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Celle qui pleure (Notre Dame de la Salette)

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XVIII
Les Évêques de Grenoble à Soissons.

Oh ! le beau livre à faire ! Démontrer méthodiquement l’identité absolue du Discours public avec le Secret de Mélanie et l’éternelle impossibilité de les séparer, de manière à faire éclater l’unité profonde et magnifique de la Révélation du 19 septembre. Sans doute, en ces choses qui sont de Dieu, l’évidence parfaite est inespérable, mais ne serait-ce pas beaucoup d’entrevoir au moins ceci : que le Discours et le Secret se renversent l’un dans l’autre continuellement, comme une figure dans son miroir, comme l’invisible dans le Visible, comme le Créateur dans la Créature ?…

C’est inconcevable que ce travail n’ait pas été fait encore. J’y ai bien pensé et je le ferai peut-être un jour, si Dieu m’aide. Mais, sans parler de mon insuffisance qui est à faire peur, il est certain qu’ici une telle étude semblerait un hors-d’œuvre monstrueux. Songez qu’il faudrait faire intervenir Isaïe, « le voyant des choses futures pour la consolation de ceux qui pleurent sur la Montagne[40] » ; Isaïe, en son XXIVe chapitre où il parle du « Secret de Dieu, si redoutable à quiconque en est le dépositaire, et de la prévarication des transgresseurs. » Ce chapitre, écrit il y a vingt-six siècles, est un écho merveilleusement anticipé du Secret de Mélanie et le Discours public de la Salette fait entendre cet écho, tout à fait imperceptible sans lui. C’est le sens de la dernière parole de Marie : Faites-le passer à tout mon peuple. Faites-le passer, au moins, aux générations de vingt-six siècles.

[40] Ecclésiastique, XLVIII, 27.

Encore une fois, je ne me charge pas de cet immense labeur d’interprétation qui exigerait, je le crains, l’intelligence miraculeusement illuminée d’un saint. Mais c’est quelque chose de pressentir cette concordance colossale et d’en avertir les humbles qui cherchent Dieu amoureusement[41].

[41] Où n’entraînerait pas un tel travail ? Il faut une longue étude des Livres Saints pour savoir combien il est difficile de trouver son chemin dans la forêt toujours vierge des Assimilations. Exemple : Le Discours parle des noix qui deviendront mauvaises. Or, la Vulgate les nomme exactement six fois, cinq fois dans l’Exode, où elles prêtent leur forme aux bobèches du Chandelier du Tabernacle, et une seule fois dans le Cantique des Cantiques, lorsqu’il est question de Marie qui descend dans son jardin : « Qui est Celle qui vient, se levant comme l’aurore, belle comme la lune, élue comme le soleil, terrible comme l’armée des osts ordonnée ? Je suis descendue dans le jardin des noix, afin de voir les pommes des vallées, et pour regarder si la vigne était en fleur et si germinaient les grenades. » Cant. VI, 9 et 10. Ce texte, lu à la Salette, par un chrétien attentif, pourra lui sembler un peu formidable.

La réalité du Secret de Mélanie n’est pas niable, puisque même ceux qui n’en font pas de cas sont forcés, chaque jour, à l’endroit précis où la Sainte Vierge s’est montrée, de confesser qu’Elle a donné un secret à chacun des deux bergers et d’alléguer, en même temps, on ne sait quoi pour expliquer leur inexcusable incrédulité.

C’est accablant de penser que, depuis que le Secret de Mélanie est connu, à savoir depuis quarante ans, il ne s’est pas rencontré, sur le siège épiscopal de Grenoble, un seul pontife capable de sentir l’honneur inexprimable d’être chef d’un diocèse où la Mère de Dieu a daigné prophétiser Elle-même ; confiant, pour toute la terre, à deux enfants de ce diocèse incroyablement privilégié, le Message inouï de l’impatience divine à son dernier terme et l’annonce, — conditionnelle, sans doute, mais pour quel délai ? — du dernier Déluge !

J’ai appris avec stupéfaction, — persuadé que certain rôle n’était plus tenable — que le titulaire actuel, Mgr Henry, a, tout dernièrement, à la Salette même, exprimé publiquement des doutes sur le Secret, demandant des preuves !!! des affirmations explicites et formelles de la Cour de Rome, comme si les approbations, les ORDRES même de Pie IX et de Léon XIII ne suffisaient pas ![42] Quelle honte ! Il est absolument impossible que Mgr Henry ne connaisse pas toute cette histoire, c’est-à-dire la désobéissance épouvantable de son prédécesseur Fava dont la fin devrait le faire trembler. Il ne peut pas ignorer le mensonge constant des opposants et leur diabolique esprit de calomnie contre une stigmatisée qu’il sera forcé, un jour, — si Dieu permet qu’il vive — de faire honorer par tous ses prêtres. Il est donc en état de prévarication caractérisée, sciens et prudens, ennemi sagace et déclaré de la Mère de Dieu. Sa seule excuse — combien misérable ! — serait la pusillanimité, l’indécision invincible, l’irrésolution chronique, le lanternement sempiternel.

[42] C’était le 14 juillet 1907. Mgr Henry parlait, du haut de la chaire de la Salette, à plus de mille pèlerins : « Vous êtes venus en foule… en cette Fête nationale et MARIALE !!!? » leur disait-il, signifiant ainsi une sorte de plain-pied festival entre les assassins de la Bastille et Notre Dame des Sept Douleurs.

« … Monseigneur expose ensuite le Fait de la Salette… Il distingue avec soin le Message public et le Message secret. Les enfants reçurent l’ordre et la mission de « faire passer le premier à tout le peuple de Marie », c’est-à-dire au monde entier (ce que la haine n’a pas permis) ; le second n’était destiné qu’aux Bergers eux-mêmes (Démenti épiscopal à la Sainte Vierge qui avait dit à Mélanie : Vous pourrez le publier en 1858) qui, parfaitement conscients de cette distinction nécessaire (?) et toujours prêts à redire le Discours de la Belle Dame, ne consentirent, après cinq ans de silence et de réserve absolue, à révéler leurs Secrets qu’au Pape seul. A ce propos, Sa Grandeur met en garde les fidèles contre tous les écrits et commentaires fantaisistes qui circulent et prétendent reproduire le « Secret de Mélanie ». (Reproduction bénie par Pie IX, approuvée par plusieurs évêques, encouragée, 25 ans, par le silence de Léon XIII. Mais cela ne suffit à aucun évêque de Grenoble.) Encore une fois, le Pape seul a pris connaissance de ce secret en 1851 ; et rien ne prouve (!!!) que les élucubrations publiées récemment soient conformes au texte primitif… L’Évêque de Grenoble attend que Rome ait parlé. (Toujours même tactique du Démon. Si Rome parlait, on lui répondrait comme Fava : « Prouvez-moi que vous avez raison. »)

Annales de Notre-Dame de la Salette, août 1907.

Le jour même de sa prise de possession, cet évêque de Grenoble — de Grenoble ! — disait : « A cette heure, la difficulté n’est pas de faire son devoir, mais de savoir où il est. » Parole que reprenait l’évêque d’Orléans, le 26 août 1902, à Notre-Dame de la Délivrance : « Il est toujours facile de faire son devoir, il est plus difficile de le connaître. » Une analogie fera comprendre l’énormité de cette reculade.

En mars 1814, la France, piétinée, violée, dévorée par six cent mille soldats étrangers, allait être délivrée par Napoléon. Une stratégie divine, à laquelle peuvent être comparés seulement les plus grands prodiges d’Annibal, allait tout sauver. L’atroce Blücher était entre les deux mâchoires de l’étau où l’homme d’Iéna et de Montmirail allait broyer ses soixante mille Prussiens. Par la volonté de Dieu, le manque de volonté d’un seul homme fit manquer la plus belle de toutes les victoires.

Ce général Moreau, ce désolant capitulard de Soissons, n’était pourtant pas une âme vendue, ni un soldat sans courage, on l’a dit du moins. C’était simplement un médiocre, un imbécile sans résolution ni fierté, qui pensa qu’il y avait mieux que d’obéir, et dont la vile prudence fut un arrêt de mort pour des multitudes. Celui-là, aussi, se demanda où était son devoir, oubliant la consigne qu’il n’avait qu’à exécuter rigoureusement, dans les termes de l’Ordonnance sur le service des places de guerre, c’est-à-dire « en épuisant tous les moyens de défense, en restant sourd aux nouvelles communiquées par l’ennemi et en résistant à ses insinuations comme à ses attaques. » Le décret impérial de 1811 portait cette instruction quasi prophétique : « Le gouverneur d’une place de guerre doit se souvenir qu’il défend l’un des boulevards de notre royaume, l’un des points d’appui de nos armées et que sa reddition, avancée ou retardée d’un seul jour, peut être de la plus grande conséquence pour la défense de l’État et le salut de l’armée. » « Quand un soldat commence à se demander où est son devoir, dit à ce propos, l’excellent historien Henry Houssaye, il est bien près de n’écouter plus que son intérêt. »

La Salette est probablement le dernier boulevard du Christianisme, et voilà quarante ans que cette forteresse capitule !

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