L'été de Guillemette
VIII
Dimanche, messe des baigneurs, à neuf heures ; ce qui semble un peu matinal à beaucoup. N’importe ; comme c’est la messe chic, dussent-ils y arriver pour le dernier évangile, tous les fidèles qui se respectent considèrent, comme un des articles du code mondain, le devoir d’y paraître. Mme Seyntis, elle, n’est jamais en retard. Elle est même de ces redoutables personnes qui font consister l’exactitude à être toujours, pour le moins, un quart d’heure en avance. Aussi quand elle apparaît dans le vestibule, son livre en main, ses gants mis, son voile baissé, elle a toujours l’occasion d’appeler :
— Guillemette !… Tu es prête ?… Le premier coup va sonner.
Et Guillemette ne manque pas de répondre :
— Mère, je vous suis… Allez en avant, je vous rejoins dans une minute !
Guillemette est dormeuse comme un bébé ; de plus, elle déteste se lever de bonne heure, peut-être parce qu’elle y est obligée depuis sa tendre enfance. Plus d’une fois, il lui arrive d’ailleurs de se rendormir après que la femme de chambre est venue frapper à sa porte. A moins que, bien éveillée, elle n’oublie l’heure, parce que sa vagabonde pensée erre en toute sorte de mondes. Et il faut un rappel de Mademoiselle qui connaît la jeune personne, pour qu’elle bondisse soudain hors du lit.
Ce dimanche-là, si elle est en retard, c’est que, la tête abandonnée sur l’oreiller, les mains jointes sous la nuque, toute rose du sommeil, elle a oublié les minutes, en réfléchissant à la double attitude de Nicole et de l’oncle René, la veille au soir. Que peuvent-ils bien penser l’un de l’autre ? Comme ils sont restés longtemps dans le jardin !… C’était exaspérant !
Ses lèvres articulent les mots avec une telle conviction qu’elle en demeure saisie. Exaspérant !… Pourquoi ?… En quoi cela peut-il l’agiter, ce qui se passe entre son vertueux oncle et Nicole, l’adorable Nicole… Ah ! quel attrait elle exerce sur les hommes !… Tous, dans le salon, s’étaient groupés autour d’elle et n’en bougeaient pas… Comment son mari peut-il accepter de la perdre ?
— Moi, à sa place, j’aurais fait même des turpitudes pour la garder ! prononce Guillemette avec conviction. Ah ! que je voudrais être troublante comme elle !
— Guillemette, je ne vous entends pas remuer. Vous vous habillez, n’est-ce pas ? demande la voix douce de Mademoiselle.
— Oui… oui ! dit Guillemette qui regarde sa montre avec terreur. Et elle a raison !
Heureusement, elle est d’une prodigieuse vivacité dès qu’il le faut. Mais tout de même, quand se met à sonner ce terrible premier coup de la messe, elle est encore en jupon, les épaules nues, piquant, d’un doigt preste, les dernières épingles dans ses cheveux.
A son tour, Mademoiselle répète :
— Guillemette, vous venez ?… Le premier coup finit de tinter.
— Ah ! Dieu ! je le sais ! s’exclame Guillemette qui, impatientée, voudrait anéantir ces malencontreuses cloches. M’selle, je vous en prie, allez en avant avec maman et Mad. Je marche plus vite et je vous rattraperai. Qu’André m’attende !
Mais André est déjà parti pour un petit tour matinal, avant la messe, quand Guillemette apparaît, cinq minutes plus tard, dépitée contre elle-même d’avoir dû, par sa faute, s’habiller en coup de vent et accepter, sans aucune recherche coquette, les ceinture, cravate, chapeau, que lui présentait, en hâte, la femme de chambre. Elle se sent d’une humeur de porc-épic et envie de toute son âme Nicole dont les fenêtres sont encore voilées de leurs rideaux et qui, sûrement, va s’habiller en paix, et être jolie… jolie !…
— Moi aussi, j’aurais pu être jolie ! marmotte-t-elle. Et par ma faute… Enfin tant pis !
Elle traverse, en courant, le vestibule. Les cloches ont fait silence. C’est le deuxième coup qui se prépare.
Devant le perron, elle aperçoit une silhouette d’homme.
— Oh ! mon oncle ! c’est vous ?
— Oui, petite fille, je vous attendais pour vous escorter, Mademoiselle m’ayant averti que vous la suiviez à quelque distance.
Elle a un rire gai, soudain sa méchante humeur s’est évanouie ; et elle éprouve une jouissance enfantine de la limpidité du ciel d’août, bleu comme la mer qui ondule avec des moires soyeuses.
Vite, elle marche aux côtés de René, à travers le jardin ruisselant de soleil, puis sur la route dévalant vers l’église, sous le dôme des branches.
— C’est gentil cela, mon oncle, de m’avoir attendue !… Je n’aurais jamais pensé avoir votre escorte !… Je ne croyais pas que vous partiez maintenant à l’église.
— Mais, Guillemette, est-ce que la messe n’est pas à neuf heures ?
— Oui… oui… seulement, d’ordinaire, les messieurs n’arrivent guère que pour la sortie…
— Ah ! très bien !… Mais probablement parce que je reviens d’Afrique, j’ai de très mauvaises habitudes ; et comme dans ma première jeunesse, je me crois obligé d’arriver pour le commencement.
Elle lui jette un regard où il y a tout ensemble de l’estime et de l’amitié.
Elle aime les gens qui ont le courage de leurs convictions, — fussent-elles même détestables… Mais ici ce n’est pas le cas… Et son sentiment se trahit tout de suite :
— Mon oncle, vous avez joliment raison d’agir comme vous pensez !… Seulement, c’est tant pis pour votre avenir militaire !
René a un coup d’œil surpris vers cette petite fille qui connaît si bien les vilains dessous de la politique.
— Alors, vous croyez, docte Guillemette, qu’il m’en cuira d’avoir écouté tout au long la messe des baigneurs à Houlgate ?
— Celle-là et d’autres, n’est-ce pas ? oncle. A Madagascar, cela ne tirait peut-être pas à conséquence, mais en France, il paraît que c’est une autre affaire… Tout de même, je suis très contente que vous soyez brave sur ce chapitre-là aussi !
— Merci, petite Guillemette, dit-il, touché de cette approbation juvénile.
Tous deux font quelques pas en silence, distraits par leurs propres réflexions. C’est elle qui reprend, frôlant de son ombrelle les petites herbes de la route :
— Oh ! oui, certes, bien plus qu’autrefois, oncle René, j’ai pour vous, — par moments, pas toujours, — de la vénération !
Il ne paraît pas flatté du tout.
— Guillemette, voilà encore que vous vous moquez de moi !
— Oh ! non, mon oncle, je ne me le permettrais pas… Je vous dis tout bonnement ce que je pense parce que vous m’inspirez très grande confiance… Je ne serais pas étonnée que j’en arrive à vous prendre pour confesseur laïque… J’irais à vous quand j’aurais besoin d’un confident de choix !
— Guillemette, je suis très touché, très honoré… Mais ce serait intimidant pour moi, un rôle pareil !
— Pourquoi donc ?
Elle lève vers lui de larges prunelles que l’auréole du chapeau ombre délicatement. Ses joues ressemblent aux pétales d’une rose de France.
— Pourquoi ? Mais parce que je craindrais à très juste titre de n’être pas à la hauteur. Et puis, vraiment, je ne me sens pas encore l’âge de l’emploi !
Sans réfléchir, elle riposte :
— Oh ! pour moi, vous n’êtes pas un jeune homme !
Tout de suite, elle se reprend :
— Vous êtes mon oncle, un oncle étonnamment sage… Oh ! certes, vous avez l’air plus sage que papa… Je suis certaine que vous seriez incapable de faire quelque bonne grosse sottise !
Elle lance cet aveu si drôlement que René se met à rire, encore qu’il soit peu charmé de l’opinion édifiante que Guillemette a de lui.
— Ma nièce, vous paraissez regretter que je n’aie pas le goût — et c’est exact ! — de me mettre d’affreux méfaits sur la conscience…
La bouche de Guillemette a une expression de malice et de contrition qui est délicieuse :
— Mon oncle, c’est vrai, j’ai un faible pour les hommes mauvais sujets… Au moins, je ne me sens pas humiliée en leur voisinage !… Je serais plutôt prête à me glorifier…
Ici, les cloches recommencent à sonner. Guillemette tressaute.
— Vite, mon oncle, le second coup ! Maman doit frémir de ne pas me voir…
La blanche petite église est tout près, par bonheur. Pour l’instant, elle est le centre vers lequel filent les équipages et déambulent pédestrement, par les jolis chemins ensoleillés, chrétiens et chrétiennes, tous en toilette dominicale.
Aussi, une brillante assemblée emplit-elle l’église qui est comble. Une chaise est un objet précieux que les retardataires cherchent d’un œil d’envie. Le suisse est ahuri et solennel. La chaisière, les joues en feu, s’affaire, pour essayer de caser tant de chrétiens, désireux d’un siège. Le curé lui-même, en surplis immaculé, circule à travers le flot grandissant de ses ouailles ; tel un général qui veille à la bonne installation de ses troupes. Son regard, satisfait sous les sourcils blancs en broussaille, erre sur ces nombreux fidèles, chics infiniment, parmi lesquels foisonnent les jolies femmes sous la paille des chapeaux fleuris, le tissu léger des robes d’été qui caressent les dalles luisantes.
Cette messe n’est pas celle des humbles et des petites gens…
Comme de juste, dans cette foule, discrètement bourdonnante, mondaine, parfumée, il se trouve de sincères croyants et croyantes qui pensent pieusement à leur Créateur. Mais il y aussi de fringants clubmen, — jeunes ou mûrs — qui sont là pour la femme dont, à la sortie, ils vont correctement serrer la main, avec un secret frisson de tout l’être !… Il y a des hommes rongés par la fièvre ou le souci de la vie qui, dans cette église, ont apporté des corps sans âme, une pensée fermée aux choses divines, et s’absorbent dans leurs préoccupations quotidiennes, alors que leurs yeux sont arrêtés, indifférents, sur un tabernacle dont le mystère leur est étranger…
Il y a des jeunes que la vie enchante, qui tressaillent d’allégresse, d’envie, de désir, à ses espoirs. Il y a, sous le masque donné par l’éducation à tous ces êtres, des âmes douloureuses, des âmes troublées, des âmes sceptiques, des âmes pécheresses qui adorent leur péché ou le subissent avec passion, honte, colère, remords…
Il y a des heureux — quelques heureux ! — qui crient leur bonheur vers l’Invisible ou en sont enivrés… Il y a des épouses déçues, meurtries ; des mères qui sont des bénies ou des crucifiées…
Mais tous gardent leur secret. Le soleil flamboie dans les vitraux et par la porte, restée ouverte, resplendit la fête de l’été. La clochette tinte pour annoncer le commencement de la messe.
Juste à ce moment, Guillemette fait son entrée ; ce qui calme, à son sujet, les inquiétudes de sa mère, laquelle, avant de s’absorber dans ses prières, lui murmure :
— Tu ne pourras donc jamais être à l’heure ! ma pauvre enfant.
La coupable a l’air d’innocence d’un nouveau-né et marmotte tout bas :
— Mais, maman, la messe commence… Je ne suis pas en retard.
Elle ouvre sagement son livre et se met en devoir de suivre les prières liturgiques.
La pensée de Guillemette est absolument croyante, en dépit des quelques points d’interrogation jetés en son cerveau par les circonstances ou ses seules réflexions, au grand scandale de sa mère à qui, inutilement d’ailleurs, elle a demandé des solutions. Ce que voyant, elle n’a pas insisté, attendant en son intimité, le jour où la grâce du ciel dissiperait les ombres qui l’ont désorientée et dont elle rend responsable son ignorance de la théologie.
Mais tout de même, Mme Seyntis serait saisie d’épouvante, si elle pouvait mesurer combien, très innocemment, dans le secret de son âme, cette petite fille s’est déjà fait une religion à elle…
Des hauteurs de l’orgue, une voix de femme s’élève sonore, trop claire, qui fait lever les têtes vers la tribune où la chanteuse — une jolie femme rondelette, qui a un nom au théâtre — articule mal de pieuses paroles, sur un air d’opéra.
Guillemette a tressailli, distraite par cet intermède musical, qui lui rend impossible tout recueillement et elle envie sa mère et Mademoiselle, abîmées dans la lecture de leur messe. Sans doute, le sérieux oncle René est comme elle. Guillemette regarde instinctivement, vers lui, devant elle. Il ne se contente pas de demeurer bien droit, les bras croisés, ou les mains sur la pomme de sa canne… Non, il a un petit livre, il lit l’office de la messe, très attentif et il n’a pas du tout, pourtant, l’air d’un sacristain ! Son visage brun ainsi au repos a, au contraire, quelque chose d’énergique, de fier, de grave, qui lui donne beaucoup d’allure… C’est très crâne à lui de montrer si franchement ses convictions ; et, contente, elle se prend à murmurer :
— Mon oncle, vous êtes un homme chic !
Cependant l’Évangile vient d’être dit ; alors dans la chaire, apparaît un vicaire juvénile et timide qui semble torturé par l’obligation de parler devant cette foule, la devinant, à l’avance, réfractaire à son éloquence ! Lui, comme ses auditeurs, — hormis quelques âmes pieuses, — se demande pourquoi cette homélie que tous redoutent.
Mais le choix n’étant pas donné, il part résolument en guerre contre les désordres du siècle. D’une voix monotone et éclatante, il déverse le flot de sa rhétorique que Mme Seyntis écoute d’un air de componction, comme si elle avait toute la responsabilité des péchés d’Israël. Mad s’ennuie et Guillemette a pitié du petit vicaire qui, les yeux clos, les mains crispées sur la chaire, fond sur l’ennemi, le pécheur, tonnant : Pénitence ! Pénitence !
C’est par cette véhémente adjuration qu’est accueillie Nicole, trop bien élevée pour désobliger Mme Seyntis en ne paraissant pas à la messe. Debout dans l’allée, sans regarder personne, elle attend que l’orateur ait fini de fulminer, et par son élégance, sa beauté capiteuse, donne des distractions à ceux qui l’entourent. Elle est tout près de René. Il peut respirer son parfum. Il a, sous les yeux, l’ondulation de ses beaux cheveux d’or fauve, l’harmonie de la forme ennuagée de blanc…
Que pense-t-il ?… Une seconde Guillemette se le demande avec irrévérence. Mais ses traits ont une expression si sérieuse, qu’elle est saisie de honte pour sa propre frivolité et reprenant ses prières, elle est exemplaire jusqu’à la fin de la messe, qui s’achève sur une marche triomphante.
Devant l’église, dans le jardin ensoleillé, bourdonnent les propos, les rires, les réflexions sur le petit vicaire, sur la chanteuse, sur le prochain, alertement examiné, jugé, exécuté… La phalange masculine se livre à la contemplation, et Nicole produit une vive impression quand elle apparaît insolemment fraîche, souriante, répondant aux saluts, serrant les mains amies ou indifférentes.
Elle s’arrête auprès de sa mère et de Mme Seyntis qui, elle, ne vient certes pas de mettre sur sa conscience ni médisance ni distraction, et demande à son frère :
— René, rentres-tu avec moi ou descends-tu sur la plage ?
— Je vais sur la plage.
— Alors, tu emmènes Mademoiselle et les enfants.
Parmi les enfants, Mme Seyntis compte Guillemette qui n’en a cure ; car au milieu du brouhaha des conversations, elle a entendu l’oncle René dire à Nicole ces mots qui l’ont étonnée :
— Je ne m’attendais guère à vous voir ici ce matin !
De sa voix musicale, la jeune femme a riposté ironiquement :
— Mon cher ami, je me souviens des enseignements reçus dans ma prime jeunesse : « Malheur à celui par qui vient le scandale. »
Il n’a pas répondu. Peut-être, y avait-il au fond de ses yeux noirs quelque chose qu’elle ne voulait pas y lire… Brusquement, elle s’est détournée et s’est prise à causer avec la jeune baronne de Coriolis qui, entre les cils, considère tendrement son mari.
Guillemette, elle, laissant Mademoiselle et Mad cheminer l’une près de l’autre, se met à marcher auprès de l’oncle René que, sans trop savoir pourquoi, elle n’est pas fâchée de retenir loin de Nicole.
Mme de Miolan avance devant eux, descendant aussi vers la plage. Elle va d’une allure très lente. Hawford l’accompagne. Près d’eux, est également Raymond Seyntis.
Hawford cause, et elle écoute, la tête un peu penchée. Le soleil met des lueurs d’or dans le nœud lourd de ses cheveux. Et spontanément, Guillemette s’exclame :
— Comme Nicole est belle ! N’est-ce pas ? mon oncle. Quand je la regarde, je me demande toujours comment son mari peut se passer d’elle !… Vous, pas ? »
Une sorte de soif l’envahit de savoir ce qu’il pense. Ainsi Ève fut attirée par le fruit défendu.
Elle a levé les yeux vers lui. Il a un visage fermé, presque sévère et dit :
— Je ne me suis jamais adressé pareille question, Guillemette.
— Et vous trouvez, mon oncle, que je dois vous imiter ? glisse-t-elle, rieuse. C’est que vous n’êtes pas curieux. Et moi, je le suis horriblement, quand les gens m’intéressent.
— Et Mme de Miolan vous intéresse ?
— Oh oui ! autant que vous pouvez l’imaginer !
— Pourquoi ?
— Parce qu’elle est vraie, très bonne, triste, plutôt coquette, et pas du tout parfaite !
— Oh ! oh ! ma nièce…
— Quoi ? oncle René… Cela vous scandalise que j’aime mieux Nicole n’étant pas un modèle ?
— Je pense, Guillemette, que ce n’est pas votre mère, sûrement, qui vous a mis de pareilles opinions fausses dans la cervelle.
— Et vous avez bien raison de le penser, oncle. Je vous offre tout bonnement le fruit de ma petite expérience… Je commence à être assez vieille pour pouvoir posséder des opinions personnelles.
Et après une seconde de méditation, elle achève :
— Et penser que Nicole a des parents tellement à l’antique ! Est-ce qu’ils ne vous font pas un peu l’effet de paisibles canards qui auraient couvé un oiseau de paradis ?
Cette fois, René est tout à fait choqué.
— Guillemette, que d’irrévérence !
— Mon oncle, ne vous agitez pas, ce sont des canards que je respecte comme je dois le faire !
Il ne répond pas, mécontent, mais résolu à ne pas jouer auprès de cette petite un rôle ridicule de pédagogue… Il tressaille désagréablement de l’entendre s’exclamer en manière de conclusion :
— Oh ! oncle, comme je voudrais ressembler à Nicole !
— Ne dites pas cela ! Guillemette, fait-il presque impérieusement.
Quelle singulière réponse ! Une impatience secoue Guillemette qui jette, un peu agressive :
— Vous trouvez mieux qu’elle soit unique en notre famille ?
René la regarde, surpris, et de sa manière sérieuse explique :
— Je crains qu’elle ne se rende très malheureuse ! Et c’est pourquoi, ma chère petite fille, je serais désolé de vous voir lui ressembler… Voilà tout !
Guillemette est apaisée. Même, elle éprouve une sorte de sécurité joyeuse dans le sentiment que l’oncle René est soucieux de son bonheur. Quand Nicole sera partie pour Dinard, elle l’aura de nouveau à elle toute seule, comme avant l’arrivée des invités.
C’était bien plus agréable !
Elle est interrompue dans ses réflexions parce qu’ils atteignent la plage où, autour de Nicole et de Mme de Coriolis, s’élaborent des projets de promenade pour l’après-midi.