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Mâadith

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Et dans ce temps, Louinissa la très bonne eut un chagrin et pleura sur sa jeunesse envolée. Elle pleura sans jalousie et elle alla au tombeau de monseigneur Abderrahman brûler sept cierges verts pour s’exorciser de son chagrin.

Et dans ce temps, Mâadith devint plus belle encore et semblable à une grenade mûre ouverte au soleil.

Et l’inspiration de Kralouk était à ce point nombreuse et surnaturelle que les gens se passionnaient pour lui comme pour un prophète. Il aurait pu commettre un crime ; toute la ville serait intervenue pour le disculper et des têtes se seraient offertes pour remplacer la sienne sur l’échafaud. Il pouvait devenir riche, car la générosité des gens à son égard était inouïe ; mais il restait dédaigneux et faisait largement l’aumône.

Et dans ce temps, Louinissa et Mâadith rencontrèrent la vieille Hadjira.

— O les chèvres sauvages, quelle sorcellerie vous tient éloignées de la maison ? Le harem tout entier se plaint d’avoir perdu la lumière et la fraîcheur avec tes yeux et ta bouche, ô la petite beauté !

— C’est vrai, c’est vrai, bégayait Louinissa.

— O la changeante et la difficile, poursuivait la nourrice s’adressant surtout à Mâadith, comment, si vite, as-tu cessé de souhaiter le noble entre les nobles que j’avais fait se réjouir des merveilles de ton corps et de ta pensée ? Kralouk a-t-il dit ton indifférence au Nomade ? Nous ne l’avons plus vu dans Constantine. Il a brusquement disparu. D’abord on croyait qu’il reviendrait après avoir passé le Ramadan dans la montagne peut-être ; mais il n’est pas revenu. Le vent du deuil et du désespoir a dû le chasser jusqu’au fond du désert. Cependant personne n’en sait rien et notre seigneur n’a reçu aucun message de lui. Même racontés par moi, tes yeux auront tué cet homme, ô petite beauté.

Les doigts de Louinissa s’incrustèrent dans le bras de Mâadith. Elle l’entraînait loin de la bavarde d’un pas affolé, un pas de fuite. Au seuil du logis, Mâadith souleva son voile et celui de sa compagne. Son visage resplendissant et exalté, dont les narines vibraient comme celles du félin près de la proie, affronta le visage altéré de l’épouse du goual.

— Louinissa, par le Prophète ! — et sur lui soit la bénédiction ! Louinissa, Kralouk a-t-il fait cela ?

— Oui, dit l’épouse, il l’a tué le jour où je préparais ton kehoul et ton henné de fiancée.

Et dans ce temps, Mâadith se donna à l’amour selon le plaisir de ses aïeules et elle appartint à Kralouk.

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