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Le Maître du Navire

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CHAPITRE XVII
Le cri de la vigie.

« Les Espagnols et Quiros lui-même coururent de grands dangers sur cette terre qui fut nommée par le pilote Gente Hermosa (la belle nation), mais que les indications trop vagues de sa relation ne désignent pas assez pour que nous lui assignions son nom moderne. »

Voyages de Quiros, 1606.

Le matin qui suivit cette nuit, où les principaux héros de cette histoire se sont montrés sujets à des insomnies qui — au moins pour l’un d’eux — influèrent notablement sur le cours de leur destinée, ce matin-là, Leminhac, fort dispos, car il n’avait pas souffert du même malaise, se précipita au-devant de Marie Erikow, dès que celle-ci apparut sur le pont.

— La terre, cria-t-il, en agitant sa casquette.

Van den Brooks entouré d’Helven, du professeur et du capitaine Halifax-le-Borgne, dirigeait sa lorgnette sur un point de l’horizon.

— Est-ce l’île ? demanda Marie.

— C’est l’île, répondit le maître du navire, mon île.

— Oh ! je veux voir… implora la Russe.

Elle prit la lunette, mais jura qu’elle ne distinguait rien.

— Patience, dit Van den Brooks. Vous aurez le temps de la voir dans tous ses détails, et, à vrai dire, elle ne manque pas de singularités.

— Votre navire, dit Marie, devrait s’appeler Silence et votre île, Mystère ; vous-même, n’êtes qu’un gigantesque point d’interrogation. Je vous déteste.

Dans l’excitation de la nouvelle aventure, dans l’attente de cette escale qui s’annonçait si étrangement, Marie oubliait tous les événements de la veille. Helven qui, tout en se rasant consciencieusement, avait rassemblé ses souvenirs de l’Ecclésiaste, des Pères de l’Église, des poètes antiques et modernes, des moralistes, de tous ceux enfin qui ont stigmatisé la fragilité féminine, thème éternel des littératures, Helven, qui s’était fait une âme à l’épreuve de toutes les circonstances, ne se souciait pas de rappeler une mésaventure désagréable pour lui, mais fort peu flatteuse pour elle.

Captain Joë batifolait allégrement sur l’épaule droite du marchand de cotonnades, tandis que Jack-le-Triste, l’ara gris et rouge (qui m’excusera de ne lui avoir fait jouer dans cette histoire qu’un rôle de second plan… ce n’est d’ailleurs que partie remise) élisait la gauche pour perchoir. L’avisé conseiller de Van den Brooks avait dû faire son rapport, car le maître du navire émit une étrange proposition.

— Les bains nocturnes, dit-il, — et les passagers se regardèrent avec stupéfaction — les bains nocturnes ne valent rien pour la voix.

— ? ??

— Oui, ajouta-t-il, un de mes matelots dont les qualités de chanteur ne vous étaient pas inconnues — vous souvenez-vous, Madame ? — a commis l’imprudence de trop rêver aux étoiles et l’imprudence plus grave encore de tenter un plongeon dans cette eau perfide, mais si attirante, la nuit. Le pauvre, je l’excuse, c’était un poète. Quelle ivresse de brasser ces vagues phosphorescentes qui sont à la fois de l’or, de l’eau et du feu ; quelle ivresse de faire le Triton éclaboussé de pierreries, sous le tendre regard d’Hécate. Hélas ! j’ai bien peur qu’il ne chante plus.

— Lopez ? dit Helven.

— Lopez lui-même. Je lui avais prédit que sa voix lui porterait malheur. Je voulais dire par là qu’il avait trop d’imagination.

— Il y a eu un accident à bord ? demanda le professeur avec sollicitude.

— A bord, hum… par-dessus bord, plutôt, commenta Van den Brooks. Mais tout cela n’a aucune importance. Ce sont des détails d’ordre intérieur.

Marie n’avait pas bronché. Aucun trait de son visage ne décelait l’angoisse qui l’étreignait.

— Oh ! fit Van den Brooks, sentez-vous l’odeur — l’odeur de mon île ?

Le professeur renifla, l’avocat enfla ses narines.

— Je ne sens rien, affirmèrent-ils ensemble.

Mais Van den Brooks aspirait avec volupté un parfum trop subtil pour les narines vulgaires.

— Ce sont mes forêts, murmura-t-il dans une sorte d’extase, mes forêts de bois de rose, de santal et d’orangers ; mes collines que bleuit le myrte à thé, où fleurissent les champs d’arum ; mes plaines couvertes de moissons, où l’on cueille l’enivrant kava ; mes rivières ombragées qui roulent des paillettes d’or, mes cascades, mes pâturages, mes haies de mûriers, tout ce parfum de la terre promise, de la terre de mon peuple, de mon royaume enfin, qui est le royaume de Dieu.

— Je ne sens toujours rien, chuchota l’avocat, agacé par ce lyrisme, à l’oreille d’Helven.

— Oh ! fit celui-ci, je flaire aussi le parfum de votre île, monsieur Van den Brooks. Il embaume délicieusement.

— Et moi aussi, dit Marie Erikow…

— Voici la terre, prononça le maître du navire avec une étrange solennité.

Ce ne fut d’abord qu’un point imperceptible, puis dans le cercle de la lunette apparurent peu à peu une bande sombre qui était les forêts, des points lumineux qui étaient les brisants ruisselants d’écume.

— Vous ne pouvez voir les cimes, dit Van den Brooks. Elles sont cachées par les nuages. Mais il y a des montagnes au cœur de mon île et vers elles montent lentement les plaines et les forêts, comme un cortège de suppliants vers l’autel. Elles vomissent parfois le feu et la terreur, car l’Esprit réside sur les sommets.

— Cette île est donc habitée par un Dieu, demanda ironiquement Leminhac.

— Vous l’avez dit, répondit le marchand avec gravité.

L’avocat, à qui Helven poussait le coude, n’insista pas, pour ne point blesser des convictions religieuses aussi personnelles que celles de M. Van den Brooks, lequel paraissait d’ailleurs en ce moment fort peu enclin à la plaisanterie.

— Oui, dit le maître du navire, bien avant de voir mon île, je sens son odeur. Je la flaire de loin, comme un fauve.

Et fauve il paraissait vraiment avec sa barbe où le soleil allumait des lueurs.

Il continua :

— Les anciens navigateurs découvrirent, grâce à leur odorat, des îles inconnues. Bougainville n’écrit-il pas — c’est un poète —  : « Longtemps avant l’aurore, une odeur délicieuse nous avait annoncé le voisinage de cette terre. » Byron et ses compagnons décimés par le scorbut respirent, sans pouvoir aborder leurs rivages, l’aromatique parfum des îles qu’ils nomment amèrement les Iles de la Déception. Et moi-même, c’est l’émanation de ma terre qui m’a guidé vers elle.


A mesure que le Cormoran, dont la vive allure n’avait jamais diminué, se rapprochait de l’île, les passagers pouvaient distinguer sur l’horizon le profil de ce mystérieux domaine.

Il semblait de vastes dimensions. Vue à une distance de quelques milles, l’île apparaissait de contours assez harmonieusement arrondis.

— Elle a la forme d’une harpe, dit Marie Erikow.

Au centre, émergeait, dominant des vallonnements sombres et comme une mer de feuillages, une cime noirâtre, d’aspect sinistre. Un panache — nuages ou cendres — la couronnait.

— C’est en effet, dit le professeur, une île volcanique et M. Van den Brooks a raison de croire qu’elle se rattache à l’archipel océanien.

— Découverte, articula lentement le marchand de cotonnades, je l’ai découverte. Sentez-vous la force de ce mot, comprenez-vous tout ce qu’il représente ? Je sais maintenant de quelle formidable ivresse dut défaillir l’âme de Magellan, lorsque sa caravelle fendit les eaux vierges du Pacifique. Dans ce vieil univers pourri, où grouillent toutes les vermines de la corruption, où tout est souillé, où tout est flétri, où les sèves sont anémiées, où le printemps est sans vigueur, où tout, même les arbres, même l’humus nourricier, s’épuise de décrépitude et de sénilité, retrouver l’Éden luxuriant et le jeune visage de la vie ! Sentez-vous cela ? Le sentez-vous ?

— Je comprends, dit Helven, ému malgré lui par cet homme qui semblait à la fois un prodigieux acteur et un prophète inspiré (les deux d’ailleurs se concilient).

— Je comprends aussi, dit Marie Erikow que l’attitude d’Helven inquiétait.

— Mais, demanda Tramier, comment l’avez-vous découverte ?

— Ce ne fut pas seulement le hasard. Je la cherchais. Je savais qu’il devait y avoir dans quelque coin du globe une terre à moi réservée. J’ai toujours cru à ma mission et à mon étoile. Ma mission était de découvrir mon peuple, d’instaurer mon règne : je ne lui ai point failli.

« Je montais alors un sloop : le Swallow, l’Hirondelle, si vous voulez. Un bon bâtiment pour ces parages. Je n’avais pas encore le Cormoran. Si je trafiquais d’ambre gris, de corail rose, d’épices ou de toute autre marchandise, que vous importe ! Acheter ou vendre, qu’est-ce que cela ? Voler ou prêcher, flibustier ou missionnaire, baptiser ou empaler : qu’est-ce que cela ? Il n’y a que la mission qui compte.

« Je savais qu’il y avait dans cette région du Grand Océan des îles — une tout au moins — que les navigateurs les plus illustres n’avaient pas reconnues. J’ai lu tous leurs récits, étudié tous leurs mémoires, toutes leurs cartes. Et dans cette étude solitaire, sous la lampe vacillante accrochée au plafond de ma cabine, je revivais les minutes glorieuses que connurent ces Puissants. Ainsi mon imagination enfiévrée m’a fait suivre Schouten qui découvrit Honden ou l’île des Chiens, car il y a là des chiens qui n’aboient pas ; Quiros, lorsqu’il fonda Jérusalem-la-Neuve ; Rooggewen qui aperçoit dans la clarté de l’aube une île qu’il nomme Aurore et le même jour, au crépuscule, une autre île qu’il nomme Vêpre ; Dampier qui frémit devant l’Ile Brûlante d’où sort un mugissement pareil au bruit du tonnerre, et tant d’autres, capitaines de navire, boucaniers, flibustiers, savants, tous partis à la conquête du monde. Et les lions marins escortent leurs galères ; des sauvages noirs ou cuivrés s’empressent autour d’eux, leur offrant des présents inconnus, grimaçant de leurs faces peintes.

« J’enviais les conquistadors. Mais une amertume me venait à lire le récit de tant d’exploits. Qu’avaient-ils fait de leurs conquêtes ? Docilement livré à la cupidité mesquine, à la brutalité aveugle de leurs rois, de leurs empereurs qui, à leur tour, cédèrent les forêts embaumées, les récifs de coraux et les filles sauvages de ces îles, vêtues d’étoffes plus douces que la soie, à d’immondes commis, à de fétides trafiquants. Issue misérable de tant d’épopées.

« Une voix m’appela ; une étoile me conduisit.

« Je peux dire qu’à cette époque, j’étais déjà rassasié des joies humaines, ayant pris de fort bonne heure ma place au banquet et dévoré plus que ma part à belles dents. Pourtant, ce ne fut pas sans une étrange ivresse que je reconnus le Présage.

« Car il y eut un Présage.

« Nous naviguions depuis deux semaines. Mon équipage — il comprenait quelques-uns de ceux qui sont ici — était épuisé de fatigue. Le scorbut minait la plupart d’entre nous. Nous soupirions vers la fraîcheur des aiguades, les plages de sable blanc qu’ombragent les cocotiers et les bords obscurs des rivières. Mais rien. Parfois d’aromatiques bouffées nous faisaient espérer l’approche d’une terre fertile. Hélas, ce n’était que déception.

« Un matin, comme le soleil se levait, je faisais ma ronde habituelle et je me rendais auprès de l’homme de quart pour voir si le coquin ne s’était pas endormi à son poste, lorsqu’un choc me renversa. En même temps, j’entendis un grand bruit à l’avant. Je me relevai en hâte. Le pilote me faisait des signes. J’accourus et que vis-je à l’avant du navire ? La mer toute rouge de sang. Oui, du sang, de larges plaques d’écume rose, sur l’eau calme qu’empourpraient encore les feux d’une aube inespérée.

« Je vis là un présage et je ne me trompai point, car le soir, nous découvrîmes, sous l’orbe crépusculaire du soleil, la terre fumante et vierge de mon île.

« Lorsque je mis au radoub mon sloop le Swallow, je pus m’expliquer la cause de ce prodige que les anciens eussent enregistré dans leurs annales. On vit, à l’avant, à sept pieds sous l’eau, une corne fort enfoncée, à peu près de la figure et de l’épaisseur d’une dent d’éléphant. C’était sans doute un monstre marin qui avait donné dans le bordage. Mais les faits les plus simples décèlent parfois la force occulte du Destin.

— Et, insista le professeur, êtes-vous bien sûr que d’autres Européens n’aient pas mis le pied sur ce sol ?

— Sûr, dit Van den Brooks, du moins en ce qui concerne les navigateurs connus. En tout cas, mon île n’est portée encore sur aucune carte.

— Quelle belle communication à faire à la Société de géographie ! s’extasia Tramier.


A ce moment, le gong résonna et la salle à manger du Cormoran réunit les passagers autour de Van den Brooks.

— Notre dernier repas avant l’escale, dit ce dernier ; nous débarquerons avant que la nuit soit tombée.

Le champagne coula en l’honneur de la Nouvelle Terre et Marie Erikow en but un grand nombre de coupes, accompagnées d’amandes grillées mélangées de gros sel.


Le sort de Lopez l’intriguait, l’angoissait même. Inconsciemment, elle avait voué le beau et infortuné matelot au sort de Buridan, et maintenant, elle craignait que ce vœu n’eût été soudainement réalisé. Les paroles ambiguës de Van den Brooks avaient jeté le trouble dans son âme. Cependant, elle n’osait interroger personne.

Le déjeuner fini, elle se retira sous prétexte de boucler ses malles et gagna la cabine du capitaine Halifax. Elle frappa.

— Entrez, répondit une voix enrouée.

Apercevant la Russe, Halifax-le-Borgne bondit du lit étroit où il était étendu, en bras de chemise et secouant sur sa paume une pipe refroidie. Il mâchonnait des excuses et semblait confus d’être surpris en si familier accoutrement par la passagère, l’unique passagère.

— Ne vous excusez pas, capitaine, dit la Russe. Vous êtes chez vous, restez à votre aise.

La cabine sentait la saumure et le tabac. Halifax — méticuleusement propre d’ailleurs — n’aimait que ces frustes parfums.

— Et que puis-je pour vous, Madame ?

— Un simple renseignement. Un potin du bord, si vous préférez. Voilà. Il paraît qu’il y a eu un accident cette nuit. M. Van den Brooks n’en dit pas long à ce sujet et je suis inquiète, inquiète… Je ne sais même pas quelle est la victime. Mais la pensée qu’il y a quelqu’un de souffrant à bord m’est insupportable. Je voudrais tant faire quelque chose. Les soins d’une femme peuvent être précieux. Et un secours d’argent, peut-être ?

Halifax, caressant sa pipe sur ses narines, écoutait sans mot dire. Je ne puis dire qu’il souriait, car le Borgne n’avait souri que deux fois dans sa vie : le jour où il avait porté sa femme en terre et le jour où Van den Brooks lui confia le commandement du yacht. Il n’avait d’ailleurs dans sa longue carrière pleuré qu’une seule fois, et ce fut le jour de son baptême.

— Ne soyez pas aussi mystérieux que M. Van den Brooks, parlez, capitaine. Je tiens à soulager ce malheureux…

— Le malheureux en question, Madame, s’il souffre actuellement c’est de maux que vous ne pourriez soulager, malgré tant de bonne volonté. Et je crois volontiers qu’il est en train de rôtir sur la broche du diable, parlant par respect.

Et Halifax, qui était un mécréant superstitieux, esquissa un vague signe de croix.

La Russe l’imita, se signant avec le pouce, à la manière orthodoxe.

— Mort, murmura-t-elle. Comment s’appelait-il ?

— Lopez, Madame, l’homme qui chantait.

— Et comment l’accident est-il arrivé ?

— Entre nous, Madame, il ne s’agit pas d’un accident, mais d’un crime, bel et bien. Lopez avait à bord un ennemi mortel et il ne fait pas bon — croyez-en ma vieille expérience — avoir à ses trousses un gars dans le genre de Tommy Hogshead, dont l’âme est bien plus noire que la peau. Je ne reproche rien à M. Van den Brooks, qui sait ce qu’il fait mieux que nous : mais je pense que le chat à neuf queues a mal servi l’Espagnol, le jour où fut fouetté Tommy. Déjà, les deux gaillards s’étaient battus — pour une histoire de rhum — et le nègre, aussi fort qu’il soit, n’avait pas eu le dessus. Lopez était un boxeur remarquable et il était capable de couper le sifflet à une bonne douzaine de sacripants. C’est pourquoi le Muid l’a pris traîtreusement et l’a balancé par-dessus bord. Telle est du moins ma supposition.

— Mais que va-t-on faire du meurtrier ? Il sera pendu, je pense bien.

— Bah ! Pas de preuves. Tout ce que je vous dis là, c’est mon idée. Mais je n’ai pas assisté à la scène. Je mettrais ma main au feu que tout s’est passé comme je vous le représente, mais je n’ai pas un témoin à citer, pas un fait à invoquer. Le nègre voulait se venger. Il s’est vengé. Que faisait Lopez à cette heure sur le pont, au lieu de dormir comme ses camarades ? Cela, c’est une affaire entre les étoiles, la mer, Tommy Hogshead et le défunt. Pour moi, mystère.

La Russe se sentit gênée, bien qu’Halifax fixât attentivement le cadran d’une montre accrochée au mur.

— Et qu’en pense M. Van den Brooks ?

— Ce que pense M. Van den Brooks, il le garde généralement pour lui, Madame. En tout cas, il ne paraît point attacher d’importance à l’incident, comme il dit. Lopez a eu l’imprudence de se baigner au clair de lune. Tant pis pour lui. Telle est son oraison funèbre et l’opinion de notre maître qui est celle de ses serviteurs…

Marie se leva et remercia le capitaine. Rentrée dans sa cabine, elle mit sa tête dans ses mains et se prit à songer…

Bientôt retentirent des coups de sifflet, des bruits de chaînes et de palans. Le Cormoran ralentissait sa course. Tout l’équipage était à son poste de manœuvre. On jetait l’ancre.

Marie baigna ses yeux et monta sur le pont. Le navire était amarré dans une crique, entre de hautes et verdoyantes collines. Une plage de sable très blanc s’inclinait doucement vers la mer…

L’Ile, c’était l’Ile.

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