Essais de Montaigne (self-édition) - Volume IV
4, Innocence.—«La vertu s’avilit à se justifier.» Voltaire, Œdipe.
5, Gehennes.—La torture, appliquée aux accusés pour les forcer à avouer leur crime ou nommer leurs complices, dite question préalable, a été abolie en France par Louis XVI, en 1780.
11, Guerdon.—Une si belle récompense que celle.
22, Confessions.—Accusations, porte l’éd. de 88.
24, Fit.—Quinte Curce, VI.—En 329. Accusé d’avoir trempé dans un complot contre Alexandre le Grand, fut mis à la torture, déclaré coupable et lapidé. Le fait principal à sa charge était que pendant deux jours, alors qu’à diverses reprises il avait vu le roi, de l’intimité duquel il était, et ayant toute qualité pour l’entretenir, il ne lui avait pas donné avis d’une conjuration dont il avait été averti pour l’en prévenir, et à deux reprises différentes avoir répondu à celui qui l’en avait instruit, que l’occasion lui avait manqué pour le faire; ce que, pour sa défense, il expliquait en disant qu’il n’avait pas attaché d’importance à la révélation qui lui avait été faite, n’estimant pas vraisemblables les projets qu’on lui dénonçait.
35, Conte.—Il est dans Froissart, IV, 87.
37, Iusticier.—Bajazet I, appelé aussi l’Amorabaquin, ce qui signifierait fils d’Amurat.
CHAPITRE VI.
6, L’exercitation.—Montaigne traite dans ce chapitre de l’exercice de la vertu, ou plutôt de la nécessité de ne pas se borner à l’exalter et d’y joindre la pratique.
11, Empeschée.—Les éd. ant. aj.: Quelques bonnes opinions qu’elle ait.
16, Escient.—Exprès, à dessein; c’est un sens que ce mot a fréquemment dans les Essais.
2, Marault.—Monstre (var. des éd. ant. à 88).
12, Amis.—Sénèque, De Tranq. animi, 14.—Allant au supplice, ajoute Plutarque, il dit à un de ses amis qui l’accompagnait, qu’il viendrait lui parler la nuit suivante; il lui apparut en effet et discourut avec lui sur l’immortalité de l’âme et la lumière pure et éclatante dans laquelle la sienne se trouva après la mort.—Dans un autre ordre d’idées, surtout dans un but humanitaire et avec l’arrière-pensée d’y trouver un argument pour la suppression de la peine de mort, on s’évertue aujourd’hui à reconnaître si un individu décapité conserve encore sa connaissance dans l’instant qui suit l’exécution: si par exemple, à l’appel de son nom, un indice se produit qu’il l’a perçu; jusqu’ici les expériences faites à cet égard n’ont rien donné de concluant.
38, Souffrances.—Actions, port. les éd. ant., à quoi celle de 80 aj.: opérations.
1, Insensible.—«Qu’on interroge les médecins et les ministres du culte accoutumés à observer les actions des mourants et à recueillir leurs derniers sentiments, ils conviennent qu’à l’exception d’un petit nombre de maladies aiguës où l’agitation causée par des mouvements convulsifs semble indiquer des souffrances chez le malade, dans toutes les autres on meurt doucement, tranquillement et sans douleur.» Buffon.—Cela est vrai, mais en tant seulement des derniers moments où l’organisme brisé par le mal qui le détruit est anéanti et va cesser d’être, autrement c’est assez discutable; la plupart du temps ce n’est qu’une accalmie et ce passage de vie à trépas a été précédé de souffrances dont il y a lieu de tenir compte avant de conclure.—«Une douleur très vive, ajoute Buffon, pour peu qu’elle dure, conduit à l’évanouissement ou à la mort. Nos organes, n’ayant qu’un certain degré de force, ne peuvent résister que pendant un certain temps à un certain degré de douleur; si elle devient excessive, elle cesse, parce qu’elle est plus forte que le corps, qui, ne pouvant la supporter, peut encore moins la transmettre à l’âme, avec laquelle il ne peut correspondre que quand les organes agissent, etc...»—En écrivant ce passage, et quelques autres que nous signalons plus loin, Buffon s’est certainement rappelé plusieurs idées de ce chapitre des Essais. Le Clercq.
21, Mort.—Montaigne a déjà dit la même chose, à peu près dans les mêmes termes. V. I, 122 et N. Mort.
23, L’effort.—Montaigne est ici bien dans le vrai, quoiqu’il agisse tout autrement, car son livre est plein de l’attente de cet événement. A quoi bon en effet cette préoccupation continue de la mort? Avec cette pensée toujours présente à l’esprit, on n’entreprendrait jamais rien, on ne jouirait de rien, et notre existence se passerait tout entière anxieuse et stérile. Qu’on y soit constamment préparé, c’est-à-dire qu’on ait toujours ses affaires en ordre, parce qu’elle peut nous surprendre, c’est raisonnable; que celui qui croit en une autre vie, où il renaîtra avec son individualité, et recevra la récompense ou le châtiment de ses faits et gestes sur cette terre, pense fréquemment à cette fin dernière pour y puiser une aide dans la voie du bien et une consolation dans l’affliction, cela se conçoit, mais quelle superfluité que de s’en préoccuper sans cesse! Quelles que soient les dispositions en lesquelles nous nous sommes ingéniés à être pour la recevoir, elle accomplit son œuvre sans que la pose que nous y mettons, y change quoi que ce soit, non plus que si elle vient sans que nous nous soyons mis en peine pour la recevoir.
25, Deuxiesmes.—Il y eut, en ce temps, huit guerres de religion: la seconde, de 1566 à 1568, fut marquée par le combat de S.-Denis où fut tué le connétable de Montmorency; la troisième, de 1568 à 1570, en cette dernière eurent lieu les batailles de Jarnac et de Montcontour.
36, Petit homme.—C’est Montaigne lui-même; voir son portrait ch. XVII du liv. II.
38, Contre-mont.—Ou, comme on dit familièrement, les quatre fers en l’air.
39, Estendu.—Mort estendu, port. les éd. ant.
15, Menus.—Peu à peu.
40, Foiblesse.—L’éd. de 88 aj.: et de longue maladie.
41, Douleurs.—Les plus terribles agonies elles-mêmes effraient plus les spectateurs qu’elles ne tourmentent le malade. Combien n’en a-t-on pas vu qui, après avoir été à cette dernière extrémité, en sont revenus n’ayant aucun souvenir de ce qui s’était passé, de ce qu’ils avaient paru sentir; ils avaient réellement cessé d’être pour eux-mêmes pendant ce temps, puisqu’ils sont obligés de rayer de leur existence les moments passés dans cet état duquel il ne leur reste aucune idée; c’est qu’en effet la douleur que peut endurer le corps est proportionnée à sa force et à sa faiblesse; or, dans l’instant de la mort, il est plus faible que jamais, il ne peut donc éprouver qu’une très petite douleur, si même il en éprouve quelqu’une. Buffon.
42, Penibles.—La douleur de l’âme ne peut être produite que par la transmission qu’elle en reçoit du corps; une douleur excessive, venant à excéder ce que le corps peut supporter, l’anéantit et du même coup le fonctionnement de ses organes; il est hors d’état de continuer à transmettre à l’âme ses sensations, dont elle cesse, elle aussi, d’être affectée, n’en recevant plus communication. Buffon.
33, Ego.—Iris, messagère des dieux et en particulier de Junon.
4, Sens.—Qui sortent au hasard, mais n’ont aucun sens.
23, Dressent et couchent.—Les éd. ant. port.: et esmeuuent.
36, Nue.—En l’air.
41, Vsage.—Comme par habitude.
13, Moins poisante.—Les éd. ant. port.: si plaisante.
20, Encore.—Quatre ans après (add. de 80).
33, Leger.—J.-J. Rousseau nous a laissé, lui aussi, un récit de ses sensations, lors d’une chute à Menilmontant, en 1776.
35, Pline.—Nat. Hist., XXII, 24.
6, Anciens.—Dans le nombre: chez les Grecs, Archiloque et Alcée; chez les Latins, Lucilius, et plus tard Marc-Aurèle et S. Augustin, ce dernier dans ses Confessions. En des temps plus rapprochés: J.-J. Rousseau, également dans ses Confessions qui, elles, ne sont que du roman; Restif de la Bretonne, dans S. Nicolas ou le cœur humain dévoilé (1794).
24, Place.—C.-à-d. faire toilette et prendre une attitude convenable pour se présenter, se produire en société.
25, Vicieux.—Pascal, qui prohibait jusqu’au mot «moi», a dit au sujet des Essais: «Le sot projet que Montaigne a eu de se peindre lui-même.» Voir N. II, 18: Extrauagant, la réponse qu’y fait Voltaire.
39, Veaux.—Balivernes, niaiseries, contes ridicules. Cette locution vient de ce que les veaux ne se bridant pas, les brides à veaux n’existent pas, que c’est autant dire rien.
4, Trottoir.—C.-à-d. sur la voie publique, si bien que tout le monde en parle ou est à même d’en parler.
9, Voisins.—Les protestants.
12, Viure.—«Vivre, est le métier que je lui veux apprendre.» J.-J. Rousseau, Émile, I.
15, Gloire.—S’il est vain et présomptueux de proclamer soi-même ce que l’on vaut.—Le mot gloire était souvent employé, à cette époque, dans ce sens de vanité, présomption.
16, Hortense.—Mis pour Hortensius; Montaigne manque à son parti pris de ne pas franciser les noms propres étrangers; ce qui, par habitude, lui arrive encore parfois.
25, Skeletos.—Un squelette, ou plutôt un écorché pour études anatomiques.
31, Indifferemment.—Caton l’Ancien disait qu’il était aussi ridicule de se louer soi-même, que de se blâmer.
35, Aristote.—Morale à Nicomaque, IV, 7.
35, Fausseté.—Nul homme vertueux ne cherche à se faire valoir par les qualités qu’il n’a pas.
22, Nihilité.—Néant; mot forgé par Montaigne, du latin nihil, rien.
23, A certes.—Sincèrement, sérieusement.
FIN DES NOTES DU PREMIER VOLUME.
NOTES.
DEUXIÈME VOLUME.
LIVRE SECOND
(Suite).
CHAPITRE VII.
1, Cæsar.—Suétone, Auguste, 25.
10, Meurte.—Myrte; ce nom de meurte lui était assez général dans le midi de la France.
12, Flambeau.—Lors de la première guerre punique, après la bataille de Mylos (260), la première victoire navale qu’ils aient remportée, les Romains décernèrent au consul Duilius, avec les honneurs du triomphe, le privilège de se faire accompagner, le soir, à la lueur de flambeaux et au son des flûtes; de plus, une colonne rostrale fut élevée sur le forum, colonne qui existe encore, restaurée à la vérité, et sert actuellement de support à un réverbère!
13, Titres.—Après la Révolution de 1793, Napoléon rétablit la noblesse en France. Déjà en 1804, Masséna, entre autres, avait été fait duc de Rivoli; mais de 1806 date réellement la constitution de la noblesse impériale qui, dès le début, outre les royautés des Espagnes, de Hollande, de Naples et de Sicile, la vice-royauté d’Italie, comprit les duchés de Dalmatie, d’Istrie, du Frioul, de Cadore, de Bellune, de Conégliano, de Trévise, de Feltre, de Bassano, de Vicence, de Padoue et de Rovigo; auxquels vinrent s’ajouter plus tard et successivement ceux de Bénévent, Gaète, Otrante, Ponte-Corvo, Reggia, Trente, Massa, Carrare, Parme, Plaisance, Clèves et Berg, d’Auerstadt, d’Elchingen, les principautés de Guastalla, de Neufchatel, de Wagram, d’Essling, etc. Les Ministres, Sénateurs, Conseillers d’État, etc., devinrent comtes; les Présidents des diverses cours, les évêques, les maires des 52 villes les plus importantes de l’empire devinrent barons; réserve était faite pour les généraux, préfets, officiers civils et militaires des titres qui pouvaient être conférés à chacun.—De nombreuses dotations furent jointes à certains de ces titres, elles arrivèrent à dépasser 30.000.000 fr. de revenus, dont partie constituaient des majorats, c’est-à-dire étaient attribués à titre perpétuel et inaliénable à l’aîné des fils. Ces majorats pouvaient être également constitués, avec ou sans le concours de l’État, par le dignitaire lui-même: les grands dignitaires de l’empire, en affectant 200.000 fr. de revenus à ces majorats, conféraient à leur fils le droit de porter le titre de duc, dès le vivant du père; les comtes ayant 30.000 fr. de revenus, les barons en ayant 15.000 et en constituant un tiers en majorat, dotaient l’aîné de leurs enfants du titre immédiatement inférieur au leur et les autres étaient chevaliers; de ce fait, le budget est aujourd’hui encore grevé de plus d’un million.—En tout, Napoléon Ier a fait 9 princes, 32 ducs, 388 comtes et 1.000 barons.
Trois générations successives dans la Légion d’honneur transmettaient la noblesse à toute la descendance; cette disposition, tombée d’elle-même, n’a pas été abrogée.
Enfin en 1811, on procéda à la régularisation des anciens titres féodaux, qui avaient été supprimés par décret du 17 juin 1790 de l’Assemblée constituante.
En principe, l’institution des titres de noblesse se justifie parfaitement; mais la prodigalité les discrédite et leur perpétuité, qui contribue à les multiplier outre mesure, les fait tomber dans la banalité et leur enlève tout stimulant. Leur transmission semblerait devoir être limitée à une, deux, trois ou quatre générations au plus, chacune ne conservant que le titre immédiatement inférieur à celui de la génération précédente, si par elle-même elle n’en a acquis un plus élevé. C’est le système inverse qui est appliqué, aggravé encore par les substitutions, abus que rien ne justifie, qui font que sur les 50.000 nobles qu’on peut compter en France, un millier à peine peut se prévaloir de titres qui soient indéniables.
Quant à la particule de, dite nobiliaire et regardée communément comme attestant une noble origine, elle n’a jamais eu, par elle-même, ce caractère et n’est pas un critérium infaillible de noblesse.
Abolis à nouveau par la République de 1848, les titres de noblesse ont été une seconde fois rétablis en 1852 par le prince Louis Napoléon.
13, Armoiries.—La maison d’Estaing, par exemple, portait des fleurs de lys dans ses armoiries, parce qu’à la bataille de Bouvines (1214), l’un des siens avait sauvé la vie au roi Philippe-Auguste.
3, Sainct Michel.—L’ordre de Saint-Michel, institué par Louis XI en 1469. Cet ordre, primitivement destiné à la haute noblesse, finit par être accordé aux gens de robe, de finance, etc.; supprimé à la Révolution, rétabli à la Restauration, il a été définitivement aboli en 1830.
10, Plustost... vtile.—Var. de 80: qu’à nulle autre.
12, D’occasions.—Add. des éd. ant.: c’est vne monnoye à toute espece de marchandises.
16, Trahison.—Add. des éd. ant.: et autres que nous employons à nostre vsage, par l’entremise d’autruy.
28, Fidelité.—L’éd. de 80 port.: frugalité.
32, D’honneur.—Ces récompenses honorifiques.
34, Largesse.—Les décorations sont en effet un moyen précieux de reconnaître le mérite et les services rendus; mais l’abus le déconsidère; et ce que constate ici Montaigne pour l’ordre de S.-Michel est presque chose faite pour notre ordre de la Légion d’honneur qui pendant près de trois quarts de siècle a été à si juste titre en si haute estime; si bien qu’aujourd’hui, nombre de ceux qui croient l’avoir mérité, dédaignent de le porter, tant il a été prodigué; au commencement de 1907, en effet, on ne comptait pas moins, en France, de 52.000 membres de la Légion d’honneur et 220.000 décorés ou médaillés de tous ordres nationaux; jamais il n’avait été fait pareille débauche de décorations que depuis que nous sommes en République, gouvernement qui par sa nature même devrait en être plus sobre que tout autre.—Outre l’abus qu’on fait de cette décoration, on en crée journellement de toutes sortes; croix et médailles pullulent, sans compter les décorations étrangères pareillement distribuées avec non moins de profusion et sans plus de raison; aussi les unes comme les autres ont-elles perdu tout prestige, et de prime abord et jusqu’à plus ample informé, elles témoignent plutôt de l’intrigue que du mérite.—Depuis trente ans, certains de nos gouvernants, inespérément arrivés au pouvoir dont ils ne savent que mésuser, ne voient là qu’une ressource facile et commode de donner satisfaction, sans qu’il leur en coûte rien, à ceux qui les y ont portés et à l’entourage qui les flatte et souvent gouverne en leur nom; d’autres entraînés par les théories socialistes, dont ils sont les apôtres généralement plus intéressés que convaincus, y ajoutent l’arrière-pensée d’arriver à tuer par le discrédit une institution qu’ils exècrent, parce qu’elle leur vient d’une autre époque et qu’elle porte atteinte à l’égalité qu’ils poursuivent, en ramenant le plus possible, ici comme en tant d’autres choses, tout ce qui a tendance à s’élever à leur niveau moral, au niveau inférieur.
35, Nostre.—Montaigne dit «nostre», parce que lui-même était chevalier de S.-Michel; l’ordre du S.-Esprit, créé vers cette époque, l’était quand il écrivait ce chapitre, puisqu’il en parle un peu plus loin, seulement il ne l’avait pas.
10, Parle.—La vaillance militaire.
14, Militaire.—C’était l’idée de l’amiral de Coligny; il voulait réunir tous les Français dans une guerre visant la conquête des Pays-Bas espagnols; Charles IX semblait goûter ce plan, avant de s’engager dans la S.-Barthélemy, et ce fut le motif par lequel, à la cour, on retint, à ce moment-là, Coligny qui se méfiait. Il se peut que Montaigne ait écrit ce passage sous une réminiscence de ce fait.
2, Derniere.—L’ordre du S.-Esprit, institué par Henri III en 1578.—Pour y être admis, il fallait être catholique et avoir déjà reçu l’ordre de S.-Michel. Il est passé par les mêmes vicissitudes que ce dernier (V. N. II, 12: Sainct Michel).—Ces ordres et celui de S.-Louis, créé plus tard, disparus à la Révolution, ont fait place quelques années après à celui de la Légion d’honneur, qui seul subsiste aujourd’hui. Institué par décret des Consuls du 19 mai 1802, il fut inauguré le 14 juillet 1804. Le Chef de l’État en est le Grand-Maître; l’administration en est confiée à un Grand-Chancelier qui travaille directement avec lui; cet ordre est destiné à récompenser les services civils et militaires, il se compose de 80 grands-croix, 200 grands-officiers, 1.000 commandeurs, 4.000 officiers et un nombre illimité de chevaliers (V. N. II, 10: Titres).—En dehors de cet ordre, et de catégorie tout autre, nous avons encore nombre de récompenses honorifiques, dont la médaille militaire et la médaille d’honneur ou de sauvetage, dont le prestige à bien juste titre est intact, parce que généralement elles sont méritées; les Palmes académiques, le mérite agricole qui se distribuent par brassées, les médailles commémoratives et d’autres de toutes natures, sans compter les Ordres coloniaux, auxquels il faut ajouter les Ordres étrangers, qui pullulent également, au point qu’aujourd’hui en France est décoré qui veut, et que seuls se remarquent ceux qui ne le sont pas.
11, Propos.—Les éd. ant. aj.: et nous estant si familier par l’air François qu’on lui a donné si perfect et si plaisant.
19, Force.—Virtus, en latin, signifie force, courage; de là est venu le mot français vertu, ces qualités constituant, chez les anciens, la vertu par excellence. «La force, dit J.-J. Rousseau, Émile, V, est la base de toute vertu; la vertu n’appartient qu’à un être faible par sa nature et fort par sa volonté» (V. N. II, 86: Vertueux).
20, Militaire.—Cela était encore vrai du temps de Montaigne, mais a cessé d’être. Quand, à la Révolution, Napoléon rétablit les titres nobiliaires, par une pensée bien digne de son génie, il s’en servit pour récompenser tous les genres de mérites et de services, aussi bien ceux rendus dans la vie militaire que dans les charges civiles; dans les lettres, les arts, les sciences, le commerce, l’industrie, l’agriculture qu’à la guerre, et son exemple a été suivi depuis.
CHAPITRE VIII.
Enfants.—Ce chapitre est un des plus beaux des Essais, on y trouve partout du bon sens, de la raison, un jugement exquis. Montaigne y parle en philosophe qui a beaucoup observé, et ses idées sages et réfléchies sur ce sujet de première importance sont exposées d’une manière simple et naturelle dans l’ordre où elles se sont offertes à son esprit. Naigeon.
1, D’Estissac.—Louise de la Béraudière, veuve du baron d’Estissac, devint la maîtresse d’Antoine de Navarre (le père de Henri IV), et épousa, en secondes noces, de Combaut, premier maître d’hôtel du roi. Sa fille, mariée à un de la Rochefoucauld, a apporté à une branche cadette de cette famille le nom d’Estissac qu’elle porte encore.
12, Extrauaguant.—C’était l’avis de Pascal (V. N. I, 678: Vicieux), auquel Voltaire répondait: «Le charmant projet que Montaigne a eu de se peindre naïvement, comme il a fait; car il peint la nature humaine. Si Nicole, Malebranche avaient toujours parlé d’eux-mêmes, ils n’auraient pas réussi. Mais un gentilhomme campagnard du temps de Henri III, qui est savant dans un siècle d’ignorance, philosophe parmi les fanatiques et qui peint, sous son nom, nos faiblesses et nos folies, est un homme qui sera toujours aimé.»
17, L’honneur.—Et reuerence singuliere (add. des éd. ant.).
3, Fils.—Fut un des compagnons de Montaigne, quand celui-ci fit son voyage en Italie en 1580-81; tué en duel en 1586.
6, Puerilité.—Jeunesse, ou mieux enfance, comme portent les éditions antérieures et l’exemplaire de Bordeaux; vient du latin puerilitas, qui a cette même signification.
24, Grande.
24, Aristotelique.—Aristote, Morale à Nicomède, IX, 7.
28, Estre.—D’autant que nous regardons l’être, l’existence, comme une chose précieuse.
8, Moy.—Je préférais les voir mis en nourrice (V. N. I, 462: Nourrice).
17, Nostre... hommes.—Var. des éd. ant.: le plaisir que nous en receuions, non pour eux-mesmes.
22, Mesme.—Au moment, sur le point de le quitter.
32, Effect.—En Guyenne, la législation sur la puissance paternelle, conforme au droit romain, admettait que ce que le fils mineur et non marié acquérait, appartenait au père; dans certaines régions, quel que fût son âge, fût-il marié et père de famille lui-même, il demeurait sous l’autorité paternelle tant qu’il n’était pas émancipé et que, du consentement du père, la vie commune n’avait pas été interrompue pendant dix ans.
21, Moins.—Les Gascons paraissent avoir eu à cette époque assez mauvaise réputation; ce passage de Montaigne implique en eux une certaine tendance à s’approprier le bien d’autrui; ce que confirme Rabelais, III, 42, en y ajoutant encore: «Le Gascon semble vouloir se battre avec tout le monde; il est enclin à dérober; bonnes femmes, prenez garde à votre ménage.»
23, En.—Var. de 80: de Gascogne.
27, Contrées.—Add. de 80: de la France.
37, Aristote.—Morale à Nicomède, IV, 3.
16, Coups.—A deux reprises différentes.
18, Nourrisse.—Pendant l’allaitement (V. N. I, 462: Nourrice).
19, Infortune.—Léonor de Montaigne, dont il est encore parlé au ch. V du liv. III (III, 208), née en 1571, morte en 1616, épousa en premières noces, en 1590, un seigneur de la Tour, mort en 1594; elle en eut une fille, dont la postérité s’éteignit à la première génération. Remariée en 1608 à un vicomte de Gamaches, de cette deuxième union naquit une deuxième fille, dont la descendance est représentée aujourd’hui par les familles de Puysegur, de Segur et Pontac.
38, Questuaire.—C.-à-d. dans les autres états où l’on est obligé de travailler, de rechercher le gain pour vivre; du latin quæstuarius, mercenaire.
41, Ans.—«Le vingt-trois septembre 1565, i’espousai Françoise de la Chassaigne», a inscrit Montaigne dans ses éphémérides.
42, Aristote.—Politiq., VII, 16; porte trente-sept, et non trente-cinq.
42, Trente.—République, VI; de trente à trente-cinq, y est-il dit.—«Conduis ta femme à ta maison en temps opportun, quand tu auras ni beaucoup moins ni beaucoup plus de trente ans; c’est l’âge convenable pour te marier.» Hésiode.
2, Engeance.—Leur lignée, leur progéniture; ce mot ne s’emploie plus guère qu’en mauvaise part:
5, Temps.—Diogène Laerce, I, 26.
6, Gaulois.—Ce que Montaigne attribue ici aux Gaulois, probablement d’après César, celui-ci le dit, non des habitants de la Gaule, mais de ceux de la Germanie, De Bello Gall., VI, 21.
18, D’enfants.—Mahomet, le père de ce roi de Tunis dont il a déjà été question au ch. LV du liv. I (V. N. I, 576: Thunes), avait eu, de différentes femmes, trente-quatre enfants.—J’ai connu, en 1860, un cheikh du Ferdjoua (Province de Constantine, Algérie), Bou Akkas, le dernier chef arabe ayant conservé son indépendance, laquelle a pris fin à cette époque, qui, alors âgé de près de quatre-vingts ans, passait pour en avoir eu soixante-douze dans les mêmes conditions.
19, D’autres.—Platon, Lois, XI.—Jecus, Astylus, etc., étaient des athlètes.
20, Olympiques.—Jeux qui se donnaient durant les fêtes célébrées dans l’ancienne Grèce, à Olympie, en l’honneur de Jupiter Olympien. L’origine de ces fêtes se perd dans les temps fabuleux; elles revenaient tous les quatre ans, avaient lieu au solstice d’été et duraient cinq jours; elles servirent pendant des siècles, pour la supputation du temps. De 776 à 292, les Grecs ne comptèrent que par olympiades.
21, Palæstrine.—Lieu public chez les Grecs et les Latins, où on se formait aux exercices du corps; se disait également des luttes qui constituaient le principal de ces exercices.
37, Pompes.—Les éd. ant. à 88 aj.: et de ses riches atours.
7, Acquise.—Charles-Quint, empereur d’Allemagne et roi d’Espagne, abdiqua la couronne d’Espagne en 1555 (il avait alors 55 ans), en faveur de son fils Philippe II; et, l’année suivante, il céda l’empire à son frère Ferdinand, se retirant au monastère de S.-Just en Estramadure (Espagne), où il demeura jusqu’à sa mort (1558); on dit qu’il regretta vivement le pouvoir dont il s’était démis.
9, Ducat.—Boileau a traduit, ainsi qu’il suit, ces deux vers d’Horace:
14, Monde.—«Les vieillards ne se croient jamais vieux; ils parlent de leur passé, parce que la faiblesse se plaît à revivre le temps de la force, et la souffrance dans le temps des plaisirs; de leur expérience, qui est la chose du monde à laquelle on croit le moins. Ils exigent des respects qui sont des aumônes; tenus dans une dépendance universelle, ils n’obtiennent qu’une compassion sèche. Un homme qui a vécu, c’est-à-dire observé, réfléchi, trouve dans le mépris de toutes choses la seule consolation du vieil âge.» Lamennais.
28, Accoustumé.—Les éd. ant. aj.: de produire librement ce qui me vient à la bouche.
17, Commodité.—Cette cohabitation des parents avec les enfants à même de vivre de leur vie propre et ainsi tenus en tutelle, aboutit rarement au résultat qu’on avait espéré. Montaigne n’en a pas fait l’expérience; il n’a pas vécu jusqu’à un âge où une vie aussi calme que possible devient un impérieux besoin, ce que, malgré les apparences, les conditions qu’il préconise réalisent rarement. Chacun chez soi, ou à sa chacunière, suivant sa propre expression, est, à cet égard, ce que l’on peut faire de mieux.
21, Reume.—On comprenait alors sous ce nom de rhume: les catarrhes, la goutte et plusieurs autres maladies. Payen.
37, Authorité.—Comme si la nature n’avait pas assez bien pourvu à notre autorité.
38, Famille.—Henri IV introduisit pareillement cette réforme dans sa famille, «car il ne voulait pas, dit Péréfixe, que ses enfants l’appellassent monsieur, nom qui semble rendre les enfants estrangers à leur pere et qui marque la servitude et la sujetion; mais qu’ils l’appellassent papa, nom de tendresse et d’amour» (Hist. de Henry le Grand).
6, Cheneuiere.—Mannequins ou drapeaux servant à mettre en fuite les oiseaux qui viennent manger les graines en terre, dans les champs où croît le chanvre, ou tous autres ensemencés.
22, Addonne.—S’attache à lui.
12, Desseignée.—Faite à dessein, préparée d’avance.
14, Œconomies.—Soins de ménage, administration de maison; c’est dans ce même sens qu’on dit: l’Économique d’Aristote, de Xénophon.
14, Effect.—C.-à-d. j’ai vu assez de ménages où les choses, pendant un temps souvent long et d’une façon continue, se passaient exactement ainsi.
16, Maris.—Montaigne veut dire: «Les femmes ont toujours du penchant à contrarier la volonté des maris» et sa phrase est passée à l’état de dicton.
16, Couuertures.—Prétextes, moyens détournés.
32, D’ennemis.—Sénèque, Epist. 47; Macrobe, Saturnales, I, 11, etc.
21, De Montluc.—L’auteur des Commentaires.—Son fils Bertrand, dit le capitaine Peyrot, se rendait en Afrique avec trois vaisseaux qu’il avait équipés, pour y tenter aventure et s’y créer un établissement. Une tempête le porta sur l’île de Madère où, bien qu’on fût en paix avec les Portugais, ils firent feu sur lui; il descendit à terre, prit la place et se fût emparé de l’île, s’il n’eût été blessé à mort (1568).
4, Tyrannique.—«Je ne puis lire qu’avec les larmes aux yeux (dans les Essais de Montaigne) ce que dit le maréchal de Montluc du regret qu’il a de ne s’être pas communiqué à son fils, et de lui avoir laissé ignorer la tendresse qu’il avait pour lui. Mon Dieu, que ce livre est plein de bon sens.» Mme de Sévigné, Lettre à sa fille.
7, Science.—Les éd. ant. à 88 port.: souuenance.
9, Amy.—Cette invocation s’adresse au souvenir de La Boétie.
12, Obseques.—De m’en remémorer à tout jamais, constamment, le souvenir.—«Il devrait y avoir dans le cœur des sources inépuisables de douleur pour certaines personnes.» La Bruyère.
18, Cæsar.—De Bello Gal., VI, 18.
30, Escus.—Il y avait le petit écu et l’écu de six livres. Quand la valeur n’était pas spécifiée, c’était toujours du petit écu qu’il était question; il valait trois livres, soit environ trois francs de notre monnaie.
36, Dot.—Sa femme, Françoise de Chassaigne, lui avait apporté 7.000 livres de dot, et renoncé à tous droits sur la succession de ses père et mère.
37, Maisons.—La maison est ce qui porte le nom.—La dot apportée par la femme demeurant sa propriété, ce pouvait être, dans l’idée, une cause de ruine, si elle était considérable, parce qu’elle était tenue en dehors des dépenses d’ordre général, qu’il fallait qu’elle se retrouvât intacte lors de la dissolution du mariage, pendant lequel la femme avait tendance à l’accroître au préjudice de la communauté et aussi à s’en prévaloir pour augmenter son luxe tout en en laissant la charge au mari.
19, Mere.—Les livres saints (Proverbes, XXXI, 3) disent: «Ne donnez point votre bien aux femmes.»
7, Masculines.—Attribution à des héritiers mâles, d’héritages qui devraient revenir à des femmes, afin d’empêcher que par elles ils ne passent dans des maisons étrangères.—A sa mort, Montaigne n’a pas été conséquent avec lui-même; cédant précisément à ces préoccupations masculines qu’il condamne quelques lignes plus bas, mû par le désir de perpétuer son nom, ce à quoi son livre a surabondamment pourvu, il a fait un testament par lequel il disposait de plus qu’il ne possédait et instituait le puîné de ses descendants héritier de sa terre et de son nom, ce qui a donné lieu à un procès qui ne s’est terminé que deux siècles après; le seigneur et le philosophe, en cette circonstance, se sont tenus nettement en contradiction. Le fait s’est produit dans les conditions ci-après: En 1590, lors du mariage de sa fille Eléonore avec François de la Tour, Montaigne attribua par contrat de mariage, avec substitution graduelle et perpétuelle au second des enfants mâles qui naîtraient de ce mariage, la terre de Montaigne, ses dépendances et une somme de 30.000 livres. François de la Tour mourut en 1594, laissant une fille, Françoise, qui, en 1600, n’ayant que six ans, fut fiancée à Honoré de Lur qui n’en avait que neuf; le contrat définitif de mariage fut passé en 1607. L’année suivante, Eléonore se remariait au vicomte de Gamaches, et dès ce moment la disposition insérée par son père dans son premier contrat devint un sujet de difficultés entre les deux branches. Françoise de la Tour était morte en 1613, laissant un fils, le vicomte d’Orellian, né l’année précédente; Eléonore, en 1616, lorsqu’elle mourut, le nomma à la substitution de la terre de Montaigne. De son second mariage, elle avait eu une seconde fille, Marie de Gamaches, qui épousa Louis de Lur, baron de Fargues, frère d’Honoré, le mari de sa sœur Françoise (V. N. I, 74: Salusse). Un accord survenu en 1627 entre les deux frères régla à l’amiable le différend pendant par suite de la substitution; mais la mort du vicomte d’Oreillan, tué en 1639, au siège de Salces, dans le Roussillon, rouvrit les revendications de la branche cadette et il en résulta une série de procès qui durèrent deux cents ans.
21, Platon.—Lois, XI.
29, Delphique.—«Γνωθὶ σεαυτόν (Connais-toi toi-même)», inscription qui était gravée au fronton du temple d’Apollon à Delphes. V. N. I, 28: Congnoy.
12, Loy.—La loi salique, code civil et pénal des Francs Saliens. Un de ses articles fixe que les mâles seuls peuvent succéder au fief donné au guerrier en vue du service militaire; appliquée jusqu’alors uniquement aux propriétés particulières, elle le fut, pour la première fois, à la couronne de France, en 1316, à la mort de Louis le Hutin.
26, Petits.—Add. des éd. ant.: ny goust de parenté.
31, Charge.—Ce qui n’empêche que les siens, «il ne les souffrait pas volontiers nourris près de lui» (II, 22), «et qu’il en a mis deux ou trois en nourrice» (I, 462 et N. Nourrice).—Ce qui convient sur ce point, en ces temps-ci où les santés et les constitutions sont si délabrées par l’hérédité de parents déjà malingres ou avariés dans le sens général du mot comme dans celui plus spécial dans lequel on l’emploie aujourd’hui, par la vie à outrance que chacun mène soit pour ses plaisirs, soit par nécessité de situation et les habitudes nouvelles, et aussi par la sophistication la plus étendue et la plus éhontée de toutes les denrées alimentaires, semble être que l’enfant est à mettre en nourrice si la mère est vraiment hors d’état de l’allaiter dans de bonnes conditions et qu’elle est coupable lorsqu’elle s’affranchit de le nourrir elle-même, étant à même de le faire.
36, Nostres.—Il en est malheureusement encore ainsi; pourtant la législation est récemment intervenue pour, dans une certaine mesure, prévenir les abus: elle interdit notamment de priver tout enfant de moins de trois mois, du lait de sa mère pour le donner à un nourrisson. Dans sa comédie des «Remplaçantes», M. Brieux combat ces mêmes errements si contraires aux lois de l’humanité; mais plus nous allons, moins on a de propension à faire passer avant toute autre considération l’intérêt de l’enfant, d’après lequel toute femme qui peut nourrir son enfant et ne le fait pas commet un crime, et que celle qui, ne le pouvant pas, s’y obstine pouvant faire autrement, tout en étant excusable, parce qu’elle obéit à un sentiment naturel, n’en commet pas moins une faute grave.
17, Indifferemment.—Si dans certaines contrées les femmes étaient en commun, il en était d’autres où les mariages se faisaient à la criée, conte également Hérodote. En Babylonie, une fois l’an, dans chaque bourgade, les filles nubiles étaient réunies et divisées en deux catégories: les belles, et celles qui ne l’étaient pas, étaient estropiées, etc. On commençait par les premières et dans celles-ci par la plus belle, chacune était successivement attribuée au plus offrant; on passait ensuite aux autres en procédant par la moins avenante. Le prix d’adjudication des premières était payé par les acheteurs, et pour les secondes remis aux acquéreurs, l’argent versé pour les belles servant de la sorte à constituer des dots aux laides.
19, Pas.—Hérodote, IV, 180, dit que l’on regarde alors comme le père de chaque enfant celui auquel il ressemble le plus.
21, Autres nous mesmes.—Les éd. ant. port.: chair de nostre chair et os de nos os.
32, Platon.—Dans Phèdre.
2, Fille.—Nicéphore, XII, 34.—Ses histoires éthiopiques qui comprennent entre autres l’histoire amoureuse de Théagène et Charyclée, qu’appréciait tellement Racine que, dit-on, il la savait par cœur. Le fait raconté par Montaigne est contredit par Bayle, Héliodore.
20, Estudes.—Ce genre de peine, qui ne s’applique plus aujourd’hui, s’est longtemps maintenu de pratique courante; et, jusqu’à la Révolution, on condamnait au feu et on brûlait un peu partout, en France, en Angleterre, aussi bien qu’à Rome, les livres frappés d’interdit et notamment ceux entachés d’hérésie.—En 1735, Voltaire eut ses Lettres philosophiques, ou Lettres anglaises, brûlées à Paris par la main du bourreau; et en 1760, il en fut de même, à Genève, de l’Émile de J.-J. Rousseau.
28, Ensemble.—Sénèque le Rhéteur, Controverses, V.—Ce Labienus n’est pas le fils, mais le petit-fils du lieutenant de César, qui, devenu son adversaire, périt à la bataille de Munda (45). Quintus son fils alla, après la mort de César, chez les Parthes pour les décider en faveur de Brutus, et fut vaincu, pris et mis à mort par Ventidius, lieutenant d’Antoine.
37, Manger.—Tacite, Ann., IV, 34.—En 20; c’était la première fois qu’une accusation de ce genre était portée; elle le fut à l’instigation de Séjan: l’auteur se défendit avec énergie en présence même de Tibère. L’ouvrage condamné échappa nonobstant à la destruction; on le cacha et plus tard il reparut.
4, Bouche.—Tacite, Ann., XV, 70. En 65; Lucain avait participé à la conjuration de Pison contre Néron, par ressentiment de ce que ce dernier, par jalousie littéraire, cherchait à étouffer la gloire de ses vers et lui avait défendu de les montrer. Tandis que, les veines ouvertes, son sang s’échappait et qu’il allait s’affaiblissant, il se rappela un passage où il avait décrit chez un soldat blessé une mort analogue et s’éteignit en les récitant. V. II, 66 et N. Lucain.
10, Epicurus.—Diogène Laerce, X, 22; Cicéron, De Finibus, II, 30.
22, Enfans.—Saint Augustin, d’après ses Confessions, aurait eu des enfants, avant sa conversion; mais cette appréciation de Montaigne, qui est de celles qu’on lui a reprochées, ne saurait être incriminée que par des critiques par trop superficiels, ce n’est chez lui qu’une manière de dire.
33, Rome.—Les éd. ant. port.: France.
34, Aristote.—Morale à Nicomaque, IX, 7.
38, Lacedemoniens.—Diodore de Sicile, XV, 87.—Épaminondas blessé mortellement à la bataille de Mantinée (363), ses amis l’entouraient et l’un d’eux s’écria en pleurant: «Ah! Épaminondas! faut-il que tu meures sans enfants!»—«De par Jupiter, répondit celui-ci, cela n’est pas; je laisse deux filles, la victoire de Leuctres et celle de Mantinée.»—D’après Cornélius Népos, Épaminondas, 10, ce grand capitaine n’aurait parlé que d’une fille, la bataille de Leuctres, ignorant peut-être à ce moment que son nouveau succès qui lui coûtait la vie fût aussi complet (V. N. I, 344: Reng; N. III, 18: Epaminondas).
39, D’eschanger... gorgiasses.—Var. des éd. ant.: à eschanger celles-là aux mieux nées et mieux coiffées.
1, Estre.—Tous deux en eurent: Alexandre en eut un, Hercule, de Barsine, fille d’Artabase, du sang des rois d’Arménie, ce fils atteignit l’âge de dix-sept ans; et un autre posthume, Alexandre, de Roxane, fille d’un satrape de Perse. Cassandre, fils d’Antipater, les fit mourir tous deux avec leurs mères (V. N. III, 14: Possession). L’histoire conserve encore le souvenir d’un troisième, né de Cléophis, reine d’un royaume des Indes, qui reçut son nom et régna sur les états de sa mère.—De César, on connaît Césarion, qu’il eut de Cléopâtre (V. N. II, 634: Cæsarion); on lui attribuait aussi la paternité de Brutus, l’un de ses assassins, fils de Servilia, sœur de Caton d’Utique.
1, Phidias.—Ses œuvres les plus célèbres sont: le Jupiter Olympien, les sculptures du Parthénon, dont il fut l’architecte, et la statue de Minerve, qui en surmontait le fronton.
6, Filles.—Attila avait un grand nombre de femmes parmi lesquelles se trouvait une de ses filles, nommée Esca; ces alliances incestueuses n’étaient pas réprouvées par les Huns.—Dans des conditions particulières, l’histoire des filles de Loth nous présente quelque chose d’analogue (Genèse, XIX).
6, Fils.—Cette assertion de Montaigne évoque le souvenir de la réplique de Marie-Antoinette accusée, devant le Tribunal révolutionnaire, d’avoir corrompu son fils, dans la tour du Temple: «La nature se refuse à pareille question faite à une mère; j’en appelle à toutes celles qui sont ici» (1793).—Et cependant on a accusé Agrippine d’avoir cherché à retenir, par ce moyen, son influence sur son fils qu’elle sentait lui échapper; mais ce fils était Néron, et l’une comme l’autre étaient des prodiges de vice.
8, Pygmalion.—Devint amoureux de la statue de Galathée qui était son propre ouvrage, obtint de Vénus que ce marbre s’animât et l’épousa. Myth.—Cette fable est le sujet d’un charmant opéra-comique de Massé, paru en 1852.
CHAPITRE IX.
20, Salade.—Casque léger sans cimier, ou armet, à l’usage des hommes à cheval du XVe au XVIIe siècle, qui venait des Italiens qui l’appelaient celata, dont par corruption on a fait salade.
24, Esloigner.—S’éloigner de; cette même construction se rencontre en Corneille dans sa tragédie de Pompée:
29, Cortex.—Il s’en fabrique aujourd’hui pour les colonies, confirmant le proverbe que rien n’est nouveau sous le soleil; il est vrai que ce n’est pas comme défense contre le plomb ou le fer, mais contre les rayons solaires.
8, Tacitus.—Annales, III, 43.
11, Lucullus.—Plutarque, Lucullus, 13.
12, Garentir.—On l’a essayé; les cuirasses des navires, les tourelles et coupoles cuirassées en acier chromé qui protègent les pièces d’artillerie, les bétonnages épais qui revêtent les parapets ou recouvrent les abris, réalisent dans une certaine mesure cette garantie contre le canon; on a été moins heureux pour les abris mobiles offrant dans la guerre de campagne une protection tant soit peu efficace, où les tranchées-abris et les boucliers métalliques des pièces d’artillerie d’usage récent donnent seuls des résultats appréciables.
19, Elephans.—Les éléphants jouèrent un grand rôle dans les guerres d’Alexandre et de ses successeurs, dans celles de Pyrrhus en Italie, durant les guerres puniques du côté des Carthaginois. On leur protégeait la tête et le poitrail, on garnissait leurs défenses de pointes d’acier et on les surmontait de tours portant généralement de six à huit hommes; la Bible parle de 32, cela semble exagéré.—Actuellement, on les emploie encore aux armées, dans les pays où on peut s’en procurer aisément, dans les Indes, aux transports, voire même à celui de pièces d’artillerie légères.—En certaines autres contrées, notamment en Afrique, dans le Sahara, entre l’Algérie et Tombouctou, on utilise de même, pour les expéditions qui s’y font, le méhari, dromadaire de selle, qui peut soutenir, pendant une quinzaine de jours, des marches quotidiennes de 70 kilomètres et franchir en cas de besoin 120 kilomètres en douze heures; le méhari est la monture habituelle des Touareg, seuls habitants de cette région. Déjà, en 1798, lors de la campagne d’Égypte, avait été constitué un régiment de dromadaires pour pouvoir excursionner dans le désert et y atteindre l’ennemi en fuite.
21, Chausse-trapes.—Clou de 12 à 15 centimètres de long, formé de quatre pointes dont une se trouve toujours en l’air.—En Espagne, en 124. Valère Maxime, III, 7, 2, dont le fait est tiré, ne le présente que comme une idée proposée à Scipion qui la repoussa; aujourd’hui on n’en agirait pas de même; on estime avec raison que tout, en dehors de ce qui est déloyal, est licite à la guerre, qui de fait n’est soumise qu’à la loi du plus fort et à celle, fort élastique et peu précise, de la conscience des belligérants.
28, Gauche.—Plutarque, Apophth. de Scipion le Jeune, 18.—Allusion à ce que le bouclier, arme défensive, se portait au bras gauche, et que les armes offensives, armes de main et armes de jet, se maniaient avec la main droite et qu’à la guerre attaquer vaut mieux que se défendre.
36, Caracalla.—Xiphilin, Caracalla.
38, Morion.—Casque à l’usage des hommes à pied, assez semblable à celui du nom de «salade», affecté aux gens à cheval (V. N. II, 54: Salade).
38, Escu.—Bouclier; vient du latin scutum, provenant lui-même du grec scutos (cuir), parce qu’anciennement les boucliers étaient en cuir.
2, Paux.—Pieux, palissades; pluriel de pal, du latin palus qui a cette signification.
3, Poix.—Dans nos dernières guerres, le chargement du fantassin s’élevait à une vingtaine de kilos, soit un tiers de moins que celui du soldat romain. Malgré cette énorme différence, ce poids est devenu écrasant pour notre époque où tout ce qui est à peu près valide est appelé sous les drapeaux, et n’a pas la force des soldats de métier des temps passés; aussi s’évertue-t-on à réduire ce chargement à l’indispensable, ce qui permettra de le ramener à douze ou treize kilos. Mais, au lieu de supprimer l’excédent, on en surcharge les trains régimentaires, perdant de vue que fréquemment, avec nos armées à gros effectifs, ils ne rejoindront pas et qu’en outre, il est bien inutile de les encombrer d’effets de remplacement, alors qu’on peut si facilement en assurer le renouvellement par les services de l’arrière au fur et à mesure des besoins.
5, Haste.—Plutarque, Marius, 4.—Ses exigences envers ses soldats leur avaient fait donner le sobriquet de «mulets de Marius»; toutefois on assigne encore une autre origine à cette appellation: Au siège de Numance, Scipion examinait les chevaux et mulets de ses troupes, pour vérifier en quel état ils se trouvaient; Marius amena les siens qu’il soignait lui-même et les présenta en si bon état qu’il passa dès lors en proverbe, pour louer avec raillerie un homme laborieux, assidu et patient, et en particulier un soldat présentant ces qualités, de dire que c’était un mulet de Marius.
9, Cuit.—Plutarque, Apophth. du second Scipion.—En 133. Scipion, nommé consul pour la seconde fois, vint prendre en Espagne le commandement de l’armée qui, devant Numance, était depuis dix ans tenue en échec. Il y trouva un grand désordre. Il chassa du camp deux mille femmes de mauvaise vie, les aruspices, les devins qui la transformaient en un lieu de débauche et un champ de foire; en bannit le luxe; ordonna que l’on dînât debout, sans manger de viande chaude; au souper, on pouvait s’asseoir, mais on devait se borner à de la soupe et un plat de viande; lui-même s’était mis à ce régime et, vêtu d’un manteau noir, disait qu’il portait le deuil de son armée. A ses soldats, il fit élever des murailles, creuser des fossés qu’il renversait et comblait ensuite: «Qu’ils se couvrent de boue, disait-il, puisqu’ils ne veulent pas se couvrir de sang.» Il temporisa pour attaquer à nouveau l’ennemi, jusqu’à ce qu’il se crût en mesure de l’emporter, et finit par les réduire à s’entr’égorger. Après la prise de la ville, les vieillards reprochaient à leurs défenseurs de s’être laissé battre par des gens qu’ils avaient battus tant de fois; un d’eux leur répondit: «Les moutons sont bien les mêmes, mais le berger a été changé.»
14, Marcellinus.—Ammien Marcellin, XXIV, 7.—Fit longtemps la guerre en Germanie, dans les Gaules, et accompagna l’empereur Julien dans son expédition contre les Perses (V. N. II, 532: Marcellinus).
17, Romaine.—Les éd. ant. aj.: Or, par ce qu’elle me semble bien fort approchante de la nostre, i’ay voulu retirer ce passage de son autheur, ayant pris autresfois la peine de dire bien amplement, ce que ie sçauois sur la comparaison de nos armes, aux armes Romaines: mais ce lopin de mes brouillars m’ayant esté desrobé auec plusieurs autres, par vn homme qui me seruoit, ie ne le priueray point du profit, qu’il en espere faire: aussi me seroit-il bien malaisé de remascher deux fois vne mesme viande.
21, Lieu.—Ammien Marcellin, XXV, 1.
38, Bardes.—Avec son armure et celle de son cheval.
41, Soixante.—Plutarque, Démétrius, 6.—Montaigne fait quelque changement au récit de l’historien qui dit qu’Alcymus revêtait une armure de cent vingt livres, tandis que celles de Démétrius et de tous autres n’étaient que de soixante; et que le roi en fit faire deux pour Alcymus et pour lui-même, qui n’en pesaient que quarante, mais se distinguaient par la trempe du métal, si bien qu’à la distance de vingt-six pas, un trait lancé par une machine de l’époque n’y produisait qu’une empreinte très légère, à peine perceptible.
CHAPITRE X.
Liures.—Dans ce chapitre, Montaigne passe en revue les principaux auteurs latins ou français dont il faisait sa lecture habituelle et qui ont fourni la majeure partie des faits ou des idées qui ont servi soit de point de départ, soit d’arguments à l’appui des réflexions qui composent les Essais.
4, Acquises.—«Comment Montaigne peut-il parler ainsi, après les lectures infinies dont son ouvrage même est la preuve? N’est-ce pas acquérir que de lire beaucoup, et surtout de réfléchir, comme lui, sur tout ce qu’on a lu?» Servan.
14, Retention.—Je suis homme qui ne retiens rien de ce que j’ai appris.
15, Iusques... i’en ay.—Les éd. ant. port.: ce que ie pense: Excutienda damus præcordia (donnant nos pensées pour ce qu’elles valent), citation qui n’est donnée que par l’éd. de 88, et qui est rayée en cette place sur l’ex. de Bordeaux et reportée sur cet exemplaire et la présente édition liv. III, ch. IX, III, 444: et iusques à quel poinct monte, pour cette heure, la connoissance que i’ay de ce dequoy ie traitte.
16, S’attende.—Ne s’arrête pas.
16, Matieres... i’y donne.—Var. des éd. ant.: choses de quoy ie parle, mais à ma façon d’en parler et à la creance que i’en ay.
17, Qu’on voye... sçauroient payer.—Var. des éd. ant.: Ce que ie desrobe d’autruy, ce n’est pas pour le faire mien; ie ne pretends icy nulle part que celle de raisonner et de iuger: le demeurant n’est pas de mon rolle. Ie n’y demande rien sinon qu’on voie si i’ay sceu choisir ce qui ioignoit iustement à mon propos. Et ce, que ie cache parfois le nom de l’autheur à escient és choses que i’emprunte, c’est pour tenir en bride la legereté de ceux qui s’entremettent de iuger les choses par elles-mesmes, s’arrestent au nom de l’ouurier et à son credit.
26, Solage.—Terroir, terrain; du latin solum qui a cette même signification et dont nous avons fait sol.
28, Escrits.—Les éd. ant. aj.: et n’ayant pas le nez capable, de gouster les choses par elles-mesmes, s’arrestent au nom de l’ouurier et de son credit.
1, Vulgaire.—Qui sont en langage vulgaire, ce qui met tout le monde à même d’en parler, et aussi donne à croire qu’il n’y a rien que de vulgaire dans le plan et les pensées.
3, Veux.—Les éd. ant. port.: Ie veux qu’ils s’eschaudent à condamner Ciceron et Aristote en moy, au lieu de: «Ie veux... moy».
5, Musser.—Cacher par de belles paroles: «Louis XI savait, par de belles paroles, donner la musse à ses ennemis.» Pasquier.
5, Credits.—«Montaigne a commis plagiats sur plagiats; il s’en accuse en particulier envers Sénèque, Plutarque, déclarant que s’il ne signale pas les emprunts qu’il leur a faits, c’est qu’il est bien aise que ceux qui critiqueront les Essais, critiquent ces auteurs et autres dont il s’est inspiré, en croyant le critiquer lui-même; mais, au moins en ce qui touche Sénèque, il est plus facile que Montaigne ne le croit de reconnaître la phrase courte, figurée, sentencieuse, presque toujours antithétique de l’auteur latin, au travers de la riche abondance du style des Essais, étendue sans être lâche, détaillée sans être prolixe.» Ch. Nodier.
Quant à Cicéron, vis-à-vis duquel il est très sévère et qu’il ne nomme pas parmi ceux auxquels il a fait des emprunts très considérables cependant, S. de Sacy écrivait en 1865: «Je viens de relire Cicéron et je sais Montaigne par cœur; j’affirme que les traités philosophiques du premier, dont celui-ci dit: «qui me peuvent servir chez lui, à mon desseing», notamment ceux de la Nature des dieux et de la Divinité, ont passé presque tout entiers dans les Essais; on peut même y joindre les Tusculanes et les Questions académiques. Non seulement Montaigne a pris le fond, il s’est aussi inspiré de la forme.»—Par contre, Charron, dans son traité de la Sagesse, a copié textuellement de Montaigne ses plus magnifiques passages et d’autres aussi que Montaigne a tirés de Sénèque ou de tel autre. La Mothe le Vayer, La Bruyère, S.-Evremond, Fontenelle, Bayle et Voltaire ne se sont pas montrés plus délicats; mais aucun d’eux cependant n’approche de Pascal dans l’audace du larcin. Parmi les Pensées de ce dernier il y en a qui lui appartiennent en propre, ce sont celles empreintes de mélancolie superstitieuse, morose, et comme illuminée, qui trahit l’état où le plongeait la maladie; mais ces élans d’une âme forte, ces traits grands et inattendus, dont on a dit qu’ils tenaient plus des dieux que de l’homme, c’est Timée de Locres, S. Augustin, Charron et spécialement Montaigne qui les ont fournis; et le ton tranchant et dédaigneux dont nonobstant il parle des Essais, comme si, non content de s’en être enrichi, il voulait les perdre de considération pour hériter seul de leur gloire, impressionne défavorablement. Ch. Nodier.
9, Nation.—C.-à-d. d’où ils viennent.
21, Bande.—Sergent de bande ou de bataille; celui qui les jours de combat rangeait les troupes en bataille.
27, Temerairement.—C.-à-d. dont on peut parler sans préparation et hardiment.—Personne n’a jamais et plus exactement rendu le pêle-mêle, la demi-science, le jugement qui se rencontrent dans les Essais, que leur auteur ne le fait ici.
31, Science.—Add. des éd. ant.: mesme.
6, Primsautier.—Qui fait ses plus grands efforts du premier coup, de prime saut; du latin a primo saltu. V. N. I, 620: Prim-saut.
9, Dissipe.—L’exemplaire de Bordeaux porte ajouté, puis rayé: mon esprit pressé se iette au rouet.
18, Intelligence.—Les éd. ant. port.: ne se satisfaict pas d’vne intelligence moyenne, au lieu de: «ne sçait... intelligence».—Montaigne veut dire qu’il n’avait qu’une médiocre connaissance de la langue grecque, ce qu’il a déjà indiqué au ch. XXV du liv. I et au ch. IV du liv. II, ce qui ne l’empêche pas d’en citer assez souvent des passages.
19, Decameron.—Ouvrage capital de Boccace, publié en 1352 et qui l’a placé à la tête des prosateurs italiens et a immortalisé son nom. C’est un recueil de cent nouvelles pleines de gaîté, où la décence n’est pas toujours respectée, mais dont le style original n’a été égalé par aucun des écrivains contemporains de l’auteur.
19, Rabelays.—Auteur de l’histoire de Gargantua et Pantagruel, roman satirique publié de 1533 à 1534 (en partie après la mort de l’auteur), rempli de folies, d’extravagances, de quolibets, de mots barbares et forgés à plaisir, de passages inintelligibles, et, en même temps, plein d’originalité, de bon sens et même d’érudition; c’est un ouvrage où le fond et la forme sont tout imagination, mais qui, dans certains détails, offre d’utiles leçons, des allusions piquantes et de sévères censures; les moines et le clergé y sont surtout fort maltraités.—Rabelais, disait Boileau, veut toujours être plaisant et l’est toujours.—Nul, disait J.-J. Rousseau, n’a mieux connu les richesses et l’énergie de la langue française et n’en a su si bien tirer parti.
20, Second.—Poésie latine du genre élégiaque, publiée en 1541, se composant d’épigrammes sur le sujet constituant le titre de l’ouvrage.—L’auteur, mort n’ayant pas encore vingt-cinq ans, un des meilleurs poètes latins modernes, fut qualifié par un de ses contemporains, par ce jeu de mots: «Jean Second, qui fut loin d’être le second parmi ceux de son époque».
20, Tiltre.—Add. des éd. ant.: et des siecles vn peu au dessus du nostre l’Histoire Æthiopique.
21, Amadis.—Ce roman espagnol de chevalerie, autrefois très célèbre, a pour héros Amadis de Gaule, dit le Chevalier du lion, fils de Perion, roi fabuleux de France, qui est resté le type des amants constants et respectueux, aussi bien que de la chevalerie errante dans ce qu’elle avait de noble et de beau; on pense que les aventures qui y sont relatées, n’ont rien d’historique, on ne sait même à quelle époque les rapporter. La traduction qui en a été faite au XVIe siècle par le Sieur des Essarts a été longtemps en grande faveur et fut longtemps classique; on peut y cueillir, disait un écrivain de ce temps, toutes les belles fleurs de notre langue française.
24, L’Arioste.—Auteur italien de Roland furieux (Orlando furioso), épopée chevaleresque publiée en 1516, dont Roland, neveu de Charlemagne, est le héros et où les exploits des paladins sont racontés avec un art inimitable qui mêle le plaisant et le sérieux, le gracieux et le terrible, et fait marcher de front une foule d’actions diverses qui toutes intéressent.
25, Ouide.—Dont le chef-d’œuvre est sans contredit son poème des Métamorphoses, un des plus brillants monuments de la poésie latine, vaste épopée qui embrasse tous les faits de la mythologie et des temps fabuleux.
31, Axioche.—Dialogue d’une très haute antiquité; longtemps attribué à Platon, bien qu’il n’en reflète pas le style, et qui au jugement des meilleurs critiques serait d’Eschine, disciple de Socrate.
33, Outrecuidé.—C.-à-d. il n’est pas si vain, comme portent les éditions antérieures; ou: il n’est pas si sot, comme il y a dans l’exemplaire de Bordeaux.
34, Qu’il tient... faillir.—Var. des éd. ant.: ny ne se donne temerairement la loy de les pouuoir accuser.
3, Esope.—Ces fables ne sont pas de lui; les Grecs se sont emparés de ses apologues et les ont arrangés sous diverses formes, soit en vers, soit en prose; mises en recueil, pour la première fois, 200 ans après sa mort, elles ont été traduites dans toutes les langues et imitées notamment par Phèdre et La Fontaine.
8, Virgile.—L’Énéide, les Géorgiques et les Bucoliques composent l’œuvre de Virgile.—Les Bucoliques sont des églogues ou pastorales écrites avec esprit et élégance, quelquefois vagues et obscures, mais où se révèle déjà néanmoins le génie de leur auteur, alors âgé de 25 ans. Les Géorgiques, qui suivirent, sont un poème didactique, un ouvrage d’économie rurale où se trouvent décrits les travaux des champs et le bonheur de la vie champêtre; on y admire une infinie variété de formes, la richesse des descriptions, une sensibilité pénétrante qui anime tout, enfin une excellence littéraire qu’il est impossible de trouver une seule fois en défaut.—L’Énéide, poème épique, dont le héros est Énée, prince troyen venu d’après les traditions s’établir en Italie, dans le Latium, après la chute de Troie et auquel les Romains faisaient remonter leur origine. L’auteur y chante le berceau de Rome et les antiquités de l’Italie; c’est une composition plutôt faible sous le rapport du plan et des caractères, mais on y admire l’art de rendre la passion, l’exquise délicatesse des vers, la perfection du style, le fini de l’exécution. Virgile, quand il mourut, n’avait pas entièrement terminé l’Énéide qu’il travaillait depuis dix ans, et par son testament, il ordonna de jeter au feu son œuvre inachevée; l’empereur Auguste s’y opposa.
8, Lucrece.—Imbu des principes d’Épicure, Lucrèce s’est fait, au Ier siècle, l’apôtre du matérialisme et de l’athéisme dans son poème philosophique célèbre «De la Nature des choses», écrit dans un langage d’un souffle puissant et parfois sublime, sans égal dans aucune langue, comme audace de pensée, amertume de sentiment et rigueur de logique.
9, Catulle.—Catulle réussit surtout dans l’épigramme et le genre érotique; on a aussi de lui deux poèmes épiques qui, notamment celui des Noces de Pélée et de Thétis, révèlent des qualités sérieuses en ce genre; tout cela d’un style exquis, achevé, d’une brièveté raffinée sous un air de simplicité extrême.
9, Horace.—Quatre livres d’odes, un d’épodes, deux de satires, deux d’épîtres, et une épître aux Pisons connue sous le nom d’Art poétique, composent l’œuvre de ce poète si célèbre. Dans ses odes, il se montre à la fois brillant, énergique, sublime et naïf, délicat, gracieux; ses satires et ses épîtres sont des modèles d’urbanité, de raillerie douce et bienveillante; son Art poétique est un poème didactique que Boileau a imité en le développant et qui encore aujourd’hui est le code des hommes de goût. Horace est le type accompli de l’épicurien latin; c’est un poète élégant et habile, un moraliste spirituel et savant; il est aussi courtisan, sans cesser de conserver une certaine liberté de langage et d’humeur; de caractère indépendant, il faisait consister le bonheur dans l’usage modéré des biens de la vie.
15, Lucain.—Auteur de la Pharsale, poème épique où il raconte la guerre civile entre César et Pompée; œuvre brillante et élevée, mais pompeuse et déclamatoire; au reste le poète n’eut guère le temps de la polir et de la terminer, obligé qu’il fut de se donner la mort par ordre de Néron. V. II, 50, et N. 52: Bouche.
17, Terence.—Il ne nous reste plus de lui que six comédies, parmi lesquelles l’Andrienne. Térence était l’ami de Scipion Émilien et de Lelius qui, dit-on, prirent quelque part à la composition de ses pièces; son style est élégant et pur, la composition chez lui est régulière, le ton parfait, mais souvent l’intérêt est presque nul et on y trouve peu de mouvement et de gaîté.
23, Inegale.—Le style de l’Énéide est beaucoup plus parfait que celui de Lucrèce, sa poésie plus magnifique, quoique ennuyeuse parfois; mais celui-ci est plus plein, pense davantage, est par moment aussi grand poète, et a plus d’originalité.
30, Plaute.—Il nous reste de lui une vingtaine de pièces qui, la plupart, ont été imitées par nos auteurs français. Il est caractérisé par son originalité, des coups de théâtre imprévus, un dialogue rapide, une verve étincelante, des pointes, des jeux de mots, des charges souvent grossières, mais vraies au fond; il est franchement comique et faisait les délices du peuple.
32, Romaine.—Cicéron.
34, Compagnon.—Ce juge, c’est Horace qui dit dans son Art poétique, v. 270: «Il est vrai que nos pères ont goûté les vers et les saillies de Plaute; à mon sens, leur admiration a été excès d’indulgence, pour ne pas dire sottise.»
10, Oublions... fable.—Var. des éd. ant.: fuyons la fin de son histoire.
15, Petrarchistes.—A l’imitation de Pétrarque, l’un des créateurs de la langue italienne, célèbre entre autres par les sonnets et les centons qu’il écrivit pour Laure de Noves.
19, Martial.—Auteur d’épigrammes sur toutes sortes de sujets, pièces fugitives, élégantes, acérées, écho fidèle de la dépravation de l’empire romain, et dont bien des traits, encore justes, pourraient s’appliquer à notre époque; à beaucoup d’esprit, joint souvent une licence excessive et parfois aussi une basse adulation.
26, Sont assez... iambes.—Var. de 88: peuuent aller à pied.
29, Noblesse.—Add. des éd. ant. à 88: en recompense de cette grace qu’ils ne peuuent imiter.
36, Iours.—C.-à-d. vêtus des habits qu’ils mettent d’ordinaire, comme portent les éditions antérieures; cette expression est encore en usage et assez répandue en France.
1, Auoir besoin... sauuages.—Var. des éd. ant.: il faut qu’ils s’enfarinent le visage, il leur faut trouuer des vestements ridicules, des mouuements et des grimaces.
14, Furieux.—L’Orlando furioso, ou le Roland furieux de l’Arioste, œuvre capitale de ce poète, où il raconte les exploits des paladins, mêlant avec art le plaisant et le sérieux, le gracieux et le terrible, faisant marcher de front une foule d’actions diverses auxquelles il sait également intéresser.
14, Seruent.—Add. des éd. ant.: plus ordinairement.
14, Plutarque.—Auteur des Vies des hommes illustres de la Grèce et de Rome, et de nombreux traités de politique, d’histoire ou de morale, dits Œuvres morales, que quelques lignes plus bas Montaigne désigne sous le nom d’Opuscules, parmi lesquels on remarque ceux intitulés: L’Origine de l’âme; Du Génie de Socrate; Du Silence des oracles; Questions de table; Des Contradictions des Stoïciens.—On trouve dans ses écrits un grand jugement, des connaissances profondes et variées, une bonhomie et une morale douce qui les font lire avec charme; il vous fait vivre intimement avec les hommes dont il raconte la vie. La qualification de parallèles donnée à certains fragments des Vies de Plutarque, vient de ce qu’il y place en regard un Grec et un Romain dont les existences, dans leur ensemble, présentent de l’analogie, et les compare, semblant s’être proposé de montrer que la Grèce n’était point inférieure à Rome.—Plutarque venait d’être traduit en français par Amyot et publié (les Vies des hommes illustres en 1555, les Œuvres morales en 1574), lorsque Montaigne écrivait les Essais.
15, Seneque.—On a de lui un grand nombre d’écrits sur la philosophie; il y prêche la morale la plus austère et enseigne surtout le mépris des richesses et de la mort; son style est brillant et élégant, mais souvent affété et rempli d’antithèses; il vise beaucoup à l’effet. Dans ses Lettres à Lucilius, le penseur déploie toutes les ressources de son esprit, et l’écrivain tous les charmes de son style.—Montaigne lui a souvent fait de très larges emprunts et a souvent adopté ses idées.
20, Profitable.—On s’étonne de cette préférence pour cette partie de l’œuvre de Plutarque qui, malgré son mérite, ne saurait être comparée à ses «Vies des hommes illustres»; du reste au ch. XXXII de ce même livre (N. II, 630), Montaigne revient sur son jugement et dit que ses «Parallèles», qui sont partie intégrante des «Vies», constituent «la piece plus admirable de ses œuures».
22, Autres.—Add. de 88: I’ayme en general les liures qui vsent des sciences, non ceux qui les dressent. (Cette phrase est reportée un peu plus loin avec variante dans la présente édition, pag. 74, 5).
25, Romains.—Sénèque fut précepteur de Néron. Plutarque l’aurait été de Trajan suivant les uns, d’Adrien suivant d’autres. A l’égard de Trajan, on s’appuie sur une lettre dont l’authenticité est contestée; ce qui porterait en outre à penser que cela n’a pas été, c’est qu’ils étaient à peu près du même âge; mais Plutarque a fait des leçons publiques de philosophie à Rome, et il se peut très bien que Trajan ait été du nombre de ses auditeurs.—Sénèque était né à Cordoue (Espagne); Plutarque, à Chéronée, en Grèce.—Le poète anglais Dryden (1631 à 1701) a écrit un parallèle de Plutarque et de Sénèque.
2, Cicero.—V. N. II, 628. Ce fut le plus éloquent des orateurs romains; sans rival surtout dans l’éloquence judiciaire, par la richesse de son imagination, la souplesse de son génie plein d’abondance, de grâce et de séduction, et par l’habileté de sa dialectique; comme écrivain, s’est, sans grand succès, adonné dans sa jeunesse à la poésie, mais est sans contredit le premier des prosateurs latins, et nul n’a jamais dépassé la pureté, la richesse, l’harmonieuse élégance de son style. Il ne nous est parvenu qu’une partie de ses ouvrages, que l’on divise en quatre groupes: 1o les Harangues, parmi lesquelles on admire surtout les Catilinaires et les Philippiques; 2o les Livres de Rhétorique, dont le plus beau est l’Orateur; 3o les Traités philosophiques, dont les plus estimés sont De la Nature des dieux et les Tusculanes; 4o les Lettres, parmi lesquelles nombre d’épîtres familières; elles constituent un monument incomparable et un modèle du genre épistolaire; on y distingue surtout celles à Atticus, à Quintus, à Brutus; elles fournissent les matériaux les plus précieux pour l’histoire du temps (V. N. I, 430: Amis).
4, De la philosophie... morale.—Var. des éd. ant.: des meurs et regles de nostre vie.
4, Morale.—Avant Cicéron, les Romains, si on en excepte Lucrèce, s’étaient peu adonnés à la philosophie, et n’y avaient que médiocrement réussi.
6, Impudence.—Allusion à la lettre de Cicéron par laquelle il prie Lucceius d’écrire l’histoire de son consulat de manière à lui mériter les éloges de la postérité (V. I, 430 et N. Registres).
7, Prefaces.—Les éd. ant. aj.: digressions.
10, Apprets.—Montaigne parle du style de Cicéron en des termes qui ne permettent pas de douter qu’il en fait beaucoup moins de cas que de Sénèque; le cardinal Duperron (1556 à 1618) ne pensait pas de même: «Il y a plus, disait-il, en deux pages de Cicéron, qu’en dix pages de Sénèque.»
21, Fil.—Il est en effet peu de cours, de conférences, de plaidoyers et aussi de sermons dont on puisse dire ce que Sénèque disait des harangues de Cassius Severus, «que tout y portait coup et que les plus courtes distractions de ses auditeurs leur faisaient toujours perdre quelque chose d’intéressant» (V. I, 70 et N. Cassius, et II, 50). De combien de nos hommes politiques peut-on en dire autant?
30, Or oyez.—Ce cri, sorte d’avertissement d’avoir à prêter attention à ce qui allait suivre, est encore employé en Angleterre, dans certaines solennités, par les héraults d’armes dont l’usage s’est conservé et qui, lorsque bien rarement ils remplissent un devoir de leur charge, le font en observant les traditions du passé.
31, Hoc age.—Sentence philosophique grecque qui se complétait par ces mots: et eris beatus (Fais ainsi et tu seras heureux, tu y trouveras avantage, cela te réussira).
32, Sursum corda.—Cette formule, dans l’ancienne Église, précédait toujours la célébration de ses plus augustes cérémonies, rappelant les assistants au recueillement; les païens, dans le même but, disaient: Favete linguis (Favorisez-nous de votre silence), pour le recommander lors de la célébration de leurs principaux mystères.
37, Platon.—Célèbre par sa philosophie, qui est la plus haute expression de l’idéal et se rapproche parfois des idées chrétiennes. Platon a laissé un grand nombre d’écrits, presque tous sous la forme de dialogues; Socrate y joue le principal rôle; les plus importants sont: Criton, ou le Devoir des citoyens; Phédon, ou de l’Ame; l’Apologie de Socrate; Théétète, ou de la Science; le Sophiste, ou de l’Être; la Politique; Parménide, ou des Idées; le Banquet, ou de l’Amour; Phèdre, ou du Beau; Théagès, ou de la Sagesse; Lachès, ou du Courage; Lysis, ou de l’Amitié; Gorgias, ou de la Rhétorique; Ménon, ou de la Vertu; Ion, ou de l’Enthousiasme poétique; la République; Timée, ou de la Nature; Critias; les Lois.—Ses écrits, où l’on admire la sublimité de ses conceptions, la pureté de sa morale, la noblesse de son style, sont le monument le plus important de la dialectique des anciens; en même temps qu’ils sont un chef-d’œuvre d’art, ils nous offrent par la méthode d’interrogation et de réfutation qui y est partout suivie, un modèle d’analyse philosophique.
6, Premiers.—Sénèque et Plutarque.
6, Pline.—Pline l’Ancien ou le naturaliste.—Certains de ses ouvrages sont perdus; nous ne possédons plus de lui que son Histoire naturelle en 37 livres, sorte d’encyclopédie encore estimée, traitant de l’astronomie, de la géographie, de la zoologie, de la botanique, de la minéralogie et accessoirement de questions touchant l’agriculture, la métallurgie, les monnaies, etc.; son style a de la vigueur et de l’originalité.
10, Epistres.—Les éd. ant. aj.: et notamment celles.
18, Vertu.—Ce traité de Brutus sur la vertu est perdu; il subsistait encore du temps de Sénèque qui en cite un fragment.
19, Practique.—«Les vertus comme celles de Brutus (Brutus était, dit-on, le fils de César qui l’aimait, l’avait appelé à lui et comblé de faveurs; au moment de mourir, le voyant au nombre des conjurés, il s’écria: «Et toi aussi, mon fils!»), ces vertus sont si voisines du crime, que la conscience des républicains eux-mêmes se trouble, en face du vote du duc d’Orléans prononçant la mort de Louis XVI.» Lamartine, Les Girondins.
30, Beaucoup.—Dans le petit nombre d’erreurs qu’on peut reprocher à Montaigne, est le jugement qu’il porte sur Cicéron; il qualifie bien son éloquence d’incomparable, mais il estime que hors la science, il n’y avait pas beaucoup d’excellence en son âme. Avait-il donc une âme commune, cet orateur que ni l’or, ni les intrigues, ni la violence des passions ne purent jamais ni corrompre, ni intimider; qui déconcerta, par l’autorité de son langage et la fierté de ses regards, l’audace même de Catilina; qui sur ses vieux jours, abandonnant les doux loisirs de Tusculum, reparut avec son génie sur le théâtre où la liberté et les dépouilles du monde romain étaient le prix offert aux triomphes de l’ambition, poursuivit de son courroux éloquent le plus implacable des triumvirs, et périt avec gloire, victime de son amour pour la patrie. Abbé Jay.
32, Vers.—«On peut être honnête homme et mal faire des vers.» Molière.
34, Nom.—Ce jugement de Montaigne sur les vers de Cicéron, n’est pas celui de tous; et peut-être sa grande réputation d’orateur a-t-elle fait tort à celle de poète; un autre que lui eût, sans doute, été plus estimé pour ses poésies.
35, L’egalera.—Saint Jérôme a dit de lui: «Démosthène t’a ravi la gloire d’être le premier orateur; toi, tu lui as ôté celle d’être l’unique.»—Les éd. ant. aj.: Si est-ce qu’il n’a pas en cela franchi si net son aduantage, comme Vergile a faict en la poésie: car bien tost apres luy, il s’en est trouué qui l’ont pensé egaler et surmonter, quoy que ce fust à bien fauces enseignes, mais à Vergile nul encore depuis luy n’a osé se comparer, et à ce propos i’en veux icy adiouster vne histoire.
8, Presence.—Sénèque, Suasor, 8.
12, Elumbem.—Cicéron, De Oratoribus, 18.
15, Souuent.—Se reporter à ce même dialogue, De Oratoribus, 23.
19, Essem.—Pour pouvoir, en dehors de la négligence de style résultant de la répétition de mots que présente cette phrase, juger exactement de la défectuosité de sa prononciation qu’incrimine Montaigne, il faudrait l’entendre dire avec celle de l’époque que nous ne connaissons guère, faute de données suffisantes sur ce point.
20, Bale.—C.-à-d. la lecture des historiens est mon passe-temps le plus agréable, celui où je me complais davantage; métaphore tirée du jeu de paume, où, quand la balle vous arrive de côté droit, elle est plus facile à renvoyer.—Les éditions antérieures présentent cette variante: Les historiens sont le vray gibier de mon estude, car ils sont plaisans et aysez: et quant et quant la consideration des natures et conditions de diuers hommes, les coustumes des nations differentes, c’est le vray suiect de la science morale, au lieu de: «Les historiens... menacent».
28, Plutarque.—Add. des éd. ant.: Ie recherche bien curieusement non seulement les opinions et les raisons diuerses des philosophes anciens sur le suiect de mon entreprinse, et de toutes les sectes, mais aussi leurs meurs, leurs fortunes et leur vie.
29, Laërtius.—Diogène Laërce, historien grec, auteur d’une biographie des principaux philosophes; toute critique en est absente et les anecdotes y tiennent plus de place que les vues scientifiques, l’ouvrage n’en est pas moins précieux par les nombreux renseignements qu’il contient.
2, Salluste.—A écrit l’histoire de Rome depuis la mort de Sylla jusqu’à la conspiration de Catilina, il n’en reste que des fragments; nous avons encore de lui la guerre de Catilina et celle de Jugurtha. Il se distingue par la précision de son style, sa perspicacité, sa science pratique; mais il a tendance à la partialité et présente des lacunes et de fréquentes digressions.
7, Dit Cicero.—Cicéron, Brutus, 4.—Voici le jugement qu’il en porte, et il est d’autant plus flatteur qu’il était compétent et n’aimait pas César: «Parmi les orateurs, il n’en est point à qui César doive céder; il y a dans sa manière de l’élégance et de l’éclat, de la magnificence et de la grandeur; qui pourrait l’emporter sur lui pour l’abondance et la vigueur de ses pensées?» Comme historien: «Ses Commentaires sont un livre excellent; le style en est simple, pur, élégant, dépouillé de toute pompe de langage; c’est une beauté sans parure; en ne chargeant pas d’ornements frivoles ces grâces naturelles, il a ôté aux gens de goût, jusqu’à l’envie de traiter le même sujet.»
8, Ennemis.—Add. des éd. ant.: mesmes et tant de verité.
20, Froissard.—Chroniqueur français. Sa chronique de France, d’Angleterre et d’Écosse, de 1326 à 1400, est une suite de récits sans ordre, qui offrent beaucoup d’incorrections, mais où l’on trouve une grâce et une naïveté qui charment; ses descriptions sont d’un naturel saisissant.—Le jugement qu’en porte Montaigne réduit par trop son mérite: le siège de Calais, la bataille de Poitiers par exemple, ne se composent pas seulement de renseignements recueillis çà et là et rassemblés sans ordre, ni triage; c’est de l’histoire.
36, Biais.—«Les faits changent de forme dans la tête de l’historien; ils se moulent sur ses intérêts; ils prennent la teinte de ses préjugés.» J.-J. Rousseau, Émile, IV.
1, Latin.—Antérieurement à Montaigne et même encore de son temps, le latin était la langue universelle en Europe, et les érudits, en France, écrivaient beaucoup plus en latin qu’en français; ce n’est guère qu’à partir de son époque que la langue française se fixait et qu’on en fit usage dans le monde savant; lui-même est un de ceux qui y contribuèrent le plus.
6, Dimensions.—Add. des éd. ant.: Ceux-là sont aussi, bien plus recommandables historiens, qui connoissent les choses, dequoy ils escriuent, ou pour auoir esté de la partie à les faire, ou priuez auec ceux qui les ont conduites.
20, Et le sçauoir... communement.—Les éd. ant. port.: de la fortune estoit tousiours accompagnée du sçauoir.
22, Douteux.—Les éd. ant. aj.: S’ils n’escriuoient de ce qu’ils auoient veu, ils auoient aumoins cela, que l’experience au maniement de pareils affaires, leur rendoit le iugement plus sain.
31, Absence.—Suétone, César, 56.—«Pour ce motif, ajoutait Asinius Pollio, César avait été dans l’intention de refaire ou de corriger ses Commentaires.»
36, Accident.—C.-à-d. si l’on ne confronte les témoignages, si l’on ne reçoit les objections, lorsqu’il s’agit de prouver les moindres détails de chaque fait.—Au lendemain même de la bataille de Sedan (1870), il n’a pas été possible, malgré une polémique longue et ardente, de déterminer qui, du général de Bauffremont ou du général de Galliffet, menait ces charges héroïques de cavalerie qui arrachèrent à l’empereur Guillaume cette exclamation: «Ah! les braves gens!» si bien que l’honneur en revient à tous et à personne en particulier. La charge avait été préparée par le général Margueritte qui, au dernier moment, avant de la lancer, se portant en avant pour bien juger de la direction à lui donner, fut blessé à mort; voyant leur général ramené, déjà ne se soutenant plus, les têtes de colonne, d’un mouvement spontané, se précipitèrent, brûlant du désir de le venger; les autres suivirent.
38, Bodin.—Dans l’ouvrage qu’il a publié en 1566, sous le titre: Méthode pour faciliter la vérification des faits historiques.
9, Lisant.—Parmi les livres ainsi annotés par Montaigne se trouve un exemplaire des Commentaires de César (V. N. II, 646: Militaire) acheté sur les quais, par un amateur, au prix de 0 fr. 90; ce livre, acquis depuis par le duc d’Aumale, se trouve à la bibliothèque de Chantilly, aujourd’hui propriété de l’Institut.
11, Guicciardin.—A écrit une histoire de l’Italie, allant de 1490 à 1534, ouvrage de mérite dans lequel l’auteur, qui avait joué un rôle considérable de ce temps-là, se montre de l’école sceptique de Machiavel.
36, Soy.—Sur l’exemplaire de Bordeaux, Montaigne avait ajouté: «tres commune et tres dangereuse corruption du iugement humain»; mais il a biffé ensuite cette addition qui, pourtant, exprime une vérité très réelle.
30, Comines.—A laissé sur les règnes de Louis XI et de Charles VIII des mémoires qui parurent en 1523; il s’y montre politique profond, chroniqueur fidèle, écrivain original; mais en racontant les actes les plus iniques, n’y ajoute pas un mot pour les flétrir; il ne juge les événements que par le résultat.
1, Du Bellay.—Les Mémoires des Seigneurs du Bellay (dix livres, dont les quatre premiers et les trois derniers sont de Martin du Bellay, et les autres de son frère Guillaume de Langey) embrassent les événements de France de 1515 à 1547, autrement dit le règne de François Ier, dont ils sont plutôt le panégyrique que l’histoire.
6, De Iouinuille.—Les Mémoires du Sire de Joinville constituent une histoire de S. Louis et des Croisades entreprises par ce prince; c’est le récit d’un témoin oculaire plein de naturel, de sensibilité et de charme (fin du XIIIe siècle).—Domestique signifie ici qui est de la maison, familier. V. N. I, 24: Domestiques.
6, Eginard.—Secrétaire de Charlemagne dont il a écrit la vie, et, y faisant suite, l’histoire des événements pendant les premières années de Louis le Débonnaire, ensemble de 741 à 829.
8, Icy.—Dans les Mémoires des du Bellay.
14, De Montmorency.—Le connétable de Montmorency, que des intrigues de cour firent exiler dans ses terres, en 1547, par François Ier, disgrâce à laquelle mit fin l’avènement de Henri II.
14, De Brion.—Philippe de Chabot, amiral de France, connu sous le nom de Seigneur de Brion, chargé en 1535 du commandement de l’armée en Piémont, après de brillants succès, s’arrêta court à Verceil, ce que François Ier ne lui pardonna pas, condamné en 1540 comme concussionnaire, il ne fut sauvé que par la protection de la duchesse d’Étampes, maîtresse du roi.
CHAPITRE XI.
7, Partie.—Sans partie adverse, sans opposition.
9, Vertueux.—J.-J. Rousseau, dans son Émile, répète Montaigne en le précisant: «Quoique nous appelions Dieu bon, nous ne l’appelons pas vertueux, parce qu’il n’a pas besoin d’effort pour bien faire.» V. N. II, 16: Force.
10, Des philosophes.—Dans la traduction, le passage du texte: «Des philosophes, non seulement Stoiciens, mais encore Epicuriens (et cette enchere... colunt, et retinent)», a été, pour plus de clarté, placé après celui-ci: «Des philosophes Stoiciens et Epicuriens, dis-je... virtus lacessita».
13, Rencontre.—Réplique.—Diogène Laerce, IV, 43.
18, Reconnaissant.—Montrant plus de bonne foi.
27, Retinent.—A observer l’insistance que Montaigne apporte à réhabiliter la secte d’Épicure, à l’encontre de l’opinion générale qui veut que les Épicuriens soient moins rigides dans leur doctrine que les Stoïciens, ce qui au fond n’est pas vrai.
36, Secte.—Cicéron, De Officiis, I, 44.—Épaminondas était de l’école de Pythagore. Cette école, fondée à Crotone en Italie (VIe siècle), formait dans le principe une sorte de congrégation où l’on n’était admis qu’après un long noviciat et diverses épreuves, entre autres un silence de plusieurs années. Les Pythagoriciens menaient la vie la plus frugale et s’abstenaient de manger de la chair des animaux; ils croyaient à la métempsycose ou transmigration des âmes d’un corps dans un autre. On ne sait rien de bien certain sur les autres points de leur doctrine, parce qu’on n’a aucun écrit de Pythagore, dont l’esprit cependant embrassait toutes les sciences connues de son temps, et qu’il exerçait un empire absolu sur ses disciples qui admettaient tous ses dogmes sans discussion.
1, Esmoulu.—Qui est une rude et dangereuse épreuve pour la vertu.—Combattre à fer émoulu, c’est combattre avec des armes aiguisées, pour tout de bon.
28, Commune.—Du peuple ou des plébéiens.
34, Vertu.—Plutarque, Marius, 10.—Saturninus proposait, pour un partage de terres, un plébiscite contraire à la loi et qui, en outre, portait que tout sénateur jurerait devant le peuple de concourir à son exécution. Métellus Numidicus seul refusa d’y acquiescer, quelque pression qu’on exerçât sur lui, et les partis étant sur le point d’en venir aux mains par suite de sa résistance, il préféra s’exiler que d’être cause d’une sédition (102).
3, Tres certaines.—Cicéron, De Finibus, II, 30.
5, Entrailles.—V. N. II, 430: Premier.
8, Effroy.—Add. des éd. ant.: de la mort.
19, Brigand.—C’est César que Montaigne qualifie de la sorte, malgré l’admiration qu’il lui témoigne souvent; mais il l’envisage ici comme auteur du plus grand des crimes, l’asservissement de sa patrie. Cicéron, dans ses Lettres à Atticus, VII, 18, le gratifie de la même épithète perditus latro (brigand fieffé).
25, Ferocior.—C’est en parlant de Cléopâtre qu’Horace s’exprime ainsi; Montaigne en fait application à l’âme de Caton.
26, Populaires.—Add. des éd. ant.: vains.
39, Erat.
15, Fit-il.—Diogène Laerce, II, 76.—V. N. III, 576: L’vn.
16, Personnages.—Socrate et Caton.
16, Tenue.—Ne serait-ce pas de la constatation et du fait de cet état que viendrait ce vieux dicton: «Français, plus qu’hommes au venir, moins que femmes à la retraite», cité par H. Houssaye, dans son ouvrage intitulé Waterloo.
15, Vndæ.—La Balance, le Scorpion, le Capricorne sont trois des constellations du Zodiaque (V. N. I, 254: Aqua).
18, Mal.—Diogène Laerce, VI, 17.
34, Taster.—Diogène Laerce, II, 67.
36, Faschoit.—Diogène Laerce, II, 17; Horace, Sat., II, 3, 10.
38, Laborieusement.—Cet exemple et beaucoup d’autres soit dans un sens, soit dans l’autre, prouvent que les mœurs sont tout à fait indépendantes des opinions religieuses.
41, Repas.—Diogène Laerce, X, 11.
1, Infecté... autre.—Var. des éd. ant.: corrompu par le dereglement de mes meurs; ains au rebours, il iuge plus exactement et plus rigoureusement de moy, que de tout (80 porte nul) autre: mes debauches quant à cette partie là, m’ont depleu comme elles deuoient.
6, Autres.—La Fontaine a rendu la même idée dans sa fable Les deux chiens et l’âne mort:
24, Incontinent.—Aristote convient que tout en ne mettant pas l’homme qui en est imbu à l’abri de toutes les faiblesses de la nature humaine, la justice n’en contient pas moins le principe de toutes les vertus: «Elle en est la plus éclatante; ni Hesperus (l’étoile du soir), ni Lucifer (l’étoile du matin), ne sont plus admirables.»
27, Discipline.—Cicéron, Tusc., IV, 37.
29, L’autre.—Cicéron, De Fato, 5.
40, Acces.—Cicéron, De Senectute, 12.
3, Venus.—Vénus, déesse de la beauté, présidait aussi à la génération. Myth.
9, M’y cognois... miracle.—Var. des éd. ant.: encore que ie lui donne plus de credit sur moy que ie ne deurois, si est-ce que ie ne prens aucunement pour miracle.
12, Nauarre.—Add. des éd. ant.: Marguerite.
13, Heptameron.—Ouvrage ainsi nommé, parce qu’il est divisé en sept parties ou journées; est aussi appelé Nouvelles de la reine de Navarre. C’est un recueil de contes imités de Boccace, écrit par Marguerite de Navarre, imprimé en 1559; on y trouve beaucoup d’imagination et d’esprit et aussi une grande licence.
18, Comme il y... l’encontre.—Var. des éd. ant.: auquel il semble qu’il y ait plus de rauissement: non pas à mon aduis que le plaisir soit si grand de soy, mais parce qu’il ne nous donne pas tant de loisir de nous bander et preparer au contraire, et qu’il nous surprend.
20, Attouchemens.—«Nous connaissons, dit Sénèque, ce genre de continence de ces nouveaux mariés, qui, alors même que la première nuit de leurs noces ils épargnent la pudeur de ces vierges timides dont ils sont les époux, n’en lutinent pas moins, en se jouant, les parties circonvoisines de l’objet de leurs désirs.»—Ces derniers mots répondent à cette expression «s’en tenir à la petite vie»; ou, suivant Marot: «S’en tenir aux faubourgs de la cité d’amour, sans entrer dans la ville»; continence qui n’est que de l’onanisme réciproque.
22, Cette secousse... ailleurs.—Var. des éd. ant.: Cette secousse de plaisir nous frappe si furieusement, qu’il seroit malaisé veritablement, à ceux qui ayment la chasse de retirer en cet instant l’ame et la pensée de ce rauissement.
25, Poëtes.—Diane était la déesse de la chasteté et de la chasse, et Cupidon, fils de Mars et de Vénus, était le dieu de l’amour.—L’amour faict place au plaisir de la chasse, port. les éd. ant., voyla pourquoi les poëtes font Diane...
28, Obliuiscitur.—Les éd. ant. aj.: C’est icy vn fagotage de pieces décousues; ie me suis destourné de ma voye, pour dire ce mot de la chasse.
2, Estrangler.—En 81. En revenant d’Asie, après la mort de Sylla, César fut pris par des pirates, qui lui demandèrent trente talents (environ 160.000 fr.) pour sa rançon; il leur promit le triple. Rendu à la liberté, après être resté un mois en leur pouvoir, il arma quelques bâtiments, se mit à leur poursuite, s’en empara et leur fit subir le sort dont il les avait menacés.
4, Latin.—Cet auteur est Suétone, César, 74, qui s’exprime ainsi à l’occasion du fait de Philomon, esclave et secrétaire de César, que celui-ci, comme le rapporte Montaigne, fit simplement mettre à mort, sans le livrer à la torture, pour, de concert avec ses ennemis, avoir conçu le projet de l’empoisonner.
6, Deuiner.—Les éd. ant. port.: qu’il n’estoit pas du temps de la bonne Rome et qu’il iuge selon les, au lieu de: «qu’il est frappé des».
7, Mirent.—Add. des éd. ant.: depuis.
9, Cruauté.—Cette appréciation, émise à un point de vue plus général, est reproduite dans les mêmes termes, II, 584.—Déjà, au Ve siècle, saint Augustin s’était élevé contre la torture «qui force les innocents eux-mêmes à mentir»; elle ne fut abolie en France que 200 ans après que Montaigne le réclamait: en 1780, la question préparatoire, qui avait pour objet la recherche de la vérité, fut supprimée et, en 1788, la question préalable, infligée au condamné et qui constituait ce que Montaigne dénomme si bien l’au-delà de la mort simple; la marque au fer rouge et le carcan ne l’ont été qu’en 1830, le pilori en 1851.
9, Nous.—Nous, chrétiens, qui croyons à l’immortalité de l’âme.
31, Changée.—L’exemplaire de Bordeaux donne, de la main de Montaigne, une variante de cet épisode: «Ces iours passés... l’avoir changée» (lig. 12 à 31), lequel n’existe pas dans les éditions antérieures. En se reportant au relevé de ces variantes (fasc. E), on aura un spécimen relativement étendu de l’orthographe personnelle de l’auteur des Essais, et la comparaison des deux textes ne laissera aucun doute sur la supériorité de celui de 1595.
14, Hault chapeau.—Plutarque, Apophth.—Sorte de tiare; coiffure monumentale portée autrefois, chez les Perses et d’autres peuples de l’Orient, par les grands et les pontifes; la tiare du pape, la mitre des évêques en sont des restes.
16, Representez.—Hérodote, II, dit qu’il n’y avait que les pauvres qui en agissaient ainsi: «Par indigence, ils font des pourceaux de pâte, et les offrent en sacrifice après les avoir fait cuire.»—En ces derniers temps (1905), on a trouvé des poupées dans certaines sépultures de la Haute-Égypte, et on en a donné la cause suivante, se rattachant à la même idée: Dans les temps reculés, il était d’usage dans ce pays d’égorger le boucher, le boulanger et le tailleur qui avaient été attachés au service d’un illustre personnage passant de vie à trépas, et d’enterrer leurs cadavres autour de sa momie; ils continuaient, d’après les croyances religieuses, à le servir dans l’autre monde; peut-être aussi était-ce, d’après les idées sociales d’alors, comme garantie contre toute tentative d’empoisonnement; quand les mœurs s’humanisèrent, les artisans et les esclaves acquirent peu à peu le droit de se faire remplacer dans le paiement de ce suprême impôt du sang par des statuettes qui leur ressemblaient plus ou moins exactement, ce sont elles que l’on retrouve aujourd’hui.
11, Metempsychose.—Transmigration des âmes d’un corps dans un autre. Ce dogme est d’origine indienne; de l’Inde, il passa en Égypte, d’où plus tard Pythagore l’importa en Grèce; on trouve cette croyance mêlée à la religion de presque tous les peuples anciens; elle devait conduire ceux qui l’admettaient à défendre l’usage des viandes, comme exposant l’homme à se nourrir de l’un des siens; aussi cette abstention est-elle une des prescriptions fondamentales de la religion des Brahmes et de la philosophie pythagoricienne; cette doctrine est une ébauche imparfaite et grossière de l’immortalité de l’âme. V. II, 326.
12, Druides.—Ministres de la religion chez les anciens Gaulois ou Celtes. Les Druides croyaient à la métempsycose; l’objet de leur culte était surtout la nature; cependant ils reconnaissaient plusieurs dieux, dont Teutatès, le dieu de la guerre; ils n’avaient point de temples et se réunissaient dans les forêts; ils se livraient à nombre de pratiques superstitieuses, attachaient une vertu particulière au gui de chêne qui, à certains jours, se cueillait en cérémonie, avec une faucille d’or; dans les grandes calamités, ils immolaient des victimes humaines: ces énormes pierres, dolmens et menhirs, qui se rencontrent parfois en grand nombre dans certaines régions, passent pour avoir servi d’autels à ces sacrifices sanglants. Ce culte comportait aussi des prêtresses qui prédisaient l’avenir; il a disparu vers le VIe siècle.
34, Eram.—C’est ce que Pythagore disait de lui-même et c’est dans sa bouche qu’Ovide, Métam., XV, 60, place ces paroles.—V. N. II, 326: Ans.
6, Plutarque.—Dans son traité d’Isis et Osiris, 39.
7, Enfermez.—Si l’on veut, dit-on, qu’un chat entre librement dans une chambre, il faut lui procurer et qu’il entrevoie le moyen d’en pouvoir sortir de même.
10, Et l’vtilité... diuine.—Var. des éd. ant.: en cet autre, ou quelque autre effect.
19, Royauté.—Add. des éd. ant.: vaine et.
28, Feste.—Les caresses.
29, Aumosnes.—Établissements d’assistance; on disait jadis l’aumône publique de Paris pour l’administration de l’assistance publique de cette ville.
30, Bestes.—Le Coran défend de surcharger le chameau et de maltraiter le cheval.—Chez nous, la loi Grammont a pareillement pour objet d’empêcher l’abus des animaux domestiques et de les protéger contre les mauvais traitements, et la société protectrice des animaux s’est donné la tâche de veiller à son application et d’en propager les idées humanitaires.
32, Sauué.—Cicéron, Pro Rosc. Am., 20; Tite-Live, V, 47; Pline, X, 22.—Le Capitole, temple et citadelle de l’ancienne Rome.—En 390, après la bataille de l’Allia, les Gaulois entrèrent dans Rome qu’ils livrèrent aux flammes après l’avoir pillée et assiégèrent le Capitole. Ils étaient sur le point d’y pénétrer de nuit, quand, excitées par le bruit, des oies qui s’y trouvaient par hasard, se mirent à crier, et, par leurs cris, réveillèrent les défenseurs, ce qui permit de repousser l’assaut et fut pour Rome le salut.
33, Hecatompedon.—Plutarque, Caton le Censeur, 3.—Le Parthénon, temple de Minerve à Athènes, appelé Hécatompedon parce qu’il avait cent pieds de large. Sa construction en était due à Périclès. L’exécution en avait été dirigée par Phidias; une statue de la déesse en ivoire, sculptée par lui, le décorait.
35, Empeschement.—Les Romains en usaient de même à l’égard des bêtes de somme, employées aux travaux de fortifications de leur ville.
38, Enfans.—A Paris, ou mieux dans ses environs immédiats, existent sous le patronage de la société protectrice des animaux des cimetières pour les chiens, chats, etc., que leurs maîtres veulent voir inhumés; à Gennevilliers, notamment, s’en trouve un assez coquet et fort bien entretenu, où certains ont même de petits monuments.
1, Depuis.—Diodore de Sicile, XIII, 17.
3, Trespas.—«Si dans une maison, dit Hérodote, II, 65, 66, etc., il meurt un chat de mort naturelle, quiconque l’habite se rase les sourcils; si c’est un chien, on se rase la tête et le corps entier.»
5, Olympiques.—Hérodote, VI, 103; Élien, Hist. des animaux, XII, 40.
6, Chef.—Sur un cap, un promontoire.
7, Nom.—Plutarque, Caton le Censeur, 3.—Lors de la seconde guerre médique, l’évacuation d’Athènes ayant été résolue (480), le chien de Xantippe, père de Périclès, se jeta à la mer, lorsque son maître se fut embarqué, et nagea près de son vaisseau jusqu’à Salamine, où il aborda épuisé de fatigue et expira sur le rivage; l’endroit où il fut enterré, a porté depuis le nom de Cynosséma (sépulture du chien).
9, Seruy.—Plutarque, Caton le Censeur, 3, cite cette manière de faire de sa part, pour l’opposer à celle de Caton qui faisait vendre ses esclaves, lorsqu’ils devenaient vieux, pour n’avoir pas à nourrir des bouches inutiles.
CHAPITRE XII.
Chapitre XII.—Le plus long et, au jugement de bien des gens, le plus important et le plus curieux des Essais.—Raymond Sebond, dans son ouvrage la Théologie naturelle, ou Livre des créatures, paru pour la première fois en 1487, écrit en un latin barbare, et qui fut condamné au concile de Trente, a voulu démontrer que les seules lumières de la raison suffisent, sans la révélation, pour admettre les bases de la religion, à l’encontre de ceux qui soutiennent, au contraire, qu’on ne peut prouver par des moyens humains l’existence de Dieu et de sa Providence. Il voit la preuve de son assertion dans l’infériorité et la soumission de tous les animaux vis-à-vis de l’homme, qui ne peut avoir reçu que d’un Dieu cette supériorité en toutes choses, d’où il conclut à quels devoirs de reconnaissance il est tenu envers son Créateur et qu’il peut s’élever jusqu’à lui, par l’observation de ses commandements.—Montaigne, lui, dans ce chapitre, fait plus l’apologie de la religion révélée que celle de l’ouvrage de Sebond, il tient à l’encontre de celui-ci que notre première illusion est de nous imaginer supérieurs aux autres animaux; leurs actes sont de fait semblables aux nôtres: Nous prétendons que c’est l’instinct seul qui les guide; quel avantage, si cela est, n’ont-elles pas sur nous, de faire d’elles-mêmes ce à quoi notre raison nous conduit d’un pas si incertain et sans toujours aboutir? Puis, laissant les bêtes, il s’attache à l’homme lui-même; nous montre les mieux doués, ceux-là mêmes qui ont fait de la raison l’étude de toute leur vie, en arriver à reconnaître que l’esprit humain est hors d’état d’atteindre à la vérité et de la distinguer de l’erreur. Passant en revue, d’une manière succincte et un peu confuse, mais cependant complète, les systèmes philosophiques des anciens et, sous prétexte de défendre Sebond qu’il a traduit, exposant ses propres idées, il va, en réalité, directement à l’opposite de la pensée et du dessein de l’auteur qu’il prétend appuyer; il fait ressortir de quelle incertitude est empreint le témoignage de nos sens, par lequel nous communiquons avec ce qui est en dehors de nous; combien la raison est elle-même limitée dans ses connaissances, que d’erreurs elle commet dans ses déductions; et, devant son impuissance à conduire l’homme à aucune vérité certaine, il conclut que dans le chaos des contradictions humaines, la foi en la religion chrétienne apparaît comme le parti le plus simple et le plus probable; et il l’adopte, non par conviction, mais par esprit de conduite et par insouciance, s’y abritant comme dans un port tranquille où il cherche le repos et un certain engourdissement de l’âme. En somme, il sacrifie la philosophie à la théologie, acceptant et mettant hors de cause tout ce que la foi nous enseigne, à l’opposé d’Abailard qui soutenait «qu’il ne faut croire que les choses qui se peuvent prouver par des raisons naturelles», ce qui, du reste, le fit considérer comme hérétique; mais les motifs qui le font se montrer aussi exclusivement chrétien, c’est encore chez lui du scepticisme, c’est uniquement parce que la raison humaine courte et débile ne le mène à rien et que l’Église assure l’avenir, sans qu’il ait à s’en inquiéter davantage.—Scaliger, qui était un critique de parti pris de Montaigne, dit de ce chapitre: «Il y a de tout, et cela produit le même effet que Magnificat à matines.»
Sebonde.—Montaigne écrit indifféremment Sebon, Sebond, Sebonde, Sabonde.
15, Contens.—Diogène Laerce, VII, 165.
17, L’ignorance.
8, Luther.—A la suite de persécutions amenées par une protestation de sa part contre la vente des indulgences, Luther se sépara de l’Église catholique, ne reconnaissant d’autre autorité que celle des livres saints, attaquant le Pape et l’Église romaine, les vœux monastiques, le célibat des prêtres, la hiérarchie ecclésiastique, la possession de biens temporels par le clergé, rejetant le culte des saints, le purgatoire, les commandements de l’Église, la confession, le dogme de la transsubstantiation, la messe, la communion sous une seule espèce, ne conservant d’autres sacrements que le baptême et l’eucharistie sous les deux espèces.—Excommunié en 1520, il n’en devint que plus ardent, parcourut l’Allemagne, propageant ses idées nouvelles; il fit de nombreux prosélytes qui résistèrent aux persécutions par les armes et, après de nombreuses vicissitudes, ses sectateurs obtinrent définitivement, par la paix de Nimègue (1582), la liberté de conscience. Conséquent avec lui-même, Luther s’était marié en 1526.—Vers 1538, Calvin se faisait, en Guyenne, l’initiateur de cette même doctrine.
12, Atheisme.—En matière d’athéisme, les hommes, à peu près dans tous les temps, ont communément traité d’athées ceux qui simplement ne pensent pas comme eux; si bien que, de fait, nous en sommes arrivés à confondre dans une même acception ces deux termes de théiste et d’athée qui, grammaticalement parlant, sont tout l’opposé l’un de l’autre. En fait, l’athée n’existe pas; il n’est personne qui nie l’existence d’un principe inconnu, qui n’a pas eu de commencement, qui n’aura pas de fin et qui fait que l’univers existe; mais son essence, la façon dont il s’exerce, la raison d’être de toutes ses créatures, des mondes et des êtres animés et inanimés dont ils se composent, échappent à la faiblesse de notre intelligence, et tous nous errons quand nous cherchons à le pénétrer, parce qu’il est au-dessus de toute conception de notre part et que nous n’avons de données sur ce point que de soi-disant révélations contestables et contestées. En cette recherche stérile qui ne saurait aboutir et qui ne conduit à aucun résultat autre que le doute, non sur l’existence de Dieu, mais sur sa nature et sur notre fin, l’esprit humain s’égare et s’attriste; reste la foi, mais la foi ne se commande pas.
12, Vulgaire.—Les éd. ant. aj.: (et tout le monde est quasi de ce genre).
14, Mesmes.—Les éd. ant. aj.: et par la raison.
32, Foible.—C’est le cas des Essais traduits en langage de nos jours. Le style de l’auteur a un cachet, un charme si particuliers, la langue française de son époque, surtout sous sa plume, avait tellement plus d’énergie qu’actuellement, que toute traduction, quoi qu’on fasse, sera toujours inférieure au texte primitif pour ceux à même de le lire à peu près couramment.
37, Mort.—Montaigne commença cette traduction en 1567; il l’avait terminée en 1568. Elle fut imprimée une première fois en 1569, mais d’une façon si incorrecte que les éd. ant. des Essais aj. ici: auec la nonchalance qu’on void, par l’infiny nombre de fautes, que l’imprimeur y laissa, qui en eust la conduite luy seul. Elle a été réimprimée, en 1581, dans de meilleures conditions.