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Essais de Montaigne (self-édition) - Volume IV

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312,

1, Ensemble.—Cette interdiction a pour unique objet d’empêcher que, lors du décès, ces donations ne lèsent les héritiers naturels du défunt.

5, Le liberal.—Les éd. ant. port.: l’honneste et le courtois.

8, Demandoit.—Diogène Laerce, VI, 16.

10, Singulier.—Extrait du Toxaris de Lucien, 22.

16, Suruiure.—Le Poussin a consacré par son pinceau cette action sublime; il a représenté Eudamidas dictant ses dernières volontés; la gravure a reproduit ce tableau.

21, Talens.—Le talent n’avait pas une valeur uniforme, celle du talent attique était de 5.720 francs.

24, Iour.—«On chercherait en vain dans les temps modernes un pareil trait à citer, et les filles sans dot de notre époque ne sauraient s’en prévaloir pour concevoir des espérances.» Victor Thierry.—On cite bien un fait s’en rapprochant, mais déjà les conditions sont autres: Eulalius qui, de fort riche, était devenu fort pauvre, institua son héritier Justin I, empereur d’Orient; il le chargeait de faire élever ses filles, de les doter et aussi de payer ses dettes; Justin accepta et remplit les clauses du testament, Ve siècle.—Charlotte Corday, condamnée à mort, chargea son défenseur Chauveau-Lagarde de payer, de sa bourse, ce qu’elle devait dans sa prison, 1793.

314,

2, Moy.—Cette façon de penser n’est pas celle de tous: «Une confidence faite à un ami, sur ce qui touche l’honneur d’autrui, est une atteinte à la charité.» S. Ambroise.—Bourdaloue a exprimé la même idée en la développant.

20, Alliance.—Xénophon, Cyropédie, VIII, 3.

24, Reste.—C.-à-d. sans exception, ni restriction aucune.

28, Doiuent.—Un évêque de Cracovie avait pour marchand un Juif; pour fermier, un socinien (adhérent à la secte de Sozzini, hérésiarque italien du XVIe siècle, qui repoussait le dogme de la Sainte Trinité et en particulier la divinité de Jésus-Christ); pour intendant, un protestant, et disait: «Ces gens-là seront damnés dans l’autre monde, mais ils me sont nécessaires dans celui-ci.»

316,

1, Cil.—Celui; cil est un joli mot qu’on aurait dû conserver, quand ce n’eût été qu’à cause des services qu’il peut rendre à la poésie.  Coste.

5, Action.—Il s’agit ici d’Agésilas. Plutarque, Agésilas, 9.—On raconte un fait analogue de Henri IV qui, surpris par l’ambassadeur d’Espagne, à quatre pattes, promenant ses enfants à cheval sur son dos, lui dit: «Vous êtes père, Monsieur l’Ambassadeur, vous me comprenez et m’excusez.»

13, Menander.—Le même qui a dit: «Celui-là meurt jeune qui est aimé des dieux.»

14, Amy.—Plutarque, De l’Amitié fraternelle, 3.

20, Années.—De 1559 à 1563. Les éd. ant. port.: quatre ou cinq années, au lieu de «quatre».

31, Particeps.—Montaigne, comme il fait souvent, a changé plusieurs mots dans cette citation.

33, Demy.

«Pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau:
La moitié de moi-même a mis l’autre au tombeau.» Corneille.
318,

7, Amabo.—La lecture de ce chapitre qui, de fait, se termine ici, est à compléter par celle du chapitre des œuvres de Bourdaloue intitulé des Amitiés humaines, dans lequel il examine le danger des amitiés trop ardentes, aveugles, partiales ou trop tendres, et où il repousse les entraînements du cœur qui offensent la justice, faussent la conscience et pervertissent la charité.

8, Seize.—Les éd. ant. port.: dixhuict.

9, Ouurage.—Le Discours sur la servitude volontaire que Montaigne renonce à insérer contrairement à ce qu’il s’était proposé au commencement de ce chapitre, parce qu’il venait d’être partiellement publié en Suisse par les Protestants (1578), dans le but de s’en faire une arme contre la royauté. V. N. I, 296: Contre-vn.

18, Iouant.—C’est ce que dit Cornelius Nepos d’Épaminondas: «Il était tellement respectueux de la vérité, qu’il ne mentit jamais même en jouant.»

29, Autre.—Les vingt-neuf sonnets qui font l’objet du chapitre suivant.

30, Enioué.—Les éd. ant. aj.: Ce sont 29 sonnets que le sieur de Poiferré homme d’affaires et d’entendement, qui le connoissoit long temps auant moy, a retrouué par fortune chez lui, parmy quelques autres papiers, et me les vient d’enuoyer: dequoy ie luy suis tres obligé, et souhaiterois que d’autres qui detiennent plusieurs lopins de ses escris, par-cy, par-là, en fissent de mesme.

CHAPITRE XXVIII.

Ce chapitre est numéroté XXIX dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

31, Chapitre XXVIII.—Ce chapitre n’est à proprement parler que la dédicace à Madame de Grammont de vingt-neuf sonnets de La Boétie, élégie amoureuse à l’imitation de Pétrarque, composée dans la jeunesse de l’auteur et aussi faible dans la forme que dans le fond. Ils ont été supprimés, comme n’étant pas de Montaigne, dans la plupart des éditions postérieures à celle de 1588. Nous en aurions fait autant, s’il était bien prouvé que la mention écrite, à la vérité de sa main, sur l’exemplaire de Bordeaux: «Ces vingt neuf sonnets d’Estienne de la Boétie, qui estoient mis en ce lieu, ont esté despuis imprimez avec ses œuures», et qui figure, à l’exclusion des dits sonnets, sur l’édition originale de 1595, témoignait incontestablement qu’il n’avait pas l’intention de les reproduire, auquel cas la dédicace aurait dû disparaître également et ce chapitre tout entier être supprimé. La conserver seule est, comme le font observer Courbet et Royer, une anomalie.

33, Guissen.—Diane, vicomtesse de Louvigny, de la maison de Foix, connue avant son mariage sous le nom de la Belle Corisande d’Andouins, avait épousé le comte de Grammont et de Guiche, qui mourut au siège de La Fère en 1580. Le nom exact est Guissen, dont par corruption on a fait Guichen, puis Guiche. Devenue veuve, Madame de Grammont devint et demeura longtemps la maîtresse de Henri de Navarre avant son avènement au trône de France. Il en était éperdument amoureux et eut même l’intention de l’épouser; c’est pour aller la retrouver qu’il s’arrêta, au lieu de pousser de l’avant, après la bataille de Coutras et perdit de la sorte le fruit de sa victoire. Du reste, elle le payait de retour et lui fut dévouée toute sa vie; pendant les guerres de la Ligue, elle vendit pour lui ses diamants, engagea ses biens et alla jusqu’à lui envoyer des levées de 20 à 24.000 gascons qu’elle avait enrôlés à ses frais.

320,

12, Main.—Montaigne est ici quelque peu aveuglé par son affection pour son ami. Cette pièce de vers, élégie ayant trait à quelque aventure de jeunesse de l’auteur, n’offre rien d’intéressant; ce n’est d’un bout à l’autre qu’une plainte amoureuse exprimée en style assez rude et confus, où éclatent les faiblesses et les emportements d’une passion inquiète qui se nourrit de soupçons, de craintes, de défiances, dont elle est accablée. En voici le thème:

«L’auteur constate qu’il est amoureux. Ce sentiment, auquel jusqu’ici il avait été étranger, le tient tout entier; en vain il a cherché à s’en défendre, il s’avoue vaincu, un regard de celle qui l’a conquis, a suffi pour le mettre à sa merci. Il ne la nomme pas; mais en disant qu’elle est la plus belle, chacun la reconnaîtra; elle est sa Dordogne, et bientôt ses chants et son amour feront passer son nom à la postérité.—Mais est-il payé de retour? Elle demeure sourde à ses prières, et lui va se consumant. Il perd courage; se jouerait-elle de lui? Qu’elle prenne garde; s’il sait aimer, il sait haïr aussi!—Dieu! quel blasphème et combien il maudit les vers qui ont pu exprimer une telle pensée! Et voilà qu’au lieu du châtiment mérité, un mot d’elle vient l’assurer de son pardon.—C’en est fait, c’est pour la vie qu’il se reprend à l’aimer. Mais, hélas! si sa bienveillance va le captivant de plus en plus, c’est sans lui rien concéder. Aussi quelle douleur est la sienne; et cependant il se complaît dans ses souffrances; il en mourra, mais est-il possible qu’il en soit autrement? Ses vers, du moins, en révélant son triste sort, le vengeront de l’Amour, en même temps qu’ils l’exalteront, elle dont la grâce et les perfections sont de nature à asservir tous les cœurs.»

La Boétie (N. I, 298: Lumiere) a composé quelques autres pièces de vers français, on y relève les passages suivants:

«Le premier coing duquel l’or fut battu,
En battant l’or abattit la vertu.»
«Ainsi l’on voit en vn ruisseau coulant,
Sans fin l’vne eau après l’autre roulant;
Et tout de rang d’vn éternel conduit,
L’vne suit l’autre, et l’vne l’autre fuit;
Par cette-ci celle-là est poussée
Et cette-ci par vne autre auancee:
Tousiours l’eau va dans l’eau, et tousiours est-ce
Même ruisseau et tousiours eau diuerse.»

17, L’oreille.—Ce secret a-t-il été révélé? Toujours est-il que le nom de la personne qui a inspiré ces vers, ne nous est pas connu.

326,

27, Dourdouigne.—Le poète personnifie ici la dame de ses pensées en la Dordogne (N. I, 328: Honte) au cours placide; plus loin (Sonnet XIV), dans un moment d’irritation, il l’assimilera à sa sœur la Vézère, au cours capricieux.

35, Fidelle.—Ce vers, qui exprime très heureusement une idée fort juste, a pris place parmi les locutions fréquemment employées: «Qu’est-il plus beau qu’vne amitié fidelle?»

328,

8, Iumeaux.—Castor et Pollux, qui reçurent le don d’immortalité dont ils jouissaient alternativement; la belle Hélène, cause de la guerre de Troie, était leur sœur.

12, Honte.—La Dordogne, formée de deux ruisseaux: la Dore et la Dogne, prend sa source à quelques lieues en amont de Sarlat, patrie de La Boétie, et se termine en Guyenne. A cette époque, cette province et la France, dont elle avait été séparée pendant plus d’un siècle, quoique réunies, conservaient encore leurs appellations distinctes; c’est ce qui fait dire à l’auteur que sa Dordogne a honte de se montrer si modeste en France, alors que lorsqu’elle en sort et devient gasconne, son cours est beaucoup plus important.

13, Sorgues.—Ruisseau illustré par les poésies de Pétrarque en l’honneur de la belle Laure de Noves, qu’il avait rencontrée à Avignon qui se trouve à proximité.

15, Loir.—Nommé ici, parce qu’il passe à Vendôme, ville aux environs de laquelle est né Ronsard, auquel ce passage fait allusion.

18, Mince.—Le Mincio. Mentionné comme rappelant Virgile, originaire de Mantoue, qu’arrose cette rivière.

19, Arne.—L’Arno, qui passe à Florence, patrie de Pétrarque dont le souvenir a été évoqué quelques lignes plus haut et l’est encore dans le sonnet suivant.

31, Migregeois.—A moitié grec. Properce est ainsi qualifié en raison des tournures grecques qu’affecte son style, bien qu’il écrive en latin.

330,

3, Mesure.—Ces quatre derniers vers: Chacun sent..., sont sans contredit les meilleurs de la pièce; par les idées qu’ils expriment, la manière dont ils les rendent, ils méritent attention.

17, Leandre.—Se noya en franchissant à la nage l’Hellespont, ainsi qu’il le faisait chaque nuit, pour aller voir Héro, son amante, prêtresse de Vénus, qui de désespoir se précipita dans les flots.  Myth.

25, Sauuez.—Allusion à la fable d’Hellé, fille d’un roi de Thèbes, et de son frère. Traversant la mer sur un bélier à toison d’or, pour fuir les fureurs de leur belle-mère, Hellé tomba dans les flots et y périt, tandis que son frère et le bélier furent saufs, d’où cette mer prit le nom d’Hellespont (actuellement détroit des Dardanelles).—La largeur de l’Hellespont varie de 1.750 à 3.000 mètres; il est donc facilement franchissable à la nage, par un excellent nageur; lord Byron, en 1810, l’a franchi dans ces conditions à la suite d’un pari. On ne saurait en dire autant du Pas-de-Calais, dont la traversée à la nage a été souvent tentée et ne semble avoir été accomplie qu’une fois, au siècle dernier, par un Anglais, le capitaine Webb, parti de France pour atterrir en Angleterre; il est vrai que sa largeur est de 34 kilomètres et que des courants régnant au large obligent à un parcours notablement plus considérable et augmentent les difficultés.

334,

3, Faux.—Les sonnets XIV et XV que, dans son repentir, l’auteur désavoue.

21, Breuet.—Un billet qui a la vertu d’un talisman.

336,

30, Meleagre.—Les destins avaient décidé qu’il vivrait tant que durerait un tison qui brûlait dans le foyer au moment de sa naissance. Sa mère éteignit aussitôt ce tison et le conserva soigneusement. Dans la suite, une discussion s’étant élevée entre lui et ses oncles, dans la chaleur de la dispute, il les frappa d’un coup mortel; sa mère, irritée du meurtre de ses frères, jeta au feu le tison fatal et son fils expira aussitôt.  Myth.

CHAPITRE XXIX.

Ce chapitre est numéroté XXX dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

344,

20, Excessiuement.—Les éd. ant. port.: immoderement.

20, Iuste.—Les éd. ant. aj.: et vertueuse.

21, Diuine.—Saint Paul, Ep. aux Romains, XIII, 3.—«Ne sois pas juste à l’excès et ne te montre pas sage outre mesure.»  Ecclésiaste, VII, 6.

22, Sage.—Molière, dans le Misanthrope, émet la même pensée:

La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.

C’est là encore une application de la maxime: «Rien trop» (N. I, 292).

24, Sorte.—Il y a probabilité que Montaigne veut parler ici de Henri III, roi de France, qui, par des retours de conscience, alliait à des débauches sans nom les pratiques de la religion la plus austère et duquel le cardinal d’Ossat écrivait à sa veuve que «ce prince avait vécu une vie aussi et même plus religieuse que royale»; tandis que Sixte-Quint en disait: «Il n’est rien qu’il n’ait fait et ne fasse pour être moine, ni que je n’aie fait, moi, pour ne l’être point.»

28, Fils.—Pausanias, roi de Sparte, trahissant la Grèce auprès des Perses et ayant été dénoncé, se réfugia dans le temple de Minerve, pour échapper à une condamnation à mort prononcée contre lui. Nul n’osait violer cet asile lorsque Alcithée, sa mère, se présenta, dit-on, devant le temple et, sans proférer une parole, prenant une brique qu’elle avait apportée, la plaça sur le seuil de l’entrée et revint chez elle. Les Lacédémoniens, adoptant son jugement, l’imitèrent et murèrent ainsi la porte du temple. Pausanias fut réduit à y mourir de faim, 477. Diodore de Sicile, XI, 45; Cornelius Nepos, Pausanias, 5.—Plutarque, citant également ce fait, en raconte un semblable survenu à Rome, lors de la guerre contre les Latins, 341. Un nommé Cassius Brutus avait fait marché avec l’ennemi pour lui ouvrir les portes de la ville; découvert, il s’enfuit dans le temple de Minerve auxiliatrice, où son père le tint tant enfermé qu’il l’y fit mourir de faim et jeta son corps sans sépulture.

30, Reng.—Dans une guerre entre les Romains et les Volsques, Posthumius, dictateur, aurait fait tomber sous la hache la tête de son propre fils qui, séduit par l’espoir du succès, aurait quitté son poste et livré un combat d’où il était sorti vainqueur, 496. En relatant le fait, Tite-Live, IV, 29, dit ne pas y croire et qu’il doit y avoir erreur chez les historiens antérieurs à lui qui le rapportent et auront confondu avec l’acte analogue de Manlius Torquatus.—Plutarque, dans sa Collation abrégée d’histoires romaines avec autres semblables grecques, prête, d’après Ctésiphon, la même conduite à Epaminondas, en la mettant en parallèle avec celle de Manlius. Se trouvant en présence des Lacédémoniens et rentrant momentanément à Thèbes pour l’élection des magistrats, Epaminondas avait remis le commandement de l’armée à son fils Stesimbrotus, en lui défendant de combattre. Les Lacédémoniens, avertis de son absence, vinrent provoquer son fils, lui reprochant de n’oser, faute de cœur, se mesurer avec eux, si bien que, passant outre aux ordres de son père, il accepta le défi et battit l’ennemi. Epaminondas, de retour, lui aurait ceint le front d’une couronne, emblème de sa victoire, et trancher la tête pour sa désobéissance.

33, A coup.—Tout à coup. Marot a dit dans le même sens: «Si tu ne veux qu’à coup, je perde l’âme.»

35, Platon.—Dans le Gorgias.

346,

13, Endroit.—Dans la Secunda Secundæ, 154, 9.

19, Raison.—Les éd. ant. aj.: soit en l’amitié, soit aux effets de la iouissance.—C’est là une raison aussi étrange qu’inexacte. Cette prohibition, prononcée par nombre de législateurs de tous les temps, est motivée par la dégénérescence physique et intellectuelle qui résulte parfois pour les enfants de la consanguinité des parents à un degré trop rapproché, ce dont il existe de nombreux exemples. Ces mariages de nos jours se font rares: dispersé de bonne heure par les nécessités de l’existence moderne, le milieu familial existe et dure de moins en moins; et versant dans l’extrême opposé, on ne s’y marie plus guère; on prend femme ailleurs là où le sort vous a porté, sans prendre le temps de se connaître autrement que d’une façon banale, sans rien savoir généralement des tenants et des aboutissants l’un de l’autre, autrement dit sans garantie aucune; qu’ils sont loin de nous ces dictons de jadis qui cependant n’ont rien perdu de leur vérité:

«Marie-toi dans ta rue, si tu veux; dans ta maison, si tu peux.»
«Qui va loin se marier, sera trompé ou veut tromper.»
«Homme de passage n’attrape femme sage.»

23, Liberté.—Syndiquer sa liberté, c’est l’aliéner, donner à un autre des droits sur elle, d’où syndicat, mot qui aujourd’hui rend si bien la chose; en ce que ceux qui en font partie abdiquent toute volonté entre les mains de quelques-uns qui se font les porte-paroles des revendications de tous ceux qui les suivent, parfois à regret, parfois contre leurs intérêts, jusque dans leurs exagérations et leurs violences, au risque parfois de tuer dans un avenir plus ou moins proche la poule aux œufs d’or, autrement dit l’industrie qui les fait vivre.—Les syndicats qui, en France, sont présentement (1906) au nombre de 12.000, réunissant 2.000.000 d’adhérents, constituent un mode d’association dont la puissance est énorme, par le nombre et l’unité de volonté. C’est une force aveugle souvent, redoutable toujours, d’autant qu’ils sont irresponsables, qui transforme de craintifs mercenaires en hommes avec lesquels il faut discuter sur un pied d’égalité; malheureusement leurs tendances despotiques dépassent souvent le but, les excès qu’ils provoquent portent trop fréquemment atteinte à notre industrie et à notre commerce et rendent peu enviable le sort des patrons. La nécessité finira par amener une détente dans ces rapports, on arrivera à comprendre que les intérêts de ceux-ci et de leurs ouvriers sont de même ordre, que les uns et les autres ont un maître commun, la clientèle seule régulatrice réelle des salaires, mais que de désastres avant d’en être arrivés là! En attendant il serait indispensable que les syndiqués portassent solidairement la responsabilité des attentats aux personnes et aux propriétés qu’ils commettent et que de ce fait leurs chefs soient passibles des peines portées contre quiconque a incité à commettre les crimes et délits dont sont l’occasion les désordres dont ils sont la cause première.

Leur action a du reste parfois des effets imprévus, bien différents de ce qu’ils espéraient; c’est ainsi qu’en voulant réglementer les heures de travail et les salaires, ils ont amené les patrons à restreindre le nombre de leurs ouvriers, à ne garder que les plus capables et les payer à la tâche. Les autres sont allés grossir le nombre déjà si considérable des ratés de toutes sortes, et s’ils cherchent encore à demander au travail quelques moyens d’existence, ils sont obligés d’accepter à des prix dérisoires celui qu’ils arrivent accidentellement à se procurer d’industriels éhontés qui exploitent leur misère et contre lesquels leurs syndicats ne peuvent rien. G. Lebon.

25, S’il s’en... acharnez.—Var. des éd. ant.: «car il y a grand dangier qu’ils ne se perdent en ce debordement».

28, Obseruée.—Montaigne traite ce même sujet, liv. III, ch. V (III, 196).—Ce précepte devait être d’observation difficile dans l’antiquité, là où il était dans les habitudes que les époux couchassent nus dans leur lit, ce que mentionne Hérodote et dont on trouve confirmation dans nombre d’auteurs anciens, dans S. Cyprien entre autres.  Payen.

29, Illegitime.—C’est dans cet esprit que l’Église prônant la continence interdisait tout rapprochement entre les nouveaux mariés durant les trois premiers jours de leur union, et aussi défendait au mari de voir sa femme nue:—Maritus non debet uxorem suam nudam viderePayen. Cette abstinence durant les trois premiers jours, l’ange Raphaël la conseilla pareillement, pour conjurer le démon, à Tobie épousant Sara, qui déjà avait eu sept maris, morts dès la première nuit de leurs noces, sans l’avoir déflorée. Livre de Tobie.

29, Encheriments.—Caresses, démonstrations d’affection, de cherer ou cherir, caresser:

«Ne vous forcez de me cherer.
Chere ne quiert point violence.» Marot.

Chérir est seul demeuré dans la langue, mais avec un sens plus platonique.

35, Simple.—Dans une annotation sur un exemplaire des Essais, Florimond de Rémon, auquel Montaigne avait vendu sa charge de conseiller au parlement, avait écrit: «I’ai ouy dire à l’auteur, qu’encore que plein d’ardeur et de ieunesse, il eut épousé sa femme tres belle et bien aimable, si est ce qu’il ne s’estoit iamais ioué auec elle, qu’auec le respect et l’honnesteté que la couche maritale requiert, sans auoir vu oncques à decouuert que la main et le visage, non pas mesme son sein, quoique parmi les autres femmes il fut extrêmement folatre et débauché.»

37, Seuerité.—Saint Jérôme regarde la chasteté conjugale comme plus difficile que celle de l’état de virginité ou de viduité.  Bourdaloue.

38, Consciencieuse.—«La santé et la disposition morale des époux, au moment de la conception, ont l’influence la plus grande sur la santé, le caractère et les dispositions des enfants; et il est très important de se pénétrer de la grandeur, de la sublimité du mystère de la procréation et de ne jamais s’approcher de sa femme avec indifférence et pensant à autre chose.»  Sterne.

41, Embrassement.—Var. des éd. ant.: cette accointance: cela tiens ie pour certain qu’il est beaucoup plus sainct (sain) de s’en abstenir.

348,

1, Platon.—Lois, VIII.

3, Flueurs.—Du latin fluere, couler; d’où par corruption et ignorance est venu «fleurs», qui n’a aucun sens.—La loi de Moïse punissait ce fait de mort, même en mariage légitime: «Si un homme couche avec une femme qui a son indisposition menstruelle, ils seront retranchés tous deux du milieu du peuple.»  Lévitique, XX.

4, Mariage.—Épouse d’Odenath, un de ceux qui, de la captivité de l’empereur Valérien à la mort de Gallien son fils, se proclamèrent empereurs et sont connus dans l’histoire sous le nom des «trente tyrans», bien qu’ils fussent loin d’être des tyrans et d’atteindre ce nombre. Après la mort de son mari, en 272, Zénobie poursuivit, non sans éclat, l’accomplissement de ses audacieux projets, déployant un grand faste; elle finit par être vaincue par Aurélien, successeur de Gallien, 275.  Trebellius Pollion, 30.

7, Deduit.—Ce poète si mal qualifié c’est Homère (Iliade, XIV, 294); mais il se borne à dire que Jupiter, apercevant Junon, ressentit la même ardeur que celle qu’il avait éprouvée lorsqu’il allait jouir d’elle pour la première fois.

20, Respect.—Plutarque, Préceptes du mariage.

25, Capitaine.—Plutarque, Instructions pour ceux qui manient affaires d’État.

30, Chastes.—Cicéron, De Officiis, I, 40.

30, Consciencieuse.—Par motif de conscience.

34, Concupiscence.—Spartien, Verus.—«Dans le mariage il n’y a pas d’amour, parce qu’on ne peut aimer où il n’y a pas d’obstacle; si Laure eût été la femme de Pétrarque, il n’aurait point passé sa vie à rimer des sonnets en son honneur.»  Lord Byron.

37, Desbordez.—Le fait est rapporté par S. Justin et se serait passé sous Marc-Aurèle. S. Jérôme cite le cas de Fabiola, dame romaine, mariée à un homme corrompu au point qu’elle le prit en aversion et le quitta; encore jeune, elle se remaria et, après sa mort, fut canonisée. Le fait de cette femme de Catalogne, mentionné par Montaigne, rentre un peu dans ce cas. En France, en 19.., le tribunal de la Seine prononçait un divorce pour excès d’amour.

350,

20, Gallio.—Tacite, Annales, VI, 3.

38, Isthme.—L’isthme de Corinthe, vers 1445. Amurat II fit la conquête de la Morée.

352,

1, Aage.—L’Amérique, que venait de découvrir Christophe Colomb, 1492.

7, D’autres.—Au Mexique, avant la conquête espagnole. On fendait la poitrine de la victime avec un couteau de pierre, et on en retirait le cœur dont on frottait le visage de l’idole. A certaines fêtes, des sacrifices humains avaient lieu où les prêtres écorchaient les victimes et revêtaient de leurs peaux des ministres subalternes qui se distribuant dans les divers quartiers de la ville, allaient chantant et dansant.

20, Guerre.—Il s’agit ici de Montézuma qui immolait tous les ans plus de 20.000 de ses ennemis ou de ses sujets rebelles; il se faisait, à Mexico, des sacrifices qui, à eux seuls, coûtaient la vie à ce nombre de captifs.

CHAPITRE XXX.

Ce chapitre est numéroté XXXI dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

29, Cannibales.—A proprement parler, peuplades anthropophages d’Amérique; mais, dans les Essais, cette dénomination s’applique indistinctement à tous les indigènes du Nouveau Monde, en dehors du Mexique et du Pérou, dont il avait eu occasion de voir quelques-uns venus en France, sous Charles IX, lesquels font en majeure partie le sujet de ce chapitre.

30, Italie.—Plutarque, Pyrrhus, 8.—Pyrrhus guerroya à deux reprises différentes en Italie contre les Romains: en 280 et en 274.

354,

1, Païs.—L’an 197, quand Flaminius vint à leur secours contre Philippe, roi de Macédoine, qu’il vainquit à Cynocéphales, 196Plutarque, Flaminius, 3.

3, Galba.—L’an 200, lors de la guerre suscitée par la mise à mort, par les Athéniens, de deux Araucaniens qui, par imprudence, avaient surpris les mystères de Cérès. Les Araucaniens, pour venger la mort de leurs concitoyens, firent appel à Philippe de Macédoine; les Athéniens demandèrent et obtinrent le secours de Rome; c’est à l’arrivée de ces secours qu’il est fait allusion ici. Cette guerre est la même que celle à laquelle se rapporte la note précédente; la venue de Sulpitius Galba en marque le commencement, celle de Flaminius la fin.  Tite-Live, XXXI, 34.

8, Antartique.—Villegaignon, envoyé par Henri II pour faire une exploration en Amérique et y fonder une colonie, débarqua au Brésil en 1555; l’établissement qu’il y fit ne s’y maintint pas.  Bayle, Villegaignon.

13, Ventre.—Var. des éd. ant.: comme on dict, le et dit on de ceux, ausquels l’appetit et la faim font plus desirer de viande, qu’ils n’en peuuent empocher. Ie crains aussi que nous auons beaucoup, au lieu de: «et».

15, Platon.—Dans le Timée.

28, Deluge.—Cette croyance des anciens qu’on retrouve dans Platon, Élien, Ammien Marcellin, S. Grégoire, a-t-elle été une réalité, ou l’Atlantide n’a-t-elle été qu’une île imaginaire, on ne saurait dire; certains ont voulu y voir le continent américain.

31, Italie.—La séparation de la Grande-Bretagne d’avec la Gaule s’est probablement effectuée aussi de la même façon.

34, Surie.—La Syrie (Asie Mineure).

35, Bœoce.—La Béotie (Grèce ancienne).

41, Espaigne.—Platon ne dit rien de semblable.—On trouve aussi dans les phrases suivantes quelques erreurs géographiques, répandues sans doute par les premiers voyageurs qui parcoururent le Nouveau Monde.

356,

15, Contiennent.—Ces modifications dans les rives des cours d’eau qui vont gagnant et se retirant tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, sont fréquentes: si bien que les conséquences en sont réglées juridiquement: les terrains ainsi détruits par l’érosion des eaux sont perdus sans donner lieu à indemnité; ceux, au contraire, provenant d’alluvions ou de retrait des eaux profitent au riverain.

23, Fourriers.—C.-à-d. qu’ils assignent à la mer, lui marquent en quelque sorte la limite dans laquelle elle doit se contenir.

23, Montioies.—Ou mieux «mont joug», du latin mons jugum; ce sont à proprement parler des mouvements de terrain dénommés «croupes» en topographie; cette appellation est fréquente dans les régions montagneuses, notamment dans le Jura; de là vient le nom du château ou fort de Joux, près de Pontarlier.

25, Païs.—Arzac est une localité à cinq lieues de Bordeaux.—L’envahissement des sables dans le Médoc est estimé de 20 à 25 mètres par an. On a calculé que depuis l’époque à laquelle remonte la formation de ces dunes (environ 2.500 ans), l’Océan a empiété sur les terres de 80 kilomètres; le fort Cantin, construit en 1754, à plus de 200m en arrière du rivage, est depuis plus de cinquante ans déjà enseveli sous les eaux; dans deux mille ans, les sables atteindraient Bordeaux, si on ne les arrêtait ou s’ils ne s’arrêtaient d’eux-mêmes; on les combat au moyen de plantes à racines nombreuses et traçantes qui les fixent et finissent par les convertir en terres cultivables.

29, Gibaltar.—Gibraltar. Selon les anciens, ce détroit n’existait primitivement pas: d’après la fable, ce serait Hercule qui aurait ouvert ce passage aux eaux de l’Océan, en séparant les deux monts Abyla et Calpé qui, depuis, furent dénommés «Colonnes d’Hercule». Le nom de Gibraltar qu’il porte aujourd’hui, dérive de l’arabe «Djebel el-Tarik (montagne de Tarik), le premier général musulman qui, le franchissant, envahit l’Espagne, 710.

39, Estat.—Le fait se serait passé en l’an 397. Partie de l’équipage qui aurait fait cette découverte, se serait établie sur ce nouveau territoire, tandis que le reste revenait à Carthage où le Sénat les fit tous mettre à mort, redoutant pour l’avenir de la ville les conséquences qu’elle pouvait avoir.

358,

3, Tesmoignage.—Cette assertion est discutable; l’ignorance et la simplicité d’esprit portent à accepter comme vrai tout ce qu’on voit, tout ce qu’on vous dit; on n’observe pas, on n’analyse rien, aussi avec elles le merveilleux s’accredite-t-il facilement.

360,

8, Entreprinses.—J.-J. Rousseau a sans doute puisé dans ces réflexions de Montaigne le célèbre morceau qui commence l’Émile: «Tout est bien, sortant des mains de l’Auteur des choses; tout dégénère entre les mains de l’homme, etc.»  Amaury Duval.

14, Platon.—Lois, X.

19, Originelle.—Le caractère essentiel de la civilisation, c’est de raisonner et de prévoir, qui fait qu’aux instincts du présent qui est l’unique préoccupation des peuples primitifs, se substitue chez les peuples civilisés une conception des conséquences pour l’avenir.  G. Lebon.

35, Vsage.—L’éd. de 88 port.: goust.

362,

1, Perfection.—L’exemplaire de Bordeaux ajoute ici cette citation: «Viri a diis recentes (voilà des hommes qui sortent de la main des dieux)». Sénèque, Epist. 90. Elle a probablement été supprimée par les éditeurs de 1595, comme faisant double emploi avec la suivante.

19, Flanq.—Les Canadiens habitent dans des bâtiments de 100 pieds de long, sur 15 à 20 de large, où il n’y a ni fenêtres, ni cheminées.—En Guinée, les sauvages ont leurs habitations semblables à des granges, pouvant recevoir plus de cent personnes.  Wilson.

27, D’autant.—C.-à-d. dans le jour et abondamment.

32, Duit.—Du verbe duire qui vient du latin decet, il sied, il convient.—Le breuvage des sauvages brésiliens est fait avec la racine de manioc ou yucca (plante à racine charnue comme la pomme de terre), que l’on fait bouillir et que les femmes mâchent ensuite et rejettent dans des vases où elle bout une deuxième fois. Le manioc est de deux espèces: l’une, dont un des emplois vient d’être indiqué, se mange aussi cuite sous la cendre; l’autre est un poison violent.—Il se fait également de la boisson avec du maïs.

364,

31, Brusler.—Hérodote, IV, 69.

366,

1, Routes.—Déroute, défaite; mis pour roupte, du latin ruptus, rompu.

12, Absens.—Dans la Nouvelle-Zélande (grandes îles de l’Océanie au nombre de deux et qui sont l’antipode de la France), l’anthropophagie est regardée moins comme une satisfaction physique, que comme une excitation morale, et il est honorable pour le vaincu d’être mangé par le vainqueur, c’est le sort des armes; un prisonnier qui n’est pas mis à mort est déshonoré. L’anthropophagie ne s’y pratique qu’entre tribus belligérantes et seulement durant la guerre.  Reybaud.

38, Nourriture.—Diogène Laerce, VII, 188.

368,

2, Dehors.—On a employé en médecine la momie d’Égypte; il en entrait dans la Thériaque de Venise (préparation pharmaceutique). Ambroise Paré, contemporain de Montaigne, en fait souvent mention, mais presque toujours pour en blâmer l’usage.  Payen.

11, Vberté.—Fertilité, fécondité, du latin ubertas, qui a même signification.

34, Liberté.—Add. des éd. ant.: et leur fournissent de toutes les commoditez de quoy ils se peuuent aduiser.

370,

1, Loyer.—Add. des éd. ant.: vertu et à leur.

22, Pugnat.—Le texte latin porte: etiam si ceciderit (et s’il tombe).

25, Fortune.—Sénèque, De Constantia sapientis, 6.

26, Vaincu.—Les éd. ant. aj.: c’est son mal’heur qu’on peut accuser, non pas sa lâcheté.

29, Sicile.—Salamine; victoire navale remportée par les Grecs sous Eurybiade, roi de Sparte, et Thémistocle, chef des Athéniens, contre les Perses, 480.—Platée; les Grecs, sous Pausanias, roi de Sparte, et Aristide, général des Athéniens, y défirent les Perses, 479.—Mycale; la flotte grecque commandée par l’Athénien Xantippe y vainquit celle des Perses, le même jour qu’avait lieu la bataille de Platée.—Sicile; il s’agit probablement de la défaite qu’y éprouvèrent les Athéniens, en 414, devant Syracuse, du fait de Gylippe, général lacédémonien.

31, Thermopyles.—En 480, Léonidas, roi de Sparte, préposé à la défense de ce défilé, après y avoir arrêté, pendant quelques jours, l’invasion de Xerxès à la tête d’une armée incroyablement plus nombreuse, apprenant qu’il allait être tourné et se rendant compte que tout ce qui demeurerait serait exterminé, ne conservant avec lui que 300 Spartiates et les contingents de Platée et de Thespie, ensemble 4.000 hommes, succomba après une défense héroïque, obéissant aux lois de Lacédémone qui lui interdisaient d’abandonner un poste qui lui avait été confié et, du même coup, assurant à Sparte, par ce sacrifice, la supériorité morale sur toutes les autres villes.—Les historiens grecs estiment à deux et même à trois millions d’hommes l’armée des Perses en présence de laquelle se trouvait Léonidas. Mais, outre que dans leurs armées le nombre des non combattants excédait celui des combattants, ce n’est que par les Grecs que nous connaissons les guerres médiques, et il y a lieu de penser que leur amour-propre et leur vanité ont de beaucoup exagéré les forces de leurs ennemis, et que le récit de leurs hauts faits, par manque de renseignements contradictoires, est lui-même quelque peu sujet à caution.—Quoi qu’il en soit, l’appréciation qu’en porte Montaigne est pleinement justifiée, parce que, ne pouvant vaincre, ils sont morts; en dehors d’être, jusqu’au dernier, dans l’impossibilité de combattre, il n’est pas de défaite glorieuse.

33, Perte.—En 364, lors de la guerre entre Sparte et Thèbes dont les Arcadiens étaient les alliés.  Diodore de Sicile, XV, 64.

372,

3, Tuition.—Défense, mot francisé par Montaigne, du latin tuitio qui a même signification.

20, Trétous.—Ou trestouts, souvent employé dans les Essais, semble le superlatif de tous.

34, Nostre.—Ce sentiment d’admiration pour la vie primitive, sorte d’âge d’or, se retrouve dans tous les écrivains de cette époque, qui n’ont fait que passer dans ces nouveaux continents. Ceux qui y ont séjourné, en parlent tout autrement; en vivant au milieu de ces peuples, disent-ils alors, on y retrouve tous les vices et les mauvais penchants des pays civilisés.

374,

4, Vertu.—Les éd. ant. port.: valeur.

7, Maris.—La mémoire, ou plutôt l’attention de Montaigne est en défaut; Sara était femme non de Jacob, mais d’Abraham; n’ayant pas d’enfant et pensant n’en avoir jamais, elle lui donna, pour lui en procurer, Agar, servante égyptienne, qu’elle chassa ensuite, elle et son fils, quand elle-même vint à en avoir.—Lia et Rachel, femmes de Jacob, agirent à peu près de même, mais avec plus d’humanité: Rachel, jalouse de ce que Lia sa sœur avait des enfants, donna Béla sa servante à son mari pour en avoir, et Lia, ayant cessé d’en avoir, se fit suppléer, elle aussi, par Zelpha sa servante, et elles considérèrent comme leurs les enfants nés dans ces conditions. Des douze fils de Jacob (il eut aussi des filles), six naquirent de Lia, deux de Rachel (Joseph et Benjamin), deux de Béla et deux de Zelpha.  Genèse.

8, Auguste.—L’empereur Auguste fut toujours fort adonné aux femmes, dit Suétone (Auguste, 71), et, avec l’âge, aima surtout les vierges; aussi lui en cherchait-on de tous côtés, même sa femme pour arriver de la sorte à conserver son ascendant sur lui. Dans le même but, Madame de Pompadour se prêtait pareillement aux caprices amoureux de Louis XV, ce fut l’origine du Parc aux cerfs.

8, Interest.—Contre son intérêt, à son détriment, à ses dépens; cette acception, tout opposée à celle de nos jours, est fréquente dans les Essais.

12, Pere.—Ne pouvant avoir d’enfant de Déjotarus son mari, Stratonice, pour ne pas laisser le trône de Galatie sans héritier, le pria d’en chercher auprès d’une autre et choisit elle-même à cet effet, parmi les captives faites à la guerre, une belle jeune fille qui avait nom Electra. Plutarque, Des vertueux faits des femmes.—Une reine de Portugal, Elisabeth, prenait sur ses genoux les enfants que son mari avait eus de diverses maîtresses; Diane de Poitiers le faisait pour les enfants de Catherine de Médicis.

14, Vsance.—Usage; de l’italien usanza, qui a même signification.

30, Deça.—De ce côté-ci des mers, de notre pays.

34, Estoit.—En 1562, après la reprise de cette ville par le duc de Guise sur les Protestants.

376,

8, Maisons.—On voit que ce n’est pas chez Proudhon qu’est née l’idée que la propriété, c’est le vol; ce paradoxe, si cher aux socialistes et base de leurs revendications, émis avant lui sous une autre forme par ces sauvages, il n’a pas davantage été le premier à le soutenir; on le trouve, en effet, exposé et développé dans un dialogue d’Estienne Pasquier, datant de 1560. Payen.

13, Capitaine.—Chef; du latin caput, tête.

17, Espace.—C’est de cette façon, au dire d’Hérodote, que Xerxès avait pu faire le dénombrement de son immense armée.

22, Chausses.—«Comment saurait-on être Persan», a dit, un siècle après, Montesquieu, avec la même ironie narquoise. Bonnefon.—«La prévention du pays et l’orgueil de la nation (auxquels nous appartenons) nous font oublier que la raison est de tous les climats et que l’on pense juste partout où il y a des hommes.» La Bruyère.—Le haut-de-chausses était la partie du vêtement couvrant depuis la ceinture jusqu’aux genoux, ce qu’actuellement on appelle communément culotte.

CHAPITRE XXXI.

Ce chapitre est numéroté XXXII dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

26, Platon.—Dans Critias.

378,

9, Esteuf.—Au propre, leur balle; est ici pris au figuré: leur jeu.

29, Iarnac.—En mai 1569, avait eu lieu à La Roche l’Abeille une échauffourée, où l’amiral Coligny, chef des Protestants, avait eu le dessus sur l’armée catholique que commandait le duc d’Anjou (depuis Henri III), lequel, le mois précédent, avait été vainqueur à Jarnac, et, quelques mois après, en octobre, gagnait la bataille de Montcontour.

32, Froid.—Prendre d’un sac deux moutures, c’est se faire indemniser deux fois pour un même service rendu.—Souffler le chaud et le froid, c’est soutenir indifféremment le pour et le contre, c’est avoir la langue double. La Fontaine, dans «le Satyre et le Passant», une de ses fables le moins bien réussies, conclut:

«Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid.»

Avant lui, Le Noble avait usé de cette locution, à l’adresse des avocats:

«Quoi, coquin!...
Souffler de même bouche et le chaud et le froid.»

35, D’Austria.—1571, dans le golfe de Lépante, où la flotte turque fut détruite par les flottes combinées de l’Espagne, de Venise et du Pape.—«Dom» et «Don» viennent de Dominus (seigneur). Don est un titre d’honneur en Espagne, en Autriche et en Portugal, et se place devant le nom; en France, on disait Dom, accolé également en avant du nom, en parlant de religieux de haut rang de certains ordres.

380,

1, Heresie.—Arius n’admettait ni le mystère de la Sainte Trinité, ni la divinité de Jésus-Christ.

4, Amo.—Arius, nommé patriarche de Constantinople, malgré l’opposition de saint Alexandre évêque d’Alexandrie, allait faire son entrée solennelle dans son église, quand il mourut subitement d’une violente colique; ses partisans prétendirent qu’il avait été empoisonné, ses adversaires que sa mort était un miracle accordé par Dieu à la prière du saint évêque, 336. Sandius, Hist. ecclés., II.—Léon avait été nommé pape en 364, par les évêques hérétiques; il régna vingt mois, mais ne figure pas sur la liste des papes, qui porte un interrègne. Au concile de Poitiers, discutant avec saint Hilaire, il fut pris de mal de ventre, alla aux lieux où, n’en revenant pas, on alla le chercher; on le trouva les entrailles sorties du corps.  Athanase, Épître à Sérapion.

6, Retraict.—En 222, dans une sédition de sa garde prétorienne; pour le cas où il serait contraint par un événement semblable de se donner la mort, il avait fait des préparatifs tout autres (V. II, 424 et N. Mourir). Lampridius, Héliogabale, 17.

7, Fortune.—Par contre l’empereur Charles-Quint n’est-il pas né à Gand, dans des lieux d’aisance où sa mère Jeanne la Folle s’est trouvée surprise par les douleurs de l’enfantement? 1500.

CHAPITRE XXXII.
380,

24, Viure.

«Quand on a tout perdu et qu’on n’a plus d’espoir,
La vie est un opprobre et la mort un devoir.» Voltaire.

29, Ἀθλίως.—On trouve dans Stobée, Serm., 20, des sentences toutes semblables à ces trois-là.

382,

7, Lucilius.—Sénèque, Epist. 22.—Lucilius, personnage peu important du temps de Néron, dont le nom a été conservé à la postérité, à la faveur de celui de Sénèque qui lui a adressé de nombreuses lettres qui passent pour son chef-d’œuvre.

23, Syrie.—Il s’y trouvait exilé par l’empereur Constance à la sollicitation des évêques ariens.

24, Deça.—De ce côté-ci de la mer, c.-à-d. en France.

25, Nourrie.—Élevée; de même on rencontre, dans les Essais, nourriture pris dans le sens d’éducation.

37, Ioye.—Abra avait fait vœu de chasteté, et son père craignait que si elle venait à lui survivre, ce qui était dans les lois de la nature, elle ne pût résister aux demandes en mariage dont elle était l’objet, d’où l’ardeur de ses prières pour qu’elle mourût avant lui.  Bouchet.

42, S. Hilaire.—Le mariage n’était, dans le principe, interdit aux prêtres ni avant, ni après l’ordination. Plus tard, les règles ecclésiastiques ont beaucoup varié sur ce point, et, bien que condamné par différents conciles, entre autres par celui de Latran, 1139, qui défendit d’entendre la messe de prêtres mariés, on en voit encore longtemps après qui le sont, l’indigne cardinal Dubois notamment qui fut sacré archevêque de Cambrai par l’évêque de Nancy, assisté de Massillon. A l’époque actuelle, chez les Maronites, chrétiens d’Asie Mineure, rite reconnu par Rome, les prêtres ne peuvent se marier; mais les gens mariés sont admis à l’exercice du sacerdoce.

384,

5, Commun.—«C’est égal, dit une jeune femme, à la lecture de ce passage, saint Hilaire n’était qu’un égoïste qui n’aspirait qu’à sa parfaite tranquillité; et si j’eusse été sa femme, j’aurais demandé la même grâce... pour lui d’abord.»  Victor Thierry.

CHAPITRE XXXIII.

6, Raison.—Dans ce chapitre qui est l’analogue du chapitre XXIII de ce même livre, Montaigne semble s’être proposé de prouver que la Providence dirige parfois les événements par une intervention immédiate et directe.—Le mot fortune considéré comme ayant le sens de fatalité, qui se trouve employé ici et ailleurs dans bien d’autres passages des Essais avec cette acception et qu’il eût pu remplacer sans rien changer à son idée par celui-là même de Providence, est un de ceux qui, à Rome, prêtèrent à la censure, lorsque le livre fut examiné par les docteurs moines, ainsi que les appelle l’auteur dans son journal de voyages, lors de son séjour en Italie en 1581. Dans les pays d’inquisition, à Rome surtout, il était défendu de dire fatum ou fata (destin, fatalité). Montaigne se justifie (I, 588) d’avoir employé quelques-uns de ces mots prohibés, verba indisciplinata, plaidoyer qu’il n’a introduit dans son ouvrage, qu’après son retour de Rome.  Le Clerc.

19, Fortune.—En 1503. Guicciardini, Hist. de France, VI.—Cette autre pire fortune fut qu’à partir de ce moment, le duc de Valentinois, César Borgia, vit renverser sa puissance et tout tourner contre lui. Le pape Jules II, successeur de son père, le fit arrêter et le contraignit à livrer toutes ses forteresses; à peine sorti de prison, il fut arrêté à nouveau par Gonzalve de Cordoue et envoyé au roi d’Espagne qui avait des griefs contre lui. Étant parvenu à s’échapper, il se réfugia auprès du roi de Navarre son beau-frère, et l’ayant accompagné dans une expédition contre l’Espagne, fut tué au siège de Viana, 1507.

23, Foungueselles.—Ou plutôt Fouquerolles.  Du Bellay, II.

386,

3, Amorem.—Dans les éd. ant. à 1588, cette citation de Catulle se continue par ce quatrième vers: Posset vt abrupto viuere coniugio (comme s’il était possible de vivre étant ainsi séparés).

6, Dames.—Du Bellay, II.—En 1525. Les Espagnols s’étant approchés de Saint-Omer, la garnison fit une sortie qui fut repoussée; le sieur de Liques fut pris en soutenant la retraite; sa mise en liberté, à laquelle s’employa le seigneur d’Estrées, fut la suite d’un renvoi, sous caution, des prisonniers dont le nombre embarrassait le vainqueur.

8, Finit.—Constantin le Grand, après avoir triomphé de ses compétiteurs, mis fin aux incursions des Barbares et fait de la religion catholique la religion de l’empire romain, transporta le siège du gouvernement à Byzance, qui prit de lui le nom de Constantinople, 330. Cet état de choses se maintint, avec de nombreuses vicissitudes, jusqu’en 1453, date à laquelle l’empire prit fin par la prise de Constantinople, par les Turcs, sur Constantin XII, qui, après une défense honorable, mourut en héros sur la brèche.

11, Diuine.—En 508. Le fait est rapporté, sans autre détail, par S. Grégoire de Tours: «Le Seigneur accorda, dit-il, au roi Clovis, une si grande grâce, qu’à sa vue, les murs s’écroulèrent d’eux-mêmes.»

15, Ruine.—Vers l’an 1002. Le règne de ce roi faible et dévot à l’excès, est fécond en prodiges de toute nature; Bouchet, qui mentionne celui-ci, n’en dit pas davantage. Au roi Robert est due la construction, à Orléans, d’une église consacrée à S. Aignan pour lequel il avait un culte particulier.

19, Empenné.—C.-à-d. que le mur soulevé retomba tout d’une pièce, verticalement sur sa base, sans que ses pierres emboîtées comme les barbes d’une plume se soient disjointes.

20, Moins.—En 1524; Arone, que défendaient les Impériaux, avait déjà résisté à un siège de vingt-cinq jours et à deux ou trois assauts, quand le seigneur de Rence s’avisa de ce dernier moyen qui échoua par suite de la circonstance relatée ici, et qui le détermina à la retraite.  Du Bellay, II.

26, Guerit.—C’est la version de Pline, Hist. nat., VII, 50; Valère Maxime et Sénèque disent que c’est d’un assassin que Jason reçut cet important service.

33, Attaindre.—Pline, Hist. nat., XXXV. Ce chien à l’écume faisait partie du tableau «le chasseur Jalyse», chef-d’œuvre de ce peintre. Ce tableau, qui périt à Rome dans un incendie, sauva Rhodes que Démétrius Poliorcète assiégeait; pour ne pas livrer aux flammes le faubourg où Protogène avait son atelier et que ce tableau ne fût pas compromis, ce prince attaqua la ville d’un autre côté et échoua.

33, Adresse.—Ne redresse-t-elle pas.

38, Fortune.—Les éd. ant. à 88 aj.: la print en mer.

39, Seureté.—Froissart. En 1326; la reine Isabelle de France, fille de Philippe le Bel, mariée à Édouard II, roi d’Angleterre, se voyant négligée par son mari, livrée à d’indignes favoris, vint sur le continent solliciter des secours étrangers, à l’aide desquels repassant en Angleterre, elle s’empara de sa personne, fit prononcer sa déchéance et proclamer roi son fils Édouard III; c’est d’elle que celui-ci et ses successeurs prétendaient tenir des droits à la couronne de France.

42, Βουλεύεται.—Ménandre. Ce vers que Montaigne traduit après l’avoir cité, était passé en proverbe chez les Grecs.

43, Icetes.—Vers 354, après l’expulsion de Denys le Jeune par Timoléon. Plutarque, Timoléon.

388,

15, Attiques.—Le mine attique valait 100 drachmes (environ 50 francs).

18, Prudence.—N’a-t-on pas vu, lors du cataclysme qui, en septembre 1905, a si fortement éprouvé l’Italie méridionale, à Stefanoconi, dans les Calabres, une famille de quatre personnes ensevelie sous l’effondrement de leur maison; et, quelques heures après, une nouvelle secousse de tremblement de terre faire crouler le clocher voisin qui, tombant sur un mur resté debout, ouvrit une issue à cette famille qui, ainsi, put sortir saine et sauve.

21, Fils.—Appien, Guerres civiles, IV.—En 42, sous le triumvirat d’Octave, Antoine et Lépide; Suétone désigne les victimes sous le nom d’Aquilius Florus.

CHAPITRE XXXIV.

Ce chapitre est numéroté XXXV dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

390,

10, Necessité.—La réalisation de cette idée ne s’est pas fait trop attendre, car déjà lorsqu’en 1631 Renaudot fonda le premier journal français la Gazette, il y introduit l’«Inventaire des adresses du bureau de rencontre, où chacun peut donner et recevoir avis de toutes les nécessités et commodités de la vie». Et depuis, quels progrès! c’est devenu l’unique objet des Petites affiches, qui datent de 1752, et des bureaux de placement; en outre il n’est pas une feuille publique de nos jours, et elles sont légion, qui ne lui réserve, contre deniers comptants, une grande place qui, si grande qu’elle soit, est encore insuffisante, puisque ces mentions vont s’étalant sur tous les murs, et même en pleine campagne, au grand détriment du pittoresque.

17, Souhaiteroit.—On suppose que c’est à lui-même que Montaigne fait allusion.

34, Qu’il auoit.—Les éd. ant. port.: qu’es commandemens qui lui estoient tombés en main, il auoit.

38, Chacuniere.—Chez soi. Rabelais, auquel l’expression semble empruntée, a dit de même: «Ainsi chascun s’en va à sa chascuniere.»

CHAPITRE XXXV.

Ce chapitre est numéroté XXXVI dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

392,

6, Mores.—Indiens et Mores (ou Maures), appellations anciennes; la première des peuplades indigènes de l’Amérique, la seconde de la population dominante dans l’Afrique septentrionale (Tripolitaine, Tunisie, Algérie et Maroc).

12, Eguille.—Expression proverbiale signifiant: «Être pourvu de tout ce qu’il faut pour se suffire.»

25, Nostre.—Sous la même latitude que nous.

28, Contadins.—Paysans, de l’italien contadino, qui a même signification.

394,

7, Face.—Cette réponse fut faite à Florimond de Rémon (V. N. I, 346: Simple).—Elien prête la semblable à un Scythe dont le roi des Perses plaignait la nudité en temps de neige.

12, Moy.—Sainte Thérèse, alors carmélite, couchant sur la paille, une nuit d’un froid excessif, priait ses compagnes de lui donner de quoi mieux se couvrir; elles lui répondirent avec un éclat de rire: «Comment, notre Mère, vous avez tout ce qu’il y a de couvertures à la maison et vous n’en avez pas encore assez!»

13, Massinissa.—Cicéron, De Senectute.

16, Dit.—Liv. III, 12.

21, Agesilas.—Plutarque, Agésilas.

22, Vesture.—Vêtement, habillement; du latin vestitus qui a même signification. Ne se dit aujourd’hui, du reste avec même étymologie, que de la prise d’habit dans les couvents, cérémonie où l’on revêt pour la première fois un novice de l’habit de l’ordre.

22, Suetone.—Dans sa Vie de César, 58.

31, Cheual.—Balbi, joaillier vénitien, qui visitait les Indes en 1579.

34, Roy.—Étienne Bathory qui, en 1574, succéda sur le trône de Pologne au roi issu de la maison de France qui l’y avait précédé (le duc d’Anjou, depuis Henri III) (V. N. I, 460: Luy-mesme).—C’est à lui, et non à son prédécesseur, que se rapportent les mots qui suivent: «qui est à la verité l’vn des plus grands princes de nostre siecle».

39, Varro.—Pline, Hist. nat., XXVIII.

396,

1, Pere.—Cela a été présenté comme une bizarrerie; mais, à l’époque, par suite de la bigarrure des costumes introduite par François Ier, cela n’avait rien de singulier.

2, Luxembourg.—En 1543, lors du ravitaillement de cette place dont nous nous étions emparés et que s’efforçait de reprendre Charles-Quint; la réussite de ce ravitaillement décida les Impériaux à se retirer.  Du Bellay, X.

4, Coignée.—Dans l’hiver de 1408, les choses s’étaient passées de même à Paris; de Comines parle d’un froid pareil survenu en son temps, en 1469, dans le pays de Liège; en 1544, par toute la France, le vin se coupa à coups de hache, dans les tonneaux.

5, Ouide.—Les éd. ant. aj.: à deux doigts pres.

11, Nauale.—Le Palus Mæotis, dit Strabon, VII, se prend à l’époque des grands froids et l’on vit, dit-on, Néoptolème, l’un des lieutenants de Mithridate, y battre les barbares, l’été dans un combat naval, et l’hiver dans un combat de cavalerie.—En 1658, le roi de Suède traversa le Sund sur la glace, pour envahir l’île de Seeland, en Danemark.—A une époque plus récente, en janvier 1795, la cavalerie française s’empara de la flotte hollandaise, immobilisée par les glaces à l’entrée du Zuyderzée, flotte qui, à la vérité, se rendit à première sommation.

13, Plaisance.—En 218, à la bataille de la Trébie où Annibal défit le consul Sempronius.  Tite-Live, XX, 54.

19, Païs.—En 401, lors du retour, connu sous le nom de Retraite des Dix mille, sous la conduite de Xénophon, à travers l’Asie Mineure, avec des dangers et des fatigues inouïs, des Grecs qui avaient combattu à Cunaxa pour Cyrus le Jeune.  Xénophon, Anabase, IV, 5.

30, Gelée.—Quinte-Curce, VII, 3.—La nation en question est celle des Parapamisades, populations clairsemées dans les hautes vallées de 4 à 5.000 mètres d’altitude, séparées et dominées par des cimes de 7 à 8.000 mètres qui constituent le plateau de Pamir, nœud de montagnes d’où partent les chaînes les plus puissantes de l’Asie.

30, Voir.—Cela a lieu en effet en France: dans le Roussillon pour les orangers, dans les environs de Paris pour les figuiers où ces arbres sont du reste en petit nombre.

CHAPITRE XXXVI.

Ce chapitre est numéroté XXXVII dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

398,

1, Caton.—Dit le Jeune, pour le distinguer de son grand-oncle, surnommé l’Ancien; dit aussi d’Utique, du lieu où il se donna la mort dans des conditions qui en font un des actes de l’humanité le plus admirés. V. N. II, 586: Ieune Caton.

2, Moy.—Var. des éd. ant.: iuger d’autruy selon moy, et de rapporter la condition des autres hommes à la mienne: ie croy aysement d’autruy beaucoup de choses, où mes forces ne peuuent attaindre; au lieu de: «iuger... moy».

10, Capuchins.—Les Feuillants, ordre monastique des plus rigoureux, dérivant de l’ordre de S. Benoît; ils devaient avoir la tête et les pieds nus, dormir sur des planches, manger à genoux et boire dans des crânes humains; mais l’austérité de la règle fut bientôt adoucie; ils prirent une grande part aux troubles de la Ligue.—Les Capucins, religieux de l’ordre de S. François, ainsi nommés du capuchon ou capuce dont ils se couvraient la tête, furent introduits en France par Catherine de Médicis; ils s’y multiplièrent rapidement, vivant d’aumônes et se livrant à la prédication.

17, Confidunt.—Citation tirée de Cicéron, Orator, 7, ou encore des Tusculanes, II, 1, que Montaigne, en raison des changements qu’il y a faits, semble avoir insérée de mémoire.

21, Corruption.—Add. des éd. ant.: et debauche.

24, Ie ne dis... l’imagination.—Var. des éd. ant.: le goust.

29, Possent.—Montaigne applique ici à la vertu ce que Cicéron dit de la philosophie et de ceux qui la blâment.

31, Action.—Add. des éd. ant.: purement.

400,

8, Potidée.—En 479; l’auteur a mis par méprise «Potidée» au lieu de Platée.

19, Passée.—Hérodote, IX; Cornelius Nepos, Pausanias.—Aristodème et Eurylus, tous deux du corps des trois cents Spartiates qui accompagnaient Léonidas aux Thermopyles, étaient, au début de l’action, retenus dans un bourg voisin, par une maladie d’yeux. Eurylus, à la nouvelle de la situation critique dans laquelle allait se trouver la troupe à laquelle il appartenait, se fit armer par son ilote, conduire au lieu du combat et y fut tué; Aristodème n’en fit rien, il retourna à Sparte où il fut couvert d’opprobres jusqu’à ce qu’à Platée il eût réparé ce moment de faiblesse. Que les Spartiates lui aient tenu compte, pour lui refuser le prix de la valeur, de sa conduite antérieure aux Thermopyles, cela se conçoit; que le désir de se réhabiliter ait été le mobile auquel lui-même a obéi, c’est probable; mais la justesse du motif allégué à l’appui de son éviction est discutable: pourvu qu’on agisse bien, qu’importe la cause? on peut même ajouter avec Juvénal: «Qui pratiquerait la vertu, s’il n’en attendait la récompense?»

19, Nos iugemens.—Les éd. de 80, 85, port.: Qui plus est, nos iugemens.

402,

5, Ny dressée à.—Remplacé dans les éd. ant. par: «pour imaginer et».

10, Ambition.—Les éd. ant. à 88 aj.: et de ceux qui font l’honneur, la fin de toutes actions glorieuses.

11, Gloire.—C’est dans cet esprit critique qu’en 1794, lors de leur procès devant le tribunal révolutionnaire, Fabre d’Eglantine faisait application à Danton son co-accusé de ces vers de Campistrous, dans sa tragédie de Juba:

«Tu verras que Caton, loin de nous secourir,
Toujours fier, toujours dur, ne saura que mourir.»

13, Atteindre.—Velleius Paterculus dit de lui: «Il n’a jamais fait de bonnes actions pour paraître les avoir faites, mais parce qu’il n’était pas en lui de faire autrement.»

16, Latins.—Ces cinq poètes, dont il est donné plus loin des citations, sont, dans l’ordre où ces citations sont faites: Martial, Manilius, Lucain, Horace et Virgile.

26, Cognoistre.—Il est sûrement plus facile de faire de mauvais vers, et même des vers médiocres, que de se connaître en beaux vers; mais il est bien plus difficile de faire de bons vers que de bien juger une tragédie ou un poème; et quoique à vrai dire les bons juges soient fort rares, les grands poètes, les grands orateurs, les grands philosophes, etc... le sont plus encore. Naigeon.Huet (savant prélat français, 1630 à 1721), après avoir jugé Corneille et lui avoir refusé l’équité et la justesse dans l’appréciation des poèmes et des poètes de l’antiquité, termine en disant: «tant est vrai ce que j’ai osé affirmer ailleurs, contrairement à l’opinion commune, qu’on trouvera plus de poètes excellents, lesquels sont cependant très rares, que d’appréciateurs habiles et équitables de la poésie».

404,

4, L’autre.—Toutes ces images sont prises de l’Ion de Platon.

19, Catoni.

«En faveur de César les dieux ont combattu,
Les dieux servaient le crime et Caton la vertu.» Lebrun.
«Devant le grand Dandin, l’innocence est hardie,
Oui, devant ce Caton de basse Normandie,
Ce soleil d’équité qui n’est jamais terni,
Victrix causa Diis placuit, sed victa CatoniRacine.
CHAPITRE XXXVII.

Ce chapitre est numéroté XXXVIII dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

30, Pleurer.—En 273. Deux partis divisaient Argos, qui avaient appelé, l’un Antigone roi de Macédoine, l’autre Pyrrhus roi d’Épire, qui tous deux avaient répondu à leur appel. Dans un combat qui se livra dans la ville même, Pyrrhus fut tué, frappé d’une tuile que, du haut d’un toit, une femme lui lança pour sauver son fils que ce roi menaçait; témoin du fait, le fils d’Antigone lui coupa la tête et courut la présenter à son père demeuré hors ville. Plutarque, Pyrrhus.—V. I, 494 et N. Italie.

31, Deffaire.—Devant Nancy, en 1477.

406,

1, Dueil.—En 1364, près de Vannes.—Sophocle porta, dit-on, le deuil d’Euripide, son rival, qui mourut quelque temps avant lui.

8, Spectacle.—Plutarque, César, 13. V. N. I, 100: Suspendues.

18, Est.—La traduction qui est donnée de cette citation, est de Mlle de Gournay.

20, Passions.—Rubens, dans un tableau de la naissance de Louis XIII, a su exprimer deux sentiments opposés sur le visage de Marie de Médicis: la douleur de l’enfantement et la satisfaction de l’orgueil maternel.

408,

4, Badin.—Écervelé (V. N. I, 202: Badin).—Veau avait parfois et a ici le sens d’ignorant.

9, Bren.—Ou bran, Fi! interjection qui marque le mépris.—Bran est un mot gaulois qui signifiait le son, la partie la plus grossière du blé.

14, Pitié.—Agrippine, mère de Néron, s’attachant à lui, le provoquant même à l’inceste pour conserver son pouvoir sur lui, celui-ci, fatigué de ces obsessions, témoigna le désir d’en être débarrassé et acquiesça à sa mort. Une tentative fut faite pour la noyer comme par accident, elle échoua; le lendemain même il la fit poignarder, 59.—Tacite, Annales, XIV, 4, en racontant la dernière entrevue entre la mère et le fils, n’est pas aussi affirmatif que Montaigne sur la cause de l’émotion que fit paraître ce dernier et donne à penser que ce pouvait bien être pour endormir les soupçons de sa victime.

30, Larmes.—En 480, au commencement de la deuxième guerre médique (V. I, 42 et N. Athos; N. I, 370: Thermopyles). Hérodote, VIII, 45 et 46; Pline, Epist., III, 7; Valère Maxime, IX, 13.

410,

1, Corps.—Faire un ouvrage complet et tout d’une pièce.

6, L’autre.—Plutarque, Timoléon; Diodore de Sicile, XVI.—Vers 365. Après s’être opposé de toutes ses forces aux entreprises de son frère Timophane qui voulait usurper le pouvoir à Corinthe, n’ayant pu le détourner de ses projets criminels, Timoléon le fit mettre à mort, et, s’exilant volontairement après ce sacrifice, resta vingt ans éloigné des affaires.

CHAPITRE XXXVIII.

Ce chapitre est numéroté XXXIX dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

7, Solitude.—Les pages écrites par Madame Périer sur les mortifications de Pascal, son frère, sont le contrepied complet de ce chapitre de Montaigne; leur lecture simultanée est, à cet égard, de grand intérêt.  Payen.

10, Publicq.—Traduction d’un vers de Lucain, II, 383, à l’éloge de Caton d’Utique.

12, Recherche.—A remarquer trois sujets, dont deux au pluriel, et le verbe au singulier.

13, Particulier.—Le bien public a été de tous temps le prétexte de tous ceux qui, mus par une ambition et un intérêt tout personnels, vont, sur une plus ou moins grande échelle, soit isolément, soit en association, agitant le monde; c’est en particulier, de nos jours, le cas de la plupart de ceux qui s’adonnent à la politique: bien peu dans le nombre, quoi qu’ils en disent, ont un mobile désintéressé; s’ils sont de valeur, ils visent à tout; ceux de peu d’envergure se bornent à trafiquer de leurs voix, de leurs recommandations et à pêcher en eau trouble; les scrupules et la conscience n’arrêtent ni les uns, ni les autres; les Verrès y sont nombreux, les Phocion bien rares.

17, Société.—«La plus contraire humeur à la retraite, c’est l’ambition,» dit plus loin Montaigne (I, 426), en contradiction, mais seulement apparente, avec lui-même: l’ambitieux, veut-il dire, n’a que lui-même en vue, et ne peut songer à abandonner un seul instant la partie.

17, Franches.—Les éd. ant. à 88 aj.: et point de compagnon.

19, Grande.—Diogène Laerce, Bias.

20, Bon.—«Ayez beaucoup d’amis qui vivent en paix avec vous, mais choisissez pour conseil un homme entre mille.» Ecclésiastique, VI, 6.

23, Presse.—La contagion chez les foules est constante et presque irrésistible, les exemples en sont innombrables. C’est elle qui fait qu’on les voit si souvent se livrer à des manifestations, sans que le plus grand nombre de ceux qui y prennent part sache ce dont il s’agit, et que, si fréquemment sans motif plausible, elles changent de caractère et de pacifiques en viennent à commettre des actes criminels. Les paniques n’ont pas d’autre cause. C’est également à la contagion que l’on doit de voir parfois, lorsqu’un accident se produit, les gens et jusqu’aux parents les plus proches venir successivement affirmer l’identité de victimes qu’on voit plus tard réapparaître saines et sauves, que les incidents les plus saillants d’un combat sont inexactement rapportés, si bien qu’il est impossible d’accorder pleine créance au témoignage des foules et que l’unanimité des témoins est loin d’être une garantie de vérité.

26, Dissemblables.—Réflexions traduites de Sénèque, Epist. 7.

412,

3, Moy.—Diogène Laerce, Bias.

8, Bord.—Variante de l’exemplaire de Bordeaux: «en sauueté», au lieu de «à bord».—Singulière idée qu’eut là Albuquerque, qui aurait plutôt l’air d’une plaisanterie que d’un acte religieux, si on ne savait à quel point la superstition porte le trouble dans l’esprit de la plupart des hommes. Naigeon.

15, Compagnie.—Diodore de Sicile, XII, 4.—Nous nous bornons présentement à leur dire: «Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es.»

18, Malades.—Diogène Laerce, Antisthène.

28, Marché.—Place publique, acception du mot latin forum.

34, Cura.—La traduction donnée de cette citation est de Boileau, dont le vers élégant est passé en dicton.

414,

1, Soy.—«On ne s’amende pas pour aller à Rome,» dit un proverbe.—La Fontaine exprime la même idée; parlant d’un pélerin, il dit:

«Prou de pardons il auoit rapporté.
De vertus point, chose assez ordinaire.»

30, Vnquam.—Montaigne a traduit lui-même ce vers avant de le citer.

42, Sien.—Sénèque, Epist. 9, dont Montaigne a adopté la version, dit bien que Stilpon avait perdu femme et enfants; mais il est seul à le dire; ni Diogène Laërce, ni Plutarque n’en font mention, en rapportant sa réponse qui s’exprime mieux ainsi. Dire n’avoir rien perdu, s’il avait perdu tous les siens, eût été pousser par trop loin le stoïcisme.  Naigeon.

45, Naufrage.—Diogène Laerce, VI.

416,

3, Entier.—En 409, lors de l’invasion des Goths. S. Grégoire de Tours mentionne qu’en cette circonstance, S. Paulin racheta de sa propre liberté le fils d’une pauvre veuve réduit à l’esclavage.

8, Despende.—On peut rendre son bonheur indépendant des biens de la fortune et même cela est sage; mais il est bien difficile d’avoir pareille indifférence pour la santé, dont on peut dire aussi ce que La Fontaine dit de la liberté: «Ce bien sans lequel les autres ne sont rien»; ainsi du reste que Montaigne en convient plus loin, «d’autant que sans elle, dit-il, la vie nous vient à estre pénible et iniurieuse».

23, Regarde.—Quiconque réfléchit et observe, peut, à tout moment, constater la vérité de cette assertion en lui et chez les autres.

29, Délices.—«Cette citadelle que défend un soldat et qu’un autre attaque; et le fait de cet érudit acharné à l’étude de Plaute, ces deux petits tableaux, ces deux toiles de Meissonier, c’est du pur La Bruyère.»  G. Guizot.

34, Plaute.—Mélanchthon, savant théologien du XVIe siècle, a, le premier, reconnu la mesure des vers de Térence; jusqu’alors tous les anciens manuscrits de cet auteur présentaient un texte suivi, comme si c’eût été de la prose.

418,

2, Gens.—Ce sentiment est indépendant de nous: on est bon ou méchant, vertueux ou vicieux selon qu’on veut; mais on n’est pas plus sensible qu’insensible à volonté et à moment donné, ce que Chaulieu exprime si bien, à propos d’un ami que la mort lui a enlevé:

«J’appelle à mon secours raison, philosophie;
Je n’en reçois, hélas! aucun soulagement.
A leurs belles leçons insensé qui se fie!
Elles ne peuvent rien contre le sentiment.
J’entends que la raison me dit que vainement
Je m’afflige d’un mal qui n’a point de remède,
Mais je verse des pleurs dans le même moment
Et sens qu’à ma douleur toute ma vertu cède.»

Tout ce que l’on peut concéder, c’est que le premier moment passé, la raison est à même de reprendre le dessus sur la nature, et qu’en outre de l’effet du temps, en s’évertuant à écarter de sa pensée les sujets pénibles, on finit dans une certaine mesure par y échapper.

32, Dit.—Cette maxime des Pythagoriciens n’est pas de Socrate; Montaigne la lui attribue parce que dans le recueil de Stobée, d’où il l’a tirée, elle suit immédiatement un mot de Socrate.

35, Office.—La rédaction du texte grec est la suivante: «Chaque âge a ses devoirs particuliers: les enfants doivent suivre les écoles; les jeunes gens s’appliquer à connaître les lois et les usages de la société; aux hommes faits incombe d’agir et d’occuper les charges publiques; aux vieillards les fonctions de juge et l’entrée dans les conseils en raison de leur expérience.»—Une autre sentence grecque dit pareillement: «Le vieillard délibère, l’homme fait agit, l’adolescent s’instruit.»

420,

31, Paix.—De nos jours, ce sont les manœuvres dites à double action, que clôturent les manœuvres d’automne, qui constituent cette préparation à la guerre; mais ici encore on a trop tendance à donner dans l’extrême.—C’est sans contredit une chose excellente que tout chef fasse manœuvrer sur le terrain l’unité qu’il commande, en vue de la conduite à tenir à une proximité telle de l’ennemi, qu’on peut en venir aux mains d’un moment à l’autre. Or, dans ces conditions, le commandement immédiat ne saurait excéder le corps d’armée; par suite, deux corps d’armée agissant l’un contre l’autre est le maximum d’envergure qu’on peut raisonnablement donner à ces manœuvres. Cette limite imposée dans la réalité par l’étendue des fronts à la guerre, l’est encore ici par les invraisemblances du temps de paix qui augmentent considérablement avec les effectifs en présence et les espaces sur lesquels on opère; et si quand même on veut faire concourir à une même action au delà de deux corps d’armée opposés, on en arrive au grotesque et chacun y désapprend au lieu d’apprendre; du reste c’est surtout avec des effectifs moyens, composés des trois armes (régiment, brigade, division), qu’en dehors de toute autre considération les manœuvres de ce genre sont le plus profitables.

A la vérité, il est non moins indispensable de former le commandement et les états-majors à la manœuvre et à l’établissement des ordres de mouvement d’effectifs comprenant plusieurs corps d’armée dans la période qui prend fin au moment où la bataille est sur le point de s’engager, alors que par exemple la distance qui sépare les masses opposées n’excède pas une journée de marche, soit une vingtaine de kilomètres; mais, pour cela, les manœuvres dites sur la carte satisfont amplement; les hypothèses suffisent, la présence des troupes n’ajoute rien, bien plus elle est nuisible par les conditions différentes du temps de guerre dont il faudrait tenir compte; la vue du terrain n’est pas indispensable; il ne l’est pas davantage que chefs et états-majors soient réunis, chacun peut demeurer à son poste habituel; le travail peut se faire et s’est fait (car ce n’est point là une innovation) par correspondance, les participants aux quatre coins de la France; il peut prendre des mois, cela importe peu, d’autant qu’il faut laisser à chacun le temps de la réflexion, point capital quand il s’agit d’études.

Quant aux manœuvres d’automne, limitées quant aux effectifs comme il a été dit, leur durée devrait être de sept à neuf jours, coupée par une journée de repos et non compris l’aller et le retour; les cantonnements, changés le moins possible, n’être pas distants de plus de 8 à 10 kilomètres du point initial de la manœuvre et de celui où elle doit prendre fin. On y arriverait par l’emploi de la tente-abri, concurremment avec le cantonnement; la saison s’y prête, elle ne surchargerait pas outre mesure l’homme qui ne porte à peu près rien, il ne perdrait pas l’habitude d’en faire usage, le temps donné à la manœuvre s’en trouverait accru et bien des situations de guerre pourraient être envisagées dont il n’est pas tenu compte actuellement.—La revue finale est à supprimer; elle donne à la vérité occasion aux hommes politiques de se montrer, de prononcer des banalités, de prodiguer des éloges sans valeur parce que la compétence leur fait défaut; mais en dehors de cela elle est sans utilité, influe quelquefois défavorablement sur la conduite des manœuvres et ajoute à la dépense.

Les manœuvres dites de forteresse, comme celles du service de santé, sont de la plus complète inutilité: les premières par l’impossibilité d’exécuter les travaux de terrassement dans les conditions et avec tout le développement que comporte la réalité, les secondes parce que tout y est fictif; de simples conférences sur le terrain les remplaceraient avantageusement. De même les manœuvres avec tirs réels et aussi les feux de guerre constituent des superfluités coûteuses, dont les résultats sont absolument nuls; la détermination des effets du tir dans telles et telles conditions se fait dans les polygones; ces expériences sont à reproduire de temps à autre dans les garnisons en se plaçant dans les meilleures conditions de réussite pour que chacun puisse en juger, tout le monde sachant du reste que plus on s’éloigne de ces conditions et notamment quand la distance est mal appréciée, les résultats déclinent rapidement pour en arriver facilement à être réduits à zéro et tout exercice réel de ce genre est superflu.

34, Permettoit.—Diogène Laerce, IV, 38.

35, Demis.—Ses détracteurs ont également reproché à Sénèque d’avoir écrit sur le mépris des richesses, alors que lui-même en avait de considérables; chez n’importe qui le luxe n’a rien de répréhensible, s’il a été bien acquis. Le mal, en pareil cas, n’est pas d’y entrer et d’en user, mais de savoir en sortir.

422,

2, Patience.—On juge, en effet, de tout par comparaison; et souvent, on est moins malheureux quand on voit plus malheureux que soi.

5, Accoustumance.—Au dernier alinéa du ch. XIX de ce même livre, Montaigne a déjà dit que les paysans et les gens du commun ont plus de véritable philosophie.

22, Saluste.—Catil., 4.

23, Cyrus.—Xénophon, Économique, IV, 20.

30, Rufus.—Pline, Epist., I, 3.—C’est à un Caninius Rufus, au lieu de Cornelius Rufus, que ce conseil est adressé.

37, Immortelle.—Cicéron, Orator, 43.—«Si tu cherches la retraite, que ce soit pour parler à toi, et non pour faire parler de toi», dit, au contraire, Sénèque, Epist. 25. V. I, 428.

424,

5, Contradiction.—N’en déplaise à Montaigne, il n’y a pas contradiction à chercher à occuper ses loisirs, quand on s’est retiré de la vie publique. Outre que, sans cela, on serait le plus souvent à charge à soi-même et aux autres, on ne saurait blâmer ceux qui emploient au mieux de ce qui leur est possible «les restes d’une vie qui s’en va, d’une ardeur qui s’éteint». Du reste, développant son idée, l’auteur ne critique que l’excès que l’on peut apporter dans les occupations nouvelles auxquelles on se livre, ce en quoi il a raison; mais, là où tout le monde peut ne pas partager son enthousiasme, c’est quand il exalte ceux qui se confinent dans la solitude, pour y mener une vie exclusivement contemplative; leur tranquillité relative est indéniable, mais pour avoir droit au repos, il faut l’avoir gagné, et c’est pourquoi, en ce qui les concerne, chaque cas est à juger en particulier.

21, Conseil.—Le conseil de Pline à Rufus.

22, Liures.—Les éd. ant. à 88 aj.: si elle a faute de regle et de mesure, elle.

31, Philistas.—Passage traduit de Sénèque, Epist. 51.—De ce nom «Philistas», ou mieux de celui de Phélestas (en grec φηλήτης) que les anciens Égyptiens donnaient aux voleurs de grand chemin (d’où viennent le mot latin fallere tromper et le mot français filou), a pu provenir celui de Philistins, attribué par les Hébreux à ces tribus qui occupaient une partie de la côte de Syrie, aux dépens desquels ils s’établirent, avec lesquels ils furent si fréquemment en guerre, et le nom est peut-être l’origine de celui de Palestine, donné par les Romains à cette contrée.

34, Suitte.—Ésope conte que Jupiter, voulant un jour mêler ensemble la volupté et la douleur, n’y parvint pas, et décida alors qu’elles se suivraient mutuellement, règle qui, en fait, est bien loin d’être d’application courante, aussi Antisthène recommandait-il de rechercher les plaisirs qui suivent la peine et non ceux qui la précèdent.

426,

13, Via.—Citation que Montaigne a fait précéder de sa traduction.

21, Presse.—Pour le monde, au bénéfice de la société.

34, Autres.—Les éd. ant. à 88 aj.: et les alonger de toute nostre puissance. Quamcumque Deus tibi fortunauerit horam, Grata sume manu, nec dulcia differ in annum (Quelle que soit l’heure à laquelle Dieu se montre favorable à toi, accepte avec reconnaissance, n’ajourne pas à plus tard ce qui est doux à recevoir).

38, Ambition.—V. I, 410 et N. Société.

428,

5, Troupe.—C.-à-d. se jeter plus avant dans la foule.—Faulsée est un vieux mot qui signifie choc, charge, incursion, irruption.

7, Philosophes.—Épicure et Sénèque; le premier chef de la secte qui porte son nom, le second appartenant à celle des épicuriens.—Sénèque (Epist. 21) cite un passage de la lettre d’Épicure à Idoménée, différente de celle que nous a conservée Diogène Laërce.  Le Clerc.

19, Mesme.—Sénèque, Epist. 7.

23, Vray.—Épicure écrivait à Idoménée.

25, Peuple.—Cette idée, Sénèque l’attribue à Démocrite.

27, Taniere.—Sénèque, Epist. 68.

32, Gouuerner.—Sénèque, Epist. 25.

430,

2, Train.—C.-à-d. le respect que vous avez pour eux, vous remettra sur le droit chemin.

5, Cogitations.—Pensées; du latin cogitatio qui a même signification.

9, Premiers.—Pline le Jeune et Cicéron.

CHAPITRE XXXIX.

Ce chapitre est numéroté XL dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

10, Couples.—Épicure et Sénèque d’une part, Cicéron et Pline le Jeune de l’autre.

14, Registres.—Pline ne mérite pas ce reproche. Cicéron, Epist. fam., V, 12, écrivant à Lucceius, le prie, en effet, de ne pas s’attacher simplement à son endroit aux règles de l’histoire, et de franchir hardiment, en sa faveur, les bornes de la vérité; tandis que Pline, Epist., VII, 33, déclare expressément à Tacite qu’il ne demande pas qu’il donne la moindre atteinte à ce qui est: l’histoire, ajoute-t-il, doit émaner de la vérité qui suffit pour que soient acceptés tous les faits qu’elle relate.

16, Histoires.—Ce désir de voir leurs faits et gestes passer à la postérité (toute altération de la vérité mise de côté) était bien excusable chez ces deux personnages, en raison des services qu’ils avaient conscience d’avoir rendus. Les en blâmer serait condamner un des plus puissants stimulants, chez l’homme, du bien et du beau; et l’humanité, s’il en était ainsi, sans y rien gagner, pourrait y perdre beaucoup.

20, Amis.—Les lettres de Cicéron ne semblent pas, comme Montaigne le donne à entendre, avoir été écrites pour le public; lui-même n’en avait conservé que soixante-dix, les autres ont été recueillies par Tiron après sa mort; il suffit de lire surtout les lettres à Atticus pour être persuadé qu’elles ne s’adressaient qu’à lui. A l’égard de Pline le Jeune, l’assertion est au moins douteuse.

24, Monde.—D’une république souveraine du monde.

432,

7, Personnage.—Diderot ne partage pas cette manière de voir: «Le talent de s’immortaliser par les lettres n’est pas une qualité malséante pour personne à quelque rang que ce soit: la guirlande d’Apollon s’entrelace sans honte sur le même front que celle de Mars.»

9, Afriquain.—Térence, dont il est ici question, était d’origine africaine; amené à Rome comme esclave, il avait été acheté par Scipion Émilien et rendu par lui à la liberté.

11, Luy mesme.—Il ne l’avoue pas, et les passages du prologue de sa comédie des Adelphes où l’on a cru en voir indice ne sont autres que des marques de déférence à l’égard de protecteurs, ne comportant nullement l’idée de coopération; du reste, il était plus âgé que Scipion et Lélius et sa notoriété avait précédé la leur. Cicéron, dont on invoque aussi le témoignage sur ce point, ne le donne que comme un on dit, qu’il ne garantit pas.  Payen.

14, Loüables.—Montaigne reproduit la même idée, I, 556.

17, Arquebusier.—Cette pratique d’un art manuel était assez fréquente chez les grands. Chez les Musulmans, elle est de règle, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit toujours observée; le Coran les y incite: «Prends un rabot, c’est une arme qui te fera combattre cette maladie de l’âme, cet affreux poison de la vie, qu’on appelle l’ennui.» Haroun er-Raschid, un de leurs plus célèbres khalifes, excellait dans la broderie sur cuir, dit la chronique de son temps, et dut à ce talent de ne pas perdre la vie; il s’était aventuré, incognito, chez un malfaiteur dont il avait surpris la criminelle industrie et dont, sur le point de se défaire de lui, la cupidité se laissa séduire par la proposition que le khalife lui fit de l’employer à des travaux de cette nature qu’il trouverait à vendre avantageusement, ce qui donna possibilité au prisonnier, par les arabesques dont il composa ses dessins, de faire connaître sa situation au dehors et d’être délivré.—Louis XVI, excellent géographe, s’adonnait aussi à la serrurerie. Un jour qu’il faisait admirer à un de ses valets de chambre une serrure qu’il venait d’achever, celui-ci lui fit cette réponse que devaient confirmer si tragiquement les événements qui, déjà peut-être, la lui inspiraient: «Quand les rois, Sire, s’occupent des ouvrages du peuple, le peuple s’empare des fonctions des rois!»

17, Bague.—Jeu d’adresse, où, étant à cheval et au galop, ceux qui y prennent part, tâchent d’enfiler et d’emporter avec le bout de leur lance des anneaux suspendus de place en place sur la carrière où se fait la course.

19, Propres.—Montaigne, dans tout ce chapitre, s’est montré fort sévère à l’égard de Pline et de Cicéron qui étaient précisément dans le cas qu’il admet: l’éloquence et la beauté du style n’étaient pas leurs seules qualités, elles se trouvaient unies à d’autres talents sinon plus rares et plus estimables, du moins d’une utilité plus générale dans les situations qu’ils ont occupées, quoiqu’il n’y ait peut-être pas eu de ville au monde où l’art de bien parler ait plus importé qu’à Rome.  Naigeon.

28, Philippus.—Plutarque, Démosthène. En 358, avant les hostilités entre Philippe d’une part et les Athéniens et les Thébains de l’autre, qui aboutirent à la bataille de Chéronée.

38, Sciat.—Citation tirée de Virgile, mais où Montaigne introduit des changements.

434,

7, Bien.—Plutarque, Périclès, 1.

10, Moy.—Plutarque, Comment on peut discerner le flatteur d’avec l’ami, 25.

10, Iphicrates.—Plutarque, De la Fortune.—Iphicrate est demeuré fameux par la discipline qu’il exigeait des troupes. Faisant une ronde au siège de Corinthe et trouvant une sentinelle endormie, il la perça de son javelot; et, comme on le blâmait de l’avoir ainsi tuée: «Telle je l’ai trouvée, dit-il, telle je l’ai laissée.» C’est lui qui créa les Peltastes, soldats armés à la légère.

14, Ceux-là.—Plutarque, Traité de la Fortune.—Au moins en principe, il était admis jadis, dans les gouvernements démocratiques comme dans tous autres, que gouverner c’est conduire et non être conduit, mais ceux qui conduisent étant effectivement responsables de la manière dont ils s’en acquittent.

Les choses ont bien changé, c’est même le principe contraire que consacre cette institution, créée par crainte du despotisme, de rois constitutionnels et autres chefs d’État aux dénominations diverses qui sont irresponsables et dont le rôle, dans sa partie essentielle, se borne à la représentation, à la constitution des ministères et à la promulgation des lois et décrets à la rédaction desquels ils demeurent étrangers. Réduite à ce qu’elle est, leur action pourrait encore être de quelque efficacité; mais, pour cela, il faudrait qu’ils aient du caractère. Il est bien loin d’en être toujours ainsi; n’avons-nous pas vu l’un d’eux, durant les sept années qu’il a occupé ces fonctions, désavouer en maintes occasions ce que, contre le gré de sa conscience, il ratifiait de sa signature, sans jamais user du droit, peut-être illusoire, mais dont il eût dû user néanmoins, que lui conférait la constitution d’en appeler à une seconde délibération.

Malheureusement, en France, où, Dieu merci, aucune classe privilégiée n’existe plus sur laquelle on puisse prendre appui pour gouverner sauf à en abuser parfois pour opprimer les autres classes, mais où les minorités ne sont pas représentées en proportion de ce qu’elles sont, la passivité du chef de l’État, faute de contre-poids, conduit insensiblement à la ruine. Tous les pouvoirs se trouvant entre les mains des parlementaires qui, pour se faire nommer, ont promis à qui mieux mieux tout ce qui pouvait appâter les électeurs; une fois élus, irresponsables eux aussi, ils ne cherchent qu’à préparer leur réélection en se faisant des partisans, et vont gaspillant à cet effet la fortune publique dont ils n’ont cure.

Les causes de ces accroissements incessants de nos budgets, auxquels, pour y suffire, pointe à l’horizon l’impôt sur le revenu si inquisitorial, si dangereux par son élasticité et la possibilité qu’il donne de dégrever les amis et surcharger les adversaires politiques, sont multiples. En dehors des dépenses introduites pour donner satisfaction aux intérêts électoraux particulièrement sous forme d’amendements introduits au dernier moment lors du vote du budget et qui foisonnent surtout en fin de législature, des gaspillages résultant de la pléthore, également en progrès incessants, de fonctionnaires, des gestions directes de l’État si onéreuses, si tyranniques et qui vont aussi s’étendant de plus en plus, certains errements ajoutent encore au mal dans de notables proportions: c’est la défaveur irréfléchie attachée aux demandes de crédits supplémentaires qui, en effet fort souvent sujets à caution, devraient être examinés sans idée préconçue quand elles proviennent d’évaluations demeurées au-dessous des prévisions, ce qui, en l’état actuel, porte à demander au delà du nécessaire pour n’avoir pas à faire de nouvelles demandes; et en second lieu, aux crédits demeurés sans emploi, ce qui, trop souvent, entraîne des réductions non justifiées sur le budget suivant et fait qu’on dépense quand même la totalité des allocations; ce sont là des abus auxquels remédierait de pouvoir, sous certaines garanties, effectuer des virements pour, à l’aide de fonds demeurés disponibles, solder les dépenses insuffisamment dotées.

C’est à ces errements que nous devons d’avoir, pour l’année 1906, un budget qui, en dehors des budgets des départements et des communes qui le doublent, s’élève à trois milliards sept cents millions, dans lequel même on n’a pas tenu compte des recettes qui feront défaut par suite de la réforme postale, du rétablissement du privilège des bouilleurs de cru, etc..., votés au dernier moment. En 1876, après les désastres de 1870-71 et le paiement de l’indemnité de guerre à l’Allemagne, le budget ne s’élevait qu’à deux milliards six cents millions, soit plus d’un milliard en moins.—Et simultanément, notre dette, y compris les dettes départementales (cinq cents millions) et les dettes communales (quatre milliards), accrue de trois cent soixante-six millions pendant la seule législature de 1902-1906, atteint quarante-quatre milliards.—Nous avons mentionné la marée toujours croissante de fonctionnaires; leur nombre (en dehors de l’armée et des fonctionnaires coloniaux) s’élève toujours en cette même année 1906 à quatre cent cinquante mille, alors qu’ils n’étaient que deux cent quarante mille en 1873! la moitié, payée moitié plus, suffirait; eux-mêmes, les services auxquels ils sont attachés et aussi le budget y gagneraient.

Comment en serait-il autrement? Les ministres ne sont que des délégués, choisis non d’après leurs aptitudes, mais en raison de leur verbiage effronté et de leurs opinions du moment, faits et défaits au caprice d’une chambre houleuse où chacun n’a en vue que son intérêt personnel, préoccupation à laquelle eux-mêmes n’échappent pas. Ils sont par suite absolument hors d’état de résister au mandat impératif de leurs commettants, d’autant que leur responsabilité n’existe pas en fait et se borne à faire place à d’autres, quand ils ont cessé de plaire.

Le remède à pareil état de choses désastreux pour le pays, ressort de cet exposé même:

Il y aurait lieu de donner au Chef de l’État plus d’indépendance et plus d’autorité sans cependant lui donner possibilité de renverser la Constitution. On ne saurait en effet oublier les malheurs et la misère qui marquèrent la fin du règne de Louis XIV, dont les débuts avaient été si glorieux; la corruption et les hontes de celui de Louis XV; la faiblesse de Louis XVI à laquelle sont dus en partie les excès de la Révolution, faiblesse qu’il a payée de sa tête, et avec lui, bien d’autres qui n’en pouvaient mais;—le despotisme et l’ambition de Napoléon Ier qui, après avoir reconstitué la France, l’avoir parée d’une gloire éternelle, l’a finalement, malgré tout son génie, laissée amoindrie;—les journées de 1830, auxquelles conduisirent la réaction et le fanatisme religieux sous Louis XVIII et Charles X; Louis-Philippe fuyant comme son prédécesseur à la première manifestation tumultueuse;—Napoléon III, pour parer à des agitations intérieures, aboutissant à Sedan, après 25 années de prospérité.—Tout cela, qui n’embrassa pas moins de deux siècles de malaises et de crises, ne saurait être perdu de vue, non plus que les procédés employés en 1802 pour transformer le consulat en Consulat à vie, et deux ans après convertir le titre de premier consul en celui d’empereur, escamotages qui se renouvelèrent en 1848, 1851 et 1852, et il n’est que sage de se méfier et de chercher à en prévenir le retour.

On donnera plus d’indépendance au Chef de l’État, en le faisant élire non par la représentation nationale dont il demeure la créature et qui le choisit à sa dévotion, non par le suffrage universel direct trop irraisonné et trop facile à s’emballer et à être trompé, mais par ces mêmes collèges électoraux qui élisent les sénateurs. Du même coup on aura accru son autorité, ce mode d’élection ayant l’avantage de faire arriver à ces fonctions des hommes non inféodés à un parti et qui ne craindront pas d’user, en cas de divergence de vue avec les pouvoirs législatifs, des droits qu’il détient actuellement, auxquels devrait être ajouté celui d’ajourner à la législature suivante l’examen de tout projet de loi adopté contre sa manière de voir, et n’ayant pas obtenu une majorité de plus des deux tiers; et aussi de pouvoir retirer son portefeuille à tout ministre dont tels ou tels actes n’auraient ni son assentiment ni celui de la majorité de ses collègues et qui, en pareille situation, persisterait à ne pas démissionner.

Mais cela serait encore insuffisant si on ne modifiait également le mode d’élection des membres de la chambre des députés, de façon à les rendre eux aussi plus indépendants de leurs électeurs et moins dans l’obligation, pour assurer leur réélection, de sacrifier l’intérêt général aux intérêts locaux et particuliers, ce qui conduit à substituer le scrutin de liste au scrutin individuel, avec faculté de répéter le même nom sur un même bulletin autant de fois qu’il y a de candidats à élire. On assurerait de la sorte la représentation des minorités, ce qui n’est que justice et serait souvent une ressource précieuse pour le Gouvernement, contre les exagérations et les exigences de la majorité. En outre, les sénateurs, élus pour neuf ans, ne devraient pouvoir l’être à nouveau qu’après un intervalle de trois ans, et les députés élus pour quatre ans, et rééligibles, ne pouvoir après ces huit années être à nouveau réélus qu’après un intervalle de quatre ans; de la sorte ils se retremperaient de temps à autre auprès de leurs électeurs, et jugeraient mieux des abus.

Accessoirement, il serait désirable que le nombre des députés fût réduit à un pour 150.000 habitants, au lieu de 100.000, et le nombre des sénateurs diminué pareillement d’un tiers. Afin de permettre une représentation des minorités, chaque circonscription électorale devrait comporter au moins trois sénateurs et quatre députés et leur remaniement être effectué en conséquence. Cette réduction dans le nombre des députés et sénateurs compenserait en partie les 5.000.000 dont ils viennent de grever le budget déjà si lourd et en déficit, en augmentant leur indemnité, bien que cela ne figurât sur la profession de foi d’aucun d’eux, quand il était candidat.

Un projet de loi a été déposé en 1906, et même adopté par la Commission de la chambre, ce qui ne présage malheureusement pas son adoption prochaine et définitive, proposant la division de la France en dehors de Paris en vingt-cinq régions, au lieu des 86 départements actuels, ce que justifient pleinement les immenses progrès réalisés dans les facilités et la promptitude des communications. Ces régions seraient désignées par le nom de leurs capitales: Lille, Amiens, Rouen, Caen, Orléans, Versailles, Reims, Troyes, Nancy, Besançon, Dijon, Bourges, Tours, Nantes, Rennes, Poitiers, Clermont-Ferrand, Lyon, Grenoble, Marseille avec la Corse, Nîmes, Montpellier, Toulouse, Bordeaux et Pau.—Les services publics actuellement organisés par départements, le seraient par régions; préfectures et sous-préfectures disparaîtraient, cantons et communes continueraient à subsister tels que. Il serait fort à souhaiter que cela aboutît, et qu’on en profitât pour apporter au nombre et au mode d’élection des sénateurs et députés des modifications dans le sens sus-indiqué; mais si logique que ce soit, cela léserait trop d’intérêts locaux, pour qu’on puisse avant bien longtemps en espérer la réalisation.

Une cour suprême élective serait à créer, permettant d’en appeler des abus de pouvoir des ministres et de leurs agents.

Contre nos mandataires eux-mêmes abusant de leur mandat, le référendum devrait être admis contre tout acte d’un conseil municipal, d’un conseil général ou du pouvoir législatif, lorsqu’il serait demandé par un quantum d’électeurs déterminé, la moitié par exemple du nombre de votes émis au renouvellement de ces corps électifs.

La loi des candidatures multiples est à maintenir.

Les hommes mariés ou veufs avec enfants mineurs devraient avoir double vote, ils déposeraient dans l’urne deux bulletins au lieu d’un.—Les abstentions devraient constituer un délit, entraînant amende et affichage à la porte des mairies quand elles ne peuvent être justifiées et témoignent parti pris ou négligence.

Tout projet de loi, émanant du Gouvernement ou de l’initiative parlementaire, devrait avant discussion être soumis soit au Conseil d’État, soit aux Conseils supérieurs existants dans les différents ministères que la question intéresse et leur avis être joint; si le projet entraîne des conséquences budgétaires, l’évaluation de la dépense en résultant serait mentionnée et aussi les ressources disponibles avec lesquelles on se propose d’y subvenir.

Toute loi devrait avoir obtenu, dans chaque chambre, les voix des trois cinquièmes de ses membres.—L’indemnité allouée aux membres du Parlement, décomptée à raison de 300 jours par année, devrait être retenue aux absents, quel que soit le motif de l’absence, à raison de 1/300, soit cinquante francs par journée d’absence.

La loi de finance devrait comporter comme dépenses obligatoires toutes celles résultant de lois antérieures non abrogées par de nouvelles rendues dans les formes ordinaires; et aucune dépense n’y être admise en cours de discussion, dont le service qu’elle a pour objet d’assurer n’ait été au préalable l’objet d’une loi spéciale; on éviterait de la sorte ces demandes éhontées et si nombreuses de crédits qui, présentées au dernier moment, passent à la faveur de la surprise et de la hâte que l’on a d’en finir et qui pullulent surtout en fin de législature.

Enfin que d’économies à réaliser, par exemple ces affichages de discours qui seraient moins répétés s’ils avaient lieu aux frais de ceux qui les votent; dépense d’une douzaine de mille francs chaque fois, bien inutile, car personne ne les lit sur les murs, les feuilles publiques renseignant amplement chaque intéressé.

Ces propositions ne sont pas nouvelles, voilà beau temps que l’opinion publique les réclame, mais elles gêneraient ceux dont elles ont pour objet d’enrayer les abus, et c’est à eux qu’il appartient de prononcer!

16, Flustes.—Plutarque, Périclès.

24, Volume.—La dernière édition des Essais publiée du vivant de l’auteur (celle de 1588) était en un seul volume; en 1598, ils parurent en deux volumes in-8o; en 1608 en trois volumes in-12; en 1617 en quatre volumes in-4o; en 1669 en dix volumes in-12; déjà y avaient été ajoutés une notice sur l’auteur, la traduction des citations, des sommaires, des notes et une table analytique; toutefois jusqu’en ces derniers temps cette augmentation dans le nombre des volumes, qui dans les éditions modernes varie de trois à six, n’avait pas tant eu pour cause, comme actuellement, l’accroissement des commentaires que l’intention de réduire le format de manière à le rendre plus portatif.

27, Essais.—C’est précisément en s’inspirant de cette indication, «en espluchant vn peu plus curieusement les Essais», qu’est résultée l’extension donnée aux notes qui accompagnent la présente édition.

33, Air.—En disant que son livre «porte la semence d’vne matiere plus riche et plus hardie et souuent à gauche vn ton plus delicat», Montaigne veut probablement parler entre autres des questions afférentes à la politique intérieure à laquelle il ne fait que des allusions très indirectes, suffisantes toutefois pour indiquer qu’il trouvait que tout de ce côté n’allait pas à son gré, et à la religion, dont il parle à maintes reprises, mais avec des réticences continues dénotant un antagonisme profond, sur ce point, entre ses croyances de parti pris et sa raison.

436,

3, Philosophes.—Épicure et Sénèque.

12, Publiques.—Sénèque, Epist. 21.

15, Cadence.—Par cette critique, Montaigne donne à penser que dans les lettres écrites par Cicéron, la forme seule a de la valeur. Ce n’était pas ce qu’en pensaient ses contemporains; Cornelius Nepos entre autres, dans sa Vie d’Atticus, les apprécie comme «pouvant en quelque sorte remplacer l’histoire, et offrant tant de détails sur les hommes célèbres du temps, sur leurs vertus et leurs vices, sur les révolutions de Rome, qu’elles semblent en révéler tous les secrets».

27, Chose.—Il nous reste une trentaine de lettres de Montaigne, dont deux seulement sont intéressantes: l’une, écrite à son père pour lui raconter la mort de La Boétie; l’autre, très courte, adressée à sa femme, où il lui déclare sans ambage que le temps est passé de la courtiser et de la caresser (il y avait cinq ans qu’ils étaient mariés), et, pour la consoler de la perte qu’elle vient de faire d’une fille, seule enfant qu’ils avaient eue jusque-là, née et morte en son absence, n’ayant vécu que deux mois, il lui envoie la traduction par La Boétie d’une lettre de Plutarque se rapportant à semblable situation. Toutes les autres sont dénuées d’intérêt, la plupart «cerimonieuses», s’accordant peu avec son caractère et son talent.

28, Verues.—Les Essais, qu’ailleurs leur auteur qualifie de rapsodie (I, 84), et ailleurs encore de galimafrées.

438,

17, Contenance.—Var. de 1588: Ceux que i’aime me mette en peine, s’il faut que ie le leur die, au lieu de: «l’honnore... contenance».

21, Bienuienner.—Complimenter, féliciter quelqu’un sur son heureuse arrivée, l’assurer de sa bienvenue.

32, Embabouinée.—Niaisement possédée, adonnée à.

34, Mal.—Montaigne exagère lorsqu’il dit qu’il peignait (écrivait) insupportablement mal; les spécimens qu’on a de lui sont d’une écriture très lisible, bien rangée, qui révèle peu la vivacité de caractère que certains lui attribuent; même ses annotations sur l’exemplaire de Bordeaux et sur différents ouvrages lui ayant appartenu, sont assez facilement déchiffrables.

CHAPITRE XL.

Ce chapitre est numéroté XIV dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.

440,

19, Auons.—Ce chapitre est très beau, mais assez difficile à entendre. Montaigne y traite avec art et subtilité le thème qu’il lui a donné pour titre, on y trouve entre autres une digression très curieuse et très philosophique sur les trois états différents dans lesquels lui-même s’est trouvé sous le rapport de la fortune.  Naigeon.

20, Ancienne.—Manuel d’Épictète, 10.

21, Mesmes.—Cette maxime est une de celles qui, dans son texte grec, étaient peintes sur les solives du plafond de la bibliothèque de Montaigne.

27, Cheuirons.—N’en profiterions-nous, n’en jouirions-nous?—Chevir est un vieux mot qui signifie venir à bout d’une chose, en jouir, en disposer; d’où chevance, bien que l’on possède.

442,

17, Parties.—Parties adverses, comme on dit au barreau; autrement dit «ennemies», mot que dans quelques éditions on a substitué à celui de parties.

21, Maux.

«La mort est simplement le terme de la vie.
De pensers et de biens elle n’est point suivie;
Ce n’est qu’un paisible sommeil,
Que par une conduite sage
La loi de l’univers engage
A n’avoir jamais de réveil.» Abbé de Chaulieu.

22, La supportent... la vie.—Var. des éd. ant.: Ne la reçoiuent ils pas de tout autre visage?

27, Tuer.—En 295, alors que ce philosophe était envoyé près de lui, à titre de négociateur, par Ptolémée I, roi d’Égypte.

28, Cantharide.—Cicéron, Tusc., 40.—Avec la cantharide, insecte dont on fait grand usage en médecine pour les vésicatoires, on composait un poison qui était assez employé chez les anciens.

30, Populaires.—Les éd. ant. aj.: et communes.

444,

8, Ieusne.—C’est le sujet d’une épigramme d’Owen, I, 123.

21, Errer.—Les éd. ant. port.: que de se departir de ses opinions quelles qu’elles fussent, au lieu de: «que se laisser... errer».

22, Print.—En 1477, lors de la mainmise sur l’Artois, par Louis XI, à la mort de Charles le Téméraire.

26, Gallee.—Locution signifiant: «Vive le plaisir!» ou encore: «Allons, tout est bien!» «Vogue la galée!» dit Panurge, dans Rabelais, se voyant sorti sain et sauf d’une tempête (V. N. I, 250: Galler). Aujourd’hui on dit et on écrit par corruption: «Vogue la galère!» dont l’étymologie est autre et la signification: «Advienne que pourra!» différente.

446,

1, Mesmes.—On présentait à Mandrin, voleur fameux du XVIIIe siècle, qu’on allait rouer, un religieux pour confesseur; il répondit qu’«il le trouvait trop gras, pour un homme qui prêchait l’abstinence».—Ce mépris de la mort, en pareille occurrence, n’est pas l’apanage exclusif des scélérats; les honnêtes gens, victimes des fureurs populaires, se sont montrés maintes fois aussi indifférents. Les exemples en ce genre abondent sous la terreur: le général Biron, entre autres, condamné par le tribunal révolutionnaire, au moment d’être conduit à l’échafaud, se fit servir des huîtres et offrit un verre de vin au bourreau, en lui disant: «Prenez, cela vous donnera du courage; vous devez en avoir besoin au métier que vous faites.»

4, Des leurs.—Il en était de même en Thrace, au dire d’Hérodote.

4, Constamment.—Avec constance, courage, résignation.

9, Rescousses.—De prises et de reprises.—Rescousse signifiait secours, délivrance, d’où l’expression: «A la rescousse»; ce terme est encore usité dans la jurisprudence maritime pour reprise d’un navire dont on s’est trouvé dépossédé.

13, Sepmaine.—En 1520; sous François Ier, alors que les Français, en possession du duché de Milan depuis cinq ans, et depuis le même temps en lutte pour s’y maintenir, en étaient définitivement chassés.

18, Nombre.—Plutarque, Brutus, 8.—En 42. Après la mort de César, Brutus et Cassius cherchèrent à se créer un centre de résistance dans l’Asie Mineure. La ville de Xanthe n’accédant pas à leurs projets, Brutus l’assiégea et s’en empara. Les Xanthiens se défendirent avec acharnement, allant au-devant de la mort, se sacrifiant, eux, leurs femmes et leurs enfants; si bien que, touché de compassion, Brutus alla jusqu’à promettre une récompense à tout soldat qui sauverait un habitant. A peine parvint-on de la sorte à en sauver cent cinquante qui se décidèrent à accepter la vie à laquelle on s’efforçait de les retenir.

19, Vie.—«Toute opinion peut être préférée à la vie, dont l’amour cependant paraît si fort et si naturel.»  Pascal.

22, Aux leurs.—Diodore de Sicile, V, 19.—En 479. Lors de la deuxième guerre médique, les différents peuples de la Grèce, un peu avant la bataille de Platée, s’unirent par un serment demeuré célèbre dans l’antiquité et dont voici la formule: «Je n’estimerai pas la vie plus que la liberté; je n’abandonnerai mes chefs ni vivants, ni morts, et j’ensevelirai mes compagnons tués dans le combat. Vainqueur, je ne contribuerai jamais à la destruction d’aucune des villes qui ont pris part au combat. Je ne relèverai aucun des temples brûlés ou renversés; je laisserai subsister ces ruines, comme un monument qui doit rappeler à la postérité la fureur sacrilège des Barbares.»

25, Castille.—Ferdinand et Isabelle. Expression consacrée par les Espagnols qui ne séparent pas ces deux noms; Isabelle était, de fait, reine de Castille, mais son mari Ferdinand le Catholique y régnait en son nom. Après l’expulsion des Maures, en 1492, ils prirent en commun le titre de rois d’Espagne.

25, Iuifs.—En 1492. Cette expulsion anéantit le commerce et l’industrie de l’Espagne; beaucoup se réfugièrent en Hollande et en France.

31, Escharcement.—Chichement, avec trop d’épargne; de l’italien scarso, qui veut dire chiche.

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