Essais de Montaigne (self-édition) - Volume IV
5, Desreglée.—César.—Lucain, VII, 320, dont sont les vers qui suivent, semble s’être laissé entraîner ici par sa verve poétique. Ces exhortations, qu’il prête à César, sont en effet contraires à ce que l’histoire rapporte de lui recommandant à ses soldats, notamment le jour de la bataille de Pharsale, d’épargner les citoyens romains. Le jugement que Montaigne porte ici sur lui, sur la foi du poète, est en contradiction avec un passage antérieur des Essais (liv. II, ch. XXXIV, II, 658), où lui-même dit que César ne considérait pas tous les moyens comme licites pour se procurer la victoire.
15, Regret.—Tacite, Hist., III, 51.—Le fait cité se passa en 88, dans un combat livré au mont Janicule, sous les murs mêmes de Rome, entre Cinna, partisan de Marius, et Cn. Pompée, père du grand Pompée.
17, Capitaines.—Tacite, Hist., III, 51.—Sous Vitellius. Les lois humaines ne permettant pas de récompenser ce monstre, ni l’intérêt de la guerre de le punir, on remit à un autre temps de lui donner satisfaction, sous prétexte que le service rendu méritait plus qu’on ne pouvait faire sur le moment; on ne sait ce qui arriva ensuite.—Cette réflexion sur le changement survenu avec le temps dans les mœurs romaines, rappelle celle d’Annibal mourant: «Jadis, les Romains dénonçaient à Pyrrhus qui, à la tête d’une armée, avait envahi l’Italie, son médecin méditant de l’empoisonner; aujourd’hui, ils envoient un personnage consulaire au prince dont je suis l’hôte, pour qu’il les débarrasse de moi par un crime.» Tite-Live.
24, Honeste.—L’éd. de 88 port.: digne.
CHAPITRE II.
Ce chapitre est un des plus beaux des Essais; il est grave, profond, et partout d’un grand sens. Montaigne ne s’y montre pas fort orthodoxe, il traite son sujet en philosophe et ne le perd pas un moment de vue.—La même question a été étudiée par Charron, De la Sagesse, II, 3, 9, qui a puisé largement ici ses inspirations.
1, Fait.—Aujourd’hui, c’est fini, terminé, achevé.
3, Perenne.—Perpétuelle, comme portent nombre d’éd. post.;—du latin perennis qui a cette signification. Le style de Montaigne est plein de mots latins qu’il a francisés de la sorte, changeant simplement leur terminaison.
5, Pyramides.—Monuments de l’ancienne Égypte qui servaient à la sépulture des rois ou des animaux sacrés. Les plus célèbres sont celles de Chéops (243m de large à la base, 150m de haut), de Chéfrem (102m à la base, 133 de haut), de Mycérinus (93m à la base, 51 de haut); elles s’élèvent dans le désert au S.-O. du Caire; leur construction remonte à une date incertaine, du XXe au XVe s., croit-on.—Certains pensent, et il y a lieu de croire qu’il en a été ainsi, que ces grands travaux et autres de même nature, assez nombreux dans l’antiquité, ont été accomplis en y employant, en dehors des ouvriers d’art, les hommes valides désœuvrés et que c’est une des raisons qui ont fait que la mendicité, cette plaie gangreneuse des sociétés modernes, était alors à peu près inconnue. Mais ces travaux n’ont eu qu’un temps et ne pouvaient intéresser que des territoires limités; et l’absence de mendicité dans ces temps tient surtout à la simplicité de vie d’autrefois, les besoins étaient moindres et recevaient plus aisément satisfaction; il en est encore ainsi chez les peuples à demi civilisés de notre époque où les mœurs se sont conservées telles. La mendicité tant soit peu développée, avec accroissement des crimes et délits spéciaux contre les personnes et la propriété, est une des conséquences les plus tangibles des progrès de la civilisation, par ce fait que les nécessités de l’existence et les appétits grandissants exigent plus d’efforts auxquels ne peuvent ou ne veulent satisfaire ceux qu’accablent certaines infortunes ou que tiennent la paresse et l’inconduite.
18, Demades.—Plutarque, Démosthène, 3.—Montaigne paraphrase à sa manière ce que disait cet orateur: «Qu’il s’estoit bien contredit a soy mesme assez de fois, selon les occurrences des affaires; mais contre le bien de la chose publique, iamais.»—Ce passage des Essais explique et justifie en même temps toutes les contradictions qui peuvent s’y trouver. Quel est, en effet, l’homme toujours invariable dans sa manière de voir et qui n’en change pas dans le cours de la vie, sur des points indifférents par eux-mêmes et sur lesquels on peut, sans inconvénient pour soi et pour les autres, abandonner l’opinion qu’on en a? Naigeon.
20, Resoudrois.—Je parlerais catégoriquement.
26, Premier.—Moi, je suis le premier qui me communique...
30, Cognoissance.—C.-à-d.: Mais est-ce une raison pour que, simple particulier comme je suis et qui n’ai rien de remarquable, je prétende m’ériger en homme public par la connaissance que je donne de moi?
3, Discipline.—Du moins, j’ai ceci conforme aux principes de la science.
14, Bauasser.—Babiller, folâtrer.
21, Mesme.—C.-à-d. l’homme vraiment capable, l’est en tout; son instruction apparaît dans sa conversation comme dans ses ouvrages et jusque dans son ignorance.
37, Raconte.—L’éd. de 88 port.: narre.
4, Ignorance.—«Tout vice est issu d’ânerie.»—Ailleurs (liv. II, ch. XII, II, 110), Montaigne dit de ce même proverbe: «Si cela est vray, il est subiect à vne longue interprétation.»
6, Empoisonne.—Pensée tirée de Sénèque, Epist. 81.
9, Repentance.—«Le repentir est une douleur volontaire et qui soulage; le remords, une douleur qui s’impose et torture sans soulager.»
3, Mercurialiser.—Reprendre, censurer. Ce mot vient de «mercuriales», séances du parlement de Paris qui se tenaient deux fois par an, un mercredi (jour de Mercure), où le Président, usant parfois d’un langage sévère, parlait contre les désordres et les abus commis dans l’administration de la justice.
4, Semons.—Invité, averti, sollicité; même étymologie et même sens que «semonce», mot encore en usage.
13, Toucher.—Par lequel nous puissions juger, comme avec une pierre de touche, du mérite de nos actions.
20, La vostre.—Celle de vostre conscience, comme port. l’éd. de 88.
25, Domicile.—Si fortement ancré en nous, qu’il semble faire partie intégrante de nous-mêmes.
30, Sens.—Montaigne, en résumé, dit qu’on ne se repent pas de ses fautes habituelles, mais seulement, par un effet de la versatilité de notre caractère, de celles que nous commettons accidentellement, ce qui est bien vrai si on y réfléchit.
33, Genæ.—Horace fait ici regretter à Ligurinus, sur le retour d’âge, de n’avoir pas abusé de sa beauté, quand cela lui était possible.
1, Eschaffaut.—En plein théâtre, en public.
5, Pourtant.—Et c’est pour cela, d’après ces principes, que Bias... Plutarque, Banquet des sept Sages, 14.
8, Hommes.—Montaigne aurait pu citer aussi la réponse d’Aristippe à quelqu’un lui disant: «En quoi êtes-vous donc supérieurs au reste des hommes, vous autres philosophes?—En ce que, répondit-il, si les lois étaient supprimées, notre conduite n’en serait pas moins régulière.» Diogène Laerce.
9, Drusus.—Ou plutôt M. L. Drusus, comme dit Velleius Paterculus. Distingué par sa naissance, son éloquence et ses vertus, étant tribun du peuple et ses propositions sur les jugements, le partage des blés et des terres, l’extension du droit de cité aux peuples d’Italie inquiétant le Sénat, il fut tué dans un soulèvement organisé à cet effet (91). Lui mort, toutes les lois qu’il avait fait rendre furent révoquées, comme prises les auspices étant contraires.
13, Agesilaus.—Plutarque, Agésilas, 5.
17, Domestiques.—«Il faut être bien héros, disait le Maréchal de Catinat, pour l’être aux yeux de son valet de chambre.»—«La seule réputation fondée est celle que nous font les gens avec lesquels nous vivons.» Bacon.
19, Histoires.—«La plupart des héros sont comme certains tableaux; pour les estimer, il ne faut pas les regarder de trop près.» La Rochefoucauld.—«Pour son siècle incrédule, un héros n’est qu’un homme.» Lamartine.
24, M’achettent.—Réédition du proverbe: «Nul n’est prophète dans son pays», cité quelques lignes plus haut, et qui se retrouve encore dans celui-ci: «Le sainct de la ville n’est pas oré» (prié, du latin orare).
26, Moins.—Moins de crédit, de renommée.
2, Aristote.—Morale à Nicomaque, X, 7.
11, Puis.—A ce propos, J.-B. Rousseau a écrit:
25, Non.—Et qui de nous ne donne pas à Tamberlan.
28, Erasme.—L’homme le plus savant de son siècle; écrivain latin des plus purs, élégant, spirituel, en même temps qu’un des hommes les plus sages de son temps. D’accord avec Luther sur la nécessité d’une réforme, il se sépara de lui quand il le vit recourir à la violence, n’aimant pas la vérité séditieuse. Son œuvre est considérable; le nombre de ses adages et apophthegmes dépasse 4.000.
4, Eschappé.—Mille natures (caractères) ont pris de mon temps le chemin de la vertu ou du vice, quoiqu’elles eussent reçu une éducation qui semblait devoir les acheminer dans un sens tout opposé.
11, Magistro.—Lucain, IV, 237.—C’est ainsi que ces jours-ci (1905), nous avons vu au jardin des Plantes de Paris un éléphant, d’ordinaire fort tranquille, soigné depuis 15 ans par un gardien qui s’y employait avec grande sollicitude, et entre lesquels régnait une réelle affection, saisir ce gardien avec sa trompe, lui briser les reins et le piétiner ensuite avec rage. Chez l’homme le plus doux ne constate-t-on pas aussi, maintes fois, des retours aux pires instincts, où la brute assoupie qui est en nous reparaît, notamment quand il est perdu dans les foules. Il y devient alors absolument inconscient, capable de passer d’un instant à l’autre, sans motif (et encore notre éléphant, lui, pensait-il probablement et non sans raison apparente que c’était à son gardien, auquel il voyait continuellement ouvrir et fermer sa cage, qu’il devait sa longue et étroite captivité, ou qu’il ne tenait qu’à lui d’y mettre fin; et que, ne le faisant pas, c’était un ennemi), par les sentiments les plus opposés et commettre des actes d’une férocité inouïe, qu’une fois seul, revenant à lui-même, il réprouve de toute son âme, ne comprenant pas comment il a pu en arriver là. Cela se voit constamment dans les mouvements d’effervescence populaire, où un rien suffit pour que les foules deviennent criminelles et leur frénésie, leur cruauté sans limites; qui n’en a été témoin, ne peut s’en faire une idée; une fois le monstre surexcité, personne ne sait jusqu’où il ira, il est tout spontanéité. Aussi, combien sont coupables ceux qui vont déchaînant les passions des masses qu’ils ne pourront pas contenir, sans compter que ces instigateurs, une fois la mise en branle effectuée, ont, pour la plupart, grand soin de se tenir de leur personne prudemment à l’écart.
21, R’aduiser.—Corriger, réformer; on dit bien se raviser pour changer d’avis, mais raviser les mœurs, dans le sens de les redresser, ne se dit guère.
24, Seiourne.—On s’abstient, on se dispense.
25, Externes.—Add. de 88: et internes; l’ex. de Bordeaux port. arbitreres, que dans la traduction on a cru devoir maintenir.
35, Rauisemens.—Retours sur soi-même, à la raison, changements d’avis; vient de raviser, mais n’est pas demeuré dans la langue.
1, Mesme.—S.-ent. du vice.
3, Chafourée.—Confuse, barbouillée. Vieux mot de la langue française, dont Brantôme a pareillement usé.
26, Mercy.—Grâce à.
32, Science.—De la connaissance...
17, Puis pas.—L’éd. de 88 aj.: facilement.
20, Ainsin.—C.-à-d. sans que l’homme soit lui-même déterminé par sa propre volonté à persister dans ses péchés provenant de son tempérament et de sa profession.
8, Regret.—De ce passage, on peut inférer que Montaigne croyait que les actions humaines s’imposent à l’homme, par une sorte de fatalité résultant de la connexion inévitable des causes et des effets; ce qu’il confirme dans les lignes qui suivent.
19, Moy.—Suivant la mesure de mes forces.
21, Macheure.—Tache, contusion, meurtrissure.
26, Negoces.—Affaires.
6, Moy.—Add. de 88: de ne l’auoir sceu preuoir.
11, Fit-il.—Plutarque, Apophth., art. Phocion.
17, Ie n’ay deu.—L’éd. de 88 port.: cependant ie n’ay peu.
27, Volonté.—V. ci-dessus, liv. II, ch. XVII, II, 488, ce que Montaigne dit de son aversion pour la délibération; cela explique ce qu’il dit ici.
29, Enquis.—Enquis signifie ici «requis».
1, Gariement.—C.-à-d. et d’être dispensé d’en répondre.—Gariement est un vieux mot signifiant garantie, sauvegarde.
8, Celuy.—Sophocle.—Quelqu’un lui ayant demandé si, dans sa vieillesse, il jouissait encore des plaisirs de l’amour, il répondit: «Aux dieux ne plaise! et c’est de bon cœur que je m’en suis délivré, comme d’un maître sauvage et furieux.» Cicéron, De Senect., 14.
14, Conscience.—Qui soit l’effet du repentir et d’une conscience qui se réforme.
20, Ores que.—A présent que...
30, Coniure.—L’éd. de 88 port.: esconiure, qui donne au texte cette signification: «je les prie de se retirer»; conjurer a ici ce même effet, mais, pour cela, est détourné de son sens propre.
33, Clarté.—Je ne vois pas que ma raison juge de la volupté autrement ni plus sainement qu’alors.
34, Maleficiée.—En mauvaises conditions.—L’éd. de 88 port.: maladiue.
3, Gents.—C’est bon pour les gens...
4, Deliure.—Libre, comme portent plusieurs éd. post.
7, Maladie.—V. sur ce même sujet liv. III, ch. IX, III, 380.
14, Antisthenes.—Diogène Laerce, VI, 5.
32, Douloureuses.—C.-à-d. à ce repentir que l’âge apporte et qui n’est que le résultat d’un cas de force majeure et de l’impuissance.
35, Appetits.—L’éd. de 88 port.: la defaillance de nos forces, au lieu de: «l’affoiblissement de nos appetits».
7, Vieillesse.—Ce passage où Montaigne s’exprime avec une grande netteté est un des mieux pensés des Essais.
9, Nez.—On me reprochait de parler alors que je n’avais pas encore de barbe au menton.
16, Enuie.—Je trouve surtout dans la vieillesse, de l’envie...
17, Visage.—Idée que Corneille a reproduite dans son Epître au Roi:
24, Accoustumée.—Xénophon, Apologie de Socrate devant ses juges, le dit expressément, considérant qu’à son âge, il lui serait plus avantageux de mourir que de vivre.
26, Puissante.—Var. de l’éd. de 88: violente.
CHAPITRE III.
Un des meilleurs chapitres de Montaigne. Il y tourne en ridicule les femmes savantes et détermine le genre de connaissances qu’il estime leur convenir. Il parle de ses amours, de la sincérité à apporter dans le commerce des femmes; du caractère des hommes dont on doit rechercher la liaison; il passe à son troisième commerce qui est celui des livres, dont il fait l’éloge, ainsi que l’apologie des lettres et de l’étude et de leurs avantages. Naigeon.
13, Tordre.—Quand, en effet, on embrasse une opinion quelconque, on ne s’oblige pas à y persévérer à tout jamais, pas plus qu’on ne conserve sa vie durant les goûts que l’on peut avoir à un moment donné; quiconque se ferait une loi de ne pas varier à cet égard, serait en contradiction avec tout ce qui l’entoure qui est en perpétuelle vicissitude et dont les sensations que nous en percevons, sont éminemment variables.
31, Iuger.—Add. de 88: Au pris de ce fruit et amendement essentiel auquel il vise, il fait peu de compte de l’estude qu’on emploie à charger et meubler sa memoire de la suffisance d’autruy.
2, Forger.—Façonner.
8, Aristote.—Morale à Nicomaque, X, 8.
10, Discours.—Ma raison.
12, Effort.—C.-à-d. aussi peu d’entretiens dont le sujet n’est pas sérieux et qui ne demandent aucun effort de tête, me plaisent et captivent mon attention.
16, Lasches.—Add. de 88: sans pois et sans grace.
19, Resueuse.—Add. de 88: par fois.
24, Volet.—Entre plusieurs choses de même espèce, choisir la meilleure.—Cette expression vient, suivant les uns, de l’habitude qu’ont les jardiniers de répandre leurs graines sur une planche, qu’ils nomment volet, quand ils choisissent les meilleures pour semer; suivant d’autres, de l’usage qu’on avait, en France, de mettre les étoffes sur le volet intérieur des fenêtres, pour pouvoir les examiner en détail et au grand jour.
25, Incommode.—Impropre.
29, Insipience.—Folie, sottise; du latin insipientia, dont Montaigne s’est contenté de changer la terminaison.
5, Peut.—Xénophon, Mém. sur Socrate, I, 2, 3.
8, Disconuenir.—C.-à-d. de ne pouvoir m’accommoder avec les gens, en somme assez peu nombreux, avec lesquels le hasard m’oblige à avoir des relations fréquentes.
18, Harpe.—Je me harponne, je m’attache fortement...
23, Froid.—Var. de 88: mal.
24, Affriandé de.—Var. de 88: acoquiné dès.
25, Parfaicte.—Celle d’Etienne de la Boétie.
28, Ancien.—Plutarque, De la Pluralité d’amis, 2.
5, Platon.—Traité des Lois, VI.
6, Maistral.—Magistral, d’un ton de maître.
7, Raison.—La raison que je viens d’alléguer.
14, Æacus.—Eaque. Se signala tellement par sa justice et sa sagesse, qu’à sa mort, Jupiter en fit un des trois juges des Enfers; il fut le grand-père d’Achille.
29, Forchetta.—Parler sur la pointe d’une fourchette, c.-à-d. pour une bagatelle.—Expression italienne qui correspond à notre locution française: «Disputer sur la pointe d’une aiguille». Les Grecs disaient: «Disputer sur l’ombre d’un âne», tiré d’une digression de Démosthène, au cours d’une de ses harangues aux Athéniens, leur contant, pour ranimer leur attention, une discussion entre un ânier et un individu auquel il avait loué son âne et qui, descendu de sa monture, en cours de route, voulait s’abriter à son ombre des rayons du soleil, ce que, voulant faire de même, l’ânier lui contestait, disant lui avoir loué l’âne, mais non l’ombre de l’animal.
34, Magistere.—Science doctorale et magistrale.
11, Totæ.—Ce mot de Sénèque, Epist. 115, qu’il applique aux petits maîtres de son temps, lesquels, sous aucun rapport, ne le cédaient à ceux de nos jours. L’un d’eux, transporté par ses esclaves, des bains chez lui, dans sa chaise à porteurs, ne demandait-il pas «s’il était assis», comme si c’était chose au-dessous de lui de savoir ce qu’il faisait!
17, Iudiciaire.—La science judiciaire, le droit.
18, Besoing.—La Bruyère compare une femme savante à une belle arme de luxe.
19, Loy.—Loisir, liberté, occasion, moyen.
20, Baste.—Il suffit, c’est assez; de l’italien basta.
29, Parlier.—Parleur, bavard.
35, Seruiteur.—Amant.
2, Production.—Et me porte à produire.
7, Estrangere.—Ecartant de moi le souci que pourraient me causer les affaires des autres.
11, Louure.—A la cour.
16, Vie.—Outre qu’il fut en rapport constant avec Henri de Navarre et son entourage, Montaigne vint à diverses reprises à la cour de France; notamment, pour la première fois, vers 1555, accompagnant son père qui venait d’être nommé maire de Bordeaux, et allait demander le rétablissement de privilèges supprimés; puis, en 1559, lors des obsèques de Henri II et du sacre de son successeur, à la suite duquel il alla à Bar-le-Duc; en 1562, sous Charles IX, qu’il suivit à Rouen; en 1588, où son séjour fut marqué par son incarcération de quelques heures à la Bastille.
24, Conuoiemens.—Action de reconduire quelqu’un qui s’en va.
4, Substitutions.—Disposition par laquelle un testateur substitue un héritier à un autre qui n’a que l’usufruit, sans avoir la propriété du bien laissé; question de droit qui, aux temps jadis surtout, était pleine de complications et une source de difficultés.
6, Confabulations.—Conversations, entretiens, discours familiers.
10, Rüe.—«A la manière dont ils rapportent leurs provisions du marché», dit Plutarque, Dion, 1; ce qui porte à croire que c’était là une coutume assez générale en Grèce, au moins chez les gens du commun, d’aller soi-même au marché.—Un poète français a rendu, ainsi qu’il suit, la même idée:
13, Suffragante.—Souple, humble, modeste, venant en seconde ligne.
15, Demette.—Qu’elle descende, s’abaisse jusqu’à nous, s’accommode à notre portée.
16, Vtile.—Var. de 88: belle.
22, Femmes.—Add. de 88: et bien nées.—«Une cour sans femmes, disait François Ier, est un parterre sans roses.»
32, Argolica.—D’Argos; qualification donnée ici à la flotte grecque, parce qu’Agamemnon, roi d’Argos, en avait le commandement suprême.
32, Capharea.—C’est près du cap de ce nom que la tempête dispersa la flotte des Grecs, au retour de la guerre de Troie.
6, Iouyr.—Il faut avoir réellement bien désiré ce dont on veut avoir bien réellement le plaisir de jouir.—Dorat, dans sa comédie de La feinte par amour, a dit: «Qui plaît sans aimer, jouit sans être heureux.» On en a fait:
6, Masque.—Hypocrisie.
11, Brachmanes.—Dits aussi Brahmes, Bramines; prêtres de la religion de Bouddha. Ils se distinguent par un costume spécial, et, bien qu’en principe constituant une caste d’ordre supérieur, vivant des dons des fidèles, beaucoup sont en réalité dans la misère.
24, Platon.—Selon les principes posés par Lysias (au commencement du Phèdre de Platon), et que réfute ensuite Socrate.
28, Engeance.—C.-à-d. je ne connais pas plus la femme sans amour, que je ne reconnais mère celle qui n’a pas d’enfant.
8, Preambulaires.—Qui précèdent un mal plus violent, plus dangereux.
11, Tibere.—Tacite, Ann., VI, 1.
13, Flora.—Était de bonne maison et de grande lignée, et fut particulièrement en relations avec Pompée. Ce dont Montaigne, d’après Brantome, Vie des Dames galantes, I, se fait ici l’écho, est tenu comme faux par Bayle, art. Flora.
15, Deduit.—Plaisir; viendrait, suivant certains, du latin deducere, emmener, parce que, disent les étymologistes, jamais à court de déductions, lorsque quelqu’un a du chagrin, on l’emmène ailleurs pour le consoler (?).
16, Brocadel.—La brocatelle, ou le brocart.
24, La beauté.—Var. de 88: le corps.
31, Commerces.—L’un avec les hommes par une conversation libre et familière, l’autre avec les femmes par l’amour.
14, Bride.—Proverbe signifiant qu’il est facile de supporter quelques ennuis, quand on a le remède sous la main.
15, Sicile.—Ce roi est dit «nostre», parce qu’il était de la famille régnante de France, se trouvant descendre comme elle de saint Louis, son aïeul à la cinquième génération.
37, Librairie.—Je me retire un peu plus souvent dans ma bibliothèque.—Voir sur cette bibliothèque la notice afférente aux illustrations, IV, fas. A.
2, Dicte.—Montaigne, comme tous les seigneurs de son temps, avait à sa disposition un secrétaire, ou quelque serviteur pouvant en tenir lieu; la relation de ses voyages, dont on possède le manuscrit, a été écrite partie par lui, partie sous sa dictée.
9, Poly.—Propre, orné, de l’italien polito, qui signifie propre, net.
11, Despense.—Si je craignais aussi peu les embarras que la dépense.
19, Liures.—A la mort de Montaigne, sa fille fit don à un abbé, grand vicaire du diocèse d’Auch, de la totalité des livres que son père avait possédés et dont lui-même a évalué le nombre à un millier. La plupart sont aujourd’hui perdus, soixante-seize seulement demeurent: français, grecs, latins, espagnols, italiens, consistant en ouvrages de médecine, de droit, un ou deux romans, quelques poètes et relativement nombre d’historiens, entre autres les «Commentaires» de César (N. II, 82: Lisant, et 646: Militaire).
21, Prospect.—Vue, perspective; du latin prospectus francisé par Montaigne.—Elle a trois fenêtres qui, chacune, offrent une vue agréable et étendue.
27, Presse.—C.-à-d. je suis bien aise qu’il soit un peu pénible d’y monter et qu’elle soit à l’écart, parce que cela me fournit l’occasion de faire quelque exercice et aussi m’éloigne de la foule.
7, Quest.—Le gain, comme port. l’éd. de 88; du latin quæstus d’où est dérivé acquêt.—Maintenant pour m’amuser, et jamais en aucun temps pour le gain.
CHAPITRE IV.
4, Faisant.—En vous opposant brusquement à leur tristesse.
7, Œuure.—Mirabeau prétendait au contraire que la laideur est une chance de succès dans un certain nombre de professions, au nombre desquelles il plaçait la médecine.
14, Persuader.—Add. de 88: quand il y a resistance.
17, Temps.—Var. de 88: bonne piece.
20, Plaint.—Cicéron, Tusc., III, 31.
25, Amas.—C.-à-d. et n’employant pas, pour en faire usage suivant le cas, ces divers genres de consolation banale.
2, Peloponnesiaque.—Plutarque, Périclès, 21.—On a accusé Périclès d’avoir fait naître cette guerre pour détourner de lui les accusations dont il était l’objet, par suite de l’envie qu’il excitait.
2, Reuoquer.—Éloigner; en ce sens, c’est purement le mot latin revocare.
5, Liege.—De Comines, Mém., II, 3.—En 1468. La ville était en conflit avec son évêque qui était son suzerain et que patronnait le duc de Bourgogne; elle était divisée et le parti de la paix avait fait décider d’ouvrir ses portes au duc, qui s’était fait précéder du Sire d’Himbercourt. Cette velléité de résistance eut pour effet quelques exécutions, le démantèlement de la ville et une forte contribution de guerre, ce qui n’empêcha pas les Liégeois de se soulever à nouveau l’année suivante, sédition qui aboutit aux rigueurs les plus excessives.
20, Grasses.—Des offres plus avantageuses.
25, Predicament.—De cette catégorie. On appelle «prédicaments», en logique, les dix catégories d’Aristote.
25, Atalante.—Ovide, Métam., X, 571.
9, Fil.—On l’accoutume difficilement à combattre les maux en face.
19, Ptolomee.—Ptolémée Lagus (du nom de son père) passait pour fils d’une maîtresse de Philippe de Macédoine, laquelle aurait ensuite épousé Lagus, un des principaux officiers de ce prince. A la mort d’Alexandre, il reçut en partage l’Égypte où régnèrent ses descendants jusqu’à la mort de Cléopâtre. Habile et actif à la guerre, il ne le fut pas moins à l’intérieur et protégea les lettres et les sciences; ce fut lui qui fonda la célèbre bibliothèque d’Alexandrie. Il mourut en 283, il avait abdiqué deux ans auparavant.
20, Discours.—Cicéron, Tusc., I, 34; Valère Maxime, VIII, 9.—Hégésias prétendait qu’il vaut mieux mourir que vivre, parce que la somme des maux l’emporte sur celle des biens; ses paroles imprimaient, dit-on, si avant dans l’esprit de ses auditeurs l’image des choses qu’elles représentaient, que lorsqu’il avait parlé des maux de la vie, la plupart de ceux qui l’écoutaient, voulaient se tuer de leurs propres mains.
32, Raualoit.—Se fixait, se reportait sur...
4, Deffaict.—Exécuté.—Tacite, Ann., XV, 67; il a déjà été question de Subrius Flavius, I, 30.
15, Estocade.—Les uns lisent «estocade», les autres «estacade». Dans le premier cas, cela signifie «à l’épée», l’estoc était une épée longue et étroite; dans le second, cela veut dire «en champ clos», l’estacade était une sorte de lice, environnée de barrières, où les champions se renfermaient pour se battre à outrance, sans être gênés par le public tout en demeurant sous ses yeux; de fait, les deux interprétations aboutissent au même sens.
17, Crioit.—Add. de 88: qu’il estoit mort, et.
20, Se descharger.—Se dégager, se débarrasser.
21, Syllanus.—Tacite, Ann., XVI, 9.
3, Manes.—Les mânes étaient, dans la mythologie des Romains, les âmes des morts considérées comme divinités infernales; on leur rendait un culte et les distinguait en bonnes et méchantes.
3, Imos.—Malédiction proférée, au dire de Virgile, En., IV, 382, 387, par Didon contre Énée qui l’abandonne. C’est par une fiction bien éloignée de la vérité historique que le poète fait vivre cette princesse au temps du héros troyen, auquel elle est postérieure de plus de trois siècles.
9, Teste.—Valère Maxime, IV, 10; Diogène Laerce, Xénophon; Elien, Hist. div., III, 3.—En 363; Xénophon avait deux fils, Cyrillus était l’aîné. Par son geste, il témoignait que la bravoure dont son fils avait fait preuve, lui causait plus de satisfaction que sa mort ne lui faisait ressentir d’amertume: «Je savais, dit-il, que mon fils était mortel!»—Le Maréchal Lefebvre, duc de Dantzig, eut son fils tué, en Espagne, dans une embuscade, après une défense héroïque (1811). Son corps, retrouvé peu de temps après, était couvert de blessures; ce voyant, le vieux guerrier eut un moment d’orgueil qui sécha presque ses larmes; et racontant à un ami cette mort de son enfant unique: «Ses morceaux, dit-il, se défendaient encore.»
9, Epicurus.—Dans sa lettre à Hermachus. V. liv. II, ch. XVI, II, 444.
13, Soldat.—Cicéron, Tusc., II, 26.
14, Costé.—Cornélius Népos, Epam., 9.—Epaminondas blessé mortellement à la bataille de Mantinée (363), apprenant que l’ennemi est en déroute: «J’ai assez vécu, dit-il, puisque je meurs sans avoir été vaincu.» Et, quelqu’un exprimant le regret qu’il n’eût pas de postérité: «Je laisse deux filles immortelles, Leuctres et Mantinée», fit-il en rappelant ses deux victoires; peu après, il expirait. Il fut enterré sur le champ de bataille même, et, du temps de Strabon, deux cippes existaient sur son tombeau, l’un avec une inscription béotienne, l’autre érigé par l’empereur Adrien qui en avait composé lui-même l’inscription. V. N. III, 18: Epaminondas.—La même chose arriva à Nelson, à la bataille de Trafalgar (1805); apprenant que la victoire était complète: «A présent, dit-il, je meurs satisfait; grâces soient rendues à Dieu, j’ai accompli mon devoir.»
20, Autres.—L’école des Stoïciens.
22, Mal.—Sénèque, Epist. 22.
23, Yurongne.—Sénèque, Epist. 83.
24, Blanc.—Est-ce atteindre le but?—Cette expression vient de ce que jadis, comme maintenant, les tirs à l’arc, à l’arbalète, à l’arquebuse, etc... s’effectuaient sur des buts où la partie à atteindre était marquée en blanc; aujourd’hui que l’on tire de plus loin, un point à viser est apposé sur cette partie blanche qu’autrefois on visait elle-même.
25, Consorce.—Dégager de notre communauté.—Consorce a été forgé par Montaigne du latin consortium, société, association.
33, Passion.—«Cette passion (la vengeance), pour un moment plus douce que le miel, dit Homère, trouble ensuite l’âme de sombres vapeurs et lui prépare souvent, pour toute la vie, des maux irréparables.»
3, Seiournez-le.—Donnez-lui du repos, amortissez-le...
10, L’amitié.—Est-ce l’amour de sa future femme ou d’une autre (Montaigne s’est marié en 1565), qui a ainsi fait diversion au chagrin qu’il ressentait de la perte de son ami La Boétie survenue en 1563?
21, Muant.—Changeant de lieu.
23, M’esgare.—Et ne sais ce que je deviens, me perd de vue.
31, Leniment.—Adoucissement, du latin lenire.
35, Chien.—Ce chien, dit Plutarque, Alcibiade, 4, remarquable par sa taille et sa beauté, et dont la queue était le plus bel ornement, avait coûté 70 mines, environ 50.000 fr.
1, Desuoyer.—Mettre hors de la voie, du chemin, désorienter.
1, Parleurs.—Les indiscrets, les cancaniers.
3, Enuoye.—Var. de 88: chasse.
17, Enfance.—Dans le traité intitulé: Consolation envoyée à sa femme, sur la mort d’une sienne fille, ch. 1; le même que dans une circonstance analogue Montaigne envoyait à sa femme, le 10 septembre 1570, également en manière de consolation.
20, Romme.—Le corps ayant été porté sur la place publique où l’oraison funèbre devait être prononcée, Antoine en la terminant prit la robe toute sanglante et montrant les coups qu’il avait reçus (César avait été frappé de 23 blessures, dont une seule mortelle qui lui avait été faite à la poitrine), excita le peuple qui, prenant tout ce qui était à sa portée, les bancs, les tables des boutiques environnantes, dressa séance tenante un grand bûcher où le corps fut placé; et, quand le feu eut fait son œuvre, chacun s’emparant d’un tison enflammé courut aux maisons des conjurés pour les incendier, mais déjà ils s’étaient fortifiés et avaient paré au danger.
21, Tintoüine.—Tinte, retentit; mot forgé par Montaigne du latin tintinnare.
24, Grammairienne.—L’ex. de Bordeaux aj.: et voyelle, add. qui a été admise dans la traduction.—C.-à-d. une plainte uniquement composée de mots et de sons, à l’exclusion de tout sentiment effectif.
33, Desirer.—Même de désirer l’éviter.
34, Empereur.—Tibère, ce monstre de cruauté, qualifié ici de «bon» par antiphrase. Suétone, Tibère, 62.
36, Bourrellerie.—Des bourreaux, des tortures.
37, Là.—Dans un état semblable.
11, Didon.—Après l’abandon d’Énée; V. N. III, 168: Imos.
11, Ariadné.—Après l’abandon de Thésée.
16, Iambe.—Diogène Laerce, IV, 17.—Polémon en était arrivé à se dominer au point que jamais on ne vit la moindre altération sur son visage, ni sa voix trahir aucune émotion, soit sous l’effet de la douleur, soit sous celui de la crainte ou des plaisirs.
18, Accession.—Augmentation, accroissement, du latin accedere, part. passé accessus, qui a même sens.
29, Empruntée.—Qu’ils s’affligent d’une douleur simulée.
33, La Fere.—En 1580; par le Maréchal de Matignon qui s’en empara sur les Protestants; le duc de Grammont y fut tué par un boulet qui lui emporta un bras.
37, Quintillian.—Inst. orat., IV, 2, vers la fin.
7, Prestre-martin.—Expression proverbiale fondée sur le conte d’un prêtre du nom de Martin qui, disant la messe, faisait à la fois fonctions de prêtre et de clerc, chantant et répondant, ce qui s’appelle aujourd’hui: faire les demandes et les réponses.
11, Desdaing.—Et faire diversion à la pitié par le dédain.
15, Instructiue.—Comme si le regret était un sentiment instructif, qui nous révélât des qualités inconnues dans celui qui en est l’objet.
18, Digne.—Le texte porte digne, ce qui ne se comprend pas. Il est probable que le texte initial portait indigne, et que c’est une erreur d’impression dans l’édition de 1580; et que, passée alors inaperçue, elle s’est reproduite dans celles qui ont suivi.
20, Exemple.—Le texte et le sens prêtent aussi bien à dire: que je dois, ou qui m’est donné; nous avons préféré cette dernière version parce que l’homme est plus souvent entraîné par l’exemple comme les moutons de Panurge, que porté à le donner.
7, Puisse.—Est-il un seul être dans la nature, l’homme excepté, qui se sustente du néant; un seul être sur lequel le néant ait action?
10, Fié.—Hérodote, III, 30.—En 525; et cela parce qu’étant en Égypte, il avait vu en songe un courrier de Perse, où était demeuré Smerdis son frère, lui annonçant que son frère avait été aperçu assis sur le trône. A ce moment du reste, Cambyse était sujet à des accès de démence que les Égyptiens attribuaient à ce qu’il avait fait tuer le bœuf Apis.—Diodore de Sicile raconte cet autre fait non moins atroce: Un certain Marsyas avait rêvé qu’il coupait la gorge à Denys le Tyran; celui-ci, qui eut connaissance de ce rêve, le fit mourir, disant qu’il n’y aurait pas songé la nuit, s’il n’y avait pas pensé le jour.
12, Chiens.—Plutarque, De la Superstition, 9.—En 724; Aristodème était alors en guerre avec les Lacédémoniens; outre ces hurlements dont il augurait mal, du chiendent avait poussé autour de sa demeure!
12, Autant.—Plutarque, De la Superstition, 9.—Midas s’empoisonna, dit-on, avec du sang de taureau, pour la raison qu’indique Montaigne.
17, Prometheo.—Selon les uns, il fit l’homme avec de l’argile et l’anima avec le feu du ciel qu’il avait dérobé. Selon d’autres, Jupiter n’avait pas donné aux hommes l’usage du feu; Prométhée, en dérobant au soleil, les en dota; Jupiter, irrité de son audace, le fit enchaîner sur le Caucase, où un vautour lui rongeait le foie qui sans cesse renaissait; Hercule le délivra. Myth.
CHAPITRE V.
Ce chapitre est un des plus curieux, des plus variés des Essais; Montaigne s’y montre tour à tour sérieux et badin, grave et plaisant, sage et fou, moraliste austère et cynique effronté; on y trouve de tout: de la gaîté, du goût, de la raison, de la philosophie, une grande connaissance du cœur humain, des vues et des conseils très sages sur la manière de tirer parti de la vieillesse; des observations fines et judicieuses sur l’amour en général, sur le mariage, ses avantages et ses inconvénients; sur ses accidents, sur l’injustice de la jalousie, sur la chasteté, devoir difficile à observer, sur les inconvénients de notre curiosité à cet égard; sur les caractères de la véritable éloquence; sur la force que les bons esprits donnent à leur langue et les nouvelles richesses qu’ils lui apportent; sur les avantages et les défauts de la langue française; sur la liberté des écrits et des paroles, sur les avantages qu’on pourrait retirer de l’amour dans un âge avancé, etc.; en un mot, Montaigne y traite incidemment toutes sortes de matières liées à son sujet, mais dont le rapport réel n’est pas toujours facile à saisir. On croit, en lisant ce chapitre, entendre causer ensemble cinq ou six hommes d’esprit qui laissent aller la conversation comme elle vient; qui s’arrêtent plus ou moins longtemps sur certains textes, et disent toutes les folies qui leur passent par la tête; il est peu de chapitres où se montre plus de verve et d’originalité. Naigeon.
22, Pensemens.—Réflexions.
23, Onereux.—A mesure que les réflexions sur des sujets d’utilité sont plus profondes et plus solides, elles deviennent plus embarrassantes et plus fatigantes.
24, Greuent.—Pèsent, accablent, font souffrir, du latin gravare; est encore en usage.
28, Bandée.—Elle extravague, pour être continuellement appliquée à une étude si sérieuse.
31, Office.—Dans le devoir.
7, Seiourne.—Qui la repose.
17, Folie.—Cette même pensée a déjà été exprimée (I, 344): «Soyez sobrement sages.»
19, Siet.—Le texte latin porte: ne foret.
23, Ieunesses.—Var. de 88: folies.
28, Peuuent.—Add. de 88: encor.
30, Secousses.—De temps à autre.
34, Platon.—Traité des Lois, II.
39, Esbaudi.—Signifie à peu près la même chose que «resioui», mais l’allégresse qu’il marque est plus démonstrative et agitée; n’est usité aujourd’hui que dans le langage populaire.
3, Tressaillir.—J’en suis bientôt au point de me féliciter...
4, Deult.—Ne me fait du mal.
11, L’estre.—C’est, mot pour mot, ce que dit Cicéron dans son traité De la Vieillesse, 19.
13, Voluptez.—Cette phrase incidente: «telles que les satisfactions d’amour-propre», que porte la traduction, n’est pas dans le texte; c’est une phrase explicative dérivant de ce qui suit.
18, Prinssé-ie.—Que ne puis-je encore éprouver du plaisir...
20, Salutem.—Vers d’Ennius, cité par Cicéron, De Off., I, 24, au sujet de Fabius Maximus qui, dit-il, travaillait au bien public, sans se mettre en peine de tout ce qu’on publiait à Rome pour décrier sa conduite. Coste.
32, Logis.—Cicéron, De Senectute, II.—Nous imposent le repos, en nous libérant de certaines obligations, ou nous contraignant à la cessation de certaines fonctions à des âges déterminés, ce qui, plus que jamais, est de règle de nos jours. Cette limite, dans l’armée, varie avec le grade; dans la magistrature, elle vient à 70 ans; dans les autres administrations et carrières civiles, elle est d’ordinaire de 60 ans et 30 ans de services.
41, Mal.—Souffrance, peine, douleur.
11, Personne.—Add. de 88: d’honneur.—Ce souhait de Montaigne a été exaucé: Pierre Charron, chanoine théologal de Condom (1551 à 1603), avec lequel il était déjà en relations depuis quelques années, devint, vers 1589, le confident de ses dernières années et le continuateur de sa pensée, dans son traité De la Sagesse.
12, Resseante.—Fixe, sédentaire.—C.-à-d. qui soit à demeure quelque part ou qui aime à voyager.
14, Paume.—Elle n’a qu’à faire un signe.—«Siffler en paume», c’est siffler en soufflant d’une certaine façon entre ses doigts.
16, Vieillesse.—D’échapper à la vieillesse.
19, Affreté.—Attaché, lié, accroché.—Var. de 88, de l’ex. de Bord. et de l’éd. de 1635: affreré.
22, Colligence.—Étroite liaison; du latin colligare, joindre, lier, nouer ensemble.
23, Compagnon.—Le corps.
33, Par venuës.—Sans interruption; littéralement par train continu, suite entretenue.
34, Eloises.—Éclairs. V. N. II, 274.—Est pris ici au figuré: des idées, des conceptions.
35, Esperdus.—Pour ne pas dire les plus extravagants.
39, Veut.—Mon esprit veut encore...
1, Rire.—Pline, Hist. nat., VIII, 19.—Crassus, pour ce motif, avait été surnommé «Agélaste», le glacé.—On a dit aussi de Jésus-Christ qu’on ne l’avait jamais vu rire, mais qu’on l’avait souvent vu pleurer.
17, Archeanassa.—C.-à-d. de critiquer les écrits de Platon et de glisser légèrement sur les relations qu’on lui prête avec...—On a cru trouver la preuve de ces relations et autres de même sorte, prêtées à Platon, dans diverses épigrammes que lui attribue Diogène Laerce, et qui portent:
«Alexis n’est plus, prononcez seulement son nom et chacun se retourne; Phédon n’était pas moins beau et nous l’avons perdu».—Alexis semble avoir été un poète comique de l’époque; Phédon était le co-disciple de Platon aux leçons de Socrate, il était retourné en Élide, après la mort de Socrate; Platon a donné son nom à un de ses plus importants dialogues sur l’immortalité.
«Cher Dion, de quel amour tu embrases mon cœur!»—Dion était le gendre de Denys l’Ancien, Platon fut constamment dans les meilleurs rapports avec lui.
«Quand tu considères les astres, chez Aster, je voudrais être le ciel, pour te voir avec autant d’yeux qu’il y a d’étoiles.»—Aster était un jeune homme qui se livrait à l’astronomie avec Platon; Montaigne l’appelle Stella, probablement parce que les deux mots ont en latin même signification.
«La belle Archeanassa, de Colophon, est à moi. Oh! de quelle ardeur elle a dû vous embraser, vous qui avez goûté les premiers de sa jeunesse.»
«Quand je couvrais Agathon de baisers, mon âme était tout entière sur mes lèvres, prête à s’envoler.»
32, Mineuses.—Affectées, minaudières.
7, Biens faicts.—Bonnes actions; est pris ici dans le sens opposé à mesfaicts, mot qui suit et dont l’acception n’est pas douteuse.
19, Moins.—Montaigne fait dire ici à Thalès le contraire de ce qu’il a dit: «Un homme qui avait commis un adultère, conte Diogène Laerce, I, 36, d’où le fait est tiré, ayant demandé à Thalès s’il devait le nier par serment, Thalès lui répondit: «Mais le parjure n’est-il pas pire que l’adultère?»
23, Vice.—Quand on lui donne à choisir entre quelque entreprise périlleuse et une action vicieuse.
24, Origene.—Comme on en usa avec Origène, en le réduisant au choix ou d’idolâtrer, ou de se souffrir...
28, Celles.—Pourtant, dans leur erreur, elles ne seraient pas dégoûtées, les femmes qui...
31, Ariston.—Plutarque, traité De la Curiosité, 3.
33, Rebrasser.—Retrousser, découvrir; on trouve dans le dictionnaire de l’Académie: «rebrasser ses manches».
1, Sot.—Cela arrive très souvent, et a fait dire à La Rochefoucauld dans ses Pensées qu’un sot n’a pas assez d’étoffe pour être bon.
3, Paroy.—Le côté intérieur d’une muraille.
5, Huguenots.—Mot qui dérive par corruption de eidgenossen, qui signifie confédéré par serment.
10, Eschange.—D’être pris pour autre que je ne suis.
17, Cher.—J’aimerais autant.
19, Archelaus.—Plutarque, Apophth. des rois.—Tout le monde connaît le mot de Turenne à un de ses domestiques qui, lui ayant, par méprise, appliqué un grand coup sur les fesses, lui en demandait pardon à genoux, disant qu’il l’avait pris pour Georges son camarade: «Et quand c’eût été Georges, dit tranquillement Turenne, en se frottant le derrière, était-ce une raison pour frapper si fort!»
22, Socrates.—Diogène Laerce, II, 36.
35, Cabinet.—C.-à-d. que les femmes, en raison de la liberté avec laquelle il y parle de l’amour, n’oseront lire ce chapitre qu’en particulier, dans leur boudoir.
4, Reglez.—Dans sa préface de l’édition de 1595, Mademoiselle de Gournay entrant dans les idées de Montaigne à ce propos et le défendant, dit en substance: «Qu’ils sont donc chatouilleux sur cette question, ceux qui font croire à la jeunesse qu’on ne peut entendre parler de l’amour sans le ressentir; c’est comme si un prédicateur venait dire que c’est rompre l’abstinence en temps de carême, que d’entendre parler de manger et de ce qui s’y rapporte.» Mais il faut ajouter qu’en fait d’amour, fort probablement Mademoiselle de Gournay ne s’y connaissait guère (en 1595 elle avait déjà 30 ans), et qu’elle en parlait un peu comme un aveugle des couleurs.
5, Trahir.—Cicéron, Epist. fam., IX, 22; dans cette lettre Cicéron expose sur la liberté de langage les principes des Stoïciens.
8, Bon.—Car il est à remarquer que...
14, Franchise.—Dans l’asile, sous la sauvegarde.
14, L’arracher.—Ce que Montaigne dit ici est exact; mais la cause de cet état de choses qu’il peint si bien n’est autre que, si cette loi du silence, devenue instinctive et contre laquelle il s’élève, n’existait pas, les dévergondages occasionnés par cette passion, déjà si grande, en arriveraient à un degré tel qu’ils ne pourraient plus être contenus; elle est une sauvegarde de la société sur un point où celle-ci est à la vérité quelque peu en contradiction avec la nature. Où irions-nous, si on en pouvait parler en toute liberté? La délimitation entre ce qui se peut et ce qui ne se peut pas dire sans inconvénient sur ce sujet est trop délicate à fixer, serait trop difficile à observer; il a été plus pratique et plus sage de proscrire complètement ce thème de conversation.
20, Supprimez.—Tacite, parlant des Annales de Cremutius Cordus, que le Sénat fit brûler, dit: «L’ouvrage n’en est pas moins resté, on le cacha et plus tard il reparut.»
—St-Amand apprécie de même cette mesure dans sa Rome ridicule:
20, Aristote.—Morale à Nicomaque, IV, 9.
21, Honteux.—La pudeur doit servir...
24, Estriuent.—Résistent.
25, Suiuent.—Vers de la traduction, par Amyot, du traité de Plutarque, Qu’il faut qu’un philosophe converse avec les Princes, 5.
30, Mal mesler.—Brouiller.
4, Dieu.—Il n’y a pas si longtemps que j’ai cessé d’être enrôlé sous les drapeaux de ce dieu.
32, Maritale.—Cette appréciation de Montaigne est aussi celle de Bernardin de S.-Pierre qui, dans son Préambule de l’Arcadie, insère la citation qui précède et la fait suivre de ce commentaire: «Mais, pour affaiblir ce que ce tableau a de licencieux et de contraire aux mœurs conjugales, le sage Virgile oppose immédiatement après, à la déesse de la volupté, qui demande à son mari des armes pour son fils naturel, une mère de famille, chaste et pauvre, occupée des arts de Minerve pour élever ses petits enfants; et il applique cette image touchante, aux mêmes heures de la nuit, pour présenter un nouveau contraste des différents usages que font du même temps le vice et la vertu.»
33, Mousses.
37, Raison.—Doivent avec raison être pris en considération, entrer en ligne de compte.
3, Ailleurs.—Liv. I, ch. XXIX; II, 346.
4, Prudemment.—Il faut prudement, c.-à-d. avec pruderie, décence, réserve; Aristote dit en effet: «Que le mari approche de sa femme avec pruderie et modestie; qu’il soit vergogneux (chaste, réservé) en paroles, droiturier et honnête en actions.»—Le concile de Trente a dit de même: «Le mariage est une chose sainte, il faut le traiter saintement.»—Dans le langage du XVIe siècle, pruderie était toujours pris en bonne part et signifiait décence austère, exempte d’hypocrisie, comme dans ces vers du Roman de la Rose:
16, D’aguet.—Avec précaution, circonspection; en demeurant sur ses gardes.
21, Troubler.—Var. de 88: mesler.
25, Vertu.—Sage et judicieuse réflexion sur la noblesse comparée à la vertu.
28, Nil.—Les sources de ce fleuve, si célèbre de toute antiquité, qui a un cours de 6.500 kil., sont longtemps demeurées inconnues; leur recherche préoccupait déjà les anciens.—Néron envoya une expédition pour les découvrir. Au IIe siècle, le géographe Ptolémée faisait sortir le Nil de deux grands lacs situés au pied de montagnes couvertes de neiges éternelles (montagnes de la Lune) et les cartes et les sphères du XVIe siècle indiquent d’une manière relativement précise la situation de ces lacs, indication que ne reproduisent pas les cartes du XVIIIe siècle. A partir du commencement du XVIe siècle, les Européens entrèrent en relations avec les rois d’Abyssinie et connurent les sources du Nil bleu qui sort du plateau abyssin, mais plus de trois siècles devaient encore s’écouler avant que celles du Nil blanc (Bahr el-Abiad) ne fussent découvertes. En 1850, un explorateur anglais, Livingstone, le signala comme sortant d’un grand lac de l’Afrique équatoriale qu’il ne put atteindre. En 1858, Speke, officier de l’armée des Indes, y parvint, lui donna le nom de Victoria-Nyanza, mais n’arriva pas à reconnaître l’endroit d’où le fleuve en sort. Ce ne fut qu’en 1875 que Stanley le constata, en même temps que l’existence d’un autre lac qu’il appela l’Albert-Édouard, dont les eaux se déversent dans le cours d’eau sorti du Victoria-Nyanza. Enfin en 1892, un missionnaire allemand, Baumann, reconnut le Kagera, principal tributaire du Victoria-Nyanza, qui sort d’un lac de beaucoup moindre étendue qu’il nomma lac Alexandra; de telle sorte qu’on tient aujourd’hui comme sources du Nil blanc le lac Albert-Édouard (source occidentale) et le lac Alexandra (source orientale).
38, Antigonus.—Plutarque, De la mauvaise honte, 10.
10, Ruffiens.—Amants, galants; mot de provenance italienne.
12, Leur.—Arrien dit que chez les Indiens, le peuple était divisé en plusieurs ordres, et qu’une loi défendait les mariages entre individus d’ordres différents: un laboureur ne pouvait épouser la fille d’un artisan et ainsi des autres.
13, Pollus.—Souillés; du latin pollutus, qui a même signification.
18, S’entreheurter.—En dehors de ruelles étroites, il n’y a à proprement parler que fort peu de rues à Venise; des canaux de largeur variable et en nombre infini en tiennent lieu. On y chemine en gondoles (barques légères), qui dans leur marche silencieuse courraient risque de se heurter, aux tournants, dans les croisements où la vue est interceptée par les maisons en bordure, si, par un cri particulier, les gondoliers ne se signalaient entre eux.
28, Est.—Ce membre de phrase et ce qu’il dit plus loin (III, 344): «Il y a toujours quelque piece qui va de trauers, etc.», donnent à penser que dans le ménage de Montaigne tout n’allait pas continuellement pour le mieux; mais, comme il le dit, n’est-ce pas une règle générale et peut-il en être autrement, étant donné la versatilité de notre nature?
9, Socrates.—Diogène Laerce, II, 33.
9, Commode.—Avantageux.
11, Repentira.
«C’est le célibataire qui n’a point de disputes» (Proverbe cité par S. Jérôme).—«Es-tu délivré de femme, n’en cherche point.» S. Paul.
12, Lupus.—La première de ces deux sentences: «L’homme est à l’homme un dieu», est du poète comique Cécilius, qui ajoute: «s’il connaît son devoir». La seconde, «un loup», est de Plaute, qui la complète en disant: «lorsqu’il ne sait quel il est».
18, Collo.—Nombre de gens pensent de la sorte; il en a été ainsi de tous temps, mais cela ne fait que croître avec les besoins de bien-être qu’amènent les progrès de la civilisation et les difficultés de la vie; le mariage a tendance à être délaissé, malgré l’atténuation résultant du divorce rendu chaque jour plus accessible, et la femme, exposée de plus en plus à rester fille, est réduite à chercher par elle-même les moyens d’existence qu’elle devrait tenir du travail d’un mari.—C’est qu’aussi combien est plus facile la vie pour le célibataire: les restaurants pourvoient à sa nourriture, les cercles à son intérieur, les maisons de santé le recueillent quand il est malade; il lui est aisé de satisfaire ses appétits sensuels, au mieux de ses caprices du moment; il ne connaît ni les orages, ni les embarras ni les soucis d’un ménage; les enfants ne lui sont point à charge; il n’a à penser et ne pense qu’à lui; toutes choses égales, il est libre et riche, alors que le père de famille a des obligations et se trouve dans la gêne. Même sous le rapport de l’affection, ayant dans le présent plus de ressources, pour l’avenir l’entière disposition de son héritage, l’entourage ne lui fait pas défaut et il trouve chez des parents, des étrangers, les attentions, les témoignages de sentiments en apparence les plus désintéressés, qu’on ne rencontre pas toujours chez les enfants, auxquels on en passe davantage et qui ont des droits, qui font qu’ils en prennent beaucoup plus à leur aise.—Le célibataire est un parasite, qui ne rend pas à la société ce qu’il en retire; à Sparte, il était noté d’infamie, certaines exclusions étaient portées contre lui et parmi les hontes qui lui étaient imposées, à certaine fête, les femmes lui faisaient faire le tour d’un autel, en le battant de verges. On ne saurait à notre époque user de semblables procédés qui seraient par trop inefficaces, et cependant il ne serait qu’équitable de compenser, dans la mesure du possible, les obligations auxquelles il échappe; on pourrait par exemple dans l’obtention de certains emplois, de certaines faveurs, avantager à mérite égal les pères de famille tandis que souvent cette situation tourne contre eux; mais surtout un impôt spécial, proportionnel à leurs revenus, devrait frapper les célibataires et le produit en être affecté à l’attribution de subsides aux familles chargées d’enfants qui sont nécessiteuses, etc.
19, Dessein.—A suivre mon inclination naturelle, de mon propre mouvement.
28, Rebours.—Et plus à contre-cœur.
30, Esperé.—Montaigne avait épousé en 1565 Françoise de la Chassaigne, fille d’un conseiller au Parlement de Bordeaux, comme lui-même l’était à ce moment. Il semble s’être marié un peu pour combler le vide laissé en lui par la mort de La Boétie, survenue deux ans auparavant. Bien que, dans les Essais, Montaigne se soit en quelque sorte fait une loi de passer sous silence sa vie conjugale, qu’il n’y fasse guère allusion que lorsqu’il se plaint des difficultés que présente par moments la vie domestique, ou qu’il exprime la confiance qu’il a, lorsqu’il s’absente, en qui en son absence a la gestion de sa maison, il y a lieu de penser qu’avec les idées qu’il avait sur le mariage si, comme il est probable, l’affection et la confiance ont régné entre les deux époux, leurs épanchements ont toujours été modérés, et qu’il n’eût pu dire, à son lit de mort, à sa femme comme son ami La Boétie, qui avait sur ce point des idées d’une élévation de sentiments bien autres, le dit à la sienne ainsi qu’il le rapporte lui-même: «Ayant été joint à vous par le saint nœud du mariage, qui est l’un des plus respectables et inviolables que Dieu nous ait donnés ici-bas, je vous ai aimée, chérie et estimée autant qu’il m’a été possible et suis tout assuré que vous m’avez rendu réciproque affection que je ne saurais reconnaître.»—De fait, Françoise de la Chassaigne, morte en 1627, femme de sens, très rangée, très entendue dans les soins du ménage, paraît avoir été en même temps une épouse discrète, s’effaçant volontiers, telle que Montaigne pouvait la souhaiter; lui mort, elle se dévoua à sa mémoire et à son œuvre.
5, Traistre.—Ces deux vers sont d’un auteur inconnu; on peut leur appareiller ceux-ci dont la source est également ignorée:
10, Galantise.—Var. de 88: gentillesse.
11, Appetit.—Qui ne s’accorde pas avec mes désirs.
14, Recognoistre.—«Et c’est là pour moi une consolation, a dit un commentateur; je sais que je fais mal, donc je n’ai pas encore perdu la connaissance du devoir et par suite l’espérance de revenir au bien.»
20, Maistre.—Vole son maître. «Ferrer la mule», est une expression du temps de Montaigne, signifiant gagner sur un achat fait pour le compte d’un autre, autrement: «Faire danser l’anse du panier.»—Cette expression paraît venir de ce qu’aux temps où les magistrats allaient au palais montés sur des mules, les laquais qui gardaient ces bêtes pendant l’audience, buvaient ou jouaient pour se désennuyer, puis cherchaient quelquefois à s’indemniser de leur dépense ou de leur perte, en comptant à leurs maîtres des frais supposés pour le ferrage des mules.
32, Repentis.
33, Iupiter.—Homère, Iliade, XIV, 295.
38, Considerations.—Préjugés.
39, Empescher.—Sans que cela nous arrête.
39, Isocrates.—Élien, Hist. div., XII, 25.
6, Deuroient.—Add. de 88: au moins.
7, Differentes.—Ælius Verus pensait comme Montaigne, quand il disait à sa femme lui reprochant ses infidélités: «Souffrez que je passe mes caprices avec d’autres, le titre d’épouse est synonyme d’honnêteté et non de débauche.» V. I, 348.
13, Profuse.—Prodigue, s’étend trop loin; du latin profusus, que Montaigne a francisé, mais qui nous a donné «profusion» qui est resté.
15, Lycurgus.—A Sparte, tout jeune homme désirant une jeune fille en mariage l’enlevait à sa famille, la conduisait chez une matrone qui la recueillait et la cachait; lui-même ne venait la voir qu’à la dérobée et continuait à aller coucher la nuit dans les dortoirs communs avec les autres jeunes gens; cela durait quelquefois si longtemps que des maris avaient des enfants qu’ils ne s’étaient pas encore montrés en public avec leurs femmes; par là les époux s’accoutumaient à la tempérance et à la sagesse, qui entretenaient en eux la vigueur et la fécondité, leur conservaient leur première ardeur et renouvelaient leur amour.
19, Riotte.—Petite querelle, petite dispute.
21, Tempestueux.—Même dans les rapports les plus intimes que, d’un commun accord, nous avons avec elle, il y a encore désaccord et dispute.
25, Femme.—Ovide, Métam., III, 323.—Tirésias, un des plus célèbres devins de l’antiquité. La fable raconte que rencontrant deux serpents qui frayaient ensemble, il les sépara et aussitôt devint femme; au bout d’un certain temps, les rencontrant à nouveau en même situation, il reprit sa première forme d’homme. Comme il avait de la sorte connu les deux sexes, un différend s’étant élevé entre Jupiter et Junon sur la question de savoir si les femmes ont plus de part que les hommes au plaisir vénérien, il fut pris pour juge et prononça que de dix parts de plaisir dans cet acte, il y en avait neuf pour la femelle et une pour le mâle; la déesse, irritée de ce qu’il avait prononcé contre elle, le rendit aveugle; pour le dédommager, Jupiter lui accorda le don de prophétie.
28, Empereur.—Flavius Vopiscus, Proculus.—Proculus, tribun militaire en Gaule qui, sous le règne de Probus, fut fait imperator par ses troupes; vaincu, il fut mis à mort; il avait quelques talents militaires (280).
29, Emperiere.—Impératrice. Cette impératrice c’est Messaline, épouse de l’empereur Claude, qui se livra, s’imposa même parfois à tout homme de tout rang et de tout état, allant jusqu’à épouser publiquement, du vivant de son époux, un de ses amants qu’elle aimait éperdument; ce qu’apprenant, Claude la fit mettre à mort.
35, Cateloigne.—En Catalogne.
38, Foy.—Qu’en ce qui touche la religion, que ceux qu’elle impose à notre foi.
40, Hergnes.—Humeur chagrine, acariâtre; même racine que «hargneux (querelleur)», qui est encore en usage.
4, Dix.—Add. de 88: par iour.
14, Prix.—Nicolas Bohier, jurisconsulte de Bordeaux, mort en 1553, conte ainsi le fait: «En son temps, un homme de la Catalogne avait de telles facultés prolifiques, que chaque jour il entrait jusqu’à dix fois en rapport avec sa femme; la reine d’Aragon en fut informée secrètement; elle le fit venir et il avoua le fait. Sur ce la reine lui interdit sous peine d’avoir la tête tranchée d’entrer désormais plus de six fois par jour en rapport avec sa femme, que davantage le mettait en péril de mort. Qu’est-ce qui en cela est le plus étonnant: ou ce dont le mari était capable ou la mauvaise querelle que lui avait faite son épouse?»
14, Solon.—Plutarque, De l’Amour.
17, Cela.—Que les femmes sont plus ardentes que nous aux effets de l’amour, ce que lui-même a dit à la page précédente, pour ne donner que maintenant sa conclusion.
18, Extremes.—Peut-être le sens est-il: «au risque de leur faire endurer les pires et plus extrêmes souffrances» (?)
1, Polemon.—Diogène Laerce, III, 17.
3, Cassez.—Quant à ces autres femmes qui épousent des hommes vieux, cassés.
8, Approchée.—Xiphilin, Caligula.—Clodia Latea, à la mort de Caligula, subit le supplice infligé aux Vestales convaincues d’avoir manqué à leur vœu de virginité. Les vestales, prêtresses de Vesta, étaient à Rome chargées d’entretenir le feu sacré sur l’autel de la déesse; elles faisaient vœu de virginité durant le cours de leur ministère qui, commencé entre 6 et 10 ans, durait trente années; elles étaient au nombre de 6. Créées par Numa, elles furent abolies par Théodose; elles n’étaient point cloîtrées; jouissaient de grands privilèges, notamment d’être émancipées, d’aller en public précédées de licteurs, et de sauver la vie à tout criminel, mené au supplice, qu’elles rencontraient fortuitement. Si elles laissaient éteindre le feu commis à leur garde, elles étaient punies du fouet; celles infidèles à leur vœu de chasteté, primitivement lapidées, furent par la suite ensevelies vivantes: on les descendait dans un étroit caveau muré, où elles trouvaient un petit lit, une lampe allumée, un peu de pain, de l’eau et de l’huile; la pierre de ce sépulcre était refermée sur elles et scellée: leur complice devait mourir sous le fouet.
13, Boleslaus.—Surnommé «le Pudique». Cromer, De rebus Pol., VIII.—D’après l’Histoire ecclésiastique, Marcien, empereur d’Orient (Ve s.), et Ste Pulchérie auraient agi de même; et aussi S. Henri, empereur d’Allemagne, duc de Bavière (Xe s.), et Ste Cunégonde.
13, Roys.—Réminiscence de l’espagnol, où les Reyes (les rois) se disait alors souvent pour le roi et la reine; comme les Padres (les pères), pour le père et la mère; les Hijos (les fils), pour les fils et les filles.
20, Desgouster.—L’éducation des filles est un point que Montaigne ne fait qu’effleurer pour condamner les réticences exagérées dont on use vis-à-vis d’elles et qui ne font qu’exciter leur curiosité. Si on se reporte en outre à la manière dont, un peu plus loin, il parle des républiques où, dans les gymnases, les deux sexes se montraient à nu l’un à l’autre, il semble avoir été assez porté vers les idées actuelles de coéducation où, à l’instar de ce qui a lieu dans certaines écoles mixtes d’Angleterre, garçons et filles sont réunis, système préconisé comme essentiellement moralisateur et donnant à celles-ci plus de caractère.
21, Excusent.—Admettent, tolèrent le mariage pour celles chez lesquelles le besoin s’en fait prématurément sentir.—Ceci a dû être écrit vers 1586; Léonor, née en 1571, venait d’avoir quinze ans, limite inférieure à laquelle la femme, en France, pouvait et peut se marier; pour l’homme il le peut à 17 ans. En Autriche, ces limites sont de 20 ans pour l’homme et 16 pour la femme; elles étaient de 15 et 13 ans chez les Romains; Lycurgue les avait fixées à 37 et 17, Platon à 30 et 20. Chez les Orientaux elles sont moindres que chez nous, la nature étant plus précoce à cet égard dans les pays chauds que dans les pays tempérés; dans certains états de l’Amérique du Sud, un homme peut se marier à quatorze ans, une femme à douze, le mariage pourrait même avoir lieu plus tôt avec le consentement des pères et mères, mais un garçon de quatorze ans et une fille de douze ne dépendent plus sous ce rapport que de leur volonté. V. II, 26.
26, Fouteau.—C’est le nom du hêtre en vieux français; mais en langage trivial de l’époque on désignait aussi de ce nom, dérivation du mot latin fatuere (V. N. II, 178: Futuam), l’organe génital de la femme.
34, Scelerées.—Criminelles, scélérates.
35, Interdiction.—«On peut tout dire devant les jeunes filles, disait un contemporain de Montaigne: quand elles comprennent, on ne leur apprend pas grand’chose; quand elles ne comprennent pas, on ne leur apprend rien du tout.» A quoi on peut répondre: on excite les premières, lesquelles sont plus nombreuses que l’homme ne le croit et fort excitables à cet âge, et on provoque la curiosité des autres.
39, Vngui.—Voltaire, à l’âge de quinze ans, traduisait ainsi ces vers d’Horace:
1, Science.—«Le renard sait beaucoup, une femme amoureuse en sait bien davantage.» Proverbe espagnol.
4, Autresfois.—«Quiconque, dit Platon dans le Timée, aura mené la vie des justes, retournera dans l’astre fraternel jouir de la félicité suprême; les coupables deviendront femmes, quand ils reparaîtront sur la terre.»
7, Nostre-Dame.—Ancienne exclamation dite pour: «Par Notre-Dame!» Aujourd’hui par dérivation et en accentuant l’ellipse, nous disons «Dame!» dans le même sens.
14, Ame.—«Nature, jeunesse et santé sont trois bons maîtres.» Sedaine.
15, Engendrent.—«Les hommes consacrent leur jeunesse à se former un esprit, que les femmes apportent en naissant. Il vient à une fille avant la raison; à 15 ans, elle est faite, tandis qu’à 30, un homme souvent n’est qu’un sot.» J.-J. Rousseau.
22, Diffamez.—Var. de 88: affolez.
29, Escarquillements.—Ecartement des cuisses. «Esquarquiller», est-il dit dans le Dictionnaire de Monet, c’est ouvrir en élargissant.
31, Strato.—Diogène Laerce, V, 59.
32, Theophraste.—Id., ib., 43.
35, Phalereus.—Id., ib., 81.
36, Ponticus.—Id., ib., 87.
37, Antisthenes.—Id., VI, 15 et 18.
38, Aristo.—Id., VII, 163.
39, Cleanthes.—Id., ib., 175.
40, Spherus.—Id., ib., 178.
41, Eshontée.—Effrontée au delà de tout ce qui peut être souffert, admis, «plus le fait d’impudiques créatures que de dieux», ajoute Diogène Laerce, VII, 187, 188.
3, Cet office.—Dans l’éd. de 88, cette phrase suit immédiatement celle où l’on trouve quelques lignes plus haut que Zénon, par ses lois, réglait «les secousses du dépucelage». L’intercalation que Montaigne a faite postérieurement, rompt la liaison des idées et fait que l’on ne voit pas tout d’abord à quoi se rapportent ces mots «à cet office».
4, Nation.—Dans l’île de Chypre (Hérodote, I, 199; Athénée, XII);—à Héliopolis, en Phénicie (Eusèbe, Vie de Constantin, III, 58);—à Sicca Veneria, auj. le Kef, en Numidie (Valère Maxime, II, 6, 15).—A Babylone, dit Hérodote, I, 199, les dames, par dévotion, se prostituent une fois dans leur vie. Chacune, à cet effet, se rend au temple, et n’en sort qu’après avoir subi qui a jeté son dévolu sur elle; ne lui demandant rien pour prix de ses complaisances et tenue de recevoir ce qu’il lui remet. Celles qui ont une taille élégante et de la beauté n’y font pas long séjour; les laides y restent davantage parce qu’elles ne peuvent satisfaire à la loi, il y en a même qui y demeurent trois ou quatre ans. Après ce sacrifice, rentrées chez elles, leur vertu y est à l’abri de toute faiblesse.
5, Garces.—L’éd. de 88 aj.: et de garçons.
6, L’office.—V. III, 232 et N. Vie et Polices.
8, Extinguitur.—Un proverbe grec dit pareillement: «On éteint le feu par le feu»; et une galante marquise du XVIIe siècle le parodiant, disait: «C’est en succombant à la tentation qu’on y résiste.»
20, Diuinitez.—Athénée dit, d’après Héraclide de Syracuse, que dans cette ville, lors de la fête des Thesmophories, en l’honneur de Cérès et de Proserpine, le principal objet du culte des femmes était la partie qui les distinguait des hommes; il en était fait une image avec de la farine et du miel, et on la promenait en procession. Naigeon.
20, Bacchanales.—Fêtes en l’honneur de Bacchus qui prirent naissance en Égypte, d’où elles s’introduisirent en Phénicie, puis en Grèce, et de là en Italie. Au début, les femmes y participaient seules; ensuite les hommes y furent admis et les désordres devinrent tels que le Sénat romain les interdit (184). Mais la loi demeura peu de temps en vigueur; et sous l’Empire, les Bacchanales furent célébrées de nouveau avec plus de licence que jamais.
23, Corps.—Hérodote, II, 48.
24, Couurechef.—Voilette que les dames nobles portaient à peu près dans les mêmes conditions que cette partie de la toilette se porte aujourd’hui.
27, Matrones.—Dame romaine: suivant les uns, la matrone était la femme mariée qui n’avait pas d’enfant; suivant d’autres, celle qui n’en avait qu’un, celle en ayant plusieurs étant la mère de famille.
28, Priapus.—Était surtout en honneur à Lampsaque (Asie Mineure). Ses fêtes, là et partout ailleurs où son culte se pratiquait, étaient accompagnées d’affreux désordres.
30, Nopces.—Lactance, Divinat. Institut., I, 20; S. Augustin, De Civit. Dei, VI, 9.—Afin, dit Rozini dans son ouvrage sur les Antiquités romaines publié en 1700, «que le Dieu semble avoir les prémisses de leur virginité». Si cet usage n’était pas très conforme aux lois de la pudeur, il était du moins fort prudent; il ôtait aux maris tout prétexte à des soupçons qui, fondés ou non, sont la source la plus féconde des mauvais ménages et de tous les maux qu’ils entraînent après eux. Cette cérémonie couvrait les faiblesses des jeunes filles d’un voile impénétrable, leur rendait leur innocence première et assurait à leurs maris une tranquillité qu’aucun nuage ne pouvait plus troubler et ne contribuait pas peu à leur bonheur mutuel. Naigeon. V. N. III, 234: Estrangere.
32, Chaussure.—Signifie ici les hauts-de-chausses ou culotte, le reproche que leur fait Montaigne de dessiner d’une façon trop apparente les parties sexuelles ne laisse aucun doute à cet égard. V. N. I, 176: Public, et I, 499: Chaussure.
32, Suysses.—Les régiments suisses qui, à la solde de la France, entraient dans la composition de nos armées, depuis l’an 1521, époque à laquelle leur pays avait conclu avec François Ier une alliance perpétuelle.
34, Grecgues.—Grègues, espèce de hauts-de-chausses ou culotte; ce mot s’emploie encore quelquefois et toujours au pluriel.
2, Vray.—Les nations les moins avancées en civilisation, dont les mœurs conservent leur simplicité primitive, portent encore des vêtements qui accusent dans toute leur réalité chez la femme les formes des parties qu’elles recouvrent; mais on peut en dire autant des costumes tailleur et des corsets dits de la faculté et autres de nos jours, qui chez nous les moulent bien autrement, en en rectifiant en outre l’esthétique.
4, Pied.—C.-à-d.: Alors, on instruisait le public des avantages qu’à cet égard on avait reçus de la nature (aujourd’hui il ne faudrait pas s’y fier), comme à présent on donne la mesure de son bras ou de son pied.
5, Veue.—Des dames du pays, aj. l’éd. de 88.—Ce bon homme paraît être le pape Paul IV (Caraffa), qui régna de 1555 à 1559. Vers la même époque, un prince Pamphyle, à Rome, à la sollicitation des Jésuites, mutila pareillement la plupart de ses statues et tableaux; postérieurement, dit-on, il jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. On cite encore le duc de Mazarin, époux d’une des nièces du Cardinal, et la duchesse de Guise comme ayant commis le même vandalisme. Bien avant eux, à la fin du VIe s., S. Grégoire avait fait mettre à couvert certaines statues antiques de Rome que les étrangers venaient considérer plus par amour de la chair que par amour de l’art. Un autre pape avait fait entourer de voiles de plomb les parties trop nues de magnifiques statues placées aux angles d’un tombeau monumental. La même idée fit, à Paris, sous Charles X, adopter sous la forme d’une feuille de vigne, une mesure analogue, qui s’applique parfois encore.
8, Deesse.—Cérès.
13, Ruunt.—Virgile, Georg., III, 244, que Delille traduit:
14, Platon.—Vers la fin du Timée, d’où Montaigne a pris tout ce paragraphe.
18, Forcene.—Il extravague, perd son bon sens.
23, Legislateur.—«Le bon homme», c’est-à-dire le pape dont il a été précédemment parlé. Une intercalation faite dans l’éd. de 95 entre le passage où il en a été question et celui-ci qui se faisaient suite dans l’éd. de 88, en a rompu la liaison.
32, Royales.—Allusion aux images obscènes que, de tous temps, les gamins ont tracées et tracent encore grossièrement, au charbon ou à la craie, sur les murs des édifices publics et autres.
32, Vient.—De là vient que les femmes ont un profond mépris...
3, Cela.—A Sparte, où il en était ainsi, il n’y avait pas de loi contre l’adultère.
12, Liuia.—Dion, Tibère.—Livie eut un grand ascendant sur l’empereur, auprès duquel elle poussait la complaisance jusqu’à le pourvoir de jeunes filles, belles et vierges; aussi parvint-elle à lui faire adopter et désigner comme successeur Tibère qu’elle avait eu d’un premier mari, auquel il l’avait enlevée, alors qu’elle était enceinte d’un second enfant (Drusus). Le mot que Montaigne rapporte d’elle est du reste tout à son éloge: elle le dit pour sauver des individus qu’on allait mettre à mort parce qu’ils s’étaient rencontrés devant elle, dans la plus complète nudité, ce qui constituait un crime de lèse-majesté.
16, Exercices.—Non seulement, à Sparte, les jeunes filles assistaient aux jeux auxquels dépouillés de tout vêtement les jeunes gens se livraient dans les gymnases, mais elles-mêmes, dans le même état de nudité, aux yeux de tous, les célibataires seuls exclus, car c’était là l’une des flétrissures qui leur étaient infligées, pratiquaient ces mêmes exercices: la course, la lutte, le jet du disque et du javelot; allant aussi chantant et parfois leurs chants, appropriés aux faits du moment, raillaient l’un des assistants, donnait à un autre des éloges, tout cela dans le but d’exciter chez tous une noble émulation.
17, Platon.—République, V.—Platon ne parle pas des femmes lacédémoniennes, mais des femmes en général.
18, Vertugade.—Ou vertugadin; gros bourrelet que les femmes portaient sous leur robe pour en faire gonfler la jupe et produire un effet analogue à celui obtenu au XVIIIe siècle des cercles en baleine dont étaient formés les paniers, et aux cercles en acier constituant la crinoline au XIXe.
19, S. Augustin.—De Civit. Dei, XXII, 17.
23, Acharne.—Excite.—Acharner est employé ici dans son sens direct, qu’il n’a plus actuellement et que rend bien l’expression triviale «porter à la peau».
24, Ventre.—Puis nous leur reprochons les désirs que nous avons fait naître en elles.
5, Garde.—«La continence est une chose très difficile et de très pénible garde; il est mal aysé de résister du tout à nature; or c’est icy qu’elle est plus forte et ardente, etc.» Charron, De la Sagesse, III, 41.
8, Hallebrenez.—Épuisés, meurtris, hors d’état de subvenir à leur tâche. Hallebrené est un terme de fauconnerie qui sert à désigner l’oiseau de chasse qui a une ou plusieurs plumes rompues.
15, Occupet.—Citation dont Boileau a traduit ainsi la dernière partie:
24, Lumbis est.—Citation dont Montaigne a inscrit lui-même la traduction en marge de l’exemplaire de Bordeaux.
30, Galant.—Un homme adroit et expérimenté.
33, Choix.—C.-à-d. et non parce qu’elle se réserve pour un galant favorisé.
8, Orront.—Écouteront.—Futur du verbe «ouïr» qui est encore en usage.
13, Chasteté.—On croit que cette reine est Marguerite, reine de Navarre.—On a rapproché de ce passage celui où Ovide dit: «Est chaste, celle que personne n’a jamais sollicitée.» Les deux idées ne sont pas identiques: d’après Ovide, seules les femmes qui n’ont pas été mises à l’épreuve seraient chastes, ce qui revient à nier la chasteté chez la femme; tandis que la reine dit que celles-là seules peuvent se vanter d’être chastes qui, mises à l’épreuve, n’ont pas succombé.—Corneille, dans Polyeucte, émet la même pensée:
Régnier, lui, se montre plus sceptique et n’épargne que la vierge
16, Se forfaire.—Il peut se donner quelque liberté sans se rendre coupable.—L’éd. de 88 port.: s’affoler.—Forfaire, c’est mal faire; il est généralement suivi d’un complément et signifie alors violer, manquer à: il a forfait à l’honneur.
32, Iniure.—A été longtemps compromise et injustement soupçonnée.—«Par injure» est un latinisme: injuria, c’est-à-dire sine jure, sans justice.
38, Langage.—Ceci est rapporté dans les sentences recueillies par Antonius et Maximus.
11, Douceurs.—Var. de 88: diuines graces, au lieu de: «tendres et mignardes douceurs».
19, Addresse.—Est sans influence sur moi, ne m’atteint pas.
21, Cratis.—Élien, Hist. des animaux, XII, 12.
32, Angoisse.—Le père du triumvir. Qualifié le plus méchant des hommes, par Sylla auquel il espérait succéder; il s’était composé à cet effet une troupe de gens sans aveu; chassé d’Italie, il se retira en Sardaigne où il mourut de maladie qui lui vint non tant du regret de la ruine de ses affaires, dit Plutarque, Pompée, 5, que de la douleur qu’il éprouva d’une lettre qui tomba entre ses mains, par laquelle il connut que sa femme avait forfait à son honneur.
35, Raphanique.—Surmulets, poissons de mer de même espèce que le rouget. Allusion au supplice que les Athéniens infligeaient aux adultères, consistant à leur introduire dans le corps, par le fondement, des raves ou des surmulets.
37, Honte.—Vulcain, qui, ayant surpris Vénus son épouse avec Mars, les emprisonna pendant leur sommeil dans un filet d’acier aux mailles imperceptibles et appela ensuite à jouir de ce spectacle les autres dieux qui se moquèrent de lui.
40, Molles.—Var. de 88: douces.
1, Bastard.—Énée, fils de Vénus qui l’avait eu d’Anchise et auquel elle fit faire de nouvelles armes par Vulcain, quand, fuyant Troie qui venait de succomber, il passa en Italie, pour y fonder une nouvelle patrie.
22, Maltalent.—Méchanceté, dépit.
28, Don.—C’est ce qui ne fut que trop bien vérifié par un Octavius. Ce fait donna lieu à un acte de dévouement d’un des affranchis du meurtrier, qui, pour sauver son maître, se déclara l’auteur du crime; mais, quelque temps après, la vérité fut connue et justice fut faite (58). Tacite, Ann., XIII, 44.
34, Monopoles.—Assemblées factieuses.
6, Chasteté.—Var. de 88: temperance.
12, Couuertement.—Hérodote, IV, 2, dit bien que les Scythes ôtaient la vue à leurs esclaves, mais il ne parle ni de leurs femmes, ni du motif que Montaigne leur prête.
13, Opportunité.—«Une femme (fort sage d’ailleurs à ce que dit l’histoire) déclarait qu’elle répondait d’elle toute l’année, hormis le mois de mai.» Payen.
27, Discrepance.—Que sommes-nous du reste, sinon un amas de pensées et de passions contraires, qui sont sans cesse en opposition entre elles?—Discrepance: contrariété, discordance, du latin discrepantia; n’est plus usité.
31, Enuis.—Mal volontiers, à contre-cœur, avec répugnance; du latin invitus.
32, Homere.—Odyssée, XVII, 347.
3, Difficulté.—Et j’ai autant de peine à refuser ceux qui sollicitent mon assistance.
8, Pulmonique.—Poitrinaire, ou, comme on dit plus généralement aujourd’hui, tuberculeuse.—«En elles, dit un proverbe lorrain, le haut défend le bas.»
11, Marché.—Elles n’en rendent leur vertu que plus suspecte, d’autant que les excuses...
20, Contraire.—Ces deux dernières phrases, depuis le mot «Outre», se rapportent à ce que Montaigne a dit plus haut des femmes «qui se vantent d’avoir leur volonté vierge et froide».
26, Contrepoil.—Qui fait entendre le contraire de ce qu’elles disent.
34, Estrangere.—Qui sans ingérence étrangère, uniquement laissées à elles-mêmes.
5, Adiré.—Égaré, perdu. Vient de «à dire»; est encore en usage dans le langage judiciaire: une pièce adirée, est une pièce qui est à dire, qui manque. V. N. I, 164: A dire.
10, Fatua.—Varron, dans Lactance, 1, 22.
13, Hommes.—«Un jour, quelqu’un reprochant à Hiéron qu’il avait l’haleine puante, et lui tançant sa femme de ce qu’elle ne lui en avait jamais rien dit, elle lui répondit: «Je pensais que l’haleine de tous les hommes sentait ainsi.» Plutarque, Apophth. des rois, et dans son traité Comment on pourra recevoir utilité de ses ennemis, 7.
21, Soy.—S. Augustin conte un fait analogue: «Acindynus, consul l’an 430, étant gouverneur d’Antioche, avait menacé un débiteur du trésor public qui était en retard pour le paiement d’une livre d’or, de le faire pendre, s’il ne s’acquittait à bref délai. Celui-ci avait une femme dont était épris un homme fort riche, qui lui offrit de payer cette dette, si elle voulait passer une nuit avec lui. La femme, après avoir pris conseil de son mari qui était retenu en prison, y consentit: mais après cet homme éluda sa promesse. La victime alla porter plainte au Gouverneur qui, se reconnaissant le premier coupable pour trop de sévérité, se condamna lui-même à désintéresser le trésor et punit le mystificateur.» Bayle.
27, Entremise.—A cet égard, le monde n’a pas changé, et, aujourd’hui comme alors, combien d’hommes doivent leur fortune à leurs femmes! L’ignorent-ils? quelques-uns assurément; mais pour la plupart on n’en saurait douter, surtout quand on les entend attribuer impudemment à leur seul mérite les hautes positions auxquelles ils sont parvenus. Victor Thierry.
27, Argien.—Plutarque, traité De l’amour, 16.
29, Mecenas.—Plutarque, De l’amour, 16.—Ce fait est aussi rapporté par Cicéron d’après Lucilius qui vivait cent ans avant lui. Ce n’est donc pas de Mécène, qui vivait au temps d’Auguste, qu’il est ici question; on ignore également le Galba dont il s’agit.
31, Coussin.—On mangeait alors, chez les Romains, à demi couché sur des lits analogues aux canapés sans dossier et chaises longues de notre époque.
36, Desbordées.—Dans l’éd. de 88, cette phrase suit immédiatement ces mots qu’on a lus plus haut: «Gardons les à vn plus noble siege».
6, Indes.—Arrien, Hist. Ind., 17.
13, Viure.—Diogène Laerce, II, 105; Aulu-Gelle, II, 18.—Phédon n’en fit pas métier de son plein gré, comme Montaigne le donne à entendre; mais, étant esclave, son maître l’y forçait. V. N. I, 650.
15, Vie.—«Voyant, dit Hérodote, la ville remplie de jeunes gens qui, dans l’ardeur de leurs passions effrénées, ne cessaient d’attenter à ce qui devait être l’objet de leurs respects, Solon acheta et plaça dans des lieux déterminés, des femmes toujours prêtes et à l’usage de tous»; nos maisons publiques ne sont pas autre chose.
16, Polices.—Notamment chez les Lydiens, Hérodote, I, 94; les Babyloniens, Hérodote, I, 196; etc.
17, Sollicitude.—De la jalousie.
19, Boucler.—Pris ici au figuré; réminiscence des ceintures de chasteté dont il était fait usage au moyen âge et dont il existe des spécimens dans les musées, notamment dans celui de Cluny, à Paris.
25, Rengrege.—Aggrave encore davantage.
36, Veoir.—Quelle folie d’arracher...
1, Rapport.—Qui n’affligent que par la publicité qu’on leur donne.
5, Voyage.—Plutarque, Les demandes des choses romaines, 9.
10, Estrangere.—Montaigne donne de ce singulier abus qui a existé aux temps barbares de la féodalité une explication admissible. La religion, du fait de ses ministres, alors que la femme était bien peu (aujourd’hui elle est beaucoup, et va tendant à devenir trop), a pu dans le principe intervenir pour la sauvegarder quand son passé n’était pas irréprochable et assurer ainsi la paix des ménages. V. N. III, 212: Nopces. Par la suite le seigneur, un autre sentiment (libidinage, cupidité) se joignant à la cause première, sera arrivé à se substituer au prêtre et de la sorte se sera établi ce droit dit de jambage, de cuissage, de prélibation, dont l’existence a été niée, mais dont on retrouve de nombreuses preuves irréfutables. V. N. I, 162: Faire. Ce droit, suzerains clercs et laïques le possédaient bel et bien jadis et de fait en usaient quand bon leur plaisait, le remplaçant quand ils le jugeaient à propos par une redevance qui, à la longue, devint la règle quand les mœurs s’adoucirent et surtout lorsque serfs et bourgeois en arrivèrent à imposer leurs revendications.—Les chanoines de Lyon, notamment, sont mentionnés comme l’ayant possédé et s’étant longtemps refusés à y renoncer, probablement dans sa forme pécuniaire. Rabelais y fait allusion. Parmi ceux qui aujourd’hui le révoquent en doute, il en est qui y voient simplement une interprétation maligne, transmise par la tradition, de la coutume qui aurait existé au commencement, dans la Chrétienté, de consacrer à la prière les trois premiers jours du mariage, usage renouvelé, paraît-il, des Athéniens, où la mariée, durant ces trois jours, conservait sa couronne virginale.
24, Vicissitude.—Attendez-vous donc à la pareille et préparez-vous à l’être à votre tour, car tout est vicissitude dans la nature et tout y est compensé.
32, Sages.—«Les sages ne dévoilent pas leurs dissensions domestiques.» Euripide.
34, Languager.—Ou langagier; bavard, verbeux, loquace, qui aime à parler.
36, Sent.—Camus, évêque de Belley, répondit à un mari qui le priait d’engager sa femme à une vie plus honnête et plus décente: «Tout ce que je pourrais représenter à votre femme serait assez inutile; le silence de ma part, et surtout de la vôtre, me paraît beaucoup plus sage. Croyez-moi, mon ami, il vaut mieux s’appeler «Cornélius Tacitus» que «Publius Cornélius.» Naigeon.
6, Pittacus.—Plutarque, Du contentement ou repos de l’esprit, 14.
6, Defaut.—Incommodité, quelque chose qui trouble notre repos et nous empêche d’être heureux.
11, Interiner.—Déclarer valable, accepter.—On dit aujourd’hui «entériner», et le mot n’est plus employé qu’en langage judiciaire.
13, Femme.—Ce cas, donné par Montaigne, comme admis par le Sénat de Marseille, pour justifier à ses yeux le suicide, est de l’invention de l’auteur; les raisons admises étaient uniquement l’adversité ou une trop grande prospérité, ainsi qu’il est indiqué, d’après Valère Maxime, liv. II, ch. III des Essais, I, 650.
17, Sourd.—C’est-à-dire qu’une femme doit fermer les yeux sur bien des peccadilles et qu’un mari ne doit pas prêter l’oreille à tous les commérages. Bonnefon.—Cette maxime est du roi Alphonse V d’Aragon, elle a été ainsi mise en vers:
23, Cheuet.—Hausser le chevet; expression usitée du temps de Montaigne pour dire «renchérir sa marchandise».
27, Flaminius.—En 192. Devant entrer en opérations contre Antiochus roi de Syrie, auquel on prêtait force alliés, pour ramener à leur juste valeur les forces de ce prince qu’on exaltait devant lui, Flaminius contait qu’un hôte, chez lequel il avait été reçu, lui ayant offert, au mois de juin, un festin où figuraient du gibier en quantité abondante et variée, on s’étonnait qu’il pût en être ainsi en cette saison. A quoi l’hôte répondit que cette diversité n’était qu’apparente, que cette venaison n’était autre que de la chair de porc déguisée par les assaisonnements. «Il en est ainsi, ajoute Flaminius, des armées du roi, dont il vient d’être fait une description si emphatique.» Tite-Live, XXXV, 49.
27, Felon.—Var. de 88: ambitieux.
39, Parties.—Ses intrigues.
10, Ville.—En 48. Tacite, Ann., XI, 26, 27.
13, Insistant.—En lui résistant.
21, Intelligence.—Tacite, Ann., XI, 36.—Entre autres Mnester et Traulus Montanus. Le premier était un danseur dont Messaline était éperdument amoureuse; ne pouvant le faire consentir à ses désirs, elle pria l’empereur de lui commander d’obéir; Claude, sans plus s’inquiéter de ce dont il s’agissait, lui ordonna de faire tout ce qu’il plairait à Messaline, et dès lors, il ne fit plus de résistance.—Traulus Montanus était un jeune chevalier romain qui, dans la même nuit, avait été appelé et renvoyé par elle, qui passait avec une égalité du désir au dégoût (49).—Quelques années auparavant (42), un Appius Silanus avait été mis à mort pour l’avoir offensée en refusant de consentir à sa passion.
24, Vulcan.—Voir plus haut (III, 194): Dixerat...
1, Infusus.—Tous ces mots si naturels et si expressifs se trouvent, les uns dans le passage de Virgile cité III, 194, les autres dans celui de Lucrèce qui vient d’être reproduit.
3, Rencontre.—Pointe d’esprit, jeu de mots.
4, Constante.—Douce, coulante.
7, D’efforcé.—De forcé, disons-nous aujourd’hui.
11, Penser.—A quelqu’un lui demandant la recette de son style, J.-J. Rousseau répondait: «Pensez comme moi, vous écrirez comme moi.»
23, Choses.—Plutarque, Démosthène, 1, s’exprime ainsi: «Bien tard déjà, étant au déclin de ma vie, quand je vins à m’occuper d’ouvrages latins, il m’arriva une chose étrange bien que très vraie: c’est que je n’ai pas tant compris ce qu’ils contenaient par la connaissance que j’avais de la langue, que parce que je savais ce dont il était question, ce qui m’a conduit à saisir aisément la signification des mots employés.»
30, Langue.—«La fréquente lecture d’Amyot et de Montaigne est une fort bonne initiation à l’art d’écrire, parce que les tours de phrase et certaines des expressions de leur temps ont une naïveté, une richesse ou une énergie auxquelles notre langue actuelle atteindrait difficilement.» Ch. Nodier.
33, Appesantissent.—Leur donnent plus de poids, plus de force, plus d’expression, enrichissent la langue de tours nouveaux, grâce à l’application sage et ingénieuse qu’ils savent en faire.
4, Siecle.—Montaigne vise ici vraisemblablement Ronsard et son école, les poètes de la Pléiade.
5, Discretion.—Mais l’appropriation qui laisse à désirer et l’abus qu’ils en font les perdent.
8, Nouuelleté.—Pourvu qu’ils puissent trouver dans la nouveauté de quelques mots de quoi s’applaudir, ils ne se mettent point en peine de peindre exactement les choses.—«Se gorgiasser», qui signifie se plaire, se flatter, s’applaudir, est présentement tout à fait hors d’usage.
13, Emprunter.—Suivant l’idée exprimée ici, beaucoup de termes employés soit à la chasse, soit à la guerre, sont passés dans la langue, quelques-uns avec une acception un peu modifiée et, comme le prévoyait Montaigne, sans rien perdre de leur grâce. De la chasse, nous viennent: prendre son essor, tenir en ses serres, faire gorge chaude, fureter, être aux aguets, à l’affût, aux abois, sur la voie, sur la piste, sur les traces, aller sur les brisées, se rabattre, etc...; de la guerre: se ranger sous les drapeaux, se jeter dans la mêlée, recruter des adhérents, revenir à la charge, reparaître dans l’arène, être désarçonné, rompre en visière, être armé de toutes pièces, etc...
15, Maniant.—Souple, flexible, maniable.
22, Commun.—En notre langage des basses classes.
28, Mode.—Manière; du latin modus, qui signifie manière, façon.
34, Faire.—Dieu veuille qu’ils aient eu raison d’agir ainsi!
2, Equicola.—Allusion aux ouvrages intitulés: «Les Assolains, de la nature d’amour» du cardinal Bembo, et «Della Natura d’Eamore» d’Equicola.
9, Antinonydes.—D’après Valère Maxime, Aulu-Gelle, Plutarque et Suidas, c’est «Antigénides».
25, Inaduertement.—Ce qui ne peut guère être autrement, puisque j’écris à la hâte et sans attention.
36, Moy.—V. N. II, 524: Autheur.
20, S’encheuestroyent.—Se mettaient la chevêtre (le licou), comme on fait à une bête de somme;—signifie ici «s’embarrasser», ce qui est son acception la plus ordinaire.
21, Eux mesmes.—Elien, De Animal., XVII, 25; Strabon, XV.—Alexandre était sur les bords de l’Hydaspe, occupé à construire la flotte qu’il envoya en reconnaissance sur le golfe Persique, lorsque sur le sommet d’une colline lui apparurent rangés en bataille un assez grand nombre de ces singes; les prenant pour des ennemis, il allait les faire charger, quand le roi Taxile, qui l’accompagnait, le détrompa; ils étaient de taille extraordinaire, c’étaient probablement des orang-outangs (nom qui en malais signifie homme de la forêt) qui existent encore dans ces contrées; ils ont une grande ressemblance avec un homme et par leur intelligence et leur conformation semblent des êtres intermédiaires entre lui et la brute; se tiennent ordinairement debout sur les pieds de derrière, sont pleins de force et d’agilité et de caractère relativement doux. Pour s’en emparer vivants, les chasseurs, quand ils en voient sur un arbre, s’établissent avec un seau d’eau à portée de leur vue et font mine de se débarbouiller, substituent à leur seau un pot rempli de glu et s’éloignent; le singe descend de son arbre, s’englue la figure et, n’y voyant plus, devient de proie facile. On procède encore, en ayant de grands sacs dans un desquels entre le chasseur qui, en se retirant, en laisse d’autres garnis de poils et enduits de glu à l’intérieur, que naturellement les singes essaient de chausser, ce qui les met à leur merci; néanmoins on les connaît peu, tous ceux qui ont été amenés en Europe, n’ayant pu y supporter les rigueurs du climat.—A la même catégorie appartiennent le Gibbon qu’on trouve également dans ces contrées, le Chimpanzé qui dans l’ensemble se rapproche encore plus de l’homme et appartient au continent africain. En Afrique se trouve aussi le Gorille, de taille beaucoup plus considérable, dépassant parfois deux mètres, beaucoup plus fort et de caractère offensif, n’hésitant pas à attaquer l’homme, dont, au contraire, les autres évitent l’approche.
25, Serments.—Ce juron s’emploie encore fréquemment; s’il est la plus droite des exclamations de cette nature, la moins droite, autrement dit la moins orthodoxe, était Jarnidieu (je renie Dieu), fort employée aussi à cette époque; d’où pour éviter un blasphème est venu Jarnicoton qui avec Ventre-saint-gris étaient les jurons habituels d’Henri IV; Louis XI disait Pasquedieu; Duquesne, Cent diables.—Par le Chien! est un juron sans signification particulière, imaginé pour éviter de jurer par les dieux, analogue à celui de Vertuchou, par la vertu du chou, qui s’emploie parfois en France. Cappari viendrait, dit-on, du nom italien du câprier, auquel cas il ne signifierait également rien; ne serait-ce pas plutôt le juron grec altéré catara, qui signifie malédiction et qui est d’usage courant dans le pays de Naples?
27, Cappari.—Diogène Laerce, VII, 32.
27, L’air.—Diogène Laerce, VIII, 6.
28, Superficielles.—Ceci a rapport à ce que Montaigne a dit plus haut, qu’«on l’a veu plus souuent iurer par similitude que par complexion»; les deux phrases se suivent immédiatement dans l’éd. de 88.
32, Enuis.—Plus à contre-cœur.