Le Maître du Navire
ÉPILOGUE
Les quatre voyageurs prirent place dans un canot et Halifax, qui les accompagnait, leur montra dans le brouillard un rivage où luisaient quelques maisons peintes à la chaux.
— Voici, dit-il, un poste européen : des Portugais, je crois. Vous trouverez là une hospitalité suffisante et tous les renseignements nécessaires pour votre route.
Le canot aborda au pied de rochers que longeait un banc de sable. Halifax descendit à terre ; puis, clignant de son œil unique, comme s’il s’agissait d’une excellente plaisanterie :
— Bon voyage ! cria-t-il à ses anciens passagers.
Et il sauta dans la barque, qui s’éloigna à force de rames.
Inquiets, Helven et Leminhac prirent les devants et s’en furent frapper à une des maisons. L’aspect crasseux et débonnaire d’un douanier portugais les rassura. Ils n’osèrent s’enquérir du lieu où ils étaient, craignant de passer pour fous, mais ils réclamèrent un abri.
Marie Erikow était restée en arrière, au bras du professeur. Tous deux demeuraient silencieux. Soudain, la jeune femme lâcha le bras de Tramier et, à toutes jambes, courut le long du rivage. Elle agitait désespérément son écharpe, comme pour appeler le canot, déjà à demi happé par la brume. Tramier, qui à la vérité était un peu sourd, crut entendre un cri et courut derrière elle. Mais Leminhac, de loin, avait aperçu la fugitive ; il fut plus prompt.
Dans un accès de désespoir qui paraissait atroce, la Russe s’était jetée sur le sable. L’avocat s’approcha d’elle, souleva doucement le visage où roulaient de grosses larmes.
— Qu’est-ce donc ? murmura-t-il. Le regretteriez-vous ?
— Oh ! gémit Marie Erikow, entre deux sanglots, j’ai perdu mon émeraude.
Et elle ajouta, tout bas, déjà consolée, souriante :
— Mais vous êtes bon, vous, je le savais…
Le Cormoran avait disparu.