fait mentionné ici dans les Essais est relaté par Xénophon (Cyropédie, VIII, 7).
14, Grand.—L’éd. de 88 porte «grand prince», ce que confirme la suite du récit.
20, Traicts.—C.-à-d. sur le point de rendre l’esprit.
25, Montre.—De la cérémonie, c.-à-d. la manière dont serait formé le cortège.
33, Choses.—Emilius Lepidus était grand pontife et prince du sénat depuis six ans; il prescrivit à ses fils, avant de mourir, de ne consacrer à ses obsèques qu’une somme modique, ne dépassant pas pour chacun dix pièces de bronze, de n’y produire ni son image, ni celles de ses ancêtres et de ne faire montre de luxe d’aucune sorte. Tite-Live, Epitome du liv. XLVIII.
2, Mechaniques.—Diogène Laerce, V.
4, Charge.—Var. 88: «Plustost la coustume ordonner de ceste cerimonie, et sauf les choses requises au seruice de ma religion, si c’est en lieu où il soit besoing de l’enioindre, m’en remettray volontiers à la discretion des premiers à qui cette sollicitude tombera en partage», au lieu de: «purement... charge».
10, Voudrez.—Platon, vers la fin du Phédon.
31, Soin.—Ne s’occupa que du soin.
33, Rendre.—Accomplir.
37, Supplice.—En 406, à l’accusation portée contre eux, en vain ils opposèrent qu’une violente tempête étant survenue, ils avaient été empêchés de rechercher et recueillir leurs morts; ils n’en furent pas moins condamnés. Socrate se trouvant alors être du Sénat auquel il appartenait de sanctionner les arrêts du peuple, ni les clameurs les plus bruyantes, ni les menaces les plus terribles ne purent le contraindre à autoriser de son approbation cet acte de démence publique; son opposition ne put empêcher le peuple de se souiller d’un sang innocent. Ils étaient dix: six furent mis à mort; deux s’étaient exilés volontairement; un était prisonnier des Lacédémoniens; Conon, le dixième, n’avait pas été compris dans l’accusation.—En cette circonstance, comme en tant d’autres, le peuple athénien se prit peu après à avoir honte de sa conduite; celui qui avait porté l’accusation fut mis en jugement et condamné à son tour sans qu’on voulût seulement entendre sa défense; exemple bien typique de la versatilité des foules. Diodore de Sicile, XIII, 31 et 32.
1, Souppe.—C.-à-d. de la même façon.
8, Superstition.—Diodore de Sicile, XV, 9.—Sous le règne de Constantin Copronyme, empereur d’Orient, une flotte de 2.600 barques qu’en 766 ce prince avait équipées contre les Bulgares, fut assaillie par un ouragan qui brisa une partie des navires et en submergea une autre; l’empereur passa quatre mois à recueillir les corps flottants sur les eaux et à leur rendre les devoirs funèbres. Lebeau.
10, Iacent.—Cyrano de Bergerac a dit dans le même sens:
18, Dit.—La manière dont Montaigne use des documents qu’il met en œuvre, se révèle tout entière dans cette restriction: Le public ou un auteur croit ou dit telle chose. Lui-même n’en est pas aussi sûr, qu’importe? il suffit que cela se prête à sa thèse pour qu’il en use, en laissant la responsabilité à celui de qui émane cette croyance ou cette assertion.
CHAPITRE IV.
26, Deult.—Fait mal, endolorit, du latin dolet qui a cette même signification.
26, Vent.—N’atteint que le vide. Image tirée d’un terme employé au jeu de paume.
2, Dit.—Dans la Vie de Périclès, au commencement.
5, Vain.—Oisive.
8, Que.—Sous-entendu «plustôt», qui se trouve quelques lignes plus haut, et éviter la répétition; ces élisions sont fréquentes dans Montaigne.
22, Freres.—En 211, Publius et Cneius Scipion, l’un et l’autre à la tête d’armées romaines opérant en Espagne contre les Carthaginois, après huit années de hauts faits et de triomphes, abandonnés de leurs alliés, furent tous deux, à un mois d’intervalle, défaits et tués, et leurs troupes sérieusement compromises. Tite-Live, XXV, 37.
25, Dueil.—Cicéron, Tusc., III, 26.
28, Athos.—En 480, Xerxès fit fouetter l’Hellespont parce que la tempête avait rompu un pont de bateaux qu’il y avait fait établir, et percer le mont Athos pour donner passage à sa flotte et n’avoir pas à le doubler. Hérodote, VII, 24 et 35; Plutarque, De la colère.
30, Passant.—Sénèque, De Ira, III, 21.—Cyrus, irrité de ce qu’il avait failli périr au passage de ce fleuve, où un de ses chevaux s’était noyé, entreprit de le dessécher et à cet effet fit creuser trois cent soixante canaux par lesquels ses eaux devaient se perdre. Hérodote (I, 189) dit qu’il consacra tout un été à cette œuvre de folie et Orose qu’il y employa toutes ses troupes durant une année entière.
31, Plaisir.—C’est déplaisir qu’il y a lieu de lire, faute d’impression commise dans la première édition et qui a toujours été reproduite depuis: «Caligula, dit Sénèque (De Ira, III, 22), fit démolir une très belle maison, dans le quartier d’Hercule, parce que sa mère y avait été détenue en quelque sorte en prison.»
32, Voysins.—Probablement Alphonse XI, roi de Castille. Charles de Bovelles, Géométrie pratique.
6, Mer.—En 37, lors de sa guerre contre Sextus Pompée, durant laquelle, la tempête ayant dispersé sa flotte, il fut battu près du cap Scylla (pointe S.-O. de l’Italie). Suétone, Auguste, 16.
11, Allemagne.—En l’an 9, Varus, attiré dans une embuscade par les Germains, y périt avec trois légions romaines.
14, Mesmes.—80 et 88 aj.: à belles iniures.
18, Titanienne.—C.-à-d. comme avaient fait les Titans révoltés contre les dieux.
18, Fleche.—Hérodote, IV, 94.
19, Plutarque.—Dans son traité Du Contentement ou Repos de l’esprit, 4.
CHAPITRE V.
23, Parlementer.—C’est deviser, conférer, entre deux ou plusieurs, sur quelque affaire; se dit ordinairement des pourparlers en vue de la capitulation d’une place assiégée.
30, Sénat.—Constituait à Rome le premier corps de l’État. Institué par Romulus, il comprit d’abord cent membres, dont le nombre s’éleva progressivement jusqu’à mille sous César, mais qui avant et après lui n’était que de six cents, ce qui semble avoir été le plus généralement. Les sénateurs étaient nommés à l’élection, mais le furent aussi parfois par les consuls, les censeurs ou tout autre exerçant le pouvoir suprême; ils devaient avoir une fortune de 800.000 sesterces (163.000 fr.) sous la République et de 1.200.000 (244.000 fr.) sous l’Empire; le sénateur porté le premier sur la liste était appelé Prince du Sénat.
2, Bataille.—En 170. Le procédé de L. Marcius n’en fut pas moins finalement approuvé par le sénat; ses atermoiements avaient empêché Persée de profiter de l’avance considérable de ses préparatifs et firent que l’année suivante la guerre se terminait par sa ruine complète. Tite-Live, XLII, 37; il le nomme Quintus, au lieu de Lucius.
3, Medecin.—En 275. Pyrrhus, venu en Italie au secours des Tarentins, avait déjà remporté une victoire sur les Romains, quand son médecin leur offrit de les débarrasser de leur ennemi en l’empoisonnant. Le consul Fabricius dénonça au roi cette offre de trahison, et celui-ci, plein d’admiration, lui renvoya sans rançon les prisonniers qu’il avait faits, y joignant des propositions de paix. Les Romains lui renvoyèrent le même nombre de Samnites et de Tarentins, ses alliés, qui étaient en leur pouvoir, et, pour le reste, lui déclarèrent qu’ils ne pouvaient traiter, tant qu’il n’aurait pas évacué l’Italie. Plutarque, Pyrrhus.
4, D’escole.—En 394, se trouvant en guerre avec les Romains, et ceux-ci assiégeant leur ville Faleries (auj. Sainte-Marie de Falari), leur maître d’école amena à leurs ennemis pour les leur livrer et contraindre ainsi la ville à se rendre, les enfants des principaux citoyens confiés à ses soins. Camille qui, en qualité de dictateur, commandait l’armée romaine, refusa cette offre criminelle, fit dépouiller le traître de ses vêtements et ramener par ses élèves à coups de verge; touchés de cette noble action, les Phalisques firent leur soumission. Plutarque, Camille.
11, Sentence.—80 et 88 port.: Si est-ce que le Senat Romain à qui le seul aduantage de la vertu sembloit moyen iuste pour acquerir la victoire, trouua cette pratique laide et deshonneste, n’ayant encore ouy sonner à ses oreilles cette belle sentence, au lieu de: «Si est-ce... sentence».
13, Polybe.—Liv. XIII, ch. 1.
25, Vaincre.—Plus conséquentes que les gens de Ternate, et tenant qu’à la guerre le succès seul est à considérer et que rien ne doit être négligé pour l’obtenir, les nations modernes, dites civilisées, non seulement mettent en œuvre à cet effet tous leurs moyens, mais cherchent encore à en dérober la connaissance à toutes autres, nos amis d’aujourd’hui pouvant être nos ennemis de demain.—Pour en atteindre le but qui est l’anéantissement aussi rapide et aussi complet que possible de l’ennemi, tout est bon sauf la déloyauté; et encore, si chacun, à cet égard, est d’accord en théorie, la divergence est immense dans la pratique; et seul a tort celui qui sera vaincu, au point que s’accentue chaque jour davantage la tendance d’attaquer sans même faire de déclaration de guerre. Cela, à la vérité, s’est vu de tous temps: en Europe, dans ces deux derniers siècles, on ne compte pas moins de 110 cas où les hostilités ont commencé sans déclaration ou avant toute déclaration; c’est notamment dans ces conditions que les Anglais, coutumiers du fait plus que tous autres, détruisirent en 1718 la flotte espagnole, en 1807 bombardèrent Copenhague, et en 1900 ont failli en user à notre endroit lors de l’incident de Fachoda; c’est aussi ce qu’ont fait les Japonais à l’égard des Russes en 1904. Cette pratique est éminemment regrettable pour la paix du monde et la fortune publique; elle ruine les États en les obligeant à être constamment en armes et risque de faire dégénérer toute question en éventualité de guerre. Elle est une tentation continue pour ceux sans scrupule, par l’avantage que peut donner un jour ou deux d’avance sur l’adversaire dont cela déroute les prévisions, trouble la mobilisation, restreint les ressources, en livrant à l’envahisseur celles des territoires sur lesquels il a inopinément pénétré. Aussi quelle infériorité pour ceux chez lesquels le droit de déclarer la guerre est, à si juste titre, soumis à l’assentiment du pouvoir législatif!—Étant donné qu’elle est sans cesse menaçante et peut aboutir à la ruine, il nous faut être forts, très forts, le plus forts possible et toujours prêts, mais en outre il serait à souhaiter que la responsabilité de ceux investis du pouvoir de l’engager fût rendue aussi effective et afflictive que possible. Pour cela, nous souhaiterions qu’il s’introduisît dans nos idées que les chefs d’État et membres de gouvernement, dont les agissements l’ont amenée, méritent de payer de leur vie ce forfait, sont de ce fait voués à tout jamais à la vindicte publique, et que tout attentat contre eux est œuvre pie. Puissions-nous voir des associations (voire même internationales, ce serait bien ici le cas), sorte de Tugend-bund, se former et propager cette doctrine et faire des prosélytes, et il n’en manquerait pas, que n’arrêteraient point sa mise en application, rendue facile avec les progrès de la science à qui a fait le sacrifice de sa vie! Devant les risques personnels auxquels ces mandataires des peuples, abusant de leurs mandats, se trouveraient de la sorte exposés, il est à croire qu’ils se montreraient plus circonspects. C’est là, dira-t-on, une provocation à l’assassinat; j’en conviens, mais c’est le seul moyen de conjurer ce fléau, la plupart du temps déchaîné ou accepté d’un cœur léger et sans raison suffisante, en admettant qu’il en existe en dehors d’une invasion; de plus, qu’est-ce que le meurtre d’une douzaine de grands coupables, auprès de celui de cent, deux cent mille innocents tombant de part et d’autre par la faute de ces criminels et des ruines, quelle que soit l’issue de la lutte, si considérables et de toute nature pour le pays et les individus dont ils sont cause! Guerre à la guerre! G. M.—En ces dernières années, un Congrès international permanent de la paix, auquel toutes les nations ont adhéré par pudeur plutôt que par conviction, s’est constitué à La Haye sur l’initiative de Nicolas II, empereur de Russie. L’intention est excellente, mais faute de sanction efficace possible, il est douteux que les résultats en soient jamais de quelque importance. De fait, on n’y a guère obtenu jusqu’ici que la consécration du principe de l’arbitrage, auquel on avait déjà recours auparavant, et qui n’a chance de prévaloir que pour des questions de peu d’importance.—On a proposé qu’en cas de conflit arrivant à l’état aigu, les hostilités ne puissent s’ouvrir avant un délai de quinze ou vingt jours, durant lequel les gouvernements amis pourraient intervenir et essayer de régler le litige à l’amiable. En cas de non-consentement à cet ajournement des hostilités, la nation opposante serait mise à l’index, ce qui comporterait l’impossibilité, pour elle, de recevoir, pendant toute la durée de la guerre, aucune aide financière ou commerciale, de la part des autres puissances signataires. L’adoption de cette proposition constituerait assurément un grand progrès humanitaire, mais outre qu’elle ralliera difficilement l’unanimité des suffrages, la pénalité qui s’y trouve introduite, en supposant qu’elle ait l’efficacité qu’on lui prête, ne serait-elle pas aisément éludée?—D’autres prônent la réduction des armements; il est peu probable que cette proposition chimérique puisse même être présentée. Sur quelles bases opérer avec tant d’éléments et d’intérêts dont il faudrait tenir compte et sur lesquels l’accord ne se fera jamais? Et puis, il est si facile par des dispositions accessoires de modifier le fond des choses: la Prusse limitée dans ses armements par le traité de Tilsitt n’est-elle pas arrivée à mettre en ligne, cinq ans après, des effectifs bien supérieurs à ceux qu’elle avait présentés jusqu’alors?
28, Exercite.—Armée, du latin exercitus.
29, Martinella.—Du nom de Saint-Martin, dérivé lui-même de Mars, dieu de la guerre; maîtresse cloche dont on usait en cas d’alarme.—De là, le mot de Pierre Capponi, premier secrétaire de la république de Florence, qui, déchirant le papier où étaient écrites les conditions que lui faisait Charles VIII, s’écria: «Eh bien! s’il en est ainsi, sonnez vos trompettes, nous sonnerons nos cloches!» Sismondi, Hist. des républiques italiennes, XII.
32, Regnard.—Plutarque, Lysandre, 4.—Coudre la peau du renard à celle du lion, c’est ajouter la ruse à la force.
7, Mousson.—Pont-à-Mousson, contre le duc de Nassau, en 1521. Cette reddition eut lieu dès que l’artillerie de l’assiégeant se fit entendre; la garnison, composée de nouvelles levées, effrayée, ayant obligé ses deux chefs à entrer en pourparlers. Non seulement ceux-ci eurent la faiblesse d’y consentir, mais ils commirent encore la faute qui leur est reprochée ici de sortir tous deux de la place et de se rendre au camp ennemi pour parlementer. Du Bellay, I.
18, Ville.—En 1521, alors que nous étions maîtres du duché de Milan. Regge, ville des États de l’Église, à peu de distance de là, était le refuge de tous ceux que nous avions bannis; ils devaient nous être livrés. Pour les obtenir, le maréchal de Foix, seigneur de l’Escut, vint sommer Guy de Rangon, qui était gouverneur de la place, de les lui remettre; c’est pendant les pourparlers que se produisit cette échauffourée dont le résultat fut que nous n’obtînmes pas satisfaction. Du Bellay, I; Guicciardini, XIV.
28, Anglois.—En 1359. Le château était abondamment pourvu et les assiégés ne se doutaient pas qu’il fût si complètement sapé. Froissart, I, 209, où le capitaine anglais a nom de Brunes.
CHAPITRE VI.
3, Chapitre VI.—Ce chapitre n’est qu’une suite du précédent.
7, Pieces.—En 1569. La ville était assiégée par les Catholiques commandés par le comte de Brissac qui y fut tué. La capitulation portait que la garnison aurait la vie sauve; mais, furieux de la mort de leur chef, les vainqueurs la massacrèrent dès qu’elle fut hors de vue de la place.
26, Militaire.—En 190. La ville avait, quelques jours avant, subi un assaut qu’elle avait repoussé. Régillus, voyant ses efforts impuissants à arrêter le pillage, s’efforça de sauvegarder la vie des habitants; et, quand l’ordre fut rétabli, il s’appliqua à réparer de son mieux le préjudice qu’ils avaient subi. Tite-Live, XXXVII, 32.
31, Subtilité.—Vers l’an 600. Cléomène avait conclu avec les Argiens une trêve de huit jours; la troisième nuit, il reprit les hostilités. Sa mauvaise foi ne lui fut en effet d’aucune utilité; il avait pensé, après ce mauvais coup, surprendre la ville d’Argos, mais les femmes, détachant des temples les armes qui s’y trouvaient en trophée, coururent aux murailles et le repoussèrent. Plutarque, Apophthegmes des Lacédémoniens.
3, Romaine.—L’an 214. Casilinum était assiégée par les consuls Fabius et Marcellus; l’année précédente, Annibal s’en était rendu maître à la suite d’un siège mémorable. Tite-Live, XXXIV, 19.
9, Xénophon.—Dans la Cyropédie.—Xénophon débuta dans la guerre du Péloponnèse, où il se distingua; il fit partie des contingents grecs à la solde de Cyrus le Jeune contre son frère Artaxerxès et il en dirigea la retraite, connue sous le nom de «Retraite des dix mille»; plus tard, il combattit à Coronée contre ses concitoyens qui l’avaient banni et ne le rappelèrent que 25 ans après, ce qu’il n’accepta pas. Il est l’auteur de nombreux ouvrages historiques, politiques et philosophiques, parmi lesquels: l’Anabase ou Retraite des dix mille, la Cyropédie, les dits mémorables de Socrate; c’est lui qui publia l’histoire de Thucydide, restée jusque-là inconnue, et qu’il a continuée. Son style est d’une élégance et d’une douceur exquises, parfois cependant diffus et languissant. Comme philosophe, il est l’interprète le plus fidèle des doctrines de Socrate, dont il avait été un des disciples préférés.
14, Cappoüe.—En 1501. La ville avait résisté à une première attaque. Assiégée une seconde fois, elle se résolut à capituler; mais, pendant les pourparlers, la garnison épuisée par de longues veilles s’étant relâchée de sa surveillance, les Français surprirent une des portes et pendant plusieurs jours ce ne fut que meurtre et pillage. Un grand nombre de femmes s’étaient réfugiées dans une tour. César Borgia, fils naturel du pape Alexandre VI, qui marchait avec nous, se les fit toutes amener et choisit les quarante plus belles qu’il envoya à son palais, à Rome, pour y constituer son sérail. Sismondi, Hist. des républiques italiennes.—En 1705, à Barcelone, lord Péterboroug, en pareille occurrence, agit tout autrement: Il traitait de la capitulation de la ville, lorsque les Anglais, profitant du moment, s’y introduisirent par surprise. Lord Péterboroug aussitôt, suspendant les pourparlers, entre dans la ville, court à ses troupes, leur fait honte, parvient à les ramener et reprend les négociations. Servan.
20, Saisie.—En 1542. Yvoy fut pris par le duc d’Orléans, un pan de mur étant venu à s’écrouler. Cet accident, dont les assiégeants profitèrent sur-le-champ, s’est-il produit pendant les pourparlers et est-ce à cela que se rapporte le fait, je ne saurais le dire.
22, Genes.—En 1522. Les habitants, réduits à peu près à eux-mêmes, dès l’approche de l’ennemi, demandèrent à traiter; pendant qu’on était en conférence, les Espagnols, ayant eu connaissance d’un endroit où le mur était en mauvais état et qui n’était pas gardé, s’y portèrent et, l’escaladant, pénétrèrent dans la ville où ils passèrent au fil de l’épée tout ce qu’ils rencontrèrent. Du Bellay, II.
26, Barrois.—En 1544. Les Impériaux pénétrèrent dans le château par la porte de secours, pendant que l’on discutait les conditions de la capitulation. Du Bellay, IX.
32, Chrysippus.—Cicéron, De Off., III, 10.
1, Desrobées.—Quinte-Curce, IV, 13.—Conseil donné à Alexandre la veille de la bataille d’Arbelles au succès de laquelle Polyperchon eut grande part (331).
CHAPITRE VII.
11, Cinquiesme.—Ceci rappelle l’épitaphe de Pépin le Bref: «Ci-gît Pépin, père de Charlemagne»; et cette autre inscription gravée sur le socle d’une statue de Louis XIV à Pau: «Celuy cy est le petit-fils de nostre bon roy Henry».
15, Décédé.—En 1509. Le duc de Suffolk était de la maison rivale de Lancastre et Henry VII, malgré de très grands services rendus, le redoutait. Le duc, averti des mauvaises dispositions du roi à son égard, s’était réfugié en Flandre; et, lors d’une traversée de Flandre en Espagne, Dom Philippe ayant été contraint de relâcher en Angleterre, Henry VII ne le laissa se rembarquer qu’après qu’il eut livré le duc de Suffolk, sous promesse, il est vrai, d’épargner sa vie, engagement qu’il tint ainsi qu’il est rapporté ici. Du Bellay, I.—Durant cette guerre civile, dite des Deux Roses, qui désola l’Angleterre aux XVe et XVIe siècles, causée par la rivalité des maisons de Lancastre et d’York se disputant le trône, les partisans du duc d’York avaient adopté une rose blanche comme signe de ralliement, les Lancastre une rose rouge.—Dans cette déloyale manière de faire, Henry VII avait eu un précurseur dans David qui, aux approches de sa fin, donna ordre à Salomon, son fils, «de ne pas laisser les cheveux blancs ni de Joab ni de Séméï descendre en paix dans le séjour des morts». Joab avait, malgré ses recommandations, tué Absalon son fils, qui s’était révolté; Séméï l’avait insulté, tandis qu’il fuyait devant ce même Absalon, et il lui avait promis la vie sauve (Xe siècle). Livre des Rois, I, 2.
19, D’Aiguemond.—En 1568. Les comtes de Horn et d’Egmont, tous deux de la plus haute noblesse des Pays-Bas alors sous la domination de l’Espagne, avaient, dans les rangs de l’armée espagnole, puissamment contribué aux victoires de Saint-Quentin et de Gravelines. Lors des troubles qui éclatèrent peu après dans leur patrie pour secouer le joug de l’étranger, d’Egmont étant entré en relations avec Guillaume d’Orange et les confédérés, le duc d’Albe, gouverneur des Pays-Bas pour le roi d’Espagne Philippe II, le fit arrêter, et avec lui de Horn son ami, dont la connivence était moins prouvée, et après neuf mois de détention, les fit décapiter; leur véritable crime était d’appartenir à la religion réformée.—Cet épisode a fait le sujet d’un drame de Gœthe, plein d’émotion et d’intérêt; et plus récemment en France d’une tragédie: Patrie! de Victorien Sardou, depuis mis en opéra.
27, Puissance.—Saint Bernard dit que «l’homme est si peu d’accord avec lui-même, qu’on ne peut bien juger de ses actions par ses intentions, ni de celles-ci par celles-là».
4, Enfans.—Au XIIe siècle. L’architecte n’est pas nommé par Hérodote (II, 121); le roi s’appelait Rhampsinit ou Rhamsès et passait pour posséder des trésors incalculables. Abusant du secret que leur avait livré leur père, les deux fils de cet architecte puisaient dans ces trésors; s’étant aperçu qu’on le volait, le roi dressa un piège dans lequel donna l’un de ses voleurs qui, se voyant pris, en avertit son frère, l’avisant de lui couper la tête et de l’emporter, pour qu’on ne le reconnût pas.
9, Leur.—C.-à-d. ils doivent faire de plus grands sacrifices personnels et ne pas se borner à une réparation qui de fait ne leur coûte rien.
CHAPITRE VIII.
10, Habitat.—Montaigne a traduit ce vers avant de le citer.
16, Meshuy.—Désormais. Meshuy est mis pour mais huy, du latin magis hodie, au delà d’aujourd’huy.
24, Mesmes.—C’est l’idée qui a donné naissance aux Essais. La date à laquelle cette idée a éclos se trouve déterminée par ce passage du début du dernier chapitre du second livre: «Je me suis envieilli de sept ou huit ans depuis que ie commençay»... Comme ce livre terminait la première édition de l’ouvrage, dont l’Avis au lecteur est daté du 1er mai 1580, on est conduit à penser qu’il a été commencé en 1571. C’est au surplus ce que corrobore une inscription de la bibliothèque de l’auteur qui porte qu’au jour anniversaire de ses trente-huit ans, le 28 février 1571, las de toute servitude, il s’est réfugié dans l’intimité des vierges du Parnasse.
CHAPITRE IX.
25, Mémoire.—Add. de 80 et 88: que moy.
30, Réputation.—Add. de 80: I’en pourrois faire des contes merueilleux, mais pour ceste heure il vaut mieus suyure mon theme.
32, Déesse.—Platon, dans Critias.
34, Mienne.—Montaigne se plaint encore de sa mémoire au chap. XVII du second livre. Malebranche et quelques autres l’accusent d’avoir prétendu faussement n’en pas avoir; ils en donnent pour preuve ses nombreuses citations. Mais outre qu’elles ne sont pas toujours exactes et qu’il lui arrive de se contredire, ceux qui ont écrit savent qu’il ne faut pas beaucoup de mémoire pour citer, et citer souvent: «à faute de memoire naturelle, i’en forge de papier», dit-il, liv. XLIII; là est tout le secret. Le Clerc.
35, Arrouté.—C.-à-d. une fois qu’on est en train.
36, Pertinents.—C.-à-d. les gens habiles, qui ont du tact.
5, Ancien.—Cet ancien, c’est Cicéron qui, dans sa défense de Ligarius, ch. XII, dit à César: «Jamais tu n’oublies, si ce n’est les injures».
6, Protocole.—V. N. II, 402, Protocole.
7, Athéniens.—En 499. Les Athéniens, soutenant les Ioniens révoltés contre les Perses, s’étaient emparés de Sardes, chef-lieu d’une des satrapies (gouvernements) de leur empire, et l’avaient brûlée. Hérodote, V.
12, Menteur.—«Il faut qu’un menteur ait de la mémoire». Apulée.
13, Grammairiens.—En particulier Nigidius dans Aulu-Gelle, XI, et Nonius, V; Montaigne ne fait ici que traduire ce dernier. Le Clerc.
19, Tout.—Cette locution «marc et tout» n’est pas claire, bien que la pensée le soit. Elle semble vouloir dire: principal et accessoires, ce que confirme ce passage du ch. XVII du liv. II (II, 464), où Montaigne dit: «Ie ne conseille non plus aux dames d’appeler honneur leur deuoir... leur deuoir est le marc, leur honneur n’est que l’escorce.»
1, Art.—Ce mot est d’emploi fréquent dans les Essais, et, sauf dans deux ou trois passages, toujours au féminin.
7, Vice.—Homère, dans l’Iliade, fait dire à Achille: «Je hais, à l’égal des portes de l’enfer, celui qui pense d’une façon et parle d’une autre».—Il est à regretter que nous n’ayons, en bon français, qu’un seul mot pour qualifier toute altération de la vérité sciemment faite, qu’elle ait lieu ou non avec le désir ou la volonté de nuire. Dans le premier cas, elle est réellement coupable et mérite toute réprobation; dans le second au contraire, elle s’impose parfois, quand elle a pour objet d’éviter à quelqu’un une déception, une désillusion, un chagrin; elle est excusable, lorsqu’elle n’a d’autre but que de plaisanter, ou de donner plus de piquant à un récit fait uniquement pour divertir. Menterie (mensonge léger, sans conséquence), employé par atténuation dans le style familier, est lui-même un terme éveillant toujours à l’égard du propos auquel il s’applique quelque idée de blâme ou de critique. Ces distinctions, dans l’altération volontaire de la vérité suivant l’intention, faisaient dire à Voltaire: «Le mensonge n’est un vice que lorsqu’il fait du mal; c’est une grande vertu quand il fait du bien». Elles sont admises des théologiens et sont l’origine de ces restrictions mentales qui créent des excuses à qui est ainsi amené à mentir, restrictions que certains, auxquels le reproche en est souvent fait, ont érigées en système.—Quelque chose d’analogue se produit pour la délation et l’espionnage, qui emportent constamment une idée de réprobation parce que nous n’avons pas de mots distincts pour la désignation de faits de ces caractères, soit qu’ils constituent des actes justifiant la réprobation publique, soit qu’ils témoignent au contraire de la plus haute vertu. Commettent en effet tous deux de la délation l’être méprisable qui, dans un but d’intérêt personnel ou pour lui porter préjudice, dénonce son prochain sans nécessité, et l’homme de cœur qui signale des crimes qui sans lui échapperaient à la vindicte de la société, ou de belles actions qui, sans son intervention, demeureraient inconnues; de même tous deux font de l’espionnage, le traître qui vend à l’ennemi les secrets de sa patrie, et le héros qui expose sa vie pour surprendre ceux de l’adversaire et en faire profiter les siens.—Ce sont là des lacunes regrettables de notre langue.
26, Blanc.—C.-à-d. détournent du but. Expression qui vient de ce que les buts sur lesquels on tirait, et on tire encore en certains pays de France, à l’arc et à l’arbalète, sont constitués par des cercles peints en blanc.
29, Pere.—Saint Augustin.
31, Vice.—Passage de Pline, Hist. nat., VII, 1, que Montaigne a modifié pour mieux l’adapter à sa thèse; l’auteur latin dit: «alieno pene non sit (ne sont presque point)».
1, Rouet.—Mettre au rouet, c’est fermer la bouche à quelqu’un, lui ôter le moyen de répondre, l’embarrasser.
12, Niepce.—Cette princesse, peu après cet épisode, épousa en effet le duc de Milan, et, postérieurement, le duc de Lorraine François II.
14, Interest.—Signifie ici dommage, préjudice. Ce mot se prend encore aujourd’hui dans ce sens, quand en langage juridique on dit de quelqu’un qu’il est «condamné aux dépens, dommages et intérêts».
41, François.—En 1534, l’incident Merveille s’était produit l’année précédente. Du Bellay, IV.—Ainsi que permettent de le constater les portraits de ce prince, le roi François Ier avait le nez d’une longueur peu ordinaire.
7, Vie.—En 1513. Erasme, IV. Le roi d’Angleterre était Henry VIII; le roi de France Louis XII et non François Ier qui ne monta sur le trône qu’en 1515, après la mort de Jules II survenue l’année où le fait en question s’est passé.
CHAPITRE X.
8, Données.—Ce vers est de la Boétie.
10, Boutehors.—Présence d’esprit ou faculté d’exprimer plus ou moins facilement et sur-le-champ sa pensée.
14, Beau.—Il existe, datant du XVIe siècle, un livre espagnol, traitant de la gymnastique, à l’usage du beau sexe.
22, Lice.—Le poète Accius, auquel on demandait pourquoi il ne plaidait pas, lui qui réussissait si bien au théâtre, répondait: «Dans mes tragédies, je dis tout ce qui me plaît; à la barre, je serais obligé d’entendre tout ce que je ne voudrais pas.»—Bayle, qui donne cette réponse, dit qu’il connaît un homme d’esprit qui eut recours à cette raison pour détourner son fils de la jurisprudence et le pousser vers la théologie: «Quoi de plus commode, lui disait-il, que de parler devant des gens qui ne vous contredisent pas? c’est l’avantage des prédicateurs (il pourrait ajouter aujourd’hui et des conférenciers en général, car tout maintenant est matière à conférence, où parfois à la vérité, mais bien exceptionnellement, la controverse est admise); et quoi de plus incommode que d’être obligé d’entendre, dès que vous avez parlé, quelqu’un vous réfuter, en passant au crible tout ce que vous avez dit? ce qui est la condition de l’avocat.» Il faut convenir du reste que beaucoup de ceux-ci se soucient fort peu de ces réfutations qu’ils n’écoutent pas toujours, comme font en particulier nos parlementaires qui, n’ayant souvent ni compétence ni conviction, ne parlent que pour donner des gages à leur parti, signe de vie à leurs électeurs, prononçant des discours fréquemment vides de sens auxquels personne ne prête attention, chacun ayant, la plupart du temps, son siège fait à l’avance. G. M.
25, Marseille.—Clément VII et François Ier, en 1533. Le pape, venu par mer, séjourna un mois entier à Marseille; cette entrevue avait pour objet une entente contre l’empereur Charles-Quint; l’accord fut scellé par les fiançailles de Catherine de Médicis, duchesse d’Urbin, nièce du pape, qui l’avait amenée avec lui, avec le second fils du roi, depuis Henri II. Du Bellay, IV.
7, Prescheurs.—On naît orateur, tandis qu’on devient prédicateur; et ce qui est don de nature prévaut toujours.
7, France.—«Les Français, dit Stern (et Arthur Young est du même avis), conçoivent mieux qu’ils ne combinent.»
12, Cassius.—Orateur célèbre du temps d’Auguste, que son humeur satirique finit par faire bannir. Il se distinguait par la violence de ses écrits et de ses discours, ne gardant aucune mesure, aucune décence dans l’expression, et, dans l’ardeur de frapper ses adversaires, querellait plus qu’il ne combattait. Sénèque le Rhéteur, III. (V. II, 50, et N. II, 72: Fil).
13, Pense.—On en disait autant de Cazalis, député de la noblesse aux États généraux de 1789.
21, Part.—Le même reproche de «sentir l’huile» fut fait à Démosthène par Pythéas, autre orateur, critiquant par là en lui la préparation excessive de ses discours, ce qui ne l’empêchait pas d’être le premier orateur de son temps et peut-être de tous les temps.—«L’improvisation ne s’improvise pas; il faut une longue préparation et des méditations approfondies pour parler d’abondance.»
31, Fortuites.—C’était le cas de Mirabeau, le grand orateur de ces mêmes États généraux de 1789; la contradiction l’enflammait. Au début ses vues étaient confuses, sa parole entrecoupée, mais, peu à peu, avec la discussion et les interruptions, la lumière se faisait dans son esprit, ses expressions se précisaient, s’accentuaient, et son génie oratoire et politique se faisait jour et s’imposait.
8, Iour.—C.-à-d. le hasard m’en offrira le sens.
CHAPITRE XI.
10, Piece.—Dès longtemps, comme portent certaines éditions; c’est un italianisme, un buon pezzo, dit-on en italien; ailleurs Montaigne écrit pieça.
11, Credit.—«Notre ignorance générale des causes premières nous interdit toute prédiction. La plupart du temps ce ne sont que des hypothèses basées sur des analogies, et ne devraient se borner qu’à un avenir fort rapproché; toujours elles sont de réussite assez douteuse. Les prédictions des rêveurs que rien n’autorise, se confirment parfois, mais ce n’est que par hasard; combien infinie la quantité d’autres, émanant de même source, qui ne se réalisent pas et dont personne ne parle!» G. Lebon.
14, Delphis.—Delphes était regardée par l’antiquité grecque comme une ville sainte; on la tenait comme occupant le centre de la terre; son temple d’Apollon et les oracles qui s’y rendaient étaient en grande vénération. Toujours obscurs et ambigus, ces oracles étaient rendus par la Pythie, prêtresse du dieu, qui, à cet effet, mâchait des feuilles de laurier, arbre qui lui était consacré, et se tenait sur un trépied au-dessus d’une ouverture d’où s’échappaient des vapeurs qui lui communiquaient une certaine exaltation.
24, Abolies.—Les aruspices étaient des sacrificateurs qui révélaient l’avenir par l’inspection des entrailles des victimes; les augures, d’ordre plus relevé, le révélaient d’après le vol, le chant et l’appétit des oiseaux. Les devins émettaient des prédictions, interprétaient les songes, les présages à la façon de nos diseurs de bonne aventure; il en était à peu près de même des oracles, mais rendus en un lieu, dans des formes et au nom d’une divinité déterminée, ils avaient un caractère plus officiel et inspiraient davantage créance.
27, Préoccuper.—Anticiper; ne s’emploie plus dans ce sens dérivé de son étymologie latine.
1, Olympi.—L’Olympe, sur les confins de la Macédoine et de la Thessalie, montagne la plus élevée (environ 2.500) de la péninsule hellénique. Les anciens en avaient fait la résidence de leurs dieux; Jupiter, souverain maître des dieux et des hommes, l’était aussi de l’Olympe.
8, Salusse.—Une fille de cette famille s’est alliée en 1586 à un Lur des environs de Bordeaux, fondant la branche des Lur-Saluces qui y existe encore, et deux de leurs petits-fils ont épousé les deux petites-filles de Montaigne. V. N. II, 44: Masculines.
12, Faire.—C.-à-d. «de changer de parti», comme il est dit quelques lignes plus bas. Certains éditeurs, choqués de cette longue suspension de sens, ont substitué: «de tourner sa robe», autrement dit «tourner casaque». Coste.
16, Dauantage.—«Il était homme, écrit du Bellay, qui ajoutait foi aux devins, desquels lui avaient prédit que l’Empereur devait cette année détrôner le roi de son royaume.»
27, Contestée.—En 1536. Cette trahison eut aussi pour cause le désir qu’avait le marquis de Saluces d’obtenir de Charles-Quint le marquisat de Montferrat auquel il prétendait; c’était déjà pour recevoir des territoires qui étaient en notre possession et qu’il revendiquait, qu’il était passé dans nos rangs. Il fut tué l’année suivante au siège de Carmagnoles. Du Bellay, VI et VIII.
39, Tort.—C.-à-d. au contraire, ceux-là sont dans l’erreur qui croient la maxime que voici.
1, Art.—Cicéron, De Divin., II, 23.—Les Étrusques (auj. Toscans) étaient les grands magiciens de l’Italie, comme les Thessaliens ceux de Grèce, les Chaldéens ceux de l’Asie. L’empereur Julien, lors de son expédition en Perse, avait avec lui des aruspices toscans.
7, Fortuite.—Platon, dans sa République, V, 8, etc., veut en effet que les chefs du gouvernement fassent en sorte que les plus excellents hommes soient mariés avec les plus excellentes femmes, et de même les hommes les plus méprisables avec des femmes de leur caractère; mais que la chose soit décidée par une espèce de sort, ménagé avec tant d’artifice, que ces derniers s’en prennent à la fortune, dont la part dans son système est pourtant faite très restreinte, et non à leurs gouvernants.
28, Nombre.—Diagoras, disciple de Démocrite, très pieux au début de sa vie, en vint, à la suite d’un parjure dont il avait été victime, à nier l’existence des dieux, ce qui le fait appeler d’ordinaire Diagoras l’Athée. Poursuivi par les Athéniens pour ses tendances antireligieuses, il s’enfuit, et sa tête fut mise à prix: un talent à qui le tuerait et deux à qui le livrerait vivant (le talent avait une valeur variant entre 2.600 et 5.000 fr., le talent attique était de 5.000).—Sa réponse, dans la circonstance présente, est relatée d’une manière un peu différente par Diogène Laërce: «Vous en verriez bien davantage, lui fait-il dire, si c’étaient là les images de ceux qui ont péri!» Cicéron, De Nat. deor., I, 37, cite de lui cette autre réponse: «Il était à bord d’un vaisseau qui essuya une forte tempête; pendant le gros temps, quelqu’un dit qu’on avait bien mérité ce qui arrivait pour avoir embarqué un impie comme lui: «Regardez, répondit Diagoras, le grand nombre de navires qui souffrent de la même tempête que nous, croyez-vous que je sois aussi dans chacun de ces bâtiments?»
28, Cicero.—De Divinat., I, 3.
32, Principesques.—Catherine de Médicis, entre autres, qui avait un astrologue attitré, Ruggieri, qu’elle avait amené d’Italie et pour lequel elle avait fait construire un observatoire. Il lui avait prédit qu’il y avait danger pour le roi son mari (Henri II) à prendre part au tournoi où il fut blessé mortellement, et elle avait fait en suite de cette prédiction tous ses efforts pour détourner ce prince d’entrer en lice.
32, Vanitez.—Chez les Romains, on punissait quelquefois un général vaincu de ne pas avoir tenu compte des présages; c’était un effet de leur politique, voulant montrer ainsi au peuple que les revers qu’ils éprouvaient ne provenaient pas de la mauvaise constitution de l’État, ou de sa faiblesse, mais de l’impiété d’un citoyen contre lequel les dieux étaient irrités.
36, Grece.—Ces prédictions de l’empereur Léon concernaient la chute du Bas-Empire et les malheurs de Constantinople; elles sont consignées dans un manuscrit grec de la bibliothèque de l’Escurial (résidence ordinaire des rois d’Espagne).
10, Plaira.—Parmi ces prophéties, les plus célèbres sont celles sur les papes, de Malachie, archevêque d’Arnagh, en Irlande (XIe siècle), qui, du reste, sont considérées comme apocryphes; et celles de Nostradamus (XVIe siècle), dont Henri II et Catherine de Médicis faisaient grand cas et qui sont formulées en quatrains extravagants où l’on peut voir tout ce que l’on veut.
12, Discours.—De sa raison.—Ce mot «discours», qui revient souvent dans Montaigne, y est pris dans les acceptions les plus variées. Outre son acception ordinaire en tant qu’expression de la pensée, entretien, conversation, il est pris souvent au cours des Essais dans le sens de raison, intelligence, entendement, comme il arrive ici, et dans bien d’autres, signifiant: Raisonnement, jugement: «I’ay veu quelqu’vn... courre la mort à force... par diuers visages de discours que ie ne luy sceu rabattre» (I, 448):—Sagesse: «Gallus Vibius... se pouuoit vanter d’estre deuenu fol par discours», porte l’édition de 1588; «par sagesse», porte celle de 1595 (I, 134);—Dessein: «Ie m’abandonne... à tousiours dire ce que ie pense, et par complexion et par discours», porte l’édition de 1588; «et par dessein», porte celle de 1598 (II, 496):—Opinion: «Il a cuidé m’imprimer non tant son discours, que son sentiment» (III, 638);—Volonté: «Il y a plusieurs mouuemens en nous qui ne se partent pas de nostre discours», porte l’édition de 1588, «de nostre ordonnance», porte celle de 1595 (I, 392);—Supériorité, difficulté: «Il y a encore plus de discours à instruire autruy qu’à estre instruit» (II, 160);—Art, artifice, ingéniosité, parti pris: «A peine est-il en son pouuoir... de gouster un seul plaisir... encore se met-il en peine de le retrancher par discours» (I, 350). Motheau et Jouaust, Glossaire.
15, Suiuies.—Socrate prétendait entendre constamment en lui une voix intérieure, qu’il appelait son démon familier, l’inspirant et en lequel il manifestait une confiance aveugle. En cela, il semble avoir été de la plus entière bonne foi; il n’y a pas apparence que ç’ait été de sa part une imposture pour donner plus de crédit à sa parole et aider à son rôle de réformateur; du reste, Montaigne ne le met pas en doute et ne fait qu’en donner une explication. Voir sur Socrate N. III, 576: L’vn.—On retrouve l’analogue dans les voix de Jeanne d’Arc la sollicitant sans cesse, d’après son dire que nous ne contestons pas davantage, à s’employer à jeter les Anglais hors de France.
17, Fortuite.—Daniel de Foë, l’auteur de Robinson Crusoé, a écrit, comme suite à cet ouvrage, sur l’importance qu’il y a à ne pas négliger ces sortes de pressentiments qu’il attribue à des avertissements donnés par des intelligences célestes; peut-être n’est-ce simplement que le fait du travail inconscient de l’esprit préoccupé d’une idée qui nous fait entrevoir des éventualités que nous retenons lorsqu’elles ont de l’à-propos, et dont nous ne nous souvenons même pas quand, ce qui arrive le plus souvent, elles ne se réalisent pas et, par suite, n’éveillent pas notre attention.
20, Socrates.—Platon, dans Théagès.
CHAPITRE XII.
3, Visage.—On assure que les Parthes, les Scythes combattaient ainsi; et Corneille s’est servi de cette tradition dans ce vers de Rodogune: «Elle fuit, mais en Parthe, en nous perçant le cœur.»—Les Indiens bravos des Attakapas (Amérique du Nord) se défendaient de même, lançant aussi adroitement leurs flèches en fuyant que s’ils avaient regardé l’ennemi en face.
12, Sier.—Terme de marine de l’époque employé pour «tourner, virer»: vient du latin sedere (se placer); signifie, ici, se reporter.
14, Victoire.—En 479. Les Perses, au nombre de plus de 300.000, sous les ordres de Mardonius, qui y fut tué, y furent vaincus par les Grecs, commandés par Pausanias roi de Sparte, et forts seulement de 110.000 hommes, et cependant l’armée la plus considérable peut-être que jamais ils aient réunie. A en croire Hérodote, sauf un corps de 40.000 hommes qui ne fut pas engagé, à peine 3.000 parmi les vaincus auraient survécu, tandis que la perte des vainqueurs n’aurait été que de quelques centaines d’hommes.—Le propos que tient ici Socrate est tiré de Platon, dialogue de Zachès.
22, Manger.—«D’y mordre», porte l’exemplaire de Bordeaux, autrement dit: d’en tâter, pour juger ce dont nous sommes capables.
24, Saoul.—Le fait est conté par Hérodote, IV, 127, qui nomme ce roi des Scythes, Idanthryse. Cette expédition (508) se termina à la confusion des Perses qui furent obligés de se retirer pour échapper à la famine dont ils étaient menacés par le vide que les Scythes faisaient devant eux et aussi par la crainte de se voir la retraite coupée. Elle fut la cause originelle des guerres médiques, le roi des Perses voulant se venger de Miltiade qui, chef d’un des contingents grecs à sa solde, préposés à la garde du pont qu’il avait jeté sur l’Ister (auj. le Danube) pour assurer ses communications, avait proposé à ses congénères de le rompre.
29, Compagnons.—En 1805, à un combat sur l’Iller (Tyrol), au moment où un de ses officiers, sa coiffure à la main, rendait compte au maréchal Ney d’une mission qu’il venait de remplir, un boulet passa si près d’eux, que l’officier baissa instinctivement la tête, tout en continuant son rapport: «C’est très bien, lui dit Ney, quand il eut achevé de parler, seulement, une autre fois, ne saluez pas si bas.» Marco Saint-Hilaire.—Le bailli de Suffren disait que lorsqu’il rencontrait l’ennemi en mer, il en éprouvait tout d’abord un dérangement d’entrailles au point d’en maculer ses culottes, mais qu’ensuite il ne songeait qu’à la besogne.
31, Prouence.—En 1536; cette invasion échoua par la résistance de Marseille qui obligea les Impériaux à une retraite difficile.
38, Corps.—La ville d’Arles n’était point en état de défense et l’Empereur délibérait s’il s’y porterait ou non. Ses hésitations donnèrent le temps d’y constituer une garnison et d’armer la place; ce fut alors qu’il procédait à la reconnaissance des travaux en cours d’exécution que le marquis du Guast faillit être tué. Du Bellay, VIII.
1, Roy.—En 1517; sa blessure lui fit lever le siège. C’était le père de Catherine de Médicis, mère de François II, de Charles IX et de Henri III, qui régnait quand Montaigne écrivait ce passage.
2, Regardoit.—Actuellement qu’on se sert d’étoupilles au lieu de mèche à canon pour mettre le feu aux pièces d’artillerie, et que les projectiles sont à éclatement, des faits de cette nature ne sont plus susceptibles de se produire, parce qu’on ne voit plus mettre le feu, que la vitesse du projectile est trop grande et la gerbe des éclats trop étendue pour pouvoir se garer, quand on aperçoit la lueur du coup, si déjà on n’est à l’abri.—Au siège de Sébastopol (1855-56), où assiégés et assiégeants faisaient usage de bombes, étant donné leur volume, leur peu de vitesse et la durée de leur parcours, il était encore possible de s’en préserver, dans une certaine mesure, en se terrant à temps, ce que chacun faisait, quand on entendait le cri: «Gare la bombe!» poussé par l’un des observateurs placés à cet effet, apercevant le projectile développant sa courbe dans les airs.
21, Souffrance.—Charles V, roi de France, disait d’un homme «qui, dans son épitaphe, était mentionné comme n’ayant jamais eu peur, qu’apparemment il n’avait jamais mouché une chandelle avec les doigts».—A cette époque, on s’éclairait avec des chandelles, et leur mèche ne se consumait pas à mesure qu’elle brûlait; il fallait les moucher, ce qui se faisait avec des ciseaux ou des mouchettes, et lorsqu’on n’en avait pas, avec les doigts, non sans grand risque de se brûler.
26, Conforme.—Ces pensées sont traduites presque textuellement d’Aulu-Gelle (XIX, 1), qui les avait traduites lui-même du cinquième livre, aujourd’hui perdu, des Mémoires d’Arrien sur Epictète. Le Clerc.
29, Peripateticien.—Les péripatéticiens (ou promeneurs) étaient les disciples d’Aristote, ainsi nommés parce qu’ils se réunissaient au Lycée, promenade d’Athènes, pour y entendre leur maître, et que l’enseignement se donnait d’ordinaire tout en se promenant. Leur doctrine est indiquée dans la note relative à Aristote, V. I, 32; au moyen âge, elle fit le fond de la philosophie scolastique et domina sans partage jusqu’au XVIe siècle.
CHAPITRE XIII.
5, Marguerite.—Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier, épouse de Henri d’Albret, roi de Navarre, grand’mère de Henri IV.
19, Attendre.—«L’exactitude est la politesse des Rois», dit un adage; elle est également aujourd’hui celle des particuliers grands et petits et il n’y a que les malotrus et les parvenus qui l’oublient.
21, Ville.—Il alla attendre à Nice.
23, Trouuer.—V. N. I, 68: Marseille.
25, Luy.—En 1532, entre ce même pape Clément VIII et l’empereur Charles-Quint, qui poursuivait la convocation d’un concile œcuménique qui fut placé sous la protection impériale, la papauté menacée par la Réforme.
30, Eux.—Actuellement, comme autrefois, ces questions sont minutieusement réglées d’avance, dans tous leurs détails, par le service dit du «Protocole».—Bien que les rapports personnels des souverains entre eux soient toujours susceptibles d’y introduire des modifications, généralement quand un souverain vient en visiter un autre, celui-ci envoie à la limite de ses états un service d’honneur pour le saluer et l’assister durant tout le temps de son séjour et lui-même l’attend au lieu de sa résidence; d’ordinaire à son arrivée il se trouve à la gare où a été fait un déploiement plus ou moins grand de troupes, le reçoit, l’accompagne où il doit loger et rentre chez lui, où il attend sa première visite qu’il lui rend aussitôt après. C’est surtout dans le plus ou moins d’importance du service d’honneur, dans les honneurs plus ou moins grands rendus à l’arrivée, dans l’étendue et l’éclat plus ou moins considérables des fêtes qui suivent, et surtout dans la participation plus ou moins enthousiaste des populations avec lesquelles il faut compter plus qu’autrefois, que consistent les nuances.
10, Entregent.—Façon convenable de converser et d’agir selon les personnes, le sujet, le temps et le lieu; art de se pousser dans le monde, était à l’époque pris exclusivement en bonne part.
11, Familiarité.—Au ch. XVII du liv. II, l’auteur redit à peu près la même chose de la beauté: «C’est vne piece de grande recommandation au commerce des hommes, elle est le premier moyen de conciliation des vns auec les autres.»
14, Communicable.—«La civilité est une envie de plaire; la nature la donne, mais l’éducation l’augmente.» Madame de Lambert.—«La politesse n’est qu’une forme de la bonté, de la charité, de la bienveillance, et une imitation de l’amitié.» Al. Karr.—«La politesse ne coûte rien, ne nuit jamais et rapporte beaucoup.»
CHAPITRE XIV.
Chapitre XIII.—Sous ce numéro, les éditions antérieures et l’exemplaire de Bordeaux donnent ici le chapitre XV de la présente édition: «Que le goust des biens et des maux, despend, en bonne partie de l’opinion que nous en auons»; celui-ci y porte le numéro XV et tous ceux de XV à XXXIX se trouvent y avoir leurs numéros accrus chacun d’une unité.
Raison.—La thèse émise dans ce chapitre est absolument l’opposé des idées actuelles qui veulent qu’en toutes situations de guerre, un soldat combatte jusqu’à ce qu’il soit réduit à l’impuissance la plus absolue, que ce soit dans une place ou en rase campagne, ce que notre grand Corneille a si noblement et magnifiquement exprimé dans Horace:
Cette obligation, nos lois la sanctionnent, mais pas aussi sévèrement encore qu’elles le devraient, quoi qu’en disent les philanthropes et les internationalistes, parce que c’est là une question de salut public. Les Anglais ont eu raison de fusiller en 1756 leur amiral Bing qui avait laissé reprendre Mahon; Napoléon a regretté de n’avoir pas agi de même en 1808 à l’égard de Dupont qui avait signé la capitulation de Baylen; avoir fait grâce à Bazaine capitulant à Metz en 1870, a été une grosse faute.
27, Batre.—Battre en brèche.
27, Dedans.—En 1524. Cet acte de cruauté ne fit qu’irriter les assiégés et les inciter à se défendre avec plus d’opiniâtreté, ce qui donna le temps aux Impériaux, surpris par notre brusque entrée en campagne, de rassembler leurs forces et de venir au secours de la ville qui fut sauvée par la bataille livrée sous ses murs (bataille de Pavie, 1525); les assiégeants durent suspendre le siège pour y participer et ne purent le reprendre. Du Bellay, II.
28, Dauphin.—François, fils aîné de François Ier, qui mourut cette même année (1536), par suite d’une imprudence. Échauffé par une partie de jeu de paume, il but de l’eau glacée; il en résulta une fluxion de poitrine qui eut vite raison d’un tempérament délabré par un abus précoce des plaisirs. Le roi, dans sa douleur, crut à un empoisonnement, on ouvrit une instruction; l’empoisonneur présumé fut écartelé et on accusa ouvertement l’empereur Charles-Quint, et même Catherine de Médicis, femme du fils cadet du roi, d’avoir inspiré le crime; mais ces soupçons ne reposaient sur rien et on dut les abandonner.
28, Monts.—Au delà des Alpes, en Italie.
2, Raison.—En 1536. Le château de Villane, perché sur un roc, est d’abords inaccessibles; la garnison, d’environ 200 Espagnols, s’y croyait à l’abri de toute entreprise; mais les Français, avisant un rocher voisin et y hissant à l’aide de cordages quelques pièces d’artillerie, parvinrent à pratiquer une brèche, par laquelle, à grand renfort d’échelles, ils pénétrèrent par escalade. Du Bellay, VIII.
5, Place.—En 1543. La tour de Saint-Bony interceptait nos communications avec Turin. L’exemple du reste profita et l’armée française n’éprouva plus aucune résistance des forts d’arrêt assez nombreux dans la région. Du Bellay, IX.
16, Orient.—Les éd. ant. aj.: les Tamburlans, Mahumets.
CHAPITRE XV.
Ce chapitre a le no XVI dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.
24, Capitaine.—Probablement François, duc de Guise.
27, Bouloigne.—En 1546, au roi d’Angleterre Henry VIII, qui l’assiégeait en personne; de Vervins eut la tête tranchée. Du Bellay, X.
12, Charge.—«Qui donna jamais à l’erreur le nom de crime?» Sénèque.—Plutarque rapporte à ce propos ce mot d’Archélaüs, roi de Macédoine. On l’animait un jour contre quelqu’un qui, par mégarde, avait jeté de l’eau sur lui: «Ce n’est pas moi qu’il a mouillé, dit le Prince, mais celui pour qui il m’a pris.»
18, Emmy.—Au milieu, du latin in medio, d’où vient aussi midi, medius dies, et même minuit, media nox.
20, Honte.—Diodore de Sicile, XII, 4.—L’empereur Julien, dont il va être question, se trouvant dans les Gaules, obligea pareillement 600 soldats qui n’avaient pas bien fait leur devoir devant l’ennemi à traverser le camp accoutrés en femmes, ce qui leur fut si sensible qu’au premier combat qui suivit, ils effacèrent leur honte par des prodiges de valeur. Lebeau.
26, Effundere.—Tertullien, Apologétique, à propos de la loi romaine qui punissait de mort les débiteurs, peine à laquelle l’empereur Septime-Sévère substitua la vente de leurs biens.
26, Anciennes.—En 363. L’empereur Julien étant en opérations contre les Parthes et trois de ses escadrons ayant fui après un combat insignifiant, en abandonnant à l’ennemi un de leurs étendards, leur fit application des lois anciennes et les décima, dégradant, avant de les faire mettre à mort, ceux que le sort avait désignés. Ce fut là un acte exceptionnel de sa part; en d’autres cas analogues, il s’était montré beaucoup moins rigoureux (V. N. I, 90: Honte). Peut-être la gravité des circonstances nécessitait-elle un exemple. Ammien Marcellin, XXIV et XXV.
31, Mort.—Ce Cn. Fulvius était préteur; lui aussi en 215, peu après la bataille de Cannes (216), subit en Apulie, du fait d’Annibal, une sanglante défaite dans laquelle il perdit 16.000 h. sur 18.000 qu’il commandait; lui-même s’était enfui avec à peine 200 cavaliers. Aux soldats échappés à ces deux désastres le Sénat romain infligea, comme châtiment, d’être relégués en Sicile et d’y servir jusqu’à la fin de la guerre, avec défense d’hiverner dans les places fortes et de camper à moins de dix milles (20 kil.) de quelque ville que ce fût. Tite-Live, XXV et XXVI, 2 et 3.
37, Espagnols.—En 1523. Franget allégua, pour sa défense, une conspiration qui s’était formée dans le but de livrer la ville; admis à le prouver, il n’y parvint pas. Du Bellay, II.
41, Entra.—En 1536. La ville de Guise devait être évacuée, et le château demeurer seul occupé. Les Espagnols la surprirent pendant que l’évacuation s’effectuait, et bien que le château eût eu le temps de fermer ses portes, il n’en capitula pas moins à première sommation. Du Bellay, VII.
CHAPITRE XVI.
Ce chapitre porte le no XVII dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.
5, Voyages.—Montaigne aimait beaucoup les voyages; il en a fait d’assez fréquents en France, et en a accompli un de dix-huit mois en 1580-81 en Italie par la Suisse et l’Allemagne, dont il a laissé un journal écrit partie en français, partie en italien; en partie dicté, en partie de sa main.
8, Mieux.—De Sacy (anagramme d’Isaac), de Port-Royal (1612 à 1684), avait mis à profit cette leçon de Montaigne, et toujours il ramenait la conversation sur ce qui était l’occupation de son interlocuteur, parlant peinture avec Philippe de Champagne, philosophie avec Pascal, etc.—Le général Desvaux (1810 à 1887) qui, en Algérie, développa si grandement la colonisation dans la province de Constantine et y introduisit la construction des puits artésiens d’après nos procédés, le même qui, en 1870, à Metz, chef par intérim de la Garde impériale, dont il commandait la cavalerie, fut le seul à se déclarer contre la capitulation, dans le conseil de guerre où elle fut décidée, agissait de même.
11, Armenti.—Traduction italienne d’un passage de Properce, II, I, 43, dont le texte latin est:
16, Poëte.—Plutarque, Apophthegmes des Lacédémoniens.—Voltaire était plus porté à se targuer de ses connaissances assez faibles en géométrie et en astronomie que de ses talents littéraires; Diderot était dans le même cas; le peintre David se croyait législateur; l’abbé Delille voulait parler d’histoire naturelle; le Jésuite Daniel, se connaître en détails stratégiques; Frédéric II, être poète; le peintre Carteaux et le médecin Doppet, sous la Révolution, être généraux en chef.
21, Ingenieur.—Allusion au pont que César fit construire sur le Rhin, pour le passage de ses troupes en Allemagne, construction sur laquelle il s’étend volontiers dans ses Commentaires, De Bello Gallico, IV, 17; Montaigne y revient au ch. XXXIV du liv. II (V. N. II, 650: Rhin).
24, Guere.—Diodore de Sicile, XV, 6.—Ce fut aussi le travers du cardinal de Richelieu.
26, Estude.—Cabinet de travail; le mot étude est employé ici dans le même sens que l’on dit aujourd’hui: étude d’avoué, de notaire.
29, Vis.—Montaigne avait d’abord écrit: «la vis par où il estoit monté», texte qu’il a ensuite modifié, mais qui ne laisse aucun doute sur la signification du mot «vis» qui n’est autre ici qu’un escalier tournant.
14, Conduire.—Si Montaigne eût vécu de notre temps, il eût pu ajouter: «Quant à ceux, si nombreux aujourd’hui, qui font profession d’écrire sur tout, leur style est souvent leur seul mérite; la plupart du temps il n’y a rien à puiser dans leurs écrits; bien plus, il faut s’en défier. Ne connaissant rien à fond de ce dont ils parlent, ils ne peuvent en juger que superficiellement: la compétence leur fait défaut, si grande que soit leur assurance, sans compter qu’ils n’ont pas plus souci de la vérité et de l’exactitude, que du mal qu’ils font sciemment ou inconsciemment.»
16, Langey.—Guillaume du Bellay, seigneur de Langeais.
23, Soldats.—«Et subjects». Add. des éd. ant. et de l’ex. de Bordeaux.
27, Batteau.—En 1536. Ce consistoire ne fut à proprement parler qu’une audience publique du Pape, où l’Empereur arriva inopinément, mais avec l’idée préméditée d’y défier François Ier. Ce défi était un des trois moyens qu’il suggérait pour terminer leurs différends: la guerre, l’accession à ses revendications, le combat singulier; les duchés de Bourgogne et de Milan, qu’il réclamait, devaient être dans ces diverses éventualités le prix du vainqueur. Du Bellay, V.—Quel malheur que les chefs d’États ne règlent pas toujours leurs différends en combat singulier, comme le proposait Charles-Quint, au lieu de recourir à la guerre! ce serait au moins un cas où le duel aurait du bon et il n’en serait pas pour cela beaucoup plus fréquent.
13, Subiection.—Pensée traduite d’Aulu-Gelle, I, 13, auquel est aussi emprunté le fait suivant.
14, Heureux.—Parce qu’il était très riche, très noble, très éloquent, fort savant sur le droit et souverain pontife. Aulu-Gelle.
37, Decret.—Cette observation de Montaigne est juste. C’est ainsi qu’à la guerre, il est de principe que celui qui est sur place est maître absolu de ses faits et gestes, tout en se conduisant, dans les limites du possible, suivant les instructions qu’il a reçues; et c’est à l’inobservation de cette règle que, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, les armées autrichiennes, recevant leur direction du Conseil aulique siégeant à Vienne, ont dû d’éprouver de nombreux revers. Le maréchal Pélissier, à Sébastopol, en 1855, harcelé par les recommandations et instructions qui lui venaient pareillement de Paris, y mit fin en menaçant de couper le cable télégraphique qui le reliait à ceux qui avaient la prétention de le tenir ainsi en lisière. Ceci nous amène à cette question si délicate de l’emploi souvent abusif qui est fait de l’armée en temps de paix et des droits et devoirs de chacun en pareil cas:
«On ne peut commander et on ne doit obéir que pour le bien du service et l’exécution des règlements militaires; cette règle régit tous les échelons, y compris le Ministre de la guerre et le Gouvernement lui-même.
«L’obéissance indiscrète outrepasse les ordres; l’obéissance imparfaite s’y tient strictement; l’obéissance parfaite obéit en tout ce qui est permis; or, il n’est permis à personne, non plus qu’au Gouvernement et à ses représentants, d’enfreindre les lois fondamentales de l’humanité, de rien faire au delà des limites assignées par les règlements, ni au delà de ce que permet l’honneur.
«L’armée n’a pas à assurer en temps habituel l’exécution des lois; ses occupations, comme ses devoirs, sont autres: la cavalerie n’est pas lancée à la poursuite des voleurs, caissiers et autres; l’infanterie ne procède ni aux arrestations, ni aux transferts de prisonniers; l’artillerie ni le génie ne détruisent les bâtiments destinés à disparaître: rien de tout cela ne regarde les militaires; pour toutes ces besognes, il y a des agents spéciaux.
«Dans cet emploi irrégulier de l’armée, sa participation à toutes les inaugurations, à toutes les fêtes, à toutes les expositions, est pour beaucoup; on est arrivé à la considérer comme bonne à tout faire.» Gal Donop.
Notons encore que chacun, dans l’accomplissement de la mission qu’il a reçue, n’a d’instructions à recevoir que de son chef direct; nul autre n’a à s’immiscer dans les moyens d’exécution.
Ces principes consacrés par le bon sens, étaient jadis confirmés d’une façon péremptoire par les règlements; mais ceux-ci ont été à cet égard quelque peu modifiés récemment pour avoir raison des résistances que rencontraient des exigences abusives; ici comme ailleurs, quand la politique sectaire s’en mêle, rien de ce qui devrait l’être, n’est plus respecté.
CHAPITRE XVII.
Ce chapitre porte le no XVIII dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.
4, Passion.—La peur est naturelle à l’homme, peu d’entre eux l’ignorent; le plus grand nombre finit par en triompher, le lâche est celui qui s’y abandonne.
8, Esblouissements.—«De tous les animaux, a dit le prince de Ligne, l’homme est le plus peureux.»
8, Vulgaire.—Il n’y a pas que le vulgaire à subir des impressions irraisonnées; les esprits forts n’en sont point exempts. Hobbes, qui s’est élevé si énergiquement contre l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme, telles que la religion nous les présente, ne pouvait sans crainte des revenants traverser un cimetière; à cette époque, XVIIe siècle, pas plus en Angleterre qu’en France, les cimetières n’étaient clôturés.
13, Corselets.—Petites cuirasses que portaient les piquiers dans les régiments des gardes et dont le nom s’étendait à ceux qui en étaient revêtus.
14, Rouge.—Croix blanche et croix rouge. La croix, depuis les croisades, était fréquemment employée en guerre, dans la catholicité, par les nations adverses pour distinguer les belligérants. A la bataille de Bouvines (1214), les Flamands et les Allemands, opposés aux Français, avaient, pour se distinguer, adopté une croix rouge; au XVIe siècle, la croix blanche était le signe distinctif des Français, la croix rouge celui des Espagnols.
23, Campaigne.—En 1527. Le connétable de Bourbon, opérant pour son propre compte à la tête de partisans auxquels il avait promis le pillage de Rome, exécutait la reconnaissance de la place; l’acte de cet enseigne lui révéla l’existence de cette brèche, par laquelle il fit immédiatement donner l’assaut qui réussit, mais où il trouva la mort. Du Bellay, III.
27, Canonniere.—Embrasure ou ouverture ménagée pour le tir du canon. Il est vraisemblable que c’est là une faute d’impression commise en 1580, qui s’est reproduite d’édition en édition et qu’il faut lire «caponière», sorte de retranchement élevé pour couvrir un passage ou une sortie dans les ouvrages de fortification.
27, Assaillans.—En 1537. Il s’agit ici du siège de Saint-Pol, en Artois. La ville fut emportée d’assaut; cinq mille personnes, tant de la garnison que des habitants, périrent dans les massacres qui suivirent. Guillaume du Bellay, qui raconte le fait (liv. VIII), dit: «Et celuy-cy ie le vey»; il fut également témoin du suivant qui se trouve consigné au même livre de ses Mémoires.
1, Partoit.—L’an 3. Germanicus, après avoir rendu les derniers devoirs aux légions de Varus détruites en ce même endroit six ans auparavant, continuait la poursuite des Germains, lorsque, arrivée à une forêt où Arminius avait fait cacher les siens, la cavalerie romaine fut assaillie à l’improviste et rejetée sur l’infanterie qui la soutenait; le désordre, se propageant, menaçait de se transformer en désastre, quand Germanicus, arrivant avec le corps de bataille, parvint à l’arrêter. Tacite, Annales, I, 63.
10, L’empire.—En 832, en Cappadoce. «Il vaut mieux, lui dit-il, que vous perdiez la vie que si, étant prisonnier, vous faisiez éprouver un si grand déshonneur à la République.» Grâce à cette intervention de Manuel, l’empereur échappa aux mains de l’ennemi; mais, à l’encontre de Montaigne, Zonaras (liv. III), d’où le fait est tiré, donne ce parti pris de ne point fuir, comme un trait de valeur inconsidéré de Théophile, et non de frayeur.
12, Vaillance.—«Son courage est peut-être un effet de la peur.» Corneille, Théodore.
14, Hannibal.—Son père lui avait fait jurer une haine implacable aux Romains. En 219, il ralluma la guerre contre eux en prenant et saccageant en pleine paix la ville de Sagonte (Espagne), leur alliée. Puis, franchissant les Pyrénées, le midi de la Gaule et les Alpes, il les vainc à la Trébie, au Tessin, au lac Trasimène (Italie septentrionale), enfin à Cannes (Italie méridionale) en 216. La fortune cessa dès lors de lui être favorable, et, après s’être maintenu quatorze ans en Italie, sans autres hauts faits, il dut repasser en Afrique pour aller défendre Carthage menacée. Vaincu à Zama (202), pour ne pas tomber aux mains des Romains, il s’exile en Asie Mineure, où il ne cesse de leur fomenter des ennemis, et finalement s’empoisonne pour ne pas leur être livré.
19, Victoire.—Bataille de la Trébie, en 218. Tite-Live, XXI, 56.
30, Suspendues.—Cicéron, Tusc., III.—En 48. Fuyant en Égypte, après sa défaite à Pharsale, Pompée y fut assassiné, au moment où il débarquait, par des soldats du roi Ptolémée envoyés à sa rencontre comme pour lui faire honneur; sa tête fut portée à César qui versa des larmes à cet aspect, et peu après punit les meurtriers.
7, Discours.—C.-à-d. qui n’est pas causée par une erreur de notre jugement, en est indépendante et se produit en dépit de lui.
15, Ire.—Colère, du latin ira qui a même signification.
15, Dieux.—Ces paniques qui furent assez fréquentes à Carthage, notamment durant ses guerres avec les Syracusains qui, passés inopinément en Afrique, avaient failli surprendre la ville (vers l’an 400), étaient considérées par elle, concurremment avec les défaites qu’elle éprouvait, comme autant de manifestations de la colère des dieux qu’ils cherchaient à apaiser par des sacrifices humains. Diodore de Sicile, XV, 7.
16, Paniques.—Ainsi nommées de ce qu’elles passaient comme inspirées, le plus ordinairement, par Pan, le dieu des champs par excellence.—Les paniques sont des défaillances collectives qui se produisent sans même qu’on sache pourquoi; parfois elles sont amenées par une surprise de l’ennemi, très souvent elles naissent sur les derrières de l’armée, elles sont de tous les temps; on en constate chez tous les peuples, quoique l’histoire ne les énumère guère, mais on n’aime pas à parler des siennes et on ignore celles survenues chez l’adversaire. Chez nous, durant les vingt-trois ans qu’a duré l’épopée révolutionnaire, on en a relevé jusqu’à trois cents. Souvent elles sont l’effet d’un énervement prolongé et c’est ce qui fait qu’elles se produisent fréquemment le soir ou le lendemain d’une action, même chez le vainqueur, comme chez nous à Wagram à la fin de la bataille, et le lendemain à Solférino (1859); chez les Prussiens, le soir du 18 août 70; à Iéna, en 1806, les mêmes en éprouvèrent une deux ou trois jours avant la bataille.—Le cheval y est sujet plus encore que l’homme. (Général Daudignac).
CHAPITRE XVIII.
Ce chapitre porte le no XIX dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.
17, Mort.—Montaigne a déjà effleuré ce sujet au ch. III de ce même livre.
19, Debet.—Saint-Ange a donné de ces vers d’Ovide la traduction suivante:
20, Propos.—Hérodote, I, 86.
29, Diuers.—C’est ce qu’après Solon, Sophocle a donné comme conclusion de sa tragédie d’Œdipe à Colone, et que Ducis a rendu de la sorte:
Un proverbe italien dit dans le même sens: «Louez la vie après la mort, et le jour quand il est nuit.»—Un autre, français celui-là, dit de même: «Attends le soir pour louer un beau jour, attends la mort pour louer une belle vie.»
32, Malheureux.—Plutarque, Apophth. des Lacédémoniens.
33, Rome.—Philippe, un des fils de Persée, roi de Macédoine, fut réduit, après la conquête de ce royaume par les Romains (167), à se faire menuisier, et postérieurement devint greffier à Rome; ce qui fait attribuer par Montaigne ce double changement de fortune à deux individus différents.
1, Corinthe.—Denys le Jeune, tyran de Syracuse, en ayant été chassé, se retira à Corinthe, où, pour subsister, il se fit maître d’école, 343.—En 1793, lors de la Révolution, le duc d’Orléans, depuis Louis-Philippe roi de France, donna pendant huit mois, pour pouvoir vivre, des leçons de mathématiques et de géographie, à Reiguenau (Suisse).
8, Marché.—Sous le règne de Louis XII, qui l’y avait fait enfermer (1500); on montre encore dans les ruines du château la chambre, en contre-bas du sol, où il fut détenu.
10, Cruauté.—Marie Stuart, reine d’Écosse, qui passait pour la plus belle femme de son temps. Veuve de François II, roi de France, elle fut décapitée par ordre d’Élisabeth, reine d’Angleterre, après dix-huit ans de captivité (1587), alors que son fils, qui devait succéder à Élisabeth sur le trône d’Angleterre, occupait celui d’Écosse; du reste, au point de vue de la moralité, la victime valait encore moins que le bourreau, mais le malheur lui a fait une auréole.
25, Fuit!—Laberius, chevalier romain, sur les instances de César auquel il n’osa refuser et moyennant une somme de 500.000 sesterces (10.000 fr., le petit sesterce valait 0 fr. 20), dut jouer lui-même, sur le théâtre, certaines des pièces qu’il avait composées. Il se vengea de cette humiliation dans un prologue (dont est tirée la citation de Montaigne), où il déplore ce caprice d’un homme puissant qui commande non seulement quand il invite, mais encore quand il prie, et, en lançant cette épigramme mise dans la bouche d’un de ses personnages: «Désormais, Romains, nous avons perdu la liberté!» dite en public, en présence même de César.
28, Reglee.—«Le bonheur n’est pas chose aisée; il est très difficile de le trouver en nous, et impossible de le trouver ailleurs.» Chamfort.—L’éd. de 80 porte: bien assenée.
41, Ancien.—Sénèque, Epist. 102.
1, Passées.—Voltaire appelle le moment de la mort: «celui où les menteurs disent vrai». Lettre à d’Alembert.
6, Alors.—Scipion, beau-père de Pompée, auquel une vie de débauche et de nombreuses exactions étaient à reprocher, se trouva par des vents contraires rejeté sur la côte d’Afrique et son bateau bientôt envahi par les ennemis qu’il fuyait. Ceux-ci, qui ne le connaissaient pas, le cherchant et demandant où était le général: «Le Général, leur répondit-il, est en sûreté», et sur ces mots, il se perça de son épée (46).—Ce que Montaigne dit ici de ce Scipion, d’après Sénèque, Epist. 24, on pourrait le dire également de l’empereur Othon dont la mort, après la bataille de Bebriac (69), fait presque pardonner la mollesse et les débauches de sa vie et dont Tacite dit: «Les autres ont conservé plus longtemps le pouvoir, personne ne l’a quitté avec plus de courage et de sérénité.»—Ces exemples témoignent de la justesse de cette observation de Vauvenargues: «On ne peut juger de la vie par une plus fausse règle que la mort.»
9, Resoudre.—Plutarque, Apophthegmes.
16, Croist.—De sa croissance, à la fleur de son âge, disons-nous aujourd’hui.—«Celui qu’aiment les dieux, meurt jeune.» Menandre.
21, Course.—Il semble qu’il soit ici question de Henri de Lorraine, dit le Balafré, duc de Guise, qui aspirait au trône de France et était sur le point d’y parvenir, quand il fut assassiné à Blois, par ordre de Henri III (1588); précisément à l’époque ou peu après, Montaigne a dû écrire ces lignes qui ne se trouvent pas dans l’édition parue cette même année.
CHAPITRE XIX.
Ce chapitre porte le no XX dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.
24, Mourir.—Charron qui, dans tout le cours de son traité de la Sagesse, a copié Montaigne, ne lui a fait nulle part des emprunts aussi étendus et aussi multipliés que dans ce chapitre et dans le chapitre III du livre II (Coustume de l’isle de Cea); on peut s’en assurer en lisant particulièrement son ch. XI du liv. II, intitulé: «Se tenir toujours prêt à la mort, fruit de la sagesse.»
26, Mort.—«Toute la vie des philosophes, disait Socrate, est une continuelle méditation de la mort.» Platon, dans le Phédon; Cicéron, Tusc., I, 31.