Essais de Montaigne (self-édition) - Volume IV
1, Enuy.—Pascal a reproduit cette même idée, en employant les mêmes termes: «Les sens abusent la raison par de fausses apparences; et cette même piperie qu’ils lui apportent, ils la reçoivent d’elle à son tour. Elle s’en revanche: les passions de l’âme troublent les sens et leur font des impressions fâcheuses. Ils mentent et se trompent à l’envy.»
3, Thebas.—On voit..., comme voyait Penthée, roi de Thèbes, poursuivi par les Bacchantes dont il avait surpris les mystères et qui le mirent en pièces.
25, Cymmeriennes.—Semblables aux ténèbres au milieu desquelles vivent les Cimmériens, peuple mythologique habitant la région montagneuse au Sud de Naples, et qui passait pour vivre sous terre dans des ténèbres continues; les poètes plaçaient chez eux l’une des entrées de l’enfer.
4, Democritus.—Plutarque, Des Opinions des phil., IV, 10.
14, Cherchons.—Pendant longtemps, la salive a joui d’une grande réputation contre beaucoup de maladies, en particulier contre les plaies et les ulcères. Payen.
15, Marins.—Poisson qu’on nomme aussi cycloptère ou blème. «Il ne peut, dit-on, raconte Pline (Nat. Hist., XXXII, 1), être capturé vivant; par contre, lorsqu’il est dans son élément, il suffit de le toucher du doigt, pour être empoisonné et en mourir.»
18, Poisson.—C.-à-d.: Que croire? est-ce le poisson qui est un poison pour l’homme, ou l’homme qui est un poison pour le poisson?
25, Hyposphragma.—Sextus Empiricus, Pyrr. Hypot., I, 14.—L’Hyposphragma est un épanchement de sang sous la conjonctivite, membrane qui unit les paupières au globe de l’œil.
4, Ordinairement.—Sextus Empiricus, Pyrr. Hypot., I, 14.
28, Choses.—Les éd. ant. portent: Les malades prestent de l’amertume aux choses douces: par où il nous appert que nous ne receuons pas les choses comme elles sont, mais, au lieu de: «Nous... choses».
34, Quoy.—S’agit-il maintenant de prouver que les sens...; ou encore: Veut-on une preuve que nos sens...
36, Plate.—Sextus Empiricus, Pyrr. Hypot., I, 14.
38, Sentiment.—Odorat.
40, Veue.—Sextus Empiricus, Pyrr. Hypot., I, 14.
41, Pennes sans fin.—Bague en métal bruni fort en usage jadis et qui n’a pas complètement disparu, qu’on appelle parfois aujourd’hui «bague sorcière», constituée par un anneau strié extérieurement comme des barbes de plumes. Les stries qui forment entre elles un angle obtus semblent, par un effet d’optique, s’évaser lorsqu’on tourne la bague sur le doigt, présentant alors quelque ressemblance avec la plume d’oiseau; si le métal n’est pas bruni, l’illusion est moins prononcée. C’est un effet analogue à celui qui se produit quand on regarde deux colonnes torses dont les hélices sont en sens contraire; elles paraissent n’être pas parallèles, alors même que toutes deux sont dressées verticalement.
6, Oculaire.—Sénèque, Nat. Quæst., I, 16.
11, Humeur.—Sextus Empiricus, Pyrr. Hypot., I, 14.
24, Veillent.—Les éd. ant. aj.: puis que cet estat là, a force de donner aux choses vn autre estre, que celuy qu’elles ont: puis qu’vne humeur iaunâtre, nous change toutes choses en iaune.
29, Temperé.—Sextus Empiricus, Pyrr. Hypot., I, 14.
34, Verité.—Les éd. ant. aj.: ny quelle est leur nature.
16, Rouet.—C.-à-d. au bout de nos moyens d’action.—Être au rouet, terme de chasse, se dit du lièvre qui, pourchassé et épuisé par une longue course, ne fait plus que tourner autour des chiens.
27, Passions.—Sensations, perceptions.
29, Discrepances.—Différences, du latin discrepantia, contradiction, disconvenance, diversité.
15, Platon.—Dans le Théétète.
18, Fluxion.—Vicissitude; du latin fluere, couler, s’échapper, s’évanouir.
18, Muance.—Changement, transformation, du latin muere qui a même signification.
22, Labile.—Sujette à changer; du latin labilis, tombant, caduc, fragile.
25, Heraclitus.—Sénèque, Epist. 58; Plutarque, Traité sur le mot Εἴ.
29, Autres.—Tout ce qui suit, jusqu’aux mots «et sans fin» (pag. 418, lig. 15), excepté les vers qui s’y trouvent inclus, est un passage de Plutarque, Traité sur le mot Εἴ, transcrit dans les propres termes d’Amyot, son traducteur.
41, Incontinent.—«Le moment où je parle est déjà loin de moi.» Boileau. «Le présent est très court; si court que quelques hommes ont nié son existence; en effet, il est toujours en marche: il vole, se précipite, il a cessé d’être avant d’être arrivé.» Sénèque.
9, Sera.—Plutarque ne fait ici que transcrire et développer ces paroles du Timée de Platon: «Nous avons tort de dire, en parlant de l’éternelle essence: Elle fut, Elle sera; ces formes du temps ne conviennent pas à l’éternité; elle est, voilà son attribut. Notre passé et notre avenir sont deux mouvements; or l’immuable ne peut être de la veille, ni du lendemain; on ne peut dire qu’il fut, ni qu’il sera; les accidents des créatures sensibles ne sont pas faits pour lui, et des instants qui se calculent ne sont qu’un vain simulacre de ce qui est toujours.»
19, Payen.—Plutarque, ou peut-être Platon dont Plutarque vient d’exprimer la pensée.
20, Condition.—Païen comme le premier, c’est Sénèque.
21, Dit-il.—Sénèque, Nat. Quæst., I, préf.
27, Car.—Les éd. ant. port.: Il n’est mot en toute la secte stoïque plus veritable que celuy là, mais, au lieu de: «Voilà... car».
31, Celestes.—Cette conclusion résume bien la thèse absolument contraire à celle de Sebond, que l’auteur s’est proposée dans ce long chapitre: que l’homme ne peut, par ses propres moyens, arriver à rien de certain et qu’il a besoin à cet effet, d’être éclairé par une lumière divine.
CHAPITRE XIII.
2, Humaine.—«C’est un beau cinquième acte, qu’une bonne mort.» Sainte-Beuve.
4, Resolus.—Persuadés, convaincus.
35, Qu’vn.—J.-J. Rousseau exprime et développe cette même pensée, qui chaque jour devient de plus en plus vraie, en ce temps de vie à outrance: «Nous tenons à tout, nous nous accrochons à tout; les temps, les lieux, les hommes, les choses, tout ce qui est, tout ce qui sera, importe à chacun de nous; notre individu n’est plus que la moindre partie de nous-mêmes... O homme! resserre ton existence au dedans de toi.»
5, Mei.—César, dans sa hâte de suivre Pompée passé en Grèce, avait, faute de moyens de transport suffisants, laissé la majeure partie de ses troupes à Brindisi. Ne les voyant pas arriver et craignant qu’elles ne fussent coupées de lui par la flotte dont disposait Pompée alors que lui-même n’avait que des bâtiments de commerce, voulant presser leur venue, il s’embarqua incognito, de nuit, sur une barque, par un temps affreux; et, le pilote n’arrivant pas à surmonter les difficultés, César, pour stimuler ses efforts, lui dit: «Que crains-tu? tu portes César et sa fortune.» Nonobstant cette confiance en lui-même, il ne parvint pas à effectuer la traversée qu’il avait en vue, les flots le rejetèrent à son point de départ.
18, Actions.—L’éd. de 88 et l’ex. de Bord. aj.: et qu’vn grand roy lui couste plus à tuer qu’vne puce.
29, Temps.—Il faut encore tenir compte si c’est une mort soudaine ou qui vienne pour ainsi dire à pas comptés.
32, Tourmens.—Le cruel empereur qui voulait faire sentir la mort à ses victimes, c’est Caligula (Suétone, Caligula, 30); et c’est Tibère qui dit, de l’une des siennes qui s’était tuée elle-même, qu’elle lui avait échappé (Suétone, Tibère, 61); mais ces deux monstres se ressemblent si fort en cruauté, qu’il est aisé de les prendre l’un pour l’autre.
39, Desseignoit.—Avait dessein, projetait.
43, Planché.—Planchéié, comme il se dit aujourd’hui.
4, Mourir.—Lampridius, Heliog., 33.—Héliogabale fut tué dans une sédition militaire par des soldats qui le massacrèrent dans des latrines où il s’était réfugié: son cadavre fut traîné par les rues et jeté dans un égout; mais l’égout s’étant trouvé trop étroit, on le précipita, une pierre au cou, dans le Tibre (222). V. I, 380 et N. Retraict.
8, Propre.—Si on l’eût mis dans le cas de se tuer.
14, Prusse.—Les Abruzzes, province de l’Italie méridionale.—On a pensé qu’il y avait là une faute d’impression évidente et qu’il faut lire Prusse; c’est douteux, du moins en ce qui touche la substitution d’un P au B: certains auteurs, en effet, écrivent Apruzia, d’où Montaigne a fait la Prusse, comme l’Apulia, autre province de la même région, est devenue la Pouille.
15, Apres.—En 48, à Corfinium. Désespérant de pouvoir s’y défendre, Domitius demanda du poison à son esclave qui était médecin. L’ayant absorbé et apprenant avec quelle bonté César traitait ses prisonniers, il regretta son acte, mais son esclave le rassura en lui avouant que ce n’était qu’un narcotique qu’il lui avait remis. Satisfait de cette assurance, il alla trouver César qui l’accueillit avec beaucoup d’amitié, ce qui ne l’empêcha pas de passer, peu après, à nouveau dans le camp de Pompée. Plutarque, César, 10.
22, Gents.—Tacite, Annales, IV, 22.—Plautius Sylvanus était sous le coup d’une accusation capitale pour avoir précipité sa femme du haut de sa maison (22).
24, Parties.—A ses ennemis.—Tacite, Ann., VI, 48. Albucilla était accusée d’adultère et d’impiété envers le prince (36).
25, Sicile.—Plutarque, Nicias, 10.—Lors de l’expédition des Athéniens en Sicile, en 413, Démosthène, l’un de leurs généraux, se voyant, après une résistance opiniâtre, hors d’état d’échapper, se perça de son épée; mais, ne s’étant pas tué du coup, il fut fait prisonnier et, quelque temps après, lapidé par les Syracusains.
26, Impetra.—Obtint par des prières; du latin impetrare qui a cette signification; impétrer est demeuré dans le langage judiciaire.
27, Acheuer.—Appien, De Bello Mithrid.—Fimbria, un des plus fougueux et plus cruels partisans de Marius. Envoyé en Asie Mineure, il y assassina son général pour se substituer à lui; pressé par Sylla, il se donna la mort (85). Un de ses hauts faits fut la destruction de fond en comble d’Ilion (l’ancienne Troie), et le massacre de tous ses habitants.
31, Transperça.—Tacite, Ann., XVI, 15.—Ostorius, qui jouissait d’une grande réputation militaire et de l’éclat d’une couronne civique méritée en Bretagne, fut réduit à se tuer, parce que, chez lui, avait été lu un poème satirique contre Néron (68).
35, Tuer.—Xiphilin, Adrien.—Cette précaution ne lui réussit pas; pressé par la maladie et voulant en finir, il ne trouva personne qui voulût lui porter le coup mortel, ni lui donner du poison.
37, Courte.—Suétone, César, 87.—César tint ce propos dans un repas, la veille de sa mort; ce disant, il faisait allusion aux conspirations journellement ourdies contre lui et dont on ne cessait de l’entretenir, et il ajouta: «Mieux vaut mourir une fois, que de craindre toujours.»
39, Humaine.—Pline, Hist. nat., VII, 53, dit: «une mort subite».—«Le dernier plaisir de la vie, est de mourir sans y penser.»
4, Mourir.—De là cette locution si répandue: «Je voudrais, je préférerais être mort», qui se dit fréquemment à propos de toute difficulté ou souffrance morale ou physique dont la mort vous délivrerait. Mais avant d’être mort, ce que l’on peut souhaiter de fort bonne foi, il faut mourir; et nos appels à la mort en sont moins sincères, ainsi que l’a si bien rendu La Fontaine, dans sa fable de «la Mort et le bûcheron»; parce qu’entre les deux, pour qui est en pleine possession de lui-même, il y a un moment redoutable à franchir: le corps s’y trouve généralement aux prises avec la douleur, et fréquemment l’âme appréhende l’inconnu de l’au-delà.
5, Æstimo.—Le vers latin, qui est de Cicéron, est la traduction d’un vers grec d’Epicharme.
13, Cogitation.—Mesuré et calme, plutôt qu’aigri et surexcité par le fardeau d’une telle pensée. V. N. III, 576: L’vn.
28, Fois.—Cornelius Nepos, Atticus, 22.—Nulle mort dont le récit nous a été conservé ne témoigne un plus grand détachement de la vie; parmi les plus belles, on peut dire que celle de Socrate lui était imposée par sa condamnation, celle de Caton par la situation, et qu’ils ont eu à cœur de se montrer à hauteur de leurs principes; chez Atticus, aucun motif n’excite son courage, il meurt parce qu’il est las de la vie, sans forfanterie, à l’insu de tout le monde.
33, Cleanthes.—Diogène Laerce, VIII.
40, Marcellinus.—Tout ce récit est emprunté de Sénèque, Epist. 77.
13, Roüons.—Tournons. Ce mot est encore aujourd’hui employé comme terme de marine: Rouer un câble, c’est le plier en l’enroulant sur lui-même.
15, Mort.—C’est ce que les Anglais appellent le spleen.
30, Essayer.—La goûter, la savourer.
4, Premier.—Après la bataille de Thapsus (46), Caton qui commandait à Utique, voyant les affaires perdues, après avoir pourvu à la sûreté de tous ceux qui s’étaient réfugiés dans la place et se trouvaient compromis, résolut de se tuer, ne voulant pas en outre devoir de grâce à César, dont on connaissait les dispositions bienveillantes à son égard. Sa résolution avait transpiré; pour l’empêcher de la mettre à exécution, la veille on lui avait retiré son épée; il s’en était aperçu et l’avait fait rapporter, observant à ses proches et amis qui le pressaient de renoncer à son dessein, que finalement une épée n’était pas indispensable pour mettre fin à ses jours. Il passa la nuit à lire et méditer le Phédon, dialogue où Platon traite de l’immortalité de l’âme. Le lendemain matin, jugeant le moment venu, il fit retirer chacun et se perça de son épée; le bruit qu’occasionna sa chute fit accourir son fils et ses amis; on profita de son évanouissement pour panser la blessure qu’il s’était faite, mais revenu à lui, il repoussa le médecin avec violence, arracha le pansement, déchira la plaie de ses propres mains et expira sur-le-champ.—Ce sujet fut le premier donné, l’an V (1797) de la République, par l’Institut national de France, aux élèves de peinture pour le concours du grand prix, après l’interruption causée par la Révolution. V. N. II, 586: Ieune Caton.
CHAPITRE XIV.
7, Iustement.—Également.
10, Faim.—C’est le sophisme dit de l’âne de Buridan qui, supposant un âne également pressé par la faim et la soif, placé entre une mesure d’avoine et un seau d’eau et à égale distance, demandait: «Que fera-t-il?» Si on lui répondait qu’il demeurerait immobile: «Il se laissera donc mourir?» disait Buridan. On lui répliquait qu’il ne serait pas bête à ce point. «Alors, concluait-il, se tournant d’un côté plutôt que d’un autre, il a donc son libre arbitre.»—Ce sophisme embarrassa fort, paraît-il, les dialecticiens de l’époque; il était cependant aisé d’y répondre: Comment aurez-vous la certitude que lorsqu’il se décidera l’animal sera au même degré pressé par un besoin et par l’autre, et qu’il ne cède pas à celui qui, à votre insu, le presse le plus?
11, Stoïciens.—Plutarque, Contredits des phil. stoïques, 24.
28, Circonference.—Ces absurdités sont jeux d’écoliers, nous ne connaissons
pas le raisonnement captieux démontrant que «le contenu est plus
grand que le contenant».—Pour prouver que «le centre d’un cercle est aussi
grand que sa circonférence, on suppose le cercle se déroulant suivant une
ligne droite; sa circonférence se développant de A en A’,
le centre O vient en O´, or OO´ = AA´. De même acabit sont les problèmes
suivants:
«Le diamètre d’un cercle est égal à sa demi-circonférence.» Observons
tout d’abord que dans un cercle les deux demi-circonférences décrites sur
les deux moitiés d’un diamètre sont au total égales à la demi-circonférence
qui les englobe; appliquant ce principe de proche en proche à
toutes les demi-circonférences intérieures que l’on peut construire de la
sorte, leur total reste égal à la demi-circonférence extérieure en même
temps qu’elles en arrivent à se confondre avec le diamètre.—Si on considère
que dans le problème précédent AA´ est égal à trois fois le diamètre,
et que la présente démonstration conclut à ce que le diamètre est égal à
la demi-circonférence, on en arrive à ce que un égale deux.
Si un égale deux, «deux égale trois». Supposons trois nombres a, b, c, tels que: a = b + c. Il en ressort que: 2a = 2b + 2c et aussi 3a = 3b + 3c; de ces deux additions égales en inversant les deux termes de la seconde, on a: 2a + 3b + 3c = 2b + 2c + 3a; de chacun des deux termes de cette dernière retranchons 5a, elle devient 3b + 3c - 3a = 2b + 2c - 2a ou 3 (b + c - a) = 2 (b + c - a); supprimant le facteur commun b + c - a, on a 3 = 2.
«Une bouteille vide égale une bouteille pleine.» On est en droit de poser: ½ bouteille vide = ½ bouteille pleine; supprimons ½ facteur commun, et l’énoncé du problème est démontré.
«Une flèche qui atteint le but, dit Zénon d’Élée, n’a pu cependant franchir la distance.» Divisons cette distance en deux parties; ce qui reste également, continuons de la sorte indéfiniment, il restera toujours quelque chose à diviser, et par suite à franchir.—C’est une démonstration du genre de celle qui prouve que deux courriers se pourchassant, si vite qu’aille celui qui poursuit, il ne peut rattraper l’autre, si lente que soit l’allure de ce dernier et si faible que soit la distance qui les séparait au début.
30, Cercle.—La recherche de la pierre philosophale (alchimie) et de la quadrature du cercle (construction d’un carré de surface équivalente à celle d’un cercle donné) sont deux problèmes insolubles, qui occupaient beaucoup les esprits aux temps jadis.
32, Pline.—Les éd. ant. aj.: Il n’y a rien de certain que l’incertitude et rien de plus misérable et plus fier que l’homme. Cette addition est la traduction de la citation qui suit.
CHAPITRE XV.
Malaisance.—Difficulté d’avoir les choses.
2, Remaschois.—Au figuré, remâcher, c’est repasser à diverses reprises dans son esprit.
2, Mot.—Les éd. ant. aj.: et tres veritable.—Cet ancien, c’est Sénèque, Epist. 4.
5, Preparez.—Sénèque, Epist. 4.
6, Fruition.—Jouissance; mot forgé, par Montaigne, du latin frui, jouir.
9, Estroict.—Les éd. ant. port.: ferme.
15, Parens.—Danaé, fille d’Acrisius, roi d’Argos (Grèce), fut enfermée dans une tour d’airain par son père, auquel l’oracle avait prédit qu’il serait tué par l’enfant qui naîtrait d’elle. Jupiter pénétra dans cette tour sous forme d’une pluie d’or (la toute-puissance de l’argent a été connue de tous temps), et séduisit Danaé. De cette union naquit Persée, qui plus tard, en effet, fut, par accident, le meurtrier d’Acrisius. Myth.
24, D’autre.—Plutarque, Lycurgue, 11.
28, Sauce.—Dans son poème Les filles de Minée, La Fontaine dit:
34, Morsures.—Plutarque, Pompée, 1.
6, Ancone.—La marche d’Ancône, province de l’Italie centrale, où est le sanctuaire de N.-D. de Lorette en qui l’on croit posséder la Santa Casa ou maison de la S. Vierge et une statue d’elle, en bois de cèdre, sculptée par l’apôtre S. Luc. Cette maison de la Vierge aurait été transportée par les saints Anges de Nazareth à Lorette; à l’encontre de cette tradition un érudit, le chanoine Ulysse Chevalier, a publié en 1906 que, d’après ses études, elle a tout simplement été construite avec les pierres d’une carrière voisine, par des architectes nommés Anges.
7, Sainct Iaques.—S.-Jacques de Compostelle à Santiago en Galice (Espagne), où se trouvait le corps de l’apôtre S. Jacques.
8, Liege.—A Liège (Belgique). Non loin de là se trouvent les eaux de Spa, appelées ici, par Montaigne, les bains d’Aspa.
10, François.—Par application du proverbe: «Nul n’est prophète en son pays.»
12, Autre.—Plutarque, Caton d’Utique, 7.—Caton, qui avait deux enfants d’un mariage antérieur, avait consenti à se séparer de sa femme Martia, dont il n’en avait pas, pour la céder à Hortensius son ami, qui n’en avait pas non plus, ce qui était admis par les mœurs romaines. A la mort d’Hortensius, autant par affection que pour ne pas la laisser dans une position difficile, Caton reprit Martia par un second mariage en règle, toutes choses qu’autorisait à Rome la faculté illimitée du divorce; César néanmoins lui en faisait de vifs reproches dans son Anti-Caton: «S’il avait besoin de femme, disait-il, pourquoi céder la sienne à un autre; et, s’il n’en avait pas besoin, pourquoi la reprendre? Cela ne montre-t-il pas une arrière-pensée: on prêtait une femme pauvre à Hortensius, on espérait la retrouver riche». V. N. II, 586: Ieune Caton.
28, Plus.—La Fontaine disait à une courtisane chez laquelle il était entré un jour par hasard et qui se laissait doucement caresser, sans opposer la moindre résistance à ses désirs: «Je t’en prie, repousse-moi un peu.»
37, Amants.—Tacite, Ann., XIII, 45.—Chez les Lacédémoniens, les filles sortaient en public à visage découvert et les femmes voilées, parce qu’il faut, disaient-ils, que les filles trouvent mari et que les femmes gardent celui qu’elles ont; comme quoi, une même chose peut être envisagée à deux points de vue complètement opposés.
41, Bastions.—Au propre, saillants de fortification; ici, pris au figuré, allusion aux vertugadins, paniers dont les dames faisaient alors usage dans leur toilette, sorte de jupons garnis de cercles de baleine, assez analogues aux crinolines du second empire, soutenant les jupes et rendant les robes bouffantes.
43, Appetit.—Par la difficulté, aj. l’éd. de 88.
8, Desbaucher.—Porter à une gaîté licencieuse.
10, Triompher.—Add. de l’éd. de 88 et de l’ex. de Bord.: de la rigueur.
14, Haissent.—Add. de l’éd. de 88: mortellement.
30, Seruist.—Valère Maxime, II, 1, 4.—Cette assertion est-elle exacte? ce qu’il y a de certain, c’est qu’à Rome les femmes étaient assez libres et le divorce appliqué pour la moindre cause.—Toujours est-il que son introduction en France est loin de confirmer la thèse de Montaigne. Il y a été autorisé en 1884; de 1885 à 1890, la moyenne annuelle des demandes a été de 9.300, suivant d’année en année une progression ascendante constante. En 1901, 10.500 instances ont été introduites se répartissant à peu près également entre gens ayant des enfants et gens n’en ayant pas, 9.000 ont été accordées, à quoi il convient d’ajouter plus de 2.000 séparations de corps. En 1904, il y en a eu 9.860 prononcés en dehors des séparations de corps; en 1905, 10.019.—Il est à observer que les divorces pour cause d’adultère sont presque en nombre double pour adultère de la femme, que pour cette même faute commise par l’homme; ce n’est pas que celui-ci soit plus respectueux de la foi conjugale, mais outre que dans son cas il n’y a pas risque d’un enfant pouvant en résulter, cela tient encore à ce que pour des raisons diverses la femme supporte plus facilement d’être trompée et aussi qu’elle est plus facile à l’être. Et aujourd’hui que le divorce est passé dans les mœurs, l’idée gagne de l’affranchir des fictions judiciaires qui en restreignent l’obtention: les motifs légaux n’existant pas, on les suppose, on va jusqu’à en créer les apparences de commun accord; d’où la tendance à l’admettre par consentement mutuel, et même sur la volonté d’un seul avec conditions de délai; il y a bien la question des enfants, mais n’a-t-on pas déjà passé outre! C’est là le seul point intéressant; et à l’encontre de ce qui se pratique, il semble qu’il vaudrait mieux pour eux, quel que soit le motif du divorce, au lieu d’être attribués à l’un, sous réserve de certains droits concédés à l’autre, que celui auquel ils sont laissés, les ait sans restriction ni obligation vis-à-vis de la partie adverse; les obtiendrait celui en faveur duquel le divorce serait prononcé dans les cas d’indignité, d’inconduite, de sévices et injures graves; celui contre lequel la demande en divorce aurait été introduite dans le cas d’incompatibilité d’humeur quand il sera admis, ce qui avec les idées actuelles ne saurait tarder beaucoup.—Du reste, le mariage lui-même tend à être réduit à sa plus simple expression. On voudrait le rendre aussi facile que possible à contracter, ne le subordonner à aucun consentement autre que celui de ceux qui veulent s’unir; supprimer la puissance maritale, chacun des conjoints ayant mêmes droits, toute liberté et toute indépendance; le régime de la séparation de biens deviendrait la règle unique; l’adultère cessant d’être un délit ne serait plus qu’une cause de divorce, dont l’obtention serait du reste grandement facilitée, si bien que les seules différences qui subsisteraient encore entre le mariage et l’union libre, se réduiraient à la publicité donnée à l’union contractée, l’octroi de la légitimité aux enfants nés pendant sa durée et la possibilité de liquider les intérêts matériels de chacun après sa dissolution.
5, Serpunt.—L’auteur parle ici des Juifs et de leur religion; Montaigne applique son dire à un sujet tout autre.
8, Moyen.—Peut-être; mais l’excès contraire a plus d’inconvénients encore; et, à notre époque, la peine de mort est tellement atténuée, la prison si bénigne à tous ses degrés, la grâce et les réductions de peine sont tellement passées dans les habitudes, que les malfaiteurs, dont le nombre, ainsi que l’audace et la fréquence des méfaits, vont croissant en proportion du besoin de bien-être et de luxe, conséquence des progrès de la civilisation, s’en donnent à cœur joie. La publicité des exécutions n’a plus de raison d’être, n’amenant plus chez le spectateur que cette simple remarque: «Tiens! ce n’est que cela!» En la supprimant, on ferait cette peine un peu plus redoutée; en n’abusant pas du droit de grâce, en n’en usant que lorsqu’il y a des circonstances atténuantes dont il n’a pas été tenu compte, ou qu’un doute peut exister sur la culpabilité, en un mot comme correctif d’une erreur possible du jury; en rendant beaucoup plus pénibles les divers genres d’emprisonnement et réduisant d’autant la durée des condamnations, on modifierait rapidement l’état d’esprit de nombre de criminels qui, actuellement, se disent que ce qui peut leur arriver de pis, c’est de vivre sans rien faire aux dépens de la société, dans des conditions bien moins pénibles que s’il leur fallait gagner leur vie par le travail, ce qui est bon seulement pour les honnêtes gens.—Et pourtant, l’expérience est faite: Pour parer aux recrudescences de crimes à certaines époques contemporaines, les Anglais, qui cependant ont beaucoup plus que nous le respect de la liberté individuelle, n’ont pas hésité à rétablir temporairement des moyens de répression tombés en désuétude: le «Treadmill» où le condamné est mis automatiquement dans l’obligation de coopérer, à l’aide des mains et des pieds, à faire tourner une roue; le Cat (le chat à neuf queues) qui consiste à infliger matin et soir, pendant un nombre de jours déterminé, un certain nombre de coups de fouet; ces procédés depuis mis de côté, sans cesser d’être légaux pour le cas où le besoin s’en ferait de nouveau sentir, eurent vite raison de ces associations de bandits qui terrorisaient Londres en étranglant les passants, etc., tout comme nos apaches parisiens en agissent actuellement avec le couteau et le revolver. Mais, chez nous, gouvernants et législateurs ont plus souci de jouir de la situation à laquelle ils sont arrivés, d’assurer leur réélection pour continuer à vivre aux dépens de la chose publique, que de satisfaire à leurs devoirs essentiels, faire régner la liberté et refréner la licence, favoriser le bien, poursuivre et punir le mal; assoiffés de popularité, imbus par calcul d’idées soi-disant humanitaires, leurs actes démentent leurs paroles, leurs sympathies vont de fait aux scélérats bien plus qu’à leurs victimes.
9, Argippées.—Hérodote, IV, 23, dit qu’il ne les connaît que par ouï-dire; qu’ils sont chauves, ont le nez aplati et ne se nourrissent que de fruits et de lait. Chacun habite sous un arbre que, l’hiver, il recouvre d’une étoffe de laine blanche, qu’il a soin d’ôter l’été. Personne ne les insulte, ils n’ont pas d’armes et sont considérés comme sacrés.
19, Violence.—C.-à-d. peut-être la facilité qu’on a d’entrer dans ma maison, contribue-t-elle à la mettre à l’abri de la violence.
32, Frontieres.—Ce n’est pas en effet des places frontières qui sont à construire. La défense des frontières d’un état est le propre des armées elles-mêmes; les fortifications ne devraient être employées que pour couvrir certains points en nombre très restreint, particulièrement importants en vue de l’offensive beaucoup plus qu’en vue de la défensive, ceux où sont nos approvisionnements, et aussi les grandes agglomérations plus particulièrement menacées dont il importe, en raison des ressources qu’elles présentent, de ne pas laisser l’ennemi s’emparer dès le début sans coup férir. Les murailles de Chine n’ont jamais dans le passé satisfait à ce qu’on en attendait, et y satisferont moins encore dans l’avenir, étant donnés les moyens actuellement mis en œuvre, au nombre desquels il faut compter l’envahissement du territoire de l’adversaire sans déclaration de guerre préalable. Vauban, qui à l’époque de Louis XIV avait organisé la défense de nos frontières sous l’empire de ces idées, reconnut, sur la fin de sa vie, cette erreur, qu’après 1870 ses élèves, héritiers de sa science mais non de son génie, ont commise à nouveau, nous amenant à fortifier, une fois encore, outre mesure notre frontière de l’Est au lieu de renforcer ses effectifs dans toute la limite du possible, avec ceux qui, pour des raisons de clocher, demeurent disséminés dans le reste de la France où ils n’ont que faire. S’il en eût été ainsi, Nancy, bien que sans fortifications, serait à l’abri d’un coup de main; et, ayant ces troupes stationnées ailleurs, on n’aurait pas été tenté de les employer abusivement à des œuvres de police, pour lesquelles l’armée n’est point faite, qui la discréditent, où se perd la notion du devoir, auxquelles la nécessité fait que la masse se prête à contre-cœur, non sans que cependant se produisent quelques rares protestations, qui honorent leurs auteurs, mais ruinent leur carrière.
36, Riches.—Pauvres et riches s’intéressent au pillage que promet une incursion sur un territoire étranger; les riches seuls le sont à s’en défendre sur leur propre territoire.
37, Faitte.—Le père de Montaigne avait, en 1554, réédifié sa maison, en la fortifiant selon les habitudes et les nécessités de l’époque; Montaigne nous fait connaître ici que lui-même ne jugea pas à propos de tirer parti de ces dispositions défensives. Cette maison demeura telle jusqu’en 1859, où ses descendants s’en défirent. Déjà en partie transformée par les changements que les acquéreurs y avaient apportés, elle devint la proie des flammes en 1885, à l’exception de la grosse tour et de quelques communs qui furent épargnés; elle a été reconstruite depuis, mais sur un plan notablement différent: seules la tour et la pièce constituant la bibliothèque de Montaigne qu’il décrit III, 156, ont été maintenues dans leur état primitif.
2, Defortifié.—Henri IV et surtout Richelieu firent en effet démanteler quantité de ces forteresses particulières.
3, Dangereux.—Regrettable, triste, fâcheux.
6, Infiables.—Suspectes.
12, Improuidence.—Votre défaut de vigilance et de prévoyance à pourvoir à votre sûreté.—Montaigne affectionne ces mots négatifs formés avec un préfixe (dé, il, im, in, ir, suivant le cas), et les forge fréquemment quand ils n’existent pas.
29, Enregistrable.—La maison de Montaigne, épargnée jusque-là, finit par être pillée.
29, Ans.—Ces troubles avaient commencé en 1560.
CHAPITRE XVI.
19, Hominibus.—Dans l’Évangile de S. Luc, d’où cette citation est tirée, la phrase est complétée par ces mots: bonæ voluntatis (aux hommes de bonne volonté).
23, Diogenes.—Cicéron, De Fin., III, 17.
32, Loüanges.—«L’art de louer commença l’art de plaire.» Voltaire.
36, Fleurisse.—Traduction d’un vers d’Homère, que Cicéron a également traduit, De Fin., V, 18.
39, Acquerir.—Cicéron, De Fin., III, 17.
5, Cache ta vie.—Ce précepte, dû à Nicoclès frère d’Épicure, devint un des principes fondamentaux de l’école. Dans un de ses traités, intitulé: Si ce mot commun «cache ta vie» est bien dit? Plutarque s’élève avec force contre cette maxime qu’il considère comme destructive de tous intérêts sociaux, en détournant de se mêler des affaires publiques, dont le tracas est incompatible avec la tranquillité; elle est plutôt à entendre comme signifiant qu’exposés à l’envie comme nous le sommes, il est prudent de cacher ses avantages pour pouvoir en jouir à l’aise.
8, Celuy.—Épicure.
23, Hermachus.—Cette lettre d’Épicure est dans Cicéron, De Fin., II, 30, qui dit Hermarchus; Diogène Laerce, X, 22, la donne comme adressée à Idoménée, autre disciple de ce philosophe.
1, Metrodorus.—Cicéron, De Fin., II, 31.
2, Desirable.—Cicéron, De Fin., III, 17, attribue cette doctrine aux Stoïciens, et ajoute qu’ils ne l’ont admise que parce que, sur ce point, ils n’ont pu répondre à Carnéade.—Carnéade, député à Rome par ses concitoyens, s’y était fait remarquer par son éloquence; mais une fois, ayant parlé au Sénat avec un égal talent pour et contre une même question, Caton fit décider de renvoyer au plus tôt un sophiste aussi dangereux.
8, Fuyr.—Aristote, Morale à Nicomède.
10, Subiect.—Ce traité de Cicéron sur la gloire est aujourd’hui perdu; Pétrarque semble l’avoir possédé. C. de M.
13, Suitte.—Marcellus avait élevé un temple à la Vertu, un autre à l’Honneur, et il fallait passer par le premier pour arriver au second, symbolisant ainsi que la vertu est le principe même de l’honneur.
18, Philosophe.—Montaigne, dont les critiques à l’égard de Cicéron sont jusqu’ici pour la plupart justifiées, en arrive à l’exagération et à l’injustice. Cicéron aimait passionnément la gloire, comme il aimait la justice et aussi la liberté à laquelle il a fait le sacrifice de sa vie. Il n’a pas dit que la gloire fût préférable à la vertu: «Si la vertu, lit-on dans son Discours pour Milon, pouvait envisager un prix, le plus haut de tous serait la gloire; elle seule nous console de la brièveté de la vie par les longs ressouvenirs de la postérité; elle nous rend présent où nous ne sommes point, elle nous fait vivre même après la mort.»
26, Toy.—Cicéron, De Fin., II, 18.
31, Richesses.—Plotius avait légué toute sa fortune à Peduceus, à l’insu de sa veuve, à laquelle celui-ci la restitua. Cicéron, De Fin., II, 18.
34, Cicero.—De Fin., II, 18.—Un nommé Fadius Gallus, homme extrêmement riche, pour éluder une loi qui limitait ce dont pouvaient hériter les femmes, avait institué comme son légataire S. Rufus, mais en le priant de transporter tout son héritage à sa fille Fadia. S. Rufus nia cette clause, et, se retranchant derrière la loi, se borna à abandonner à Fadia ce à quoi elle avait légalement droit.
36, Hortensius.—Quelques intrigants avaient apporté de Grèce à Rome un faux testament d’un nommé Minucius Balbus, homme fort riche. Afin de recueillir plus facilement la succession, ils s’étaient donné pour cohéritiers Crassus et Hortensius, deux des hommes les plus puissants de l’époque. Ceux-ci soupçonnaient bien la fausseté de l’acte, mais ils n’y avaient pas trempé et ils ne se refusèrent pas à profiter du crime d’autrui. Cicéron, De off., III, 18.
16, Vouloit.—«La gloire suit la vertu, comme l’ombre suit le corps.» Cicéron.
4, Blessé.—L’éd. de 88 aj.: mais d’Hannibal ie sçay bien qu’on le dit, et de Scanderberg.—Alexandre l’a été maintes et maintes fois (V. N. I, 486), parfois assez grièvement, notamment au siège de Tyr, et dans son expédition contre les Malliens Oxydraques, peuplade du bassin de l’Indus. Napoléon l’a été une fois à la cuisse au siège de Toulon, une autre fois au talon à Ratisbonne, chaque fois sans gravité.—Une blessure à la guerre ne prouve généralement pas grand’chose, sinon qu’on y était, surtout actuellement avec la longue portée des armes; bien rares sont celles reçues dans l’accomplissement d’un fait méritant une mention personnelle. Napoléon, à Waterloo, avait un guide pris sur place, suivant son habitude, les cartes n’indiquant que d’une façon générale et sommaire les mouvements de terrain; ce guide, lié sur son cheval, faisait mauvaise figure aux balles et aux boulets, il s’agitait sur sa selle, détournait la tête, se courbait sur l’encolure de sa monture, si bien que l’empereur lui dit à un moment: «Mais, mon ami, ne remuez pas tant; un coup de fusil vous tuera aussi bien par derrière que par devant et vous fera une plus vilaine blessure.» H. Houssaye. Dans ma jeunesse, un de mes camarades, fort brave du reste, qui depuis a été tué en 1870 à Frœschviller, et qui avait fait ses premières armes en Crimée où il avait été blessé deux fois et avait été décoré de la médaille militaire, nous contait, en toute franchise, que sa première blessure, il l’avait reçue alors que derrière une haie il mettait culotte bas, et la seconde, alors que surpris par les Russes dans une embuscade il fuyait à toutes jambes; pas plus dans un cas que dans l’autre, il ne faisait face à l’ennemi.
40, Faire.—C’est-à-dire la satisfaction du devoir accompli. Mais l’homme est homme; et, outre qu’il y en a peu qui n’aient besoin d’être encouragés dans la voie du bien, c’est un impérieux devoir pour ceux auxquels cela incombe, que de rechercher et récompenser ceux qui demeurent ainsi dans l’ombre et de ne pas s’en laisser imposer par ces autres, toujours prêts à se faire valoir, soit en s’exaltant eux-mêmes, soit en recourant à autrui à charge de revanche; les sociétés d’admiration mutuelle sont un des plus grands obstacles que le vrai mérite rencontre sur sa route.
18, Demetrius.—Sénèque, Epist. 91.
1, Timon.—Passage de Sénèque, Epist. 85, que Montaigne paraphrase.
7, Absence.—Tite-Live, XLIV, 22.—En 168.—«N’ajoutez foi, dit en substance Paul-Émile au peuple romain, qu’à ce que je vous écrirai; n’accréditez pas, par votre crédulité, des rumeurs vaines et sans fondement. Il y a des gens qui s’érigent en maîtres, critiquent tout ce qui n’est pas conforme à leur manière de voir; cette habitude est funeste. Je ne me crois pas infaillible, mais c’est de ceux qui ont de l’expérience, qui sont sur les lieux et connaissent la situation, que je prends avis. Si donc il est quelqu’un parmi vous qui se croit à même de me donner quelque conseil utile, qu’il vienne avec moi, je le défrayerai de tout; autrement qu’il se taise et sache que les avis de mes compagnons d’armes me suffisent.»—Semblable propos serait également de mise aujourd’hui en France; mais ce n’est pas à un personnage ayant le courage de le tenir que l’on confierait le commandement de nos armées; et en tout cas, si, y étant nommé, il se révélait tel, de semblables exhortations de sa part demeureraient lettre morte, et le premier prétexte venu, le moindre échec sans conséquence, toujours possible, le feraient indubitablement tomber en disgrâce.—Ce discours de Paul-Émile est donné par l’avant-dernier chapitre de Tite-Live qui nous ait été conservé, car nous ne possédons qu’une faible partie de son Histoire qui allait jusqu’à l’ère chrétienne, et ce qui nous en reste s’arrête à l’an 166. Le pape Grégoire, vers la fin du VIe siècle, le jugeant dangereux en raison des fréquents prodiges qu’il rapporte, le comprit dans la proscription des livres profanes qui lui est attribuée et fit brûler tous les manuscrits qu’il en put découvrir.
8, Destourbier.—Trouble, obstacle, empêchement; du latin disturbare, empêcher.
12, Consentement.—Fabius, par sa prudence, s’étant attiré beaucoup de critiques et Minutius, son chef de cavalerie, ayant obtenu quelques légers succès en combattant contre la défense qu’il lui en avait faite, avait vu son autorité répartie entre eux deux, et pour ne pas l’affaiblir avait proposé à son ancien lieutenant de commander à tour de rôle. Celui-ci, pour rester maître de ses actions, avait préféré répartir les troupes entre eux. Peu après, il se faisait battre et n’était sauvé que par Fabius, auquel spontanément il fit amende honorable, en même temps qu’il se replaçait sous ses ordres (217).
34, Main.—Il est ici question de l’anneau de Gygès. Platon, République, II, 3; Cicéron, De Off., III, 9.—Gygès était le favori de Candaule, roi de Lydie (Asie Mineure). Candaule, fier de la beauté de sa femme, la lui fit voir toute nue; celle-ci, outragée, mit Gygès dans l’alternative de périr lui-même ou de tuer le roi; il prit ce dernier parti et épousa la reine et monta lui-même sur le trône (VIIe). Platon fait de Gygès un berger et raconte qu’ayant trouvé dans les flancs d’un cheval d’airain un anneau ou bague merveilleuse qui, en tournant le chaton à l’intérieur de la main, rendait invisible celui qui le portait, il en profita pour séduire la reine et assassiner le roi; et il ajoute que si un tel anneau était en la possession d’un sage, il ne s’en prévaudrait pas pour faire le mal, les honnêtes gens considérant si une chose est honnête et non si elle est ignorée.
17, Herostratus.—Le temple de Diane à Éphèse (Asie Mineure), qu’Érostrate brûla (356), dans le but de s’illustrer par quelque moyen que ce fût, était regardé comme une des sept merveilles du monde. (On désigne communément sous ce nom, sans toutefois que l’accord existe à cet égard: 1o les jardins suspendus et les murs de Babylone; 2o les pyramides d’Égypte; 3o le phare d’Alexandrie; 4o le colosse de Rhodes; 5o le Jupiter Olympien de Phidias; 6o le tombeau de Mausole; 7o le temple d’Éphèse). L’incendie de ce temple eut lieu la nuit même de la naissance d’Alexandre le Grand. Les Éphésiens, pour déjouer les calculs du fou qui en était l’auteur, rendirent un décret qui défendait sous peine de mort de prononcer son nom; c’était le meilleur moyen de les réaliser.—La réflexion que relate Montaigne à son sujet, émane de Valère Maxime, VIII, 14, et non de Trogue-Pompée.
17, Capitolinus.—Tite-Live, VI, 11.—Après la bataille de l’Allia, Manlius, voyant Rome au pouvoir des Gaulois, se jeta dans le Capitole. Cette forteresse elle-même allait tomber aux mains des Barbares qui déjà en escaladaient les murs, lorsque Manlius, éveillé par le cri des oies sacrées que l’on y nourrissait, prit les armes et précipita l’ennemi du haut des murailles, ce qui lui valut le nom de Capitolinus (390). Dans la suite, aspirant à la tyrannie et accusé devant le peuple, il sut se faire absoudre en montrant le Capitole qu’il avait sauvé; mais une autre fois l’assemblée s’étant réunie dans un autre lieu d’où on ne pouvait apercevoir ce théâtre de ses exploits, il fut condamné à être précipité du haut de la roche Tarpéienne (384).
20, Parle.—Nous avons plus de souci qu’on parle de nous, que de la façon dont on en parle.
23, Autruy.—Il semble que pour être connu, il faille en quelque sorte commettre sa vie...
26, Fantastique.—Boileau, dans une de ses épîtres, blâme également cette tendance à trop agir avec la préoccupation de ce que les autres pourront en penser:
1, Surnom.—Ce nom d’Eyquem, que l’auteur qualifie de surnom (mais au XVIe siècle, surnom s’employait souvent comme synonyme de nom), était bel et bien son nom de famille, et il est le premier qui l’ait abandonné.—Son bisaïeul, Ramon Eyquem, habitait le village de Blanquefort en Médoc, à quelques kil. N.-O. de Bordeaux, et avait dans cette dernière ville une maison de commerce de vins, de pastels et de poissons salés, située près du fort du Ha (actuellement le palais de justice), dans l’espace existant entre ce fort et l’église cathédrale de Saint-André. Ce Ramon acheta, en 1478, la maison noble de Montaigne (à environ cinq lieues en aval de Bergerac), dont son arrière-petit-fils prit le nom à l’exclusion du sien, ce qui se faisait et se fait encore communément.—Ce nom d’Eyquem, il est vraisemblable que Montaigne ne l’a supprimé qu’après la mort de son père et après avoir quitté ses fonctions de conseiller, car on trouve encore les deux noms accolés dans le passage du testament de La Boétie où celui-ci lègue ses livres et papiers à M. Michel Ayquem de Montaigne, conseiller, etc.—Ce nom, qui semble venir du flamand Ecke (chêne) et du germain Heim (hameau, habitation), existant en Gascogne et se retrouvant en Angleterre, il est probable que c’est le fait des alliances contractées entre Gascons et Anglais durant les trois siècles pendant lesquels la domination étrangère s’est maintenue dans cette partie du midi de la France.
4, Place.—L’autre nom de Montaigne, c’est Michel, son prénom qui, en effet, pouvait et a dû être attribué à bien d’autres.
6, Fauorir.—Favoriser, donner du relief; du latin favere qui a le même sens; c’est un mot que comme un certain nombre d’autres Montaigne a fait passer de son chef dans notre langue. Favorir l’inanité, c’est favoriser le néant, donner de l’importance à ce qui n’est pas.
7, Inanité.—L’éd. de 88 aj.: quel proufit m’en reuient-il?
9, Violæ.—Montaigne change ici le sens de la citation, où, en outre, il substitue les mots Laudat posteritas à Laudant convivæ.
34, Nous.—Combien peu de Grecs et même de Romains, malgré tant d’écrivains... dont les noms sont parvenus jusqu’à nous!
37, France.—Montaigne ne prévoyait pas les progrès que devait faire l’imprimerie et le développement que prendraient ses moyens de vulgarisation.—Une autre raison du reste qui a fait qu’à rencontre de ses prévisions, le souvenir de ces temps troublés est de ceux de notre histoire qui se sont le moins effacés, c’est qu’un des effets des guerres civiles est de faire que plus qu’en toute autre situation, chacun se montre à découvert, avec ses talents et ses vices prédominants, et que les bouleversements profonds et imprévus qui en résultent, modifient souvent du tout au tout la fortune des individus et parfois aussi celle des classes de la société et des partis qui la divisent. Qui connaîtrait Cromwell, sans la révolution de 1649; Napoléon, sans celle de 1793; Gambetta, sans celle de 1870?—Nonobstant, l’observation de Montaigne est très juste; aujourd’hui les noms d’un beaucoup plus grand nombre reçoivent de la publicité, mais combien éphémère! Bientôt enfouis dans les bibliothèques, ils y dorment du plus profond sommeil, à jamais ignorés tout comme avant, en dépit des efforts, pour de bien rares exceptions, de quelque érudit en mal de réputation pour lui-même; on peut même dire plus: notre époque, avec ses idées utilitaires, plus préoccupée du présent et de l’avenir que ses devancières, en dehors de ceux qui y ont un intérêt direct, se soucie au fond beaucoup moins qu’elles du passé.
38, Muses.—Elles étaient au nombre de neuf, et présidaient: Clio, à l’histoire; Euterpe, à la musique; Thalie, à la comédie; Melpomène, à la tragédie; Terpsichore, à la danse; Erato, à l’élégie; Polymnie, à la poésie lyrique; Uranie, à l’astronomie; et Calliope, à l’éloquence et à la poésie héroïque.
38, Battaille.—Plutarque, Apophth. des Lacédémoniens.
8, Faueur.—C’est ce qu’un poète latin a rendu: «Habent sua fata libelli (Les livres ont leur destinée).» Cet aphorisme, après avoir été attribué aux plus célèbres poètes latins, se trouve être d’un des plus obscurs, Terentianus Maurus; il est lui-même un exemple de la vérité de sa réflexion, car on ne cite guère de lui que ce fragment de vers, et encore en le croyant d’un autre (Larousse).—Ceux qui suivent, assez médiocres, du reste, d’un auteur non moins inconnu, expriment cette même idée, en la développant davantage:
12, Assignées.—Rangées.
40, Traian.—Fils d’un soldat de fortune élevé aux honneurs par Vespasien, Trajan se montra lui-même brave et habile. Élevé à l’empire, il refréna les Daces et les Parthes, qui le menaçaient; à l’intérieur, il fit fleurir la justice, cesser les délations, s’environna de capacités de tous genres, allégea les impôts et mérita, au moins par sa vie publique, d’être considéré comme le meilleur des empereurs romains.
40, Neron.—Empereur grâce aux intrigues d’Agrippine sa mère qui l’avait fait adopter par Claude, au détriment de son propre fils, il affecta beaucoup de douceur au début de son règne, mais bientôt se montra cruel et débauché, s’entoura de courtisanes, d’histrions, prit part aux jeux du cirque et finit par se livrer aux pires atrocités, ne reculant devant aucun crime, assassinant successivement Britannicus, sa mère, sa femme; accusé d’un incendie qui consuma la moitié de Rome, il en rejeta l’accusation sur les chrétiens et ouvrit contre eux une ère de persécutions qui fut des plus violentes; fit périr quiconque lui déplaisait ou le gênait, et lui-même, renversé par une conspiration amenée par ses excès, eut à peine le courage de se tuer. Il demeure, dans l’histoire, le type le plus accompli d’un tyran exécrable, d’un monstre de cruauté.
4, Platon.—Lois, XII.
9, Pedagogue.—Platon et Socrate.—La plupart des ouvrages de Platon sont présentés sous forme de dialogues. Le personnage principal expose le fond du sujet; ses auditeurs, par leurs questions et leurs objections, aident à son développement. Dans presque tous, c’est Socrate qui est ce personnage principal; dans les Lois, c’est Platon lui-même qui, par modestie, dissimule sa personnalité sous celle d’un Athénien étranger.
13, Miracles.—Diogène Laerce, Platon, III, 26.
23, Numa.—V. N. II, 252: Numa.
23, Sertorius.—Avait, dans la guerre civile entre Sylla et Marius, embrassé le parti de ce dernier; quand il fut vaincu, Sertorius passa en Espagne (84), s’y rendit indépendant et se maintint tel jusqu’à sa mort. Il avait établi dans son armée un simulacre de Rome: un sénat, des consuls, etc...; il inspirait à ses soldats une confiance aveugle et leur avait persuadé qu’il était en commerce avec les dieux, par l’entremise d’une biche blanche dont il se faisait suivre partout; il fut assassiné par un de ses lieutenants jaloux de sa supériorité.
27, Zoroastre.—V. N. II, 362: Zoroastre.
29, Oromazis.—Principe du bien, comme Ahriman était celui du mal, c’est lui qui avait créé le monde, la lumière, la chaleur, les puissances bienfaisantes; il est constamment en lutte contre l’esprit des ténèbres.
29, Trismegiste.—Trismégiste, législateur des Égyptiens, leur donna des lois au nom de Mercure; cette double élision se reproduit dans les membres de phrase qui suivent.
30, Zamolxis.—V. Lexique.
30, Charondas.—Se perça, dit-on, de son épée, parce qu’il avait enfreint par mégarde une loi qu’il avait portée lui-même, qui défendait de se présenter en armes dans l’assemblée du peuple; à celui qui lui faisant observer qu’il était en défaut en enfreignant sa loi: «Non, dit-il en se tuant, je la confirme.»
31, Minos.—Gouverna avec tant de sagesse, que les poètes en ont fait un des trois juges des enfers avec Rhadamante, son frère, et Éaque, roi d’Égine.
31, Lycurgus.—V. N. II, 220: Lycurgus.
32, Dracon.—Ses lois criminelles étaient si rigoureuses qu’on alla jusqu’à dire qu’elles étaient écrites avec du sang; aussi ne tardèrent-elles pas à tomber en désuétude.
32, Solon.—Un des sept sages de la Grèce; reçut mission vers l’an 593, des Athéniens, de leur donner des lois au lieu et place de celles qu’ils avaient reçues de Dracon; y substitua un code sage, humain; établit en même temps une constitution qui était un mélange habile de démocratie et d’aristocratie, et calma ainsi momentanément les troubles violents dont la ville était l’objet incessant et qui reprirent de plus belle moins de dix ans après, pour aboutir à la tyrannie de Pisistrate.
34, Moïse.—Né en Égypte, où les Hébreux étaient en quelque sorte captifs, Moïse fut exposé dès sa naissance sur le Nil, en vertu des ordres de Pharaon, roi d’Égypte, qui voulait faire périr tous les enfants mâles de cette race; il fut sauvé par la fille même du roi, élevé à la cour et instruit dans les sciences des Égyptiens. Informé de sa naissance, il s’enfuit au désert et reçut, de Dieu, mission de délivrer les Israélites de la servitude; il y parvint (1645), et mourut, les ayant amenés jusque sur les confins de la terre de Judée, et leur ayant donné, dans l’intervalle, les tables de la loi que lui-même avait reçues de Dieu, sur le mont Sinaï. Moïse est l’auteur du Pentateuque, c’est-à-dire des cinq premiers livres de l’Ancien Testament, qui renferment l’histoire sacrée depuis la création du monde jusqu’à l’entrée des Hébreux dans la Terre promise, un code de lois et un recueil de prescriptions religieuses.—Il est à observer que le moyen employé par Moïse pour faire accepter ses lois, est analogue à celui dont ont usé les législateurs dont Montaigne vient de parler: Il s’entretenait seul à seul sur le Sinaï avec Dieu, par des temps d’orage et de brouillard, le peuple étant consigné à distance (Exode, XIX).
35, Bedoins.—L’islamisme.
35, Iouinuille.—Dans ses Mémoires, 58.
6, Escorce.—V. N. I, 62: Tout.
CHAPITRE XVII.
Presumption.—Dans ce chapitre, Montaigne dit d’excellentes choses et donne des détails sur son caractère et la nature de son esprit, sur sa personne, ses écrits, son style, son défaut de mémoire, son ignorance des choses les plus communes, sur son irrésolution qu’il appelle une cicatrice bien mal propre à produire en public.
21, Valeur.—De notre mérite.
27, Fuit.—Pour avoir écrit leurs mémoires.
31, Propensions.—Il n’est pas étrange, il n’est pas extraordinaire que nous ayons des qualités, des penchants, etc.
36, Consente.—Qui s’accordait, qui était en harmonie avec...
37, Gras.—Add. des éd. ant.: Estant douez d’vne extreme beauté, ils s’y aidoient vn peu, sans y penser, par mignardise.
37, Cæsar.—Plutarque, César, I, à la fin.—On a dit la même chose de Pompée. Sénèque, Contr., III, 19; Plutarque, De l’Utilité à retirer de ses ennemis, 6.
39, Rincer.—Froncer, rider; du latin ringi, grogner en montrant les dents, en parlant des chiens enragés.
42, Salutations.—Var. de 1588: Bonnetades.
2, Gloire.—Par orgueil.
9, Constantius.—L’empereur Constance II, fils de Constantin; Ammien Marcellin, XXI, 14, se borne à parler de sa prestance et de sa dignité hautaine; le surplus semble une amplification de Montaigne.
15, Moy.—Les gestes et le port du corps, dont il a parlé plus haut.
17, Vice.—A une vaine et sotte fierté, ainsi qu’il est dit également au commencement de ce paragraphe.
32, Maistrise.—La possession.
4, Effect.—Lorsque je me propose de faire telle ou telle chose, je n’ai point d’avance la notion exacte des moyens dont je pourrai user pour réussir, et je n’en suis instruit que par le résultat.
7, Desseigne.—Je les détermine, j’en forme le dessein.
30, Escriture.—L’Ecclésiaste dit: «Ce désir infini de savoir qui est né avec nous, a été donné par Dieu à l’homme, comme une démangeaison et une lèpre, pour le tourmenter sans aucun fruit.»—Les légendes d’Ève chez les chrétiens, de Pandore chez les anciens, sont la personnification des méfaits de la curiosité.
37, Prix.—Je me regarde comme étant de la classe commune et ordinaire des hommes, et m’en contente; les défauts les plus communs, les plus répandus dans les basses classes, je les ai et ne les désavoue ni ne m’en excuse; la seule chose que j’apprécie en moi, c’est que je sais ce que je vaux.
5, Foiblesse.—Les éd. ant. aj.: Ie me connoy tant, que s’il estoit party de moy chose qui me pleut, ie le deuroy sans doubte à la fortune.
7, Ouurer.—A l’employer, à la mettre en œuvre.
11, Poësie.—Il est sûr que c’est l’espèce d’ouvrage qui souffre le moins la médiocrité, et c’est bien de la poésie et des poètes qu’on peut dire: «Qui ne vole au sommet, tombe au plus bas degré.» Naigeon.
18, Est.—Ce mot manque dans les éd. ant. et l’ex. de Bordeaux.
19, Peuples.—Des peuples tels que ceux dont il va être parlé, qui, malgré sa puissance, marquèrent si vivement le mépris qu’ils éprouvaient pour la mauvaise poésie de Denys.
29, Olympiques.—Ces jeux se célébraient tous les quatre ans à Olympie. Pendant leur durée les hostilités étaient suspendues; les femmes n’y pouvaient assister; seuls les Grecs (y compris ceux de leurs colonies) pouvaient y prendre part. Ils comprenaient des courses de chars et de chevaux;—des courses à pied;—la lutte, où les adversaires étaient absolument nus et oints d’huile;—le pugilat, où ils avaient la tête protégée par une calotte d’airain et usaient de gantelets en lanière de cuir; cet exercice, toujours sanglant, était souvent mortel et ceux qui s’y livraient mouraient presque tous avant l’âge; le pancrace, comprenant la lutte et le pugilat; mais les poings étaient nus, il était interdit de mordre et le combat se prolongeait jusqu’à ce que l’un des adversaires se déclarât vaincu, aussi y avait-il souvent mort d’homme;—le panthèle, se composant, comme l’indique son nom, de cinq épreuves: la lutte, le saut, la course, le jet du disque et celui du javelot; les enfants y prenaient part dans un concours particulier.—Ils comportaient aussi des concours de poésie.—Les vainqueurs étaient particulièrement honorés; les poètes, les sculpteurs ont maintes fois célébré leurs hauts faits; Chylon, un des sept sages, mourut de bonheur en embrassant son fils victorieux.
De nos jours on a cherché à faire revivre en Grèce, quelque peu modifiés en raison des temps, ces jeux auxquels ce nom a été maintenu, bien qu’ils aient lieu à Athènes. En 1906, les résultats des principaux exercices ont été les suivants: Course, dite de Marathon, exécutée sur le parcours suivi par ce guerrier qui, après la bataille de ce nom (490), vint en toute hâte à Athènes annoncer la victoire et, sa mission remplie, tomba mort d’épuisement aux pieds des magistrats: la distance à franchir, 42 kil., l’a été en 2h 51 min.: il est à observer que la route est dure et en mauvais état; même parcours (aller et retour) sur vélocipède en 2h 41; saut en hauteur avec élan, 1m,77; sans élan, 1m,56; lancement du disque, 35m,17.
30, Faillit.—Manqua, ne put aborder.
33, Poëme.—Diodore de Sicile, XIV, 104.
43, Leneïens.—Diodore de Sicile, XV, 74.—La tragédie dont il est ici question, présentée par Denys aux fêtes Lenéennes (fêtes qui avaient lieu à Athènes en l’honneur de Bacchus, et se célébraient par des concours dramatiques), a nom «la Rançon d’Hector».
1, Conceut.—V. N. I, 28: Tyran.
19, Estage.—Les éd. ant. portent: Et en mon imagination mesmes, ie ne conçoy pas les choses en leur plus grande perfection, au lieu de: «Et cette... estage».
25, D’y aspirer.—Var. des éd. ant.: de me le representer.
27, Quelqu’vn.—Ce quelqu’un, c’est Xénocrate. Plutarque, Préceptes du mariage, 26.
30, Gratiis.—«L’amitié même a besoin d’elles», a dit Moncrif. Dans une épître à Fontenelle, le cardinal de Bernis écrit:
36, Moy.—C’est pour me conformer à moi-même, être fidèle à mon caractère.
1, Rabirius.—Orateurs qui, au dire de Cicéron, Acad., I, 2, dissertaient sur toutes choses, sans art, en style vulgaire et sans jamais conclure; ils appartenaient à la secte des Épicuriens, lesquels méprisaient la rhétorique et la dialectique.
11, Les raisons.—Les éd. ant. font précéder ces mots de ceux-ci: Ce que i’ay à dire, ie le dis tousiours de toute ma force.
13, Commune.—De sujets communs, de choses vulgaires.
15, Exorde.—Cicéron, De Universo, 2.—L’exorde est la première partie d’un ouvrage.
20, Profonder.—Approfondir.
26, Iamais.—Cela est particulièrement vrai pour Platon, qui est souvent bien vide de choses et dont le plus grand mérite consiste dans le style et l’élocution. Naigeon.
30, Affection.—Var. des éd. ant. et de l’ex. de Bordeaux: l’affectation; version qui a été introduite dans la traduction.
34, Platon.—République, X.
40, Seneque.—Montaigne n’a ni les saillies de Sénèque, ni en général son style et sa manière; il est plus dense, plus serré, plus nerveux; il ne revient pas aussi souvent que Sénèque sur les mêmes pensées et ne cherche pas autant que lui à faire de l’esprit; comme lui, son style est heurté, inégal, mais la manière et la tournure d’esprit diffèrent notablement. Naigeon.
41, Taire.—L’ex. de Bord. porte: faire; variante adoptée dans la traduction.
6, Tacitus.—De Oratoribus, à la fin.
10, Creu.—«Ce n’est pas le langage de Montaigne, c’est son imagination qu’il faut regretter.» Voltaire.—Nonobstant, ce langage a bien son mérite, eu égard à l’état de la langue française à l’époque où il écrivait.
16, Angoulemoisin.—Ou mieux, comme porte l’ex. de Bordeaux: Angoumoisin, patois de l’Angoumois et non d’Angoulême.
18, Gascon.—Les éd. ant. aj.: pur et desirerois le sauoir.
25, Maistre Iean.—Est ici synonyme de savant. Cette qualification de «maistre», en dehors de son sens ironique (V. N. I, 112: Maistre Iehan), était aussi donnée aux lettrés et à ceux qui excellaient dans un art quelconque; elle est devenue courante à notre époque, particulièrement à l’égard des gens du barreau et de bien d’autres encore; quoique fréquemment employée abusivement, elle est de celles qui flattent le plus ceux auxquels elle s’adresse, et bien rares sont ceux qui s’en offusquent.
16, Beauté.—C’est bien plutôt la force, la finesse, la ruse, en un mot ce droit
qui ont donné aux uns le pouvoir sur les autres. Les avantages corporels ont contribué sans doute à établir, ou du moins à préparer cette supériorité; mais la vraie source de ce pouvoir, et ce qui a servi à le conserver chez ceux qui en jouissaient, n’est autre que l’inégalité des facultés intellectuelles. La force physique asservit un individu à un autre individu, mais elle ne lui soumet pas une multitude; s’il est plus fort que tel ou tel homme, il est plus faible que trois, que quatre, que dix; mais un degré supérieur d’intelligence suffit pour fonder cette prééminence d’un individu sur tout un peuple. Lucrèce n’a pas manqué de joindre sur ce point à la force physique la supériorité de l’esprit, et s’il assigne également une grande influence à la beauté, c’est lorsqu’elle se trouve réunie à la force corporelle et au génie. Naigeon.
23, Presence.—Prestance.
25, Haulteur.—Végèce, I, 5.
28, Doigt.—L’Église fait de même pour ses prêtres, et, indépendamment des autres conditions à remplir, n’accepte pas, pour ces fonctions, ceux de taille trop au-dessous de la moyenne, ou affectés de défauts physiques qui prêteraient à la raillerie.
30, Militaire.—S’il n’a pas cette taille commune, déjà assez faible, que le Courtisan exige pour son gentilhomme, et s’il était au-dessous, je n’en voudrais pas comme soldat.
31, Aristote.—Morale à Nicomaque, IV, 7.
34, Procerité.—Haute taille; mot forgé, par Montaigne, du latin proceritas, grandeur.
34, Personnes.—Aristote, Politique, IV, 4, le dit des Éthiopiens; en ce qui concerne les Indiens, c’est Strabon qui rapporte que certains d’entre eux choisissaient pour roi le plus beau d’entre les concurrents.
2, Hominum.—La question de la beauté de Jésus-Christ a été souvent débattue. Montaigne donne ici la prophétie de David dix siècles avant sa venue: «Il est le plus beau des hommes»; d’autre part, deux siècles après, le prophète Isaïe disait: «Nous l’avons vu, il n’avait ni éclat, ni beauté»; on concilie ces deux témoignages opposés en objectant qu’Isaïe le représente au moment de la Passion, quand il est abreuvé d’outrages et en proie à la souffrance. Ce qui est, c’est qu’aucune constatation pouvant être tenue pour authentique, n’existe. Ceux qui en tiennent pour l’opinion de David font surtout valoir que du fait même de sa divinité, il ne pouvait en être autrement; les autres, que s’il en eût été ainsi, cela eût été immanquablement consigné dans les documents de l’époque ayant trait à lui et notamment dans les évangiles; ce qui porte à adopter une opinion moyenne et à dire qu’il est probable qu’au point de vue physique, rien en lui n’attirait particulièrement les regards, mais que la sublimité de sa vie a fait croire à la beauté de ses traits.
2, Platon.—République, VII.
7, Philopœmen.—L’éd. de 80 porte: Phocion (ie puis aisement me mesconter aux noms, mais non pas à la substance).—Le fait est tiré de Plutarque, Philopœmen, 1. Philopœmen était le généralissime de la Ligue achéenne (ligue qui subsista de 281 à 146), constituée par les principales villes du Péloponnèse (Grèce), pour sauvegarder leur indépendance et dont pendant longtemps il fit triompher les efforts; il mourut les armes à la main; on l’a surnommé le dernier des Grecs. A des talents militaires sérieux, il joignait toutes les vertus civiques.
11, Philopœmen.—Var. de l’éd. de 80: Phocion.
28, Maladies.—Les éd. ant. à 88 portent: quoyque ie m’en sois serui assez licentieusement, au lieu de: «rarement... maladies».
31, Vns.—Ce qui donne à penser que ceci a été écrit un peu après 1573, «pieça» n’existant pas dans les premières éditions.
37, Euntes.—C’est ce qui fait que les contemporains s’étonnent souvent de ne pas reconnaître certains personnages dans les statues qu’on leur élève après leur mort; c’est qu’avec juste raison le sculpteur fait choix le plus souvent, pour les représenter, de l’époque où, dans la plénitude de leurs moyens, ils ont accompli ce à quoi ils doivent de se survivre. Si notre image doit passer à la postérité, n’est-il pas juste que ce soit tel que nous étions «avant d’avoir subi du temps l’irréparable outrage»? C’est ce qui conduisit la reine Victoria d’Angleterre, alors octogénaire, à faire faire, dit-on, sa statue la représentant à vingt ans, dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté, qui aurait été déposée, à l’insu de tous, dans une chapelle close et à demi enfouie sous les ronces d’une de ses demeures seigneuriales, et découverte par hasard quelques années après sa mort, avec cette mention «qu’elle l’avait fait faire afin que l’on sût qu’elle avait été jolie femme et épouse aimée».
6, Gourdes.—Pesantes, maladroites; du latin gurdus qui, en langage trivial, signifiait sot, stupide; de gourd, vient engourdir.
8, Clerc.—A part cela, en dépit de ces défectuosités qui n’entachent pas le fond, j’en sais autant qu’un autre.—Clerc est à prendre ici dans le sens de savant, capable, comme dans la fable de La Fontaine «les Animaux malades de la peste»:
10, Plume.—Avant que l’usage des enveloppes de lettres se fût généralisé, on pliait celles-ci pour les fermer; et avant l’invention des plumes métalliques qui ne remonte guère qu’à quatre-vingts ans, on écrivait avec des plumes d’oie, que chacun taillait pour s’en servir.
12, Oyseau.—Dans la chasse au faucon, et aussi avec d’autres oiseaux y employés, chasse qui ne se pratique plus guère aujourd’hui, l’oiseau prêt à être lancé, était encapuchonné et porté sur le poing, jusqu’au moment où on le lâchait sur le gibier.
24, Aurum.—Les flots du Tage roulent de l’or en petite quantité.
26, Soing.—Montaigne avait d’abord écrit: Ie ne treuue rien si cherement acheté que ce qui me couste du souing; addition portée sur l’ex. de Bord. et qui finalement a été rayée.
36, Inquietude.—La parenthèse et ce qu’elle renferme ne figurent pas sur le manuscrit de Bordeaux qui porte: et en vn tel degré de sens que i’ay senti en auoir occasion; addition dont il a été tenu compte dans la traduction.
38, Austris.—Les vents étaient fils du Ciel et de la Terre. Ils avaient pour roi Eole, qui les tenait enfermés dans les cavernes des îles Eoliennes (auj. Lipari, au N. de la Sicile), d’où il les déchaînait sur la terre et les mers; les principaux étaient: Eurus, le vent d’orient; Notus et Auster, les vents du midi; Borée et Aquilon, les vents du nord; Zéphyr, celui d’occident. Myth.
41, Contenter.—Je n’ai eu besoin que de la suffisance de me contenter de ce que j’avais.—Les éd. ant. commençaient cette phrase ainsi: Estant né tel, qu’il ne m’a fallu mettre en queste d’autres commoditez...
18, Mises.—De mes dépenses.
21, Furibus.—Montaigne détourne ici les paroles d’Horace de leur vrai sens, pour les adapter à sa pensée.
10, Rabillage.—Par l’incertitude de les prévenir ou de les atténuer.
23, Gaudisseur.—Railleur. Gaudir, c’est se moquer par jeu et en riant. Nicot.
16, Passé.—Les auteurs anciens qu’il affectionnait.
24, Sont.—Dans une édition des Essais (Lefebvre, Lyon, 1595), on a supprimé, comme injurieux pour la nation, ce passage qui relate un propos que certains ont attribué au chancelier Michel de l’Hôpital. Tite-Live ne nous avait pas beaucoup plus ménagés, dans ce passage que Rabelais, dans Gargantua, traduit de la sorte: «Telle est la nature et la complexion des Français, qu’ils ne valent qu’à la première pointe: lors, ils sont pires que des diables; mais s’ils séjournent, ils sont moins que femmes.»
8, Vtiles.—C.-à-d. un prince ne peut faire ses affaires (réussir) qu’en se conciliant la bonne volonté (l’affection de son peuple); et nulles autres qualités (plus que celles qui viennent d’être indiquées) ne peuvent lui gagner cette affection, lui être plus utiles.
16, Plier.—L’ex. de Bord. porte tordre, qui est bien plus expressif.
26, Humain.—Les éd. ant. portent: tel qu’il est, car il n’y a rien qui ne soit digne d’estre veu, au lieu de: «Tout y... humain».
26, Aristote.—Morale à Nicomaque, IV, 8.
29, Apollonius.—Sentence rapportée par Philostrate.
32, Sert.—Parce que cela lui sert, lui est utile.
38, Sottise.—«Il y a des vérités qu’il faut laisser au fond de leur puits.»—«Les injures sont souvent des vérités sans voile.»—«La vérité est utile à qui l’entend, nuisible à qui la dit.» Térence, Andrienne.
6, Princes.—Louis XI, Charles VIII.
8, Macedonicus.—Aurelius Victor, De Viris ill., 66.—Nombre d’éditions postérieures à 1595 ajoutent ici: et publier. Cette variante, étant dans le sens de la phrase, a été adoptée dans la traduction, bien que ne se trouvant ni dans les éd. antérieures, ni dans l’ex. de Bordeaux.
9, Regner.—Maxime favorite de Louis XI.
20, Chose.—Donneraient un conseil de quelque utilité.
33, Enfance.—En 1537; Montaigne avait quatre ans.
2, Dissimulé.—Cette phrase est à lier avec le membre de phrase qui termine l’avant-dernier alinéa: «Qui est desloyal enuers la verité, l’est aussi enuers le mensonge»; il en était ainsi dans les éd. ant. où l’alinéa intermédiaire n’existe pas.
17, Aristippus.—Diogène Laerce, II, 68.
21, Tout.—Montaigne s’est déjà plaint de la faiblesse de sa mémoire, liv. I, ch. IX (I, 58).
24, Tablettes.—Je ne saurais me charger de quelque commission, sans en prendre note.
32, Maison.—V. III, 156 et Notice sur les Illustrations, pl. III, vol. IV, fasc. A.
7, Memoire.—Pline, Nat. Hist., VII, 24, dit que Messala Corvinus oublia jusqu’à son nom.
8, Trapezonce.—Mourut dans une extrême vieillesse, ayant oublié tout ce qu’il savait.
13, Perfluo.—Les éd. ant. et l’ex. de Bord. portent effluo.
16, Ciceron.—«Je n’ai jamais ouï dire, écrit Cicéron, dans son Traité sur la vieillesse, 7, qu’un vieillard ait oublié l’endroit où il avait caché son trésor; il se souvient à merveille de tout ce qui l’intéresse, et sait fort bien ce qu’il a affermé ses terres, quels sont ses créanciers et surtout ses débiteurs.»
26, Dire.—Mlle de Gournay s’est livrée à ce travail qui porte sur près de douze cents citations, et, sauf une cinquantaine, les a, à peu près, toutes retrouvées, tâche difficile, l’auteur en ayant mêlé parfois deux ou trois ensemble et parfois aussi les ayant altérées soit dans la forme, soit dans le sens.
10, Occupation.—Allusion à une anecdote que rapporte Pline le Jeune, V, 3, pour montrer combien son oncle, Pline l’Ancien, était ménager de son temps, ayant été jusqu’à s’impatienter de ce qu’un de ses amis assistant avec lui à une lecture, avait interrompu pour faire répéter une phrase mal lue, mais cependant encore intelligible.
28, Get.—Ou mieux ject, du latin jactus. Ni avec des jetons, ni avec la plume. V. N. I, 210: Ietter.
42, Brossailles.—Ceci s’applique à Démocrite, jugeant à Abdère, et non à Athènes, des dispositions de Protagoras pour les sciences, en le voyant arranger artistement des fagots. Diogène Laerce, IX, 53 et Aulu Gelle, V, 3.
44, Faim.—L’éd. de 80 ajoute: et fay grand doubte, quand i’auroy vn cheual et son équipage, que i’eusse l’entendement de l’accommoder pour m’en seruir.
4, Suiet.—Les éd. ant. ajoutent: qui est moy.
23, Barleduc.—Lors du voyage que la cour de France y fit en 1559, le roi conduisant en Lorraine Claude de France, sa sœur, mariée au duc Charles III.
24, René.—Le père du duc René, le vainqueur de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. C’est ce roi René qui se retira en Provence, ce qui donna lieu au dicton: «Se chauffer à la cheminée du roi René», pour dire: se chauffer au soleil.—On a pensé que l’exhibition de ce portrait avait eu pour objet de donner occasion aux Guise d’entamer un plaidoyer en faveur de leur maison, afin d’obtenir pour l’un des leurs l’investiture qui leur fut octroyée du duché de Bar, lequel duché était distinct de la principauté du même nom qu’ils détenaient déjà et qui à la mort du dit roi René avait fait retour à la couronne de France; du reste François II était inféodé aux Guise dont il avait épousé la nièce, Marie Stuart.
27, Creon.—Crayon; beaucoup de personnes encore prononcent créon, d’après l’orthographe ancienne.
35, Chrysippus.—Diogène Laerce, VII.
42, Vent.—Expression proverbiale fondée sur ce que font parfois ceux qui, ne sachant où porter leurs pas, jettent une plume en l’air et vont du côté vers lequel l’emporte le vent; ici, elle veut dire, comme Montaigne l’explique lui-même, s’abandonner à la merci de la fortune.
5, Dets.—Rabelais a aussi imaginé un procès ainsi jugé avec des dés.
9, Matthiam.—Lors de l’élection par les Apôtres, pour se compléter à douze, d’un des disciples du Christ, en remplacement de Judas qui s’était donné la mort après l’avoir trahi et livré.—Le nom de Mathias ne figure pas néanmoins parmi ceux des autres apôtres dont, à certain moment de la messe, il est fait mention; tandis que celui de S. Paul, quoiqu’il n’ait pas compté au nombre des apôtres proprement dits, s’y trouve accolé à celui de S. Pierre. Cette anomalie tient précisément à ce que Mathias n’a pas été choisi comme apôtre par Jésus-Christ en personne et que S. Paul a été appelé à lui, sur le chemin de Damas, par Notre-Seigneur lui-même; et il a été qualifié l’apôtre des Gentils, parce que ses prédications ont eu principalement pour objet la conversion des Gentils ou païens, plus que celle des Hébreux.
11, Baston.—Voyez combien de bouts a ce bâton; c’est-à-dire de combien de façons chaque chose peut être présentée.
26, Machiauel.—Son principal écrit est «le Prince», ouvrage où il enseigne aux tyrans le moyen de réussir, même au mépris de la justice et de l’humanité, et où il expose cette détestable politique qui a reçu, de son nom, la qualification de machiavélique. On a aussi de lui le «Discours sur Tite-Live», où il se montre grand penseur et où l’on retrouve des doctrines non moins perverses; enfin, des comédies licencieuses. Quelque opinion que l’on ait de sa moralité, on ne peut contester qu’il ne soit un grand écrivain.
5, Remuement.—Cette assertion étrange, qui étonne de la part de Montaigne, quelque satisfait qu’il pût être de son propre sort et si assoiffé qu’il fût de tranquillité, ne s’explique que par la lassitude résultant de l’état de troubles et de guerres civiles continues, durant lequel tout allait de mal en pis, qui en son siècle a désolé la France.
23, Monde.
26, Celeste.—Ne dirait-on pas ceci écrit de nos jours quand on voit combien le peuple, sans distinction aucune, pas plus sous le rapport de l’intelligence que sous celui des moyens d’existence, et les plus fortunés, à cet égard, plus encore peut-être que ceux qui le sont moins, se désintéressent absolument des actes de leurs mandataires.—C’est ainsi qu’on en est arrivé à voir ces atteintes légales ou illégales journellement portées à la liberté religieuse, à la liberté politique, à la liberté du travail, à la liberté individuelle, à toutes les libertés, et souffrir toutes licences de quiconque a une attache gouvernementale officielle ou officieuse; à être témoin d’un gaspillage des deniers publics tel que ni l’accroissement effrayant de notre dette, ni l’augmentation continue des impôts n’y peuvent suffire; à assister à la délation érigée en système de gouvernement, à l’antimilitarisme progressant sans cesse dans notre armée de terre et de mer dont les chefs sont constamment tenus en suspicion et jamais soutenus; à l’impossibilité d’obtenir justice pour qui n’adhère pas hautement et ne donne de gages aux idées sectaires qui nous dominent; c’est à cela encore que nous devons notre politique étrangère si hésitante et si timorée, ces tendances à accroître les monopoles de l’État si contraires à toutes les lois économiques et que nous devrons l’impôt sur le revenu qui nous assujettira tous au bon plaisir des répartiteurs.—Il faudrait cependant réagir, et pour cela d’abord ne pas s’abandonner comme nous le faisons tous, les partis extrêmes exceptés. Lors des élections, des comités se forment qui provoquent des réunions électorales, donnant à ce moment un coup de collier; mais une fois les élections terminées, plus rien, c’est fini, les comités se dissolvent ou sommeillent, on laisse aller les choses à vau-l’eau; sauf, comme nous venons de le dire, chez les partis avancés, qui, eux, ne perdent pas de vue leur élu, lui envoient des injonctions, l’obligent de temps à autre à venir s’expliquer, rendre compte de son vote. C’est là ce que tous doivent faire; les comités demeurer constitués en permanence, pour secouer l’apathie des électeurs, les convoquer chaque fois que des questions importantes sont à l’ordre du jour, recueillir leur manière de voir, la porter à la connaissance de leur mandataire, de telle sorte qu’il n’en ignore et y puise une force qui lui permette de réagir contre les influences étrangères qui trop souvent déterminent son vote; et, lors des réélections, rejeter impitoyablement tous ceux qui auraient forfait par faiblesse ou autrement aux idées sous l’empire desquelles ils avaient été élus.
Mais surtout il ne faudrait pas aux élections, entre les divers groupes de conservateurs (monarchistes et républicains), de ces divisions intransigeantes qui sont la chance la plus sûre de leurs adversaires communs, lors même que ceux-ci, ce qui est le cas le plus fréquent, ont l’infériorité numérique. Il devrait être de règle absolue qu’au premier tour de scrutin, si l’accord n’a pu se faire, que chacun vote suivant ses préférences; mais qu’au second tour, n’en tenant plus aucun compte, tous, sans exception aucune, votent pour le candidat conservateur qui aurait obtenu le plus de voix au premier tour, tous les autres se désistant en sa faveur; hors de là, pas de salut!
Voilà pour l’avenir; en ce qui touche le présent, alors qu’on voit ceux qui détiennent le pouvoir, manquer au premier de leurs devoirs qui est de s’appliquer à faire régner l’ordre et la paix dans le pays, y semer l’inquiétude, fomenter l’agitation et, se faisant les complices des fauteurs de troubles, le mener à sa ruine, comment s’étonner de voir certains caractères énergiques qui, estimant que les grands maux appellent les grands remèdes, cherchent à stimuler le clan si craintif et si veule des conservateurs de toutes nuances et préconisent le recours à la violence, comme en Russie, mais dans un but diamétralement opposé, contre les criminels qui entretiennent pareil état de choses, provoquant contre eux des actes individuels dont il est malaisé de se défendre parce qu’ils ne peuvent se prévoir et que celui qui a fait le sacrifice de sa vie est maître de celle d’autrui, à l’exclusion de tout acte collectif qui, dirigé contre quiconque dispose de la force et de la légalité, serait en ce temps de télégraphe, de téléphone, d’armes à tir rapide, inévitablement écrasé dès qu’il serait démasqué.
32, Contradiction.—C.-à-d., si on s’aperçoit qu’on manque de jugement, cela seul est au contraire une preuve qu’on en a.
40, Disposition.—De bonne santé, c’est le sens qu’a encore aujourd’hui l’adjectif dispos.
40, Beauté.—Les éd. ant. ajoutent: et de la noblesse; addition qui avec juste raison a disparu, car la différence est grande entre le titre et la chose, elle existe chez beaucoup qui ne sont point qualifiés pour la posséder et inversement, et dans bien des cas le monde est loin de ratifier le jugement qu’à cet égard chacun porte sur soi.
2, Touchons.—Nous sentons, nous apercevons bien facilement si elles surpassent les nôtres.
6, Peine.—Et encore avec beaucoup de peine.
10, Nom.—Les éd. ant. ajoutent: Le plus sot homme du monde pense auoir autant d’entendement que le plus habile.
13, Art.—C.-à-d. on doit s’attendre à fort peu d’encouragements et d’éloges à propos des ouvrages philosophiques et des simples productions de l’entendement que nous pouvons écrire parce que les savants qui les ont dans leur domaine, ne font cas que de l’érudition et de l’art et n’attachent de prix qu’à la science.
22, Sens.—Du jugement.
26, Siennes.—«D’où vient qu’un boiteux ne nous irrite pas et qu’un esprit boiteux nous irrite? C’est qu’un boiteux reconnaît que nous marchons droit et qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons.» Pascal.
24, Nul.—J’ai soixante-dix ans, j’ai vu et approché beaucoup de monde et je puis en dire autant. Bien rares sont les hommes qui, vus de près, s’élèvent notablement au-dessus de la moyenne des gens que nous tenons comme bien doués; plus rares encore sont ceux qui présentent un ensemble de qualités essentielles dont rien ne trouble l’harmonie. Parmi ces exceptions je n’en ai guère connu que trois: le général Desvaux, le commandant du Vallon, le général Niox.
Le général Desvaux (1810 à 1885), dont j’ai été l’officier d’ordonnance, devenu sous-gouverneur de l’Algérie et commandant de la cavalerie de la Garde impériale en 1870, à Metz, où il fut l’un des rares membres, le seul, dit-on, du Conseil de guerre, convoqué à la dernière heure, qui se soit prononcé contre la capitulation, était un homme chez lequel le jugement, l’instruction, la capacité, le caractère et les qualités du cœur allaient de pair; c’était un excellent administrateur et un chef militaire de premier ordre. A diverses reprises, après nos désastres, le Ministère de la guerre lui fut offert; il s’y refusa, les nécessités de la politique intérieure du moment rendant impossible l’obtention des mesures que son intégrité et son esprit de discipline lui faisaient considérer comme indispensables et sur lesquelles sa conscience ne lui permettait pas de transiger.
Le commandant du Vallon (1837 à 1866), tué au Mexique, étant à 29 ans déjà chef d’escadron et officier de la Légion d’honneur, et qui par sa grande intelligence, son esprit résolu, son ampleur de vue, sa facilité d’élocution, sa carrière si brillamment commencée, était appelé, si la mort ne l’eût arrêté, à de hautes destinées, étant donnés les événements qui ont suivi et dont seul Gambetta a émergé, tant étaient grandes les médiocrités, pourtant si nombreuses, en situation de devenir quelqu’un, qui s’y sont trouvées mêlées.
Le général Niox (né en 1840), l’ami de toute ma vie, devenu commandant de la place de Paris, puis des Invalides et Directeur du Musée de l’armée, qui lui doit son organisation. Remarquable entre tous par son intelligence supérieure, un jugement jamais en défaut, une honnêteté de sentiments à toute épreuve et une grande indulgence naturelle affermie par ses idées philosophiques, il est bien regrettable, au point de vue de l’intérêt commun, qu’une faiblesse de l’ouïe l’ait empêché, comme toutes ses qualités et connaissances l’y appelaient, d’arriver à la direction de notre état militaire qui n’eût jamais été en meilleures mains.
34, Liures.—Les éd. ant. aj.: et de la science.—Cette classe de gens qui, de nos jours, a nom «intellectuels», n’a pas varié dans leurs vaniteuses prétentions qui les poussent parfois hors des bornes de la raison; ils ont de la science, de l’esprit à foison, mais pas toujours du bon sens, appelé si à tort du sens commun.
12, Hierosme.—S. Jérôme; a laissé un grand nombre d’écrits, les uns historiques, les autres polémiques, dans lesquels il combat les hérésies de son temps; son style est pur et éloquent, mais il se laisse entraîner à de vifs emportements; son plus beau titre est sa traduction latine de la Bible, faite sur l’hébreu, connue sous le nom de Vulgate et adoptée comme canonique par le concile de Trente.
14, Institution.—Système d’instruction ou mieux d’éducation.—Se reporter particulièrement à ce sujet au ch. XXIV du liv. I.
22, Elle.—Notre éducation nous a appris.
34, Lecteur.—Lecteur public, professeur.
37, Vie.—Polémon, dans sa jeunesse, s’était livré à la dissipation; la leçon qu’il entendit de Xénocrate parlant sur la tempérance, lui fit concevoir une telle honte de ses excès, qu’il se convertit aussitôt à la philosophie; il devint le disciple le plus zélé de Xénocrate et mérita de lui succéder dans la chaire de l’Académie. Diogène Laerce, Polémon, IV, 16; Valère Maxime, VI, 9, etc.
22, Excellent.—Daurat, de Bèze, etc., sont ici cités pour leurs poésies en latin; Ronsard, du Bellay comme poètes français.
30, Vieillesse.—A la bataille de S.-Denis (1567) où, lors de la deuxième guerre de religion, les catholiques furent vainqueurs, mais perdirent leur chef le connétable de Montmorency, homme d’une austérité qui atteignait à la rudesse.
33, De la Nouë.—Après avoir changé plusieurs fois de parti, fut blessé mortellement, pour le service de Henri IV, au siège de Lamballe (Bretagne); on a de lui des «Discours politiques et militaires», mémoires qui renferment des faits intéressants.
34, Parts.—Partis, factions.
36, I’ay pris.—Cet alinéa, consacré à Mlle de Gournay, n’existe pas dans les éditions antérieures; c’est en effet seulement lorsque Montaigne vint à Paris pour surveiller l’impression de l’édition de 1588, qu’il fit sa connaissance.—Dans l’édition de 1635, qu’elle-même a publiée, ce passage est modifié ainsi qu’il suit: les mots «beaucoup plus que» et les deux membres de phrase ci-après: «Et enueloppée... au monde», «Et entr’autres... cruellement», sont supprimés. Il est à croire qu’ils avaient prêté à de malignes interprétations et que leur suppression dont elle s’excuse en disant: «En ce seul poinct ai-je esté hardie, de retrancher quelque chose d’vn passage qui me regarde», a été une concession qu’elle a faite aux mauvaises langues de son temps, de même que quelques autres coupures dans cette même édition ont été une satisfaction donnée aux scrupules de ceux que choque une certaine liberté d’expressions.—Cicéron avait eu aussi sa Marie de Gournay: une dame romaine nommée Carolli se lia d’intimité avec lui, en tout bien, tout honneur, par amour pour la philosophie; elle avait 70 ans. Marie de Gournay n’en avait que 22.
38, D’alliance.—Marie le Jars, demoiselle de Gournay du nom du lieu où elle habitait (1565 à 1645), née à Paris.—Elle avait dix-huit ans, quand ayant lu les deux premiers livres des Essais, elle se prit pour leur auteur d’une véritable admiration. En 1588, ayant appris la présence de Montaigne à Paris, elle vint l’y voir et le charma si bien par son esprit et son érudition, qu’elle réussit à l’attirer à Gournay, en Picardie, chez sa mère, où il fit plusieurs séjours prolongés. De retour chez lui, il s’empressa d’insérer dans la nouvelle édition en préparation de son ouvrage, celle à laquelle la mort l’empêcha de mettre la dernière main, l’éloge de sa jeune admiratrice, qu’il qualifie sa fille d’alliance.—Mademoiselle de Gournay pleura Montaigne comme un père lorsqu’il mourut cinq ans plus tard; elle et un ami, le poète Pierre de Brach, l’avaient aidé lors de l’impression de sa dernière édition, aussi les désigna-t-il comme exécuteurs d’une réédition à laquelle il travaillait lorsque la mort vint l’atteindre. En vue de cette réédition il avait annoté et retouché un exemplaire de son édition de 1588; fidèle observatrice de ses intentions, sa veuve, pour ne pas se défaire de l’original, chargea Pierre de Brach de la mise au net de ces notes manuscrites, qu’il transcrivit en leur lieu et place sur un autre exemplaire de cette même édition, se bornant à rectifier quelques incorrections, et cette copie, envoyée en 1594 à Mademoiselle de Gournay qui la fit imprimer accompagnée d’une trop longue préface qu’elle-même avait composée, constitua l’édition de 1595. Cette copie est perdue; quant à l’original, longtemps ignoré, il a été retrouvé deux siècles après chez les Feuillants de Bordeaux et se trouve actuellement à la bibliothèque de cette ville.—Ce pieux devoir accompli, Mademoiselle de Gournay, en 1596, se rendit en Guyenne pour faire visite à la veuve et à la fille de son père par alliance, et s’inspirer de la vue des lieux où il avait vécu et où il avait écrit ce livre qu’elle mettait au-dessus de tout; elle n’avait alors que 29 ans; elle en vécut encore cinquante, toujours fidèle au culte de Montaigne, ne publiant pas moins de onze éditions de ses Essais, dont la dernière en 1635, magnifique in-folio qu’elle eut la bonne fortune de pouvoir dédier au cardinal de Richelieu. Elle-même était écrivain, et prit une large part au mouvement littéraire de l’époque; on a d’elle des poésies, quelques écrits dont le plus remarquable est «L’Égalité des hommes et des femmes», et des traductions de morceaux de Virgile, de Tacite et de Salluste.
7, Bastantes.—Suffisantes; de l’italien bastare, suffire, d’où vient également «baste» encore en usage dans le style familier.
12, Quartier.—Pays.
15, Consideration.—Il est à remarquer que Montaigne parle toujours avec plus de chaleur et d’enthousiasme de ces liaisons où le sang n’est pour rien, de son amitié avec La Boétie, de son alliance avec Mlle de Gournay, que de ses affections de famille.
16, Aage.—Dans ce siècle, en ce temps.
CHAPITRE XVIII.
28, Ouuroirs.—Ateliers. Ce mot «ouvroir», qui s’appliquait jadis aux locaux où «ouvraient» (travaillaient) les gens de métier, ne se dit plus aujourd’hui que de locaux où on forme les jeunes filles à la couture et d’autres travaux analogues, et où des associations charitables exécutent, préparent des travaux de même genre pour les jeunes filles et femmes pauvres.
2, Fermir.—Appuyer, fortifier; du latin firmare.—Affermir, qui est d’usage, a même racine et à peu près même signification; ferme, fermeté en dérivent plus directement encore.
3, Solide.—Allusion aux Commentaires de César et à l’Anabase de Xénophon, où tous deux font le récit de faits auxquels ils ont pris part; c’est également ce qui donne tant d’intérêt aux Commentaires de Napoléon.
8, Rogatus.—Le texte d’Horace porte coactus, qui signifie: je ne fais cette lecture qu’à mon corps défendant, lorsque j’y suis obligé; le changement apporté par Montaigne exprime plus exactement sa pensée.
14, Turgescat.—L’éd. de 88 donne le vers de Perse en entier, ajoutant: dare pondus idonea fumo (de donner du poids à la fumée).
18, Image.—A entrer en communication avec moi et me rappeler à son souvenir, grâce à ce tableau que je trace de moi-même.
29, Seing.—Add. de l’ex. de Bord. que l’on a cru devoir insérer dans la traduction: des heures (livre de prières, dénomination qui subsiste encore).
30, Peculiere.—Particulière, personnelle; du latin peculiaris, qui a même signification.—Les éd. ant. ajoutent: vn harnois, vne espée qui leur a serui, ie les conserue pour l’amour d’eux, autant que ie puis, de l’iniure du temps.
30, Gaules.—On vaquait beaucoup à ses affaires, à cheval, en ce temps; et on a supposé que ces longues gaules pouvaient être des sortes de cravaches confectionnées en bois de houx ou tout autre également flexible, comme il s’en fait aujourd’hui dans le Roussillon en bois de micocoulier; peut-être n’était-ce que de simples baguettes comme on en tient souvent à la main; mais en raison du qualificatif qui les accompagne, il y a plutôt probabilité que ce devait être de longs bâtons, constituant de hautes cannes, comme celles qui furent si fort à la mode sous Louis XIV.
36, Escriture.—L’imprimerie.
37, Aisée.—Les éd. ant. ajoutent: pour m’exempter de la peine d’en faire plusieurs extraits à la main.
4, Testonner.—Ajuster, parer. La Fontaine a employé ce mot, en l’expliquant, dans sa fable «L’homme entre deux âges»:
7, Premieres.—Me peignant pour autrui, je me suis réellement rendu meilleur que je n’étais auparavant; le portrait a formé l’original.
8, Autheur.—Mon livre et moi sommes un; je ne suis pas autre qu’il me représente, et il n’est pas différent de ce que je suis. C’est cette même idée dont Montaigne tirait parti, quand il écrivait à Henri III, auquel il avait fait hommage de la première édition des Essais et qui l’en avait fait complimenter, disant que l’ouvrage lui plaisait extrêmement: «Il faut donc que je plaise à Votre Majesté, car il ne contient qu’un discours (une reproduction) de ma vie et de mes actes.» Bonnefon.
13, Heure.—Dans un soliloque de quelques instants.
13, Primement.—Exactement.
32, Sagoin.—Sagouin, sorte de petit singe.—Allusion ironique appliquée à un Sagon, par Marot contre lequel était dirigée son épître intitulée: «Fripelippes, valet de Marot, à Sagon».
6, Pindare.—Clément d’Alexandrie, Strom., VI, 10; Stobée, Serm., XI.
13, François.—Vers 450, époque où écrivait Salvianus, De Gubernatione Dei, I, 14; il s’agissait des Francs, tribu de la Germanie, qui habitaient entre le Mein, la mer du Nord, l’Elster et l’Elbe, et qui venaient d’envahir la Gaule septentrionale.
31, Ancien.—Plutarque, Lysandre, 4.
34, Vilité.—Bassesse; du latin vilitas, comme l’adjectif vil qui est demeuré dans notre langue.
11, Prononcée.—Rien chez les Perses, lit-on dans Hérodote, n’est si honteux que mentir; et, après le mensonge, que contracter des dettes, surtout, disent-ils, parce que celui qui a des dettes, ment nécessairement.
11, Grece.—Lysandre; voir sa vie dans Plutarque.
19, Grecs.—A l’appui de cette assertion on peut, entre autres, indiquer les deux faits historiques ci-après:—Marius, défié par un des chefs ennemis, lors de la guerre sociale (90), qui lui criait: «Si tu es si grand capitaine, viens te battre avec moi!» lui répondit: «Si tu es toi-même si grand guerrier, force-moi à combattre.»—Après la bataille d’Actium (31), Antoine ayant envoyé défier Octave, celui-ci répondit qu’Antoine avait assez d’autres chemins pour aller à la mort, sans s’exposer à périr honteusement comme un gladiateur.
26, Barbe.—Plutarque, Pompée, 16; Caton d’Utique, 7.—Il n’est pas exact que César fût appelé voleur à sa barbe. Il était en Gaule et Curion demandant au Sénat, ou que Pompée congédiât son armée, ou que César fût autorisé à retenir la sienne sous les drapeaux, le consul Marcellus, traitant ce dernier de brigand, opina pour qu’il fût déclaré ennemi de la Patrie, s’il ne posait immédiatement les armes.—Quant à la circonstance où Caton le qualifia d’ivrogne devant ce même corps constitué, elle est relatée au ch. XXXIII de ce même livre des Essais (II, 638).
CHAPITRE XIX.
Ce chapitre, traduit presque textuellement d’Ammien Marcellin, contient un bel éloge de l’empereur Julien; et, à son tour, a fourni à Voltaire la plupart de ce qu’il a dit sur ce prince.—Ce même chapitre, en raison des termes en lesquels il y est parlé de Julien, et avec lui les passages où, dans les Essais, sont taxés de cruauté les supplices au delà de la mort simple, et surtout l’usage répété qui s’y rencontre du mot «fortune», employé dans le sens de hasard, de fatalité, en place de celui plus orthodoxe de Providence, donnèrent lieu, à Rome, en 1580, de la part de la censure, à des observations dont l’auteur, du reste, ne tint aucun compte. V. N. I, 588: Indisciplinatis, et V. N. III, 474: Reuere.
16, Monde.—Vopiscus, in Tacito imp., 10.
18, Creance.—Une grande partie des ouvrages de cet historien a été perdue, Montaigne en donne l’explication. Nous n’avons que des fragments de ses Annales qui allaient de la mort d’Auguste à celle de Néron; et de ses Histoires qui vont de l’avènement de Galba jusqu’à Nerva. Tacite est universellement regardé comme le plus grand historien des temps anciens; il est grave, profond, énergique, concis sans manquer d’abondance; il peint ses portraits des plus vives couleurs; ses jugements flétrissent le crime et la tyrannie; il est d’ailleurs exact, n’écrivant que ce qu’il a vu ou que des contemporains lui ont raconté.
22, Julian.—Était neveu de Constantin le Grand. Envoyé en Gaule avec le titre de César, il fixa son séjour à Lutèce (Paris) et se signala contre les Germains. Élu empereur en 361, il renonça ouvertement au christianisme dans lequel on l’avait élevé, ce qui le fit surnommer l’Apostat (du grec ἀφίσταμαι, se retirer), et fit de vains efforts pour relever le paganisme. Il ne régna que deux ans; durant ce temps, il fit de sages lois, réforma les abus les plus criants, fit la guerre aux Perses, débuta par des succès, mais dut battre en retraite, la région où il avait pénétré ayant été dévastée par l’ennemi et n’offrant plus aucunes ressources; blessé mortellement au cours de cette retraite, il mourut peu après (363).—Dédaigné à la cour dans sa jeunesse, il s’était adonné à l’étude et possédait à fond l’éloquence et la philosophie; il appartenait à l’école des Stoïciens dont il portait le manteau, la longue barbe, en même temps qu’il pratiquait l’austérité de leurs mœurs; jamais sa haine contre le christianisme ne le porta à aucune violence contre les Chrétiens.
23, L’apostat.—«Ce sont deux grands écueils de tout croire et de ne rien croire. Si vous voulez savoir quels étaient Constantin et Julien, ne croyez ni tout le mal qu’on a dit de Julien, ni tout le bien qu’on a dit de Constantin.» Catherinot.
23, Rare.—Par ses vertus et ses actes, l’empereur Julien a été au-dessus de son époque, et Montaigne, avec juste raison, le représente comme tel.—Il est à observer toutefois, d’une façon générale, que notre auteur ne se piquait nullement d’exactitude, acceptait sans les contrôler (il en a fait l’aveu I, 150) tous faits et dires qu’il jugeait à propos, pour les traiter à sa mode; si ses déductions sont presque toujours frappées au coin de la logique et du bon sens, on ne saurait cependant sans discussion s’appuyer sur son autorité en matière d’histoire ou de science.
30, Vne.—Ammien Marcellin, XXIV, 8.
2, Predecesseurs.—Ammien Marcellin, XXII, 10; XXV, 5 et 6.—«Julien, a dit Voltaire, qui eut le malheur d’abandonner la religion chrétienne, mais qui fit tant d’honneur à la religion naturelle; Julien, le scandale de notre église et la gloire de l’empire romain.»—Plus philosophe qu’empereur, il était de ceux qui, si déjà l’empereur Antonin ne l’avait exprimé, auraient pu inspirer à Etienne Tabourot, auteur comique du XVIe siècle, ces mauvais vers qui traduisent une pensée assurément juste:
4, Marcellinus.—Ammien Marcellin.—V. II, 58 et N. Marcellinus. A écrit une histoire des empereurs romains depuis Nerva jusqu’à Valentinien; le premier livre en est perdu. Cet ouvrage jouit d’une grande autorité, surtout dans sa dernière partie, où l’auteur rapporte ce qu’il a vu; la modération, bien rare pour l’époque, qu’il apporte quand il parle du christianisme et du paganisme, fait qu’on ne peut deviner par ses écrits et qu’on ne sait, quoique Montaigne donne à supposer ici qu’il était chrétien, à quelle religion il appartenait.
4, Histoire.—Amm. Marcellin, XXII, 10, etc.
9, Nous.—Chrétiens.
11, Recitent.—Sozomène, Hist. ecclés., V, 4.
16, Affectant.—Julien affecta, témoigna en cette circonstance.
21, Sang.—Eutrope, X, 8.—Sans persécution; par opposition à celles qu’à diverses reprises avait eu à endurer le christianisme naissant.—L’édition de 1580 porte ici le passage afférent à l’exclamation prêtée à l’empereur Julien, lorsqu’il se sentit frappé à mort, que l’édition de 1595 reproduit légèrement modifiée, un peu plus loin (II, 534: Ce langage, etc.).
24, Constantius.—Amm. Marcellin, XXII, 2.—A la mort de Constantin le Grand (337), l’empire fut partagé entre ses trois fils: Constantin, Constance et Constant. Le second ne tarda pas à demeurer seul par suite de la mort de ses frères (350); mais il se rendit tellement odieux, que les armées de Gaule proclamèrent Julien empereur; il marchait contre lui, quand la mort le surprit en route (361).
26, Accoustumoit.—Les éd. ant. ajoutent: tousiours.
27, Guerre.—Amm. Marcellin, XVI, 2.
31, Estudier.—Id., XVI, 17; XXVI, 5.
40, Artifice.—Id., XVI, 2.
8, Armées.—Amm. Marcellin, XXV, 3.
13, Sacrifices.—Id., XXV, 6.
27, Gloire.—Id., XXV, 4.
28, Brutus.—Dans la nuit qui précéda la première bataille de Philippes (42), où Cassius, battu, se tua, Brutus, qui commandait avec lui, avait vu apparaître un fantôme qui, interpellé, lui dit: «Je suis ton mauvais génie, tu me verras dans les plaines de Philippes.» Un mois après, la veille de la deuxième bataille de ce nom, où, à son tour, Brutus éprouva le même sort que Cassius, et comme lui se tua, cette vision se serait renouvelée. V. N. II, 646: Brutus.
29, Mort.—Amm. Marcellin, XX, 5; XXV, 2.
30, Nazareen.—Théodoret, Hist. ecclés., III, 20.
35, Attache.—Ce passage: «Ce langage... attache» (lig. 29 à 35), existe un peu modifié dans l’édition de 1580 (V. N. II, 532: Sang); supprimé dans les éditions suivantes, il a été rétabli dans celle-ci où nous le retrouvons.
36, Marcellinus.—Amm. Marcellin, XXI, 2.
5, Constantinople.—Paraît avoir été fondée par les Grecs, sous le nom de Byzance, à une époque très reculée et avoir joué dès les temps les plus anciens un rôle important; à diverses reprises ravagée ou détruite, elle devint sous Constantin le Grand, qui lui donna son nom, la capitale de l’empire (330), et bientôt surpassa Rome même, par la magnificence de ses monuments, sa population, ses richesses et son commerce. Les Turcs s’en sont emparés et en ont fait leur capitale en 1453.
8, Religion.—Amm. Marcellin, XXII, 3.
12, Intelligence.—Cette même politique avait été observée, au dire de Diodore de Sicile, par les Égyptiens qui laissaient se multiplier chez eux divers cultes, dans l’idée que les dissensions qui se produiraient entre eux, détourneraient de créer des difficultés au gouvernement; c’est un peu ce que chercha à faire Catherine de Médicis pour contenir les catholiques par les protestants et réciproquement; c’est également le système actuel de gouvernement des sultans de Constantinople, ce n’est en somme qu’une application particulière du principe d’application si générale: «Diviser, pour régner.»
CHAPITRE XX.
31, Elemens.—L’air, le feu, la terre et l’eau, tenus encore, du temps de Montaigne, comme les éléments essentiels de tout ce qui a vie.
32, Matiere.—Les éd. ant. ajoutent: plus vile.