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Dernières Années de la Cour de Lunéville: Mme de Boufflers, ses enfants et ses amis

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CHAPITRE XXI
1762

L'ordre des Jésuites est menacé.—Stanislas appelle Cerutti à Nancy.—Exil des Jésuites.—Chagrin de Marie Leczinska et de son père.—Mesdames viennent encore faire une saison à Plombières.—Arrivée de Christine de Saxe.—Projets de mariage.—Fêtes à Plombières et à Lunéville.—Incendie du kiosque.—Fêtes à Nancy.—Retour à Plombières.

La fin de l'année 1761 avait été marquée par un triste événement: le 15 septembre, Mme de la Galaizière, dont la santé était depuis longtemps fort ébranlée, avait succombé à ses maux.

L'année 1762 commença encore sous de fâcheux auspices. D'abord l'on apprit la mort du fils de M. de Bercheny. Le malheureux jeune homme était attaché à l'armée de Contades et il avait été enlevé par une violente attaque de petite vérole.

Puis une véritable épidémie d'influenza se déclara à Lunéville, et, en dépit de toutes les précautions, fit dans la ville de terribles ravages. Le carnaval n'en fut pas moins gai, car il n'était pas d'usage à cette époque, quoi qu'il advint, de s'abandonner à la tristesse.

Pour occuper le Roi, Mme de Boufflers et son fils le chevalier s'efforçaient d'apporter dans les réunions de la Cour la plus grande animation possible. Il y eut nombre de soupers, de bals et de redoutes; plusieurs troupes vinrent donner des représentations; celle de Fleury, entre autres, joua le Père de famille, Tancrède, les Trois Sultanes, etc. Stanislas et la marquise ne manquèrent pas une seule représentation.

Bien qu'il se laissât assez facilement distraire, le Roi était assiégé de pénibles préoccupations et ses courtisans les plus intimes, la favorite elle-même, avaient quelquefois bien de la peine à l'arracher aux pensées affligeantes qui l'obsédaient.

Depuis quelques années, il s'inquiétait vivement de la situation des jésuites. Il leur était profondément attaché, et les attaques violentes dont ils étaient l'objet lui déchiraient le cœur, en même temps qu'elles lui inspiraient pour l'avenir une grande anxiété. Ayant entendu parler en 1760 d'un jeune professeur de l'Ordre, Joachim Cerutti, qui donnait les plus belles espérances, il demanda qu'on le lui envoyât à la Mission de Nancy, dans le but de lui confier la défense de l'Institut menacé.

Cerutti était né à Turin en 1738. Après avoir fait de brillantes études chez les jésuites de cette ville, il s'était fait admettre dans la Société, et il promettait d'en devenir un des plus célèbres adeptes.

Se conformant au désir de Stanislas, Cerutti, sous la direction des Pères de Menoux et Leslie, composa une défense de l'Ordre qui parut en 1762 [102]. La plume alerte et vive du jeune Père fit merveille et son Apologie provoqua beaucoup d'admiration.

L'année suivante, Stanislas, désireux de récompenser le brillant défenseur des jésuites, le fit admettre à l'Académie de Nancy.

En même temps, Cerutti était accueilli et fêté par toute la société lorraine; la protection avérée de Stanislas lui ouvrait toutes les portes; il fut bientôt en commerce d'amitié avec la marquise des Armoises, Mme de Boufflers, Mme de Bassompierre, Panpan, et la meilleure compagnie de Lunéville.

Son Apologie cependant ne put détourner des jésuites la catastrophe qui les menaçait, l'affaire fut évoquée devant le Parlement.

Ce fut un coup terrible, non seulement pour Stanislas, mais encore et surtout pour sa fille Marie Leczinska.

Depuis quelques années, la vie de la Reine s'était singulièrement assombrie. Complètement abandonnée du Roi, elle vivait de plus en plus retirée, aussi s'adonnait-elle plus que jamais aux pratiques étroites de la dévotion.

Souvent elle allait passer la journée au couvent des carmélites:

«Mon Dieu! que l'on y est bien et que tout ce qui agite le monde et le tourmente paraît puéril! écrivait-elle... On n'a pas le temps de respirer chez elles, les heures y sont des minutes; c'est l'éternité anticipée... des louanges de Dieu continuelles, permanentes. Enfin, quand elles meurent, cela a l'air de quelqu'un qui se déshabille pour s'aller reposer, et quel repos! Qu'elles sont heureuses!»

De grands chagrins avaient contribué à accabler la malheureuse princesse.

Le 6 décembre 1759, elle a perdu de la petite vérole sa fille mariée au duc de Parme. En mars 1761, elle a vu succomber sous ses yeux son petit-fils le duc de Bourgogne. Ce n'est pas tout encore. L'état du Dauphin lui-même lui inspire déjà de très cruelles préoccupations.

Ces malheurs réitérés ont eu sur sa santé la plus fâcheuse influence et son moral en a été profondément atteint. Elle écrit au président Hénault: «J'ai des vapeurs à crever.»

C'est au milieu de ces tristesses présentes et futures qu'une nouvelle douleur vient la frapper.

Autant que son père, et plus peut-être encore, elle aimait les jésuites, et elle en avait toujours un près d'elle comme confesseur [103]. L'intervention menaçante du Parlement la consterna et sa correspondance montre bien l'amertume qu'elle ressentit:

«Ce que le Parlement fait contre nos pauvres Pères est affreux et indigne,» écrit-elle à Hénault. «Hélas, mon Dieu, où sommes-nous? C'est le pays où saint Louis a régné! Quel siècle! Il n'y a plus que ce qui est extravagant qui soit adopté...

«Tout ce que l'on voit pénètre de douleur; tout va de mal en pis: religion, autorité du roi, tout s'en va, et ce qu'il y a de pis, c'est que l'autorité s'en va, comme si cela devait être, sans que personne s'y oppose...

«La main de Dieu est visiblement appesantie sur nous.»

Pendant que le sort de la Société de Jésus se discutait au Parlement, Stanislas écrivait à sa fille:

«10 juin 1762.

«Sur mes chers jésuites, je ne sais plus sur quoi fonder mes espérances. Voyons avec résignation si la Providence a résolu leur perte entière.»

«23 juin 1762.

«Pour les jésuites, je les crois perdus, puisque le Roi ne s'oppose pas à leur perte. Malgré cela, je ne puis la comprendre, puisqu'elle est contre la raison et contre toute justice, et plus elle est énorme, et plus elle doit faire espérer qu'elle ne pourra pas subsister.»

Le 6 août, l'arrêt prononçant l'expulsion des jésuites fut prononcé.

La reine désolée écrit à son père:

«Je ne vous parle pas de ce que le Parlement a fait, car cela me fait mal, j'en suis dans la douleur: ce sont les indulgences de Luther!»

Elle reste accablée et dans un dégoût profond de toutes choses:

«Je ne vis que d'amertume, et ma consolation c'est Dieu et de penser que cette vie est courte.

«Ce que je puis vous dire, c'est que ni lecture, ni peinture, ni tous les plaisirs de la solitude ne m'empêchent point de sentir tout ce qui se passe, parce que cela touche l'intime de mon âme; il n'y a que le cabinet de la «belle mignonne» [104] où je prie Celui qui seul peut y remédier et qui peut donner la force aux faibles.»

Et elle ajoute cette phrase prophétique:

«C'est une sotte chose que d'être reine. Hélas! pour peu que les choses continuent à aller comme elles vont, on nous dépouillera bientôt de cette incommodité.»

Stanislas, très noblement, se refusa à abandonner les jésuites dans l'infortune; non seulement il écrivit à son gendre en leur faveur, mais il leur ouvrit ses États et leur offrit une large hospitalité. Malgré tout, il n'était pas trop rassuré sur la valeur de l'asile qu'il leur offrait, ni sur le sort de ceux qui habitaient la Lorraine. Il écrivait à sa fille le 3 mars 1763:

«Je ne suis pas un moment tranquille sur la sûreté des miens (jésuites) en Lorraine, qu'il me semble que je ne tiens que par la queue.»

En guise de protestation contre la mesure qui frappait l'Ordre qui lui était cher, Stanislas envoya Cerutti à Paris en le recommandant à son petit-fils. Le Dauphin l'attacha à sa personne et lui témoigna bientôt la plus grande confiance.

Malheureusement la mort inattendue du prince vint briser toutes les espérances du jeune écrivain.

Nous le retrouverons dans quelques années.

Pendant que le sort de la Compagnie de Jésus se décidait, une heureuse réunion de famille était venue détourner Stanislas de ses tristes pensées et adoucir le coup qui le frappait dans une de ses plus vives affections.

En 1761, après le séjour de Mesdames à Plombières, les médecins avaient pensé qu'une nouvelle saison d'eaux serait très favorable aux princesses.

En prévision de cet événement, et pour leur permettre de faire dans la petite localité un séjour plus confortable, Stanislas, aussitôt après le départ de ses petites-filles, avait fait construire une maison de belle apparence avec neuf croisées de façade sur la grande rue. Le rez-de-chaussée en arcades formait une promenade à couvert fort agréable. Ce bâtiment fut surnommé le Palais royal.

A peine terminé, il allait servir au but auquel on l'avait destiné.

En effet, en mai 1762, on annonça la prochaine arrivée de Mesdames. A cette nouvelle, Stanislas éprouva une joie d'autant plus grande qu'il traversait des circonstances plus critiques et qu'il avait besoin de plus de consolations. Comme l'année précédente, il vint attendre les princesses à Commercy. Le 26 mai, jour marqué pour leur arrivée, le Roi, accompagné de toute sa cour, se rendit jusqu'à Saint-Aubin où il accueillit les voyageuses avec beaucoup de tendresse.

Le 27, la Cour séjourna à Commercy; on retourna à la fontaine Royale, on revit le château d'eau, le pont d'eau, etc., et toutes les merveilles du parc.

Le 28, les princesses partirent pour la Malgrange: à Nancy toutes les rues étaient garnies d'une double haie de troupes depuis la porte Saint-Jean jusqu'à celle de Saint-Nicolas.

Mesdames, escortées d'une troupe de cavalerie, traversèrent la ville au bruit des timbales, trompettes, fifres et tambours, au son des cloches, au bruit du canon et aux acclamations de tout le peuple qui se portait en foule sur leurs pas.

Elles arrivèrent le 29 à Plombières, accompagnées du comte de Croix, que Stanislas avait choisi pour le représenter. On ne pouvait en vérité faire un meilleur choix.

Le séjour de Mesdames fut fort agréable. Tous les matins elles allaient à la messe aux Capucins à sept heures; il y avait musique à cette occasion. Tout le monde y courait pour voir les princesses et écouter l'orchestre et les chanteurs. Le Roi avait donné à ses petites-filles une partie de ses musiciens et chaque jour elles entendaient un concert des mieux choisis. Quatre cents hommes détachés du régiment de Royal-Navarre formaient une garde d'honneur.

Le comte de Croix, pour distraire les princesses, organisa des bals, des promenades dans les environs, des fêtes champêtres; dans une salle en planches on donna la première représentation du Mariage de Figaro; Beaumarchais, qui faisait lui-même une saison d'eaux, avait dirigé les répétitions. Enfin M. de Croix fit tout ce qu'il put imaginer pour varier les plaisirs. Par sa gaîté et le charme de son esprit, il contribuait beaucoup à l'agrément de toutes les réunions. Il réussit si bien que Plombières était devenu «un petit Versailles». «L'honnête liberté, l'aimable décence, l'enjouement le plus naturel, les ris, les jeux et les grâces composaient la cour de Mesdames».

Une fête entre toutes fit sensation; ce fut celle donnée par la comtesse de Civrac dans une ferme qu'elle possédait dans la montagne, à une demi-lieue de la ville. Une grange avait été décorée de guirlandes de fleurs et de feuillages qui formaient des panneaux et des losanges ornés des chiffres des princesses en fleurs et en rubans.

Comme l'usage des carrosses était impraticable dans ce pays montagneux, on avait arrangé des chars pour transporter les invités. Celui de Mesdames, disposé «d'une façon commode et galante», était traîné par quatre bœufs blancs; celui destiné aux personnes de la suite était attelé de quatre bœufs noirs.

Après un concert d'airs champêtres des mieux ordonnés, les princesses «collationnèrent avec plaisir». Le repas était à peine terminé que quatre bergères, galamment vêtues et accompagnées de moutons enrubannés, se présentèrent et invitèrent quatre personnes de la suite de Mesdames; ils dansèrent une contredanse exécutée par deux musettes, deux hautbois et un basson. Cette contredanse ouvrit le bal et on dansa jusqu'à la nuit.

Comme l'année précédente, Stanislas vint à plusieurs reprises voir ses petites-filles.

Lors de sa seconde visite, il leur donna une feuillée dans le bois, près de la grange Civrac. Ayant appris qu'il y avait non loin de là une fontaine, il s'y fit porter et il en fut émerveillé: «C'est une des beautés de la nature, dit-il, et je veux qu'elle porte mon nom [105].» Il fut fait suivant son désir.

Pendant l'un de ces séjours, il rencontra la sœur de la Dauphine, la princesse Christine de Saxe, qui voyageait incognito sous le nom de comtesse de Henneberg. Elle se rendait à Versailles dans l'espoir d'y trouver un établissement en rapport avec son rang.

C'est à l'instigation de Marie Leczinska que la princesse s'était arrêtée à Plombières. En effet, malgré la mort de Mme de La Roche-sur-Yon, la Reine n'avait pas renoncé à ses anciens projets; elle caressait toujours l'espoir de voir se réaliser un mariage qui enlèverait Stanislas à une liaison irrégulière, et bien que le Roi eût quatre-vingt-deux ans et la princesse Christine vingt-neuf, c'est sur cette dernière que Marie Leczinska avait jeté les yeux.

Lorsqu'elle avait mis loyalement son père au courant de ses intentions, le vieux Roi lui avait spirituellement répondu:

«Je me chatouille de rire sur votre projet de mon mariage. Je viens d'apprendre que ma prétendue épouse est terriblement laide. Vous jugez bien que je ne voudrais pas me marier sans vous donner une belle mère et non une laide.»

Quelques jours plus tard, il lui écrivait encore:

«Votre idée sur mon mariage m'a fait crever de rire.»

Quand Stanislas rencontra la princesse, il la trouva instruite et agréable, mais cette impression ne modifia nullement ses idées.

«Je reviens dans ce moment de Plombières, écrit-il à sa fille, le 29 juin 1762, ayant laissé les chères Mesdames dans une parfaite santé et Mme la comtesse d'Henneberg dans une estime générale de tout le monde, qu'elle s'est acquise par son mérite, lequel pourrait faire un progrès particulier sur moi et réaliser votre pensée. Mais il y a une raison insurmontable à ne pas me faire aller plus avant. Voulez-vous la savoir? C'est que cette union ne produirait pas une autre Reine de France, ma chère et incomparable Marie. Ainsi cet événement ne sera pas mis dans le compte des extraordinaires de ce siècle.»

Stanislas fit mille grâces à la princesse, l'engagea à le venir voir à Lunéville, invitation qui fut acceptée avec ravissement, et il resta dès lors en relations suivies avec elle. En effet, à partir de ce moment, on la retrouve très fréquemment à la Cour; elle y fait des séjours prolongés et elle obtient même du roi, à l'automne de 1762, la promesse de sa nomination comme coadjutrice de l'abbaye de Remiremont [106].

Mme de Boufflers, sûre de son influence, ne se préoccupait nullement d'une rivalité qui ne pouvait l'atteindre et elle faisait toujours à la princesse l'accueil le plus aimable.

Le 10 juillet, la première saison d'eaux étant terminée, Mesdames partirent pour Lunéville, où leur grand-père les attendait impatiemment.

Sur toute la route, les maisons étaient garnies de feuillages, les rues décorées de fleurs, d'emblèmes, de devises. Partout les bourgeois avaient pris les armes, partout ce n'étaient qu'acclamations, cris de «vivent Mesdames de France!»

Le roi de Pologne s'était rendu au devant de ses petites-filles jusqu'à Gerbeviller et il revint avec elles à Lunéville.

Le 11, Mesdames assistèrent à une messe chantée en musique. Le cardinal de Choiseul leur présenta l'eau bénite et il leur donna la patène à baiser.

Le soir, après le souper, l'on tira sur la terrasse du château un merveilleux feu d'artifice. Huit portiques étaient ornés des chiffres du Roi, de Stanislas, de Mesdames, entourés de nombreuses fleurs de lis.

«Il y avait de chaque côté du trophée deux bouquets en roses, et une comète de droite et de gauche du chiffre de Louis le Bien-Aimé; un grand soleil faisant son cours dont ce chiffre était le centre, plus de cent gerbes à la romaine, quantité de bouquets chinois, une lune qui faisait son cours, et nombre d'autres artifices.»

A une heure après minuit tout reposait dans le château, lorsqu'on entendit les appels des sentinelles qui criaient: «Au feu! au feu!» C'était le pavillon chinois qui brûlait. Comme le bâtiment était en bois et que les secours arrivèrent tardivement, il fut impossible de rien sauver.

Les habitants de la ville et des villages voisins accoururent pour porter des secours, mais il fallut se borner à préserver l'hôtel de Craon et les maisons proches de l'incendie. Il s'en fallut de peu qu'elles ne fussent, elles aussi, la proie des flammes. A six heures du matin, on était parvenu à conjurer le danger, mais le pavillon chinois était réduit en cendres, et tous les arbres voisins écorcés jusqu'au sommet.

Personne ne voulait annoncer cette mauvaise nouvelle au roi. Ce fut Alliot qui dut s'en charger. Il entra le premier dans l'appartement de Stanislas, qui lui parla beaucoup de la fête de la veille et en témoigna sa satisfaction.

«Oui, sire, dit l'intendant, elle était belle, mais elle serait encore plus agréable sans le petit accident arrivé cette nuit.

—«Eh! quoi donc? reprit le Roi avec vivacité.

—«Sire, votre pavillon chinois est réduit en cendres.

—«Les maisons voisines n'ont-elles pas souffert? demanda Stanislas après un moment de silence.

—«Il y en a trois d'endommagées.

—«Qu'on les répare bien vite, ajouta le prince. Quant au kiosque, je ne le regrette pas, je vais en imaginer un bien plus beau.»

Et il ne fut plus question de l'accident.

A partir de ce jour, les plaisirs et les fêtes se succèdent sans interruption. Le 13, toute la cour va dîner à Chanteheu. Le 14, on se rend à Einville. Le 15, le Roi donne un grand dîner à Jolivet. Enfin, le 17, il y a fête et repas à la cascade.

Le 19, doivent avoir lieu de grandes réjouissances à Nancy, accompagnées de spectacles, d'illuminations, etc. On a fait de grands préparatifs; les comédiens de Metz sont arrivés pour représenter des opéras bouffons; une armée d'ouvriers et d'allumeurs a été mobilisée. Le Roi, la princesse Christine, Mesdames, ont promis de venir de Lunéville pour jouir du spectacle.

Durival, préfet de police, prit des mesures sérieuses pour éviter l'encombrement et les accidents. Le 19 au matin, on afficha sur tous les murs de Nancy l'avis suivant:

AVIS POUR LE JOUR DE L'ILLUMINATION

«Les Bourgeois de Nancy sont avertis de balayer les ruës chacun vis-à-vis de soi, et d'arroser devant les maisons sur le passage de Mesdames à six heures du soir, de renouveller l'arrosement à sept heures et d'illuminer les croisées au premier coup de cloche du Beffroy.

«On aura attention qu'il ne reste ni chevaux, ni voitures dans les ruës où passeront Mesdames, et dans la place de la Carrière et la place Roïale. Enjoint de retenir les enfans au-dessous de sept ans dans les maisons.

«Deffenses de tirer des boëtes, fusées, serpenteaux et autres artifices, aux peines portées par les règlemens.»

Stanislas partit de Lunéville à trois heures avec la princesse Christine; ils arrivèrent à six heures à la Mission, où le chancelier de la Galaizière les attendait. Ils firent leur entrée à Nancy à sept heures et se rendirent immédiatement à l'Intendance, dont les salons étaient brillamment éclairés. Mesdames n'arrivèrent qu'à huit heures trois quarts. Aussitôt l'illumination commença.

Une foule prodigieuse d'étrangers était accourue pour jouir de ce spectacle; on n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Le naïf chroniqueur, dans son admiration, écrit:

«Un allumeur, qui étoit en l'air au fronton de l'hôtel de ville, fixe l'idée qu'on aura longtems de cette fête. Il s'arrêta d'admiration en regardant l'Intendance et dit: «Ah! mon Dieu, qui auroit cru cela? Non, un homme de cent ans n'aura jamais vu et ne verra jamais pareille chose!»

A dix heures, le Roi avec Mesdames et la princesse Christine vint à pied se promener sur la Carrière et sur la place Royale, puis ils montèrent en carrosse et se rendirent à la Malqrange.

Il y eut ensuite un bal populaire, auquel assista la comtesse de Civrac et plusieurs personnes de la suite des princesses.

Mesdames rentrèrent à Plombières le 25 juillet. Leur seconde saison ne fut pas moins agréable que la première. Stanislas vint à deux reprises passer quelques jours avec elles.

Leur départ était fixé au 4 septembre. Elles séjournèrent encore trois jours à Lunéville auprès de leur grand-père, et le 7 elles partirent pour Versailles.

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