← Retour

Celle qui pleure (Notre Dame de la Salette)

16px
100%

XIX
Sacerdoce profitable. Vanité des œuvres en pleine désobéissance. Châtiments. Ténèbres.

Le secret de l’hostilité sacerdotale contre le Secret de Mélanie, c’est qu’il faudrait, l’acceptant, renoncer au sacerdoce profitable, dire adieu au casuel, aux tarifs, aux classes, à l’exécrable son de l’argent dans les églises. En supposant même un clergé d’une pureté de mœurs admirable, où est le prêtre qui oserait déclarer un degré quelconque d’horreur pour ce trafic des « vendeurs de colombes » et des « changeurs », dans la Maison du Père ainsi transformée en une « caverne de brigands » ? Car telle est la précision du Texte évangélique. Où est le curé de paroisse qui oserait donner aux Amis de Dieu, aux va-nu-pieds qui lui sont si chers, la première place, en reléguant les riches, avec leurs prie-Dieu capitonnés, au bas de l’église, le plus loin possible de l’autel ? Sancta sanctis, non canibus. Cet audacieux serait aussitôt dénoncé par tous ses confrères et sévèrement blâmé par l’autorité diocésaine[43].

[43] Les prie-Dieu capitonnés. Prévarication dénoncée par saint Jacques, II, 2, 3, 4.

Il s’agit bien de chérir la pauvreté et l’humiliation ! La lettre de l’Évangile n’engage personne. Elle pouvait convenir aux premiers Apôtres ou à quelques moines poussiéreux du onzième siècle ; elle ne vaut rien pour des sulpiciens que l’esprit a vivifiés et qui sont forcés d’aller dans le monde. Puis il est toujours facile de tourner en conseil de perfection le précepte vraiment excessif de tout haïr, de tout quitter, de tout vendre, pour devenir les disciples et les compagnons de Jésus-Christ.

La Sainte Vierge ayant parlé fortement du clergé : dans le Discours, d’abord, d’une manière très-enveloppée ; dans le Secret ensuite, explicitement[44], il a bien fallu que le « cloaque » protestât — à la manière des cloaques, en exhalant l’asphyxie. Le monde chrétien ne respire plus. En 1846 tout était déjà perdu. Un remède unique, surnaturel, fut apporté d’en haut par la Mère de Dieu qui pleurait. Le « Père de famille, planteur de la Vigne et constructeur de la Tour », pouvait-il bien croire que cela ferait quelque chose ? La Sagesse éternelle pouvait-elle se dire : Verebuntur Matrem meam ? La fumée du cloaque étouffa cette Révélation, si parfaitement que les bons prêtres eux-mêmes, trompés depuis deux générations de prêtres, avouent leur ignorance du remède. Dès lors, comment dire suffisamment la vanité des œuvres accomplies en pleine désobéissance ?

[44] Les chefs, les conducteurs du peuple de Dieu ont négligé la prière et la pénitence… 5e paragraphe du Secret.

Ceux qui conduisent les charrettes, est-il dit dans le Discours. Ce rapprochement saisira les personnes habituées au mystère des concordances. « Ceux qui conduisent les charrettes » ne sont-ils pas évidemment les prêtres qui ne savent pas parler sans mettre le nom de mon Fils au milieu ? Pater mi, pater mi, currus Israël, auriga ejus. IV Reg. II, 12, XIII, 14.

« On ira à la Salette », écrivait un excellent prêtre, « on ira à Lourdes, à Paray-le-Monial, à Rome, à Jérusalem, etc., en chantant : « Sauvez Rome et la France ! » On ne fait que cela depuis trente et quelques années. On inventera des pèlerinages d’hommes et même de prêtres. On organisera des congrès de la Sainte Vierge, des congrès eucharistiques, des ligues de l’Ave Maria, des neuvaines, etc. Et le ciel restera d’airain. Tout sera d’une parfaite insignifiance pour apaiser Dieu irrité, parce que, en somme, on vit à sa guise et que, pour ne pas entendre les reproches de sa Mère, on piétine son Message. »

Laissons parler Mélanie : « … Il me semble que depuis longtemps, je donne un petit coup de cloche pour avertir les humains que nous allons au-devant des tristes et lugubres évènements du règne de l’Antechrist. La foi n’est-elle pas éteinte ? — Non, nous dira quelqu’un. — Si la foi n’est pas éteinte, qu’elle montre ses œuvres, car la foi marche de pair avec les œuvres. — Mais, répondra-t-on, on fait des pèlerinages ; il se fait un grand nombre de bonnes œuvres. — Soit, le peuple français est naturellement porté aux choses extérieures ; mais si ces pèlerinages ont été faits en expiation, pour fléchir la juste colère de Dieu, lui demander pardon, etc., s’est-on vêtu de sacs et couvert de cendres, par une sincère pénitence ? — Non ! — A-t-on au moins laissé de côté ces modes diaboliques et indécentes ? etc. — Rien de tout cela ! Après avoir visité les Lieux Saints, les Sanctuaires, on fréquente les théâtres, comme auparavant… On pourrait compter les élus, les âmes foncièrement chrétiennes ; les autres ne peuvent se compter. L’apostasie est à peu près générale. L’Antechrist n’aura pas grand’peine à établir son règne en Europe ; ceux qui, à cette heure, gouvernent la France, le lui préparent sans rencontrer d’obstacles. Pauvre France !… En attendant, elle rit, elle s’amuse, parce qu’elle ne croit pas à une vie meilleure ; parce qu’elle n’a pas la foi, mais simplement la vanité de la foi, en feignant la religion, en se faisant inscrire DIRECTRICE ou ZÉLATRICE ou PRÉSIDENTE de telle ou telle confraternité. » Cette lettre est du 28 novembre 1887.

Un an auparavant, alors que beaucoup de journalistes s’agitaient, elle avait écrit déjà : « … Il est inutile de nous donner du mal pour chercher à deviner quel sera le prince qui montera sur le trône de France. Si l’on ne connaissait pas le Secret, l’on serait pardonnable : Pour un temps, Dieu ne se souviendra plus de la France ni de l’Italie. On s’est révolté contre Dieu et contre sa douce loi : nous serons gouvernés par une verge de fer, et des lois dures et odieuses nous seront imposées. Ceux qui nous gouvernent ne sont que des instruments dans les mains du Très-Haut. A mesure que les méchants avancent sur le terrain catholique, nous avons la lâcheté de reculer… Nous nous plions à toutes les exigences des ennemis de Dieu et des âmes. On proteste, me direz-vous ? Oui, on proteste ! ce n’est pas cher ! Les premiers chrétiens protestaient avec leur sang, avec leur vie. Allons, nous ne sommes que des ombres de chrétiens, nous craignons plus les châtiments des hommes que les peines de l’Enfer. Croyez-vous que le bon Dieu donne un roi à la France avant de l’avoir justement et sévèrement châtiée ? Et après, serons-nous du nombre des vivants ! Toutes les intrigues de certains prétendants au trône de France ne sont que des amusements d’enfants. »[45]

[45] Il est inutile de faire observer l’actualité de cette page, écrite il y a plus de vingt ans.

« … Un fait me cause la plus triste impression. C’est l’habitude diabolique de procurer des secours aux victimes d’un tremblement de terre, ou de toute autre catastrophe, en donnant des bals, des représentations de théâtre. Je ne puis admettre que l’on ose recourir à un mal pour opérer un bien.[46] Oh ! aveuglement de l’homme sans Dieu ! Et ceux qui agissent ainsi sont des chrétiens ! Je n’en saurais douter, nous sommes près de la grande guerre, c’est-à-dire de l’avènement de l’homme de perdition, de l’Antechrist. Je le sais, personne ne consent à reconnaître une vérité qui épouvante, mais qui n’en est pas moins la vérité. Notre génération marche vers l’Antechrist DONT ELLE DOIT FAIRE LA RENCONTRE ; et les indifférents de refuser de croire et les impies de railler. Cela est ainsi. Malheur ! malheur ! malheur ! »

[46] Léon Bloy. Mon Journal. « Lettre sur l’incendie du Bazar de Charité. »

« … Je suis glacée de frayeur en voyant la rage de l’enfer et des hommes, y compris les femmes infernales (sic) ; le feu et le sang y auront grand jeu. Que de massacres ! Que de tortures affreuses ! Oh ! les femmes sont terribles ! Pauvres prêtres qui tomberont entre leurs mains !… »

« L’Église aura une crise affreuse… Expulsion des curés de leur presbytère, des évêques de leurs palais, poursuit la voyante ; fermeture et confiscation des églises ; massacres du clergé pires que sous la Terreur. Beaucoup seront tués par vengeance personnelle ; ceux qui auront faibli ne seront pas épargnés ; le projet des maçons est de faire pécher les consacrés avant de les tuer ! je vis que ces morts violentes étaient, en très-grand nombre, tout autre chose que le martyre ; que c’était la réalisation, dans toute son horreur, du mot « Malheur ! » de l’Écriture… Vous ne voulez pas du Message de la Miséricorde, vous repoussez la main tendue ; il n’y a plus rien à faire : Dieu abandonnera les hommes à eux-mêmes… Ce sera le temps des ténèbres. »[47]

[47] Une tradition porte que la France, après de longues iniquités, à une époque qui ressemble à la nôtre, se réveillera, un matin, sans voir se lever le soleil. Plusieurs jours durant, elle demeurerait dans les ténèbres au milieu desquelles des spectres, sortis de l’enfer, viendraient tourmenter les vivants.

Il existe une prédiction analogue de la Vénérable Anna-Maria Taïgi, morte en 1837.

Chargement de la publicité...