L'été de Guillemette
III
Ce jeune personnage est certes très loin de partager l’inquiétude de sa mère. Il appartient à l’espèce des nombreux petits hommes qui tiennent à se laisser vivre pour leur plus grand agrément et sont toujours convaincus que leur bonne chance les fera réussir, sans qu’ils aient à se préparer de favorables atouts.
Il s’est donc mis en route d’un cœur tranquille pour le lieu de son épreuve. Mais les événements paraissent avoir altéré cette aimable quiétude, si Guillemette en juge d’après les apparences, alors que, rentrée de ses pérégrinations quotidiennes, elle pénètre dans le petit salon où sa mère brode, devant son métier, très rouge, le visage un peu contracté. André, assis à califourchon sur une chaise, près de la fenêtre, a les yeux braqués sur un livre dont il ne tourne pas les pages.
Elle interroge, pressentant la réponse :
— Eh bien !… Es-tu content ?
Les yeux toujours sur son livre, André grogne, maussade :
— Pas du tout !… Je vais être retoqué…
Il a une mine furieuse de chat battu qui serait comique si le frémissement des lèvres ne trahissait une enfantine envie de pleurer, comme font les petits dans leur détresse. Et c’est là la révélation d’un état d’âme tout à fait anormal chez ce garçon insouciant.
— Mon enfant, pourquoi dis-tu que tu ne réussiras pas… Tu ne peux pas le savoir ! proteste Mme Seyntis dont la voix est tremblante.
Elle pique fiévreusement son aiguille dans sa broderie et fait, sans en avoir conscience, des points irréguliers qui tombent, comme des notes fausses, dans l’harmonie du dessin.
— Il me semble que ta version est presque tout à fait conforme au texte que nous avons acheté.
— Oui, aux contre-sens près ! gémit André, dont l’humeur rappelle le dos d’un porc-épic.
— Et ton devoir français ? questionne encore Guillemette qui, vu la circonstance, ne se laisse pas rebuter par le ton d’André.
— Il est idiot comme le sujet donné !
En effet, la situation, en ces conditions, est mauvaise, et le résultat apparaît probable. Guillemette le regrette surtout pour sa mère, qui a l’air aussi lamentable que si André était en route vers l’échafaud.
— Maman, est-ce que vous avez demandé au professeur d’André si vraiment ses compositions sont mauvaises autant qu’il le dit ?
— Non, je ne pourrai trouver M. Rochet qu’après le dîner. J’irai aussitôt, puisque ton père n’est justement pas à Paris. J’ai une dépêche. Il ne sera de retour de Londres que demain soir.
— Alors, maman, ne vous tourmentez pas à l’avance. Peut-être que M. Rochet va vous tranquilliser…
Guillemette se penche et met un tendre baiser sur le visage désolé de sa mère ; puis, pour la distraire, elle entreprend de lui raconter sa promenade. Mais Mme Seyntis ne peut pas être distraite. Les paroles de sa fille sont, à son oreille, un bourdonnement de mouche joyeuse. Elle est hypnotisée par l’échec probable de son cher rejeton. Elle a cependant fait tout ce qui était en son pouvoir pour attirer sur lui la faveur du ciel. Elle s’est répandue en neuvaines, messes, prières, pour que les clartés de l’Esprit-Saint viennent en aide à sa cervelle juvénile et mal lettrée. Et voici qu’elle semble ne pas du tout devoir être exaucée.
Elle est trop bonne chrétienne pour murmurer. Mais, tout en ombrant de mauve un iris, elle fouille dans sa conscience pour découvrir comment elle a pu indisposer le ciel contre elle. Pourtant, elle a obéi, par pure générosité, aux suggestions de Guillemette et, après maintes réflexions, demandé à Mademoiselle de venir à Houlgate faire travailler Mad et se promener avec Guillemette… Cela, alors qu’elle n’avait, en vérité, nul besoin d’elle et voulait seulement lui rendre service, — à l’intention du succès d’André.
Donc… pourquoi ne va-t-il pas réussir comme tant d’autres ni plus savants ni plus travailleurs ?…
Comme elle rentrait avec lui, qu’elle était allée cueillir à la sortie de l’épreuve, elle a rencontré son digne ami, le curé de sa paroisse, qui habite la maison voisine de l’hôtel Seyntis. Il s’est répandu en phrases réconfortantes pour la mère et le fils, et finalement a invité André, en guise de distraction, à venir, le lendemain, déjeuner chez lui avec quelques-uns de ses vicaires.
André, peu séduit, a sournoisement imprimé à la jupe de sa mère des secousses expressives pour qu’elle refuse. Mais il semble à Mme Seyntis que la protection du ciel descendra mieux sur André s’il a reçu de pieux encouragements ; et elle accepte, avec des mots de reconnaissance qui achèvent d’exaspérer la victime du sort.
Le dîner est plutôt morose. Mme Seyntis est rongée d’impatience. André, fatigué, nerveux et affamé. Mad a tellement versé de larmes sur la malchance de son frère bien-aimé, que ses yeux et son nez ressemblent à des pelotes d’un rose accentué ; mais, tout de même, elle aussi mange avec un triomphant appétit. Quant à Guillemette, elle ne peut échapper au sentiment de justice qui lui fait penser qu’André s’est vraiment acquis tous les droits pour mériter son ajournement. Bien entendu, elle garde pour elle cette malencontreuse conviction.
Dès que le dessert a circulé autour de la table, Mme Seyntis se hâte de mettre un chapeau pour aller recevoir l’arrêt de M. Rochet ; et dans la voiture que lui a fait avancer le concierge, galonné comme un fonctionnaire, elle se laisse emporter vers la paisible rue des Ternes où s’épanouit la science de M. Rochet.
C’est une soirée lourde d’orage. A travers le ciel obscur, courent de fugitives lueurs d’éclairs. Aux branches, les feuilles sont immobiles. Devant les grand’portes et les boutiques mi-closes, de modestes groupes sont assis, soupirant après un peu de fraîcheur ; les hommes fument, la veste enlevée ; les femmes ont des corsages flottants et les mains inactives. Sous la clarté des réverbères, des gamins fouettent leur toupie dans les pieds des passants. De nombreux dîneurs sont attablés aux petites tables qui encombrent les trottoirs ; ils sont humbles, satisfaits et mangent avec entrain des mets très ordinaires.
Tout ce Paris populeux, Mme Seyntis le distingue à peine et n’en a cure ; elle est toute à l’idée que M. Rochet va lui rendre l’espérance ou justifier sa crainte. Et elle escalade rapidement les cinq étages du professeur, bien que cette montée hâtive la rende haletante. Elle s’en aperçoit seulement, tandis qu’elle attend devant la porte close, après un coup de sonnette bien nerveux.
— M. Rochet est chez lui ?
— Oui, Monsieur et Madame sont à table.
Mme Seyntis est si absorbée par sa préoccupation qu’elle répond machinalement.
— Cela ne fait rien ! Je puis très bien lui parler tandis qu’il dîne.
Et derrière la jeune bonne qui n’ose l’arrêter, elle entre dans la salle à manger où le jeune ménage Rochet prend le repas du soir. La lumière, sous le voile de porcelaine de la suspension, flambe gaiement sur les cristaux et l’argent des couverts, sur les bois clairs de la pièce modern style. Madame est en robe de maison de batiste rosée ; près d’elle, est son poupon, très affairé à recueillir des miettes de pain sur la nappe. M. Rochet tient en main le couteau à l’aide duquel il allait trancher dans le rosbif qui saigne devant lui. Au spectacle de cette scène familiale, Mme Seyntis s’arrête, saisie, ses instincts de femme du monde réveillés ; et elle se sent accablée de l’incorrection de sa conduite.
— Monsieur Rochet, je vous fais toutes mes excuses d’avoir ainsi envahi votre salle à manger ! Je n’ai vraiment plus la tête à moi, après toute cette journée d’émotion.
— Je comprends, madame… Mais si vous voulez passer dans le salon, nous causerons mieux de ce qui vous amène.
Mme Seyntis voit le rosbif qui attend et, confuse derechef, elle dit hâtivement :
— Non, monsieur, je vous en prie, continuez votre dîner. Je voulais seulement vous demander votre avis sur la version et le devoir français d’André dont il n’est pas content.
L’évocation de ce fâcheux événement ranime tout l’émoi de Mme Seyntis, qui se désintéresse complètement du rosbif, de la petite Mme Rochet, laquelle en son for intérieur maudit cette visite impromptue, du bébé qui prend une mine très fâchée parce que sa mère l’empêche de culbuter un verre. M. Rochet, lui-même, soupire d’être poursuivi par les examens jusqu’en son home. Mais le moyen de ne pas accueillir bien la mère d’un élève aussi fructueux qu’André Seyntis ! Aussi il s’exécute bravement, abandonne couteau et rosbif, prend le brouillon de la version et commence à lire.
Anxieuse, Mme Seyntis le regarde. Il n’a pas l’air enthousiasmé, loin de là ! Le cœur battant, elle écoute les commentaires, plutôt décourageants, dont il ponctue les phrases. M. Rochet est un homme consciencieux. Ce qu’il juge mauvais, il le dit d’un ton doux et aimable, mais très net. Trompé par le calme apparent de sa visiteuse, il lui dévoile tous les méfaits littéraires commis par André, sans soupçonner que le cœur de la pauvre mère se gonfle de chagrin, quoiqu’elle fasse bonne contenance, disciplinée par l’éducation mondaine.
— Alors, monsieur Rochet, vous pensez qu’André ne sera pas reçu ?
— Madame, je le crains fort.
Il y a une seconde de silence ; Mme Seyntis lutte contre son émotion, contemplant, sans le voir, le rosbif de plus en plus froid. La jeune Mme Rochet devine son chagrin et la plaint ; mais, puisque le mal est fait, souhaite qu’elle s’en aille pour que le dîner s’achève… M. Rochet, lui, repris par l’engrenage, réfléchit aux sottises écrites par son élève. Quant au bébé, il lance triomphalement sa cuiller dans l’assiette de sa mère. Tous tressautent, et Mme Seyntis, rappelée à elle-même, se lève aussitôt, avec des mots d’excuses, dont sa pensée est absente.
Maintenant, elle a hâte d’être seule, tant elle sent ses paupières chargées de larmes qu’elle craint de ne pouvoir longtemps retenir. Et sa dignité lui interdit de se trahir. Elle remercie M. Rochet de sa consultation, serre machinalement la main de la jeune femme, caresse d’un geste distrait la tête ronde du bébé… Puis la porte retombée derrière elle, enfin ! elle se trouve seule dans l’escalier où luit la flamme crue d’un bec Auer. Par la fenêtre entr’ouverte sur la nuit, on entend des rires qui viennent de la cour et le heurt des assiettes que range une ménagère invisible.
Cette fois, les larmes jaillissent des yeux de Mme Seyntis et elle, — le decorum fait femme ! — elle s’assoit, au hasard, sur une marche et pleure, pleure, pleure… autant que si une irréparable catastrophe s’était abattue sur elle.
Pour la rappeler à elle-même, il faut, en bas, dans le vestibule, le bruit de la porte d’entrée qui se ferme. Quelqu’un monte.
Vite, elle se dresse, tamponne son mouchoir sur ses yeux, et se met en devoir de descendre. Un monsieur la croise, et, sous la lumière, voit la trace des larmes sur le visage altéré. Il salue avec respect, se disant que cette dame si affligée vient, sans doute, d’apprendre quelque douloureuse nouvelle, et il lui offre l’hommage de sa compassion silencieuse.
Elle ne le soupçonne guère et remonte en voiture, accablée par toutes les conséquences de cet examen manqué… Irritation de son mari qui fut jadis un brillant élève, ignorant des échecs… Mauvaise humeur d’André, contraint de travailler pendant les vacances. D’où, tiraillements, scènes, séjour d’Houlgate troublé, alors qu’elle souhaitait tant jouir du retour de son frère !… Ah ! qu’a-t-elle fait pour mériter une telle épreuve ?
Et son regard interroge le ciel sombre, toujours strié de lointains éclairs. Mais une averse a mis un peu de fraîcheur dans l’air. Un souffle tiède erre sur les feuilles. La nuit devient charmeuse. Des couples flânent paresseusement ; et, dans l’ombre, les mains se cherchent, les lèvres se rapprochent…
Sur le balcon, dressé haut vers le plein ciel, le jeune ménage Rochet veut jouir de la douceur du soir. Mais Monsieur reste assombri des fâcheuses révélations apportées par Mme Seyntis ; et sa petite femme est dépitée devoir que, par sa seule présence, elle ne le distrait pas de ses réflexions. Pour le ramener à de meilleurs sentiments, elle appuie la tête contre son épaule.
— Ah ! Paul, je t’en prie, ne t’inquiète plus de ce garçon et occupe-toi de moi qui ne t’ai pas vu de la journée !
Monsieur sourit et se penche très volontiers sur le visage levé vers le sien… Alors, bien vite, et sans peine, il oublie André, ses contre-sens, son piteux devoir français, et trouve exquis de murmurer de tendres et douces folies à la charmante jeune dame que la loi et l’Église lui ont donnée pour compagne.
Au bout d’un instant, certaine de sa victoire, c’est elle qui reprend d’un ton de confidence :
— Il est plutôt stupide, ton André, n’est-ce pas ?
— Mais non ! mais non ! fait-il, paternel. C’est un gentil petit cancre. C’est rare même qu’il me fasse un devoir aussi idiot que celui-ci ! Aussi, c’est… embêtant tout de même qu’il rate cet examen !
Gamine, elle répète drôlement :
— Embêtant pour lui ?
— Et pour moi !… Les parents sont des êtres bâtis de telle sorte qu’ils nous rendent invariablement responsables des insuccès de leur progéniture.
Madame mordille sa lèvre, et, d’un ton raisonnable, approuve :
— Ça, c’est vrai !… Enfin, tant pis, puisque nous n’y pouvons rien… Et penser que notre Jacques nous donnera peut-être, un jour, des émotions comme celles de la pauvre Mme Seyntis ! Il est vrai que, sûrement, ce sera un bûcheur comme son papa !
Et elle a un regard caressant vers son seigneur et maître. Ce regard glisse ensuite vers la chambre, riante en ses tentures de voiles de Gênes, où le poupon sommeille sous le tulle de ses rideaux, près du grand lit conjugal, préparé pour la nuit.
M. et Mme Rochet, rapprochés sur leur balcon, oublient, cette fois, tout à fait André et son bachot.
Cependant, Mme Seyntis, lamentable, roule vers sa somptueuse demeure… La voiture s’arrête. La mort dans l’âme, elle rentre dans le petit salon où Guillemette fait vaguement du filet, — c’est la mode, — gagnée par l’agitation d’André qui se meut, tel un écureuil dans une cage, l’air si bourru, que Mad n’ose plus lui faire part de sa tendre sympathie.
Tous trois ont la même interrogation :
— Eh bien ? mère.
— Ah ! mon pauvre enfant, tu avais raison : ta version est pleine de contre-sens, et ton devoir français est un des plus mauvais que tu aies faits !
Tableau ! André est furieux contre les examens, les professeurs, les travaux supplémentaires qu’il entrevoit… — pas contre lui-même. Mme Seyntis est très émue. Mad repleure. Guillemette pense que les garçons semblent avoir été créés pour jeter la perturbation dans les familles.
Ils sont pénibles, les jours qui suivent, en attendant que le jury ait définitivement décidé du sort d’André. M. Seyntis, retour d’Angleterre, a fulminé contre son héritier, justement responsable de la catastrophe. Sans grand espoir d’un miracle, Mme Seyntis a pieusement redoublé ses invocations aux saints, protecteurs des examens. André est allé déjeuner avec les vicaires de sa paroisse ; et il a été gratifié de si paternels encouragements qu’il est tout prêt à croire que, par pure malice, M. Rochet lui a découvert des contre-sens. M. le curé lui-même, — à qui depuis sa tendre enfance sa mère l’envoie déverser les secrets de sa jeune conscience, — n’a pas semblé, du tout, considérer la partie comme perdue.
Tout de même, il voudrait bien avoir la certitude que la bonne chance l’a favorisé, si peu qu’il l’ait aidée. Or, cette douce espérance, un entretien avec M. Rochet la lui enlève et son dernier mot, alors qu’il part chercher son arrêt, est celui-ci :
— Vous savez, maman, ne vous attendez à rien de bon ! Je suis fichu !
Mme Seyntis en a terriblement peur. Aussi, c’est avec une vraie fièvre que, ce matin-là, elle donne ses ordres et remplit, avec son habituelle conscience, ses devoirs quotidiens de maîtresse de maison. A toute minute, ses yeux vont à la pendule… André arrive… Il va savoir… Et elle aussi saura… Maintenant, il est inutile d’invoquer les puissances célestes !
Une sonnerie au téléphone. Sûrement, c’est la nouvelle ! Elle est toute blanche et sent, en tout son être, que les examens sont un supplice pour les mères. Elle se répète, dans une crainte nerveuse de la déception :
— Il est refusé ! Certainement, il est refusé !
Et elle reste immobile devant son téléphone, ayant une peur lâche, aussi bien d’entendre que d’interroger…
Pourtant, à quoi bon hésiter davantage ? Il faut bien accepter les épreuves, les supporter…
— Allo !… Allo !…
Quelqu’un parle dans le téléphone. Instinctivement, elle écoute. Mais elle est si troublée que les mots lui arrivent vides de sens, en un bruit confus. Elle demande :
— Parlez plus nettement ! Je ne comprends pas !
— Reçu ! Il est reçu ! articule la voix de M. Seyntis.
Une bouffée de joie monte, étourdissante, au cerveau de Mme Seyntis.
Elle répète, n’osant croire qu’elle ne se trompe pas :
— Il est reçu ?… Vous dites qu’il est reçu ?
— Oui, reçu ! fait encore la voix lointaine de M. Seyntis. Je ne sais par quel miracle. Mais l’évidence est là !… Notre gamin passe en ce moment l’oral. Je retourne l’entendre. J’espère que la chance sera pour lui jusqu’au bout !
Mme Seyntis ne demande pas autre chose. Ah ! oui, André reçu avec les devoirs dont il est coupable, c’est un miracle ! Elle en est si convaincue qu’elle n’a plus une seconde d’inquiétude sur le résultat définitif. Ses ferventes prières ont été exaucées ; et comme le lui avait prédit Guillemette, il lui a porté bonheur d’avoir rendu service à Mademoiselle.
Ah ! la joyeuse matinée, après ces trois jours d’angoisse. Mme Seyntis se sent la légèreté d’un papillon ; et son âme pieuse se répand en actions de grâces. Vite, elle fait prévenir M. le curé.
A midi, André arrive en coup de vent :
— Je suis reçu ! reçu !… J’ai dit des inepties en allemand et dans le cours du Rhône !… Mais ça n’a rien fait !
Il exulte et, dans la sincérité de son âme, trouve sa réussite toute naturelle. Comme lui pense Mad qui témoigne son allégresse par une danse de sauvage.
— Mère, je suis un peu en retard. J’ai voulu annoncer à M. le curé le bon résultat qu’il m’avait prédit.
— Tu as bien fait… Je lui avais déjà envoyé un mot…
Nouveau coup de timbre. C’est M. Seyntis. Lui aussi est satisfait, quoique fort surpris de cette conclusion inespérée ; et, tout en posant sur la table son chapeau et ses journaux, il explique gaiement à sa femme :
— Quelle diable d’idée avait eue Rochet de nous tourmenter ainsi ? M. le curé avait été un plus aimable prophète, j’ai passé chez lui pour le lui faire savoir…
Décidément, M. le curé n’ignorera pas qu’André Seyntis a été reçu à son bachot par un heureux coup du sort dont le pourquoi demeurera un mystère.