Hiên le Maboul
PRÉFACE
Dans mon bureau de la Revue de Paris, il y a quelque deux ou trois ans, je vis, pour la première fois, le futur auteur de Hiên le Maboul.
J’avais lu de lui quelques pages manuscrites, Heures Khmères, et j’avais été frappé et séduit par la force et la délicatesse des impressions, la netteté quasi photographique des paysages, les grâces d’un style toujours harmonieux, à la fois original et simple.
Les pages étaient signées : lieutenant…, d’un nom qui se dissimule aujourd’hui derrière le pseudonyme d’Émile Nolly ; je savais, par une lettre jointe au manuscrit, que le lieutenant… devait être quelque part, très loin, au fond de l’Asie, et que ma réponse mettrait des mois sans doute à lui parvenir. Lieutenant…, de l’infanterie coloniale !… Et j’imaginais un grand et solide gaillard, barbu, au teint bronzé, comme certains de mes vieux camarades qui font leur carrière aux colonies et que je rencontre, tous les cinq ou six ans, avec un galon de plus et, parfois, une cicatrice.
Quelques mois plus tard, on m’annonça le lieutenant… Et je vis entrer un tout jeune homme, aux regards et aux gestes timides, avec une voix douce, où l’habitude de commander ne se trahissait qu’au martèlement à peine perceptible des syllabes. Tout de suite, je me sentis pour l’homme la sympathie que j’avais déjà pour l’écrivain. Nous causâmes, d’abord, de ces Heures Khmères — qui seront quelque jour un régal de lettrés et de délicats, maintenant que le succès de son premier roman assure à Émile Nolly un public et des éditeurs ; — ensuite des projets de cet officier-homme de lettres, qui trouve le moyen d’être si complètement, à la fois, l’un et l’autre. En partant le lieutenant… m’annonça l’envoi prochain d’un nouveau manuscrit, un roman, cette fois. Ce fut le manuscrit de Hiên le Maboul dont la publication dans la Revue de Paris fut si remarquée et pour lequel l’auteur me demande aujourd’hui quelques lignes de préface.
Pourquoi à moi ?
Oh ! simplement parce qu’il sait que j’aime son livre et parce que je fus des premiers à l’aimer… A quoi bon ajouter rien d’autre et dire, en détail, mes raisons d’admirer cette œuvre si vivante et si vraie ?
Mon nom, au seuil de ce roman, n’est que le nom d’un lecteur qui a beaucoup lu et qui, entre des centaines de manuscrits, a particulièrement retenu et aimé celui-là.
André Rivoire.