Lettres sur l'histoire de France
LETTRE XXI
Fin de l’histoire de la commune de Reims.
En l’année 1232, durant la minorité de Louis IX, le corps des bourgeois de Beauvais s’assembla, selon la coutume de la ville, dans la halle ou salle de la commune, pour procéder à l’élection annuelle des magistrats municipaux. La nomination des treize pairs eut lieu sans aucun trouble ; mais lorsqu’il s’agit de désigner le maire[427], les opinions furent partagées, et une grande dispute s’éleva, à ce sujet, entre la classe des riches marchands, qu’on appelait changeurs[428], et celle des gens de métier. Ces divisions intestines étaient toujours funestes aux communes, parce qu’elles fournissaient aux puissances du temps un prétexte pour s’immiscer dans leurs affaires et envahir leurs droits politiques. D’un côté, l’évêque de Beauvais prétendait que c’était à lui de nommer le maire, sur la présentation de deux candidats ; de l’autre, le conseil de régence, qui gouvernait au nom du roi, élevait déjà, contre les libertés des villes, les prétentions absolues qui, plus tard, se sont réalisées.
[427] Voyez plus haut, p. 253, note 2. — Tresdecim pares in communia eligentur, de quibus si pares et illi qui communiam juraverunt consilium dederint, unus major fiet, vel duo. (Charte de confirmation de la commune de Beauvais donnée par Philippe-Auguste en 1182. L’Oisel, Mémoires de Beauvais, éd. de 1617, titres justificatifs, p. 282 à 284.)
[428] Ce mot s’appliquait proprement aux marchands qui faisaient la banque, mais il était souvent pris dans une acception plus étendue, et servait à désigner ce que nous appelons le haut commerce. Dans presque toutes les anciennes villes, la principale rue se nommait le Change.
Le roi, ou ceux qui gouvernaient en son nom, créèrent de leur chef un maire et envoyèrent à Beauvais, pour remplir cet office, un nommé Robert de Moret, étranger à la ville, ce qui était contraire aux usages de toutes les communes. Néanmoins la haute bourgeoisie, entraînée par l’esprit de parti, accepta sans répugnance l’élu du roi ; mais il n’en fut pas de même des bourgeois de la classe inférieure : ceux-ci protestèrent, en disant que cette intrusion d’un homme né hors de la ville était une violation du droit de commune ; et, après avoir souffert quelque temps Robert de Moret, ils s’insurgèrent pour faire élire un autre maire. Les pairs et en général les principaux de la ville résistèrent aux demandes des séditieux ; mais leur opposition ne servit qu’à augmenter l’effervescence populaire. La révolte éclata contre toutes les autorités communales : le maire et les autres magistrats, chassés de leur salle de conseil, furent contraints de se réfugier dans la maison d’un armurier, où le peuple les assiégea, et dont il les contraignit de sortir en mettant le feu à la maison voisine. Les insurgés se saisirent de Robert de Moret et lui déchirèrent sur le dos la longue robe fourrée d’hermine qui était l’insigne de son office. Ils le promenèrent en cet état à travers les rues, le maltraitant et lui criant : Voilà que nous te faisons maire[429].
[429] Histoire de Beauvais, par Levasseur, t. II, p. 366 et suiv.
Le parti contraire à l’insurrection envoya aussitôt avertir le conseil du roi de ce qui s’était passé, et en même temps le bailli de l’évêché dépêcha un exprès à l’évêque Milon de Nanteuil, qui était absent. A son arrivée, les révoltés, loin de rien faire contre sa personne, lui témoignèrent beaucoup de respect, et, pour le gagner à leur cause, ils dirent qu’ils avaient soutenu son droit en même temps que le droit de la commune. Quatre-vingts des plus compromis vinrent le requérir de les prendre sous sa sauvegarde ; mais l’évêque, attentif par-dessus tout à faire valoir ses priviléges comme seigneur haut justicier, leur signifia qu’ils eussent à se remettre entre les mains de ses officiaux pour répondre sur leur conduite. Ils se retirèrent fort mécontents et faisant grand bruit. Mais, malgré leur victoire apparente, ils ne réussirent à rien, parce qu’ils ne pouvaient procéder à aucune élection régulière. Le parti de la haute bourgeoisie commença même à reprendre le dessus, et plusieurs des complices de l’émeute furent arrêtés et renfermés dans les prisons de l’évêque. Celui-ci, en attendant l’arrivée du jeune roi, qui s’avançait avec un corps de troupes, tâchait de profiter des circonstances pour jouer le rôle d’arbitre dans la dispute des bourgeois ; et dès que le roi fut entré dans la ville, après l’avoir salué : « Très-redouté sire, lui dit-il, je vous demande conseil, comme à mon seigneur, sur ce qu’il me convient de faire en cette fâcheuse occurrence. » Le roi dit qu’il prenait sur lui le soin de faire prompte et bonne justice. « Mais, très-cher sire, reprit l’évêque, c’est moi qui ai dans la ville toute justice haute, moyenne et basse ; » et, comme le roi ne répondait rien, il répéta jusqu’à trois fois la même remontrance[430].
[430] Histoire de Beauvais, par Levasseur, t. II, p. 306.
Le lendemain, le roi se rendit à la halle, où les pairs étaient réunis en conseil, et il dit au peuple assemblé qu’il voulait connaître de l’affaire. Les magistrats municipaux, moins hardis que l’évêque, n’objectèrent rien relativement à leur droit de juridiction, et aussitôt les parents de ceux qui avaient été tués ou blessés dans l’émeute se mirent à genoux devant le roi, en criant : « Sire, faites-nous justice. » Sur l’ordre du roi, ses officiers ouvrirent les prisons de l’évêque, où plusieurs des accusés étaient détenus ; ils en arrêtèrent ensuite un grand nombre dans leurs maisons et les amenèrent avec les autres à la halle, où ils furent enfermés jusqu’à ce qu’on eût statué sur leur sort. Tous furent bannis, au nombre de quinze cents, et quinze maisons appartenant aux plus coupables furent démolies. Le maire frappait un premier coup de marteau, et ensuite les gens de son parti et des ouvriers payés faisaient le reste. L’évêque Milon ne manqua pas de protester contre cette sentence, au nom du privilége de juridiction appartenant à son église. Il demanda que les officiers du roi lui rendissent les bannis comme jugés illégalement ; mais le roi n’eut aucun égard à sa requête, et n’y répondit qu’en faisant à l’évêque la demande de quatre-vingts livres pour son droit de gîte[431] ; l’évêque dit qu’il en délibérerait. Sur cette réponse, le roi mit garnison dans le palais épiscopal et en fit saisir le mobilier, qui fut vendu à l’enchère.
[431] On a vu dans la charte de la commune de Laon une explication de ce mot. L’ancien droit qu’avaient les rois franks d’être logés et nourris dans toutes les villes où ils passaient s’était transformé en une redevance pécuniaire. Cette redevance fut d’abord payée par les évêques ou les seigneurs des villes, qui s’indemnisaient en levant une taxe sur les bourgeois ; mais dans presque tous les lieux où il s’établit des communes, le droit de gîte tomba d’une manière immédiate à la charge des habitants.
La nouvelle de cette violence exercée contre un de leurs collègues irrita les évêques suffragants du diocèse de Reims, alors assemblés en concile provincial sous la présidence de leur chef, l’archevêque Henri de Braine. Ce prélat, dont les bourgeois de Reims et jusqu’aux membres de son chapitre craignaient le caractère ambitieux et l’activité politique, fit décréter par le concile que trois évêques seraient envoyés au roi pour lui enjoindre de restituer à celui de Beauvais l’exercice de la justice criminelle, de l’indemniser des dégâts faits dans son palais et de lui remettre les bourgeois bannis. Cette injonction n’ayant eu aucune suite, les suffragants du siége de Reims s’assemblèrent de nouveau et décidèrent qu’on enverrait des députés à Rome, et que, si le roi ne donnait point satisfaction, on lancerait, après un délai fixé, l’interdit sur toute la province. Plusieurs évêques, et notamment ceux de Noyon et de Châlons, reculèrent lorsqu’il fallut en venir à cet acte d’hostilité contre la puissance royale. Mais le fougueux archevêque de Reims n’en persista pas moins dans ses résolutions, et, au mois de novembre 1233, il décréta, pour tout son diocèse, l’interdiction des sacrements de l’Église[432].
[432] Gallia christiana, t. IX, col. 109.
Ce grand débat occupait toutes les conversations et remuait fortement les esprits. Il n’y avait guère que les membres du clergé qui fussent du parti des évêques. Quoiqu’il y eût de la part de la cour une violation flagrante du droit de commune, les villes, instruites par expérience à redouter principalement la puissance ecclésiastique, et ne regardant l’affaire de Beauvais que comme un cas particulier, sans application ailleurs, se rangèrent du côté du roi. Les corps de magistrature élective, dont la tendance constante était d’anéantir les droits seigneuriaux des évêques, des chapitres et des abbayes, espérèrent que la lutte des deux puissances leur faciliterait les moyens de parvenir à leur but, et ils reprirent presque partout l’offensive[433]. A Noyon, de fréquentes émeutes avaient lieu contre les chanoines, au cri de : Commune ! commune ! A Soissons, pour la moindre dispute survenue entre les bourgeois et des membres du clergé, on criait : Haro as clercs ! et la commune prenait les armes[434]. Mais à Reims, qui était la plus grande ville du diocèse, l’effervescence fut au comble. Les alarmes qu’inspirait d’ailleurs le caractère de l’archevêque contribuèrent à rendre l’agitation encore plus grande. Les habitants du ban de Saint-Remi, qui n’avaient pour toute fortification, autour de leur quartier, que des chaînes tendues la nuit au bout des rues, demandèrent au roi, par l’entremise de leur abbé, la permission de s’enclore de murs, afin de mettre leur liberté à couvert contre les entreprises de Henri de Braine. Dans la cité, les échevins étaient sans cesse en alerte, et, s’autorisant du nom du roi, ils arrêtaient et jugeaient comme coupables de sédition tous ceux qui agissaient ou parlaient en faveur du parti épiscopal. Sans tenir aucun compte des priviléges ecclésiastiques, ils citèrent à leur tribunal et condamnèrent au bannissement un certain Thomas de Beaumetz, chanoine et prévôt de l’archevêque. Cette sentence, exécutée malgré les réclamations du chapitre, devint l’un des principaux griefs des évêques ligués, comme ils le disaient eux-mêmes, pour maintenir l’honneur de Dieu et les libertés de son Église[435].
[433] … Magistratus populares nacti occasionem penitus excutiendi jugum ecclesiasticæ jurisdictionis, in tantam per aliquot urbes… prorupere audaciam… (Marlot, Hist. metropol. Remensis, éd. de 1666, t. II, p. 518.)
[434] Annales de l’église cathédrale de Noyon, par Jacques Levasseur. Paris, 1633, t. II, p. 932. — Hist. de Soissons, par Claude Dormay. 1664, t. II, p. 299.
[435] Marlot, Hist. metropol. Remensis, éd. de 1666, t. II, p. 518.
Au commencement de l’année 1235, pendant que la plus grande fermentation régnait de part et d’autre, les magistrats de la commune de Reims statuèrent qu’il serait fait un emprunt pour couvrir certaines dépenses municipales, et affectèrent au payement des intérêts une portion du revenu fourni par la levée des impôts. Les historiens ne disent pas si l’argent de cet emprunt était avancé par les changeurs de la ville ; on peut néanmoins le penser, car dans la même année, trois bourgeois de Reims, Hélisand d’Écry, Étienne son fils, et Guichard, fils de Jean le Nain, souscrivirent un prêt considérable fait à la commune d’Auxerre moyennant des rentes viagères[436]. Quoi qu’il en soit, l’archevêque prétendit qu’on lui devait une part de l’emprunt, comme de toute taxe levée par les bourgeois de son ban, et il en réclama le dixième. Les échevins ne répondant point à sa demande, il la fit publier au prône, dans toutes les paroisses de la ville ; et comme cette lecture ne fut suivie d’aucun effet, Henri de Braine, pour montrer qu’il allait recourir à d’autres voies, ajouta de nouveaux ouvrages de défense au formidable château de Porte-Mars. Mais le commencement des travaux fut le signal d’une insurrection générale. Tous les bourgeois réunis en armes, au son de la cloche, attaquèrent les ouvriers qui creusaient des fossés ou plantaient des palissades, et transportèrent ailleurs les matériaux destinés aux fortifications. La garnison du château, composée des vassaux nobles de l’archevêque et d’archers bien disciplinés, fit une sortie contre les insurgés, qui se pressaient sans ordre autour des murs ; mais, malgré l’avantage des armes et de la tactique, elle fut repoussée presque aussitôt. Le maréchal ou lieutenant militaire de l’archevêque reçut, dans la retraite, un coup de flèche qui le blessa mortellement ; la troupe se mit en sûreté en levant derrière elle le pont de la forteresse[437].
[436] Mémoires concernant l’Hist. ecclés. et civile d’Auxerre, par l’abbé Lebœuf. Paris, 1743, t. II, p. 162.
[437] Anquetil, Hist. de la ville de Reims. 1756, t. II, p. 41.
C’était alors l’usage de garder dans les églises les grosses machines de guerre qu’on appelait pierriers et mangonneaux. Les insurgés y coururent, et s’emparant des machines, ils les traînèrent jusqu’à la citadelle, dont ils commencèrent à battre les murailles. La maison des frères mineurs, située de manière à dominer quelques ouvrages du château, fut crénelée par eux afin d’y loger des arbalétriers qui tirèrent jour et nuit sur les soldats de la garnison. Mais, malgré l’impétuosité des attaques, la place résista, grâce à la force de ses murs et au courage des assiégés.
Les bourgeois, renonçant à l’emporter d’assaut, tournèrent le siége en blocus. Pour resserrer le plus possible la garnison et l’empêcher de tenter aucune sortie, ils élevèrent sur le rebord extérieur du fossé une ligne de redoutes, revêtues en pierres. Afin de se procurer des matériaux en quantité suffisante, ils dépavaient toutes les rues et enlevaient jusqu’aux tombes des cimetières. Ils s’emparèrent aussi des pierres de taille de toute grandeur destinées à la construction de la cathédrale, qui n’était pas encore achevée[438].
[438] … Assumpserunt pro munitione… publicarum pavimenta viarum, tumbas cœmeteriorum, et lapides ad fabricam majoris ecclesiæ deputatos… (Marlot, Hist. metropol. Remensis, éd. de 1666, t. II, p. 519.)
Pendant ce temps, l’archevêque Henri de Braine, toujours en voyage, redoublait d’activité auprès de ses suffragants pour les engager à ne point faiblir dans la défense des priviléges ecclésiastiques. Le chapitre de Reims, resté sans chef au milieu des troubles, n’osait se déclarer ouvertement pour le parti qu’il soutenait en secret, et, ménageant dans ses discours les membres de la commune, il tâchait d’énerver leur opposition en leur inspirant des doutes sur la validité de leurs droits. Les chanoines se répandaient dans les groupes formés à toute heure sur les places et dans les rues. Comme ils avaient en général de la facilité à s’exprimer, ils se faisaient écouter volontiers, et lorsque quelque orateur populaire avait terminé ses invectives : « Prenez garde, disaient-ils aux assistants, vos priviléges ne sont pas aussi clairs que vous le pensez ; peut-être vous abusez-vous sur vos intérêts, et auriez-vous dû réfléchir mûrement avant d’entreprendre ce que vous faites[439]. » Ces paroles ne restaient pas sans réplique. Mais bientôt l’aigreur s’en mêlait de part et d’autre, et les chanoines, perdant toute mesure, affirmaient que la ville n’avait pas le droit de commune, et alléguaient en preuve l’absence de ce mot dans la charte de l’archevêque Guillaume[440]. De semblables propos fermèrent toutes les voies de conciliation entre les bourgeois et le chapitre, et les hostilités commencèrent. Le doyen et les chanoines en corps s’adressèrent au pape Grégoire IX, l’un des plus zélés défenseurs de la suprématie ecclésiastique, lui demandant conseil et appui. Le pape n’hésita pas à déclarer que la soi-disant commune de Reims était nulle de plein droit, et il envoya aux chanoines une commission qui les autorisait à prononcer comme arbitres sur ce point, et à faire comparaître devant eux les magistrats municipaux[441].
[439] Anquetil, Hist. de la ville de Reims, t. II, p. 44.
[441] … Capitulum, obtenta a sancta sede apostolica commissione, quæ scabinorum judicia rescinderet, diem illis denuntiat… (Marlot, Hist. metropol. Remensis, éd. de 1666, t. II, p. 518.)
Ceux-ci n’eurent garde d’obéir à la sommation qui leur était faite, et aussitôt une sentence d’excommunication fut lancée contre eux par l’official au nom de l’archevêque. Usant de représailles, ils firent proclamer que tout membre de la commune de Reims était tenu de ne rien vendre, à quelque prix que ce fût, ni aux chanoines, ni à leurs sergents, ni à leurs domestiques ; et cette invitation, observée à la rigueur, comme il arrive toujours dans les temps d’effervescence politique, obligea les chanoines à quitter la ville, de crainte d’y mourir de faim. La plupart s’évadèrent secrètement, et dès qu’ils furent partis, le peuple pilla leurs maisons et dévasta leurs propriétés. Ceux qui firent moins de diligence coururent risque d’être massacrés, tant la fureur des bourgeois était grande. Ils s’en allèrent de différents côtés ; mais s’étant réunis ensuite dans la petite ville de Cormicy, à quatre lieues au nord de Reims, ils prirent les uns envers les autres l’engagement de ne point rentrer dans la ville avant qu’on eût fait au chapitre une satisfaction convenable. Lorsque les derniers liens d’amitié entre la commune et le clergé de Reims eurent été ainsi rompus, une sentence d’excommunication, fulminée par le souverain pontife contre les bourgeois en masse, fut publiée dans toutes les églises du diocèse. Voici quelques passages de la bulle destinée à notifier cette sentence :
« Une plainte grave, et de nature à nous surprendre, nous est parvenue. Notre frère l’archevêque de Reims étant seigneur temporel, et ses bourgeois devant être ses fidèles sujets en même temps que ses fils spirituels, ce que nous ne pouvons rapporter sans amertume de cœur, ils ont dégénéré, et, cessant d’être fils, ils n’ont point rougi de s’insurger en ennemis contre leurs parents, travaillant méchamment à la perte de leur père, à la ruine de leur mère, au détriment de leur propre salut, foulant aux pieds d’une manière damnable l’église de Reims leur mère, et après avoir chassé leur père, s’appropriant son héritage, en quoi ils ont outrepassé la férocité des vipères… De peur que l’exemple d’une telle perversité ne soit imité par d’autres, et pour que les auteurs de ces excès ne se réjouissent point dans leurs œuvres, mais que la vue du châtiment retienne ceux qui seraient tentés de faire comme eux, nous mandons et enjoignons à votre discrétion, par cette lettre apostolique, de publier solennellement, les jours de dimanche et de fête, cloches sonnantes et flambeaux allumés, la sentence d’excommunication déjà prononcée, et de la faire proclamer dans l’église de Reims, les diocèses voisins, et les autres lieux où vous le jugerez convenable. Que si, de la sorte, ils ne songent pas à revenir loyalement sous la sujétion de l’archevêque, faites retenir, tant qu’ils persisteront à demeurer sous l’excommunication, leurs revenus, créances et autres biens, dans les foires et partout où ils seront trouvés, nonobstant toute foi donnée et tout engagement pris sous serment par leurs débiteurs. S’il est besoin, vous requerrez, pour réprimer leur obstination, le secours du bras séculier[442]. »
[442] … Faciatis redditus ac debita, et alia bona ipsorum in nundinis, et ubicumque reperta fuerint, quandiu in excommunicatione perstiterint, detineri, juramento se de interpositione fidei, si qua forte debitores pro debitis solvendis tenentur aliquatenus non obstante… (Marlot, Hist. metropol. Remensis, t. II, p. 520.)
Conformément à cette bulle du pape, l’anathème contre les bourgeois de Reims fut prononcé dans toutes les églises cathédrales de la province rémoise, avec les cérémonies graves et sombres qui s’observaient en pareil cas. Pendant que toutes les cloches sonnaient en branle, comme aux plus grandes solennités, l’évêque, revêtu de ses ornements pontificaux, debout et ayant autour de lui douze prêtres dont chacun tenait à la main une torche de cire allumée, récitait en latin les paroles suivantes : « D’après l’autorité des lois canoniques et l’exemple des saints Pères, au nom du Père et du Fils, et par la vertu du Saint-Esprit, nous les séparons du giron de la sainte mère Église, comme persécuteurs des églises de Dieu, ravisseurs et homicides, et nous les condamnons par l’anathème d’une malédiction perpétuelle. Qu’ils soient maudits à la ville, maudits à la campagne. Que leurs biens soient maudits, et que leurs corps soient maudits. Que les fruits de leurs entrailles et les fruits de leurs terres soient maudits. Que sur eux tombent toutes les malédictions que le Seigneur a lancées par la bouche de Moïse contre le peuple violateur de sa loi. Qu’ils soient anathèmes, Maranatha, c’est-à-dire qu’ils périssent à la seconde venue de Jésus-Christ. Que nul chrétien ne leur dise salut. Que nul prêtre ne célèbre pour eux la messe, et ne leur donne la sainte communion. Qu’ils soient ensevelis dans la sépulture de l’âne, et qu’ils soient comme un fumier sur la face de la terre. Et à moins qu’ils ne viennent à résipiscence, et ne donnent satisfaction, par amende ou pénitence, à l’Église de Dieu qu’ils ont lésée, que leur lumière s’éteigne comme vont s’éteindre les flambeaux que nous tenons dans nos mains… » Alors tous les prêtres jetaient leurs torches par terre et les éteignaient en marchant dessus[443]. Ensuite l’évêque donnait au peuple, en langue française, l’explication de la cérémonie : « Sachez tous, disait-il, que dorénavant vous devez les traiter, non en chrétiens, mais en païens. Quiconque aura communiqué avec l’un d’entre eux, aura bu, mangé, conversé ou prié avec lui, ou l’aura reçu dans sa maison, à moins que ce ne soit pour l’engager à se repentir et à faire réparation, sera excommunié comme lui. » Il ajoutait que, par l’autorité du souverain pontife, leurs débiteurs étaient déchargés de toute dette envers eux, et que les contrats passés à leur profit étaient nuls et de nulle valeur.
[443] Script. rer. gallic. et francic., t. IV, p. 612.
Les évêques suffragants du diocèse de Reims, réunis pour la troisième fois en concile provincial, siégeaient alors à Saint-Quentin. Cette assemblée, délibérant sous la présidence de Henri de Braine, prit un grand nombre de résolutions dont voici les plus importantes : « Si le seigneur archevêque de Reims requiert le roi de lui prêter secours pour avoir satisfaction des excès commis par les bourgeois, le roi sera tenu de venir à son aide, sans faire sur ce aucune enquête. Quant aux sentences prononcées contre les bourgeois par l’autorité apostolique, le roi devra pareillement s’en rapporter au seigneur de Reims, et ne faire aucune enquête sur les faits qui ont donné lieu à l’excommunication. En outre, le seigneur de Reims ne sera tenu de répondre à aucune accusation d’homicide ou autre intentée contre lui par les bourgeois, ses justiciables, ni de plaider avec eux devant la cour du roi, attendu qu’ils sont excommuniés[444]. »
[444] Decretum concilii provincialis apud Sanctum-Quintinum pro multiplici læsione Remensis ecclesiæ. (Marlot, Hist. metropol. Remensis, t. II, p. 520.)
L’archevêque de Reims, accompagné de six de ses suffragants et de plusieurs députés des chapitres diocésains, vint à Melun présenter au jeune roi la requête, ou pour mieux dire la sommation du concile. « Seigneur, dirent les évêques, nous vous supplions de prêter secours à l’église de Reims contre ses bourgeois qui l’oppriment. » Le roi répondit qu’il en délibérerait mûrement avec les gens de son conseil, et fixa le délai d’un mois pour faire connaître ses intentions. Mais les plaignants, peu satisfaits de cette réponse, se réunirent en concile à Compiègne, et décidèrent qu’on ferait au roi des injonctions plus pressantes. Ce fut à Saint-Denis qu’eut lieu la seconde entrevue de Louis IX avec les évêques de la province rémoise ; mais comme il ne fit aucune réponse définitive, le concile, transféré à Senlis, prit la résolution suivante : « Attendu que le seigneur roi n’a pas obéi aux monitions qui lui ont été faites, nous mettons l’interdit sur toutes les terres de son domaine situées dans la province, permettant toutefois qu’on y administre le baptême et le viatique. Nous excommunions en outre tous les évêques qui n’observeront pas le présent interdit et manqueront à le faire publier et observer dans leurs diocèses[445]. »
[445] Quum dominus rex non paruerit monitionibus sibi factis, nos interdicimus totum dominium ejus situm in provincia Remensi. (Marlot, Hist. metropol. Remensis, t. II, p. 522.)
Le roi Louis IX entrait alors dans sa majorité ; devenu maître de sa conduite, il se montra beaucoup plus disposé à céder aux demandes des évêques. Pour s’entendre avec eux et conclure la paix, il n’attendit point de nouveaux messages ou des visites de leur part, et lui-même, à plusieurs reprises, se rendit dans la province qui venait d’être mise en interdit. Le bon accord fut bientôt rétabli entre le pouvoir royal et le pouvoir ecclésiastique ; mais les suites de cette réconciliation ne furent rien moins que favorables à la liberté des bourgeois de Reims. Tout ce qu’ils avaient gagné en fait, durant leur insurrection, leur fut enlevé. Tous les dommages causés par la guerre civile retombèrent sur eux, leurs griefs les plus évidents furent écartés, et les droits du pouvoir municipal restreints par la décision du roi, qui résolut au profit de l’archevêque presque toutes les questions en litige. Aux termes d’un rescrit donné sous forme de sentence, la forteresse de Porte-Mars devait être rétablie dans son ancien état, et les défenses élevées contre elle entièrement détruites. Il était enjoint désormais aux bourgeois cités par l’archevêque ou ses officiers, de se rendre à l’hôtel de Porte-Mars pour y plaider, être jugés et faire tout ce qui autrement se serait fait dans le palais de Reims. Enfin, il était interdit aux magistrats municipaux de vendre des rentes viagères et de lever des taxes pour les besoins de la ville sans l’aveu et le contrôle de l’archevêque[446].
[446] Archives administratives de la ville de Reims, t. I, p. 608 et suiv. (Voyez plus haut, p. 349 et 350.)
Saint Louis, si renommé dans son temps pour son équité, ne mettait point sur la même ligne les priviléges des communes et ceux des seigneurs, surtout des seigneurs ecclésiastiques. Il agit donc selon sa conscience en plaçant les bourgeois de Reims dans une condition pire que celle où ils se trouvaient au moment où la discorde avait éclaté entre la cour et les évêques. Mais comme il était doux pour les personnes, en même temps qu’inflexible dans ses idées d’ordre et de légitimité, il voulut que l’archevêque s’engageât par écrit à traiter humainement les bourgeois, et à ne point user à la rigueur des droits que lui assurait la sanction royale. Cet écrit fut envoyé aux échevins pour être conservé, comme pièce authentique, dans les archives de la commune ; mais l’archevêque montra presque aussitôt le peu de compte qu’il faisait d’une promesse vague et sans garantie. Deux commissaires royaux s’étaient rendus à Reims pour terminer, par arbitrage, tous les différends nés de la querelle qu’on cherchait à éteindre. Avant toute autre discussion, l’archevêque se mit à contester aux bourgeois de Reims le droit d’avoir un sceau, ce qui revenait à leur refuser tout droit de juridiction et toute existence légale comme corps politique. Les commissaires craignirent de renouveler les troubles si de pareilles questions étaient débattues, et, pour éluder la difficulté, ils insérèrent ces mots dans leur sentence : « Quant au sceau, nous en connaîtrons, en faisant appeler les parties dès qu’il nous sera loisible de le faire[447]. » Ils repartirent après quelques jours, et l’affaire resta indécise, c’est-à-dire abandonnée, comme autrefois, aux chances de l’énergie populaire et de l’ambition seigneuriale.
[447] De sigillo autem, quum vacare poterimus, vocatis partibus cognoscemus. (Marlot, Hist. metropol. Remensis, t. II, p. 525.)
L’excommunication portée contre les habitants de Reims fut levée avec les cérémonies d’usage. On rouvrit les cimetières, et l’on y transporta les corps des personnes mortes sous l’anathème qui, avant d’expirer, avaient donné quelques signes de repentir et de soumission à l’Église. Une absolution générale fut prononcée pour ceux qui, étrangers à la ville, avaient aidé les bourgeois dans leur révolte, travaillé à leurs gages, commercé avec eux ou acquitté à leur profit des engagements et des créances[448]. La ville, si agitée durant trois ans, rentra dans le calme, mais dans ce calme triste qui suit les révolutions dont l’issue n’a pas été heureuse. Les marchands et les artisans travaillaient à réparer les pertes que leur avaient causées les agitations politiques, l’interruption du commerce, et en dernier lieu la sentence arbitrale qui les chargeait d’une indemnité de dix mille livres au profit de l’archevêque pour ses dommages de tout genre. Cette somme devait être payée en plusieurs termes. Les premiers furent acquittés sans débat ; mais en l’année 1238, l’archevêque Henri, se sentant pressé d’argent, voulut avoir en un seul coup le complément de sa créance. Il mit sur la ville un impôt équivalent, et institua des commissaires chargés d’en faire, dans chaque quartier, la répartition et la levée.
[448] Ibid., p. 524.
Ces officiers se conduisirent avec une rigueur excessive, refusant d’accorder aucun délai et faisant des menaces d’emprisonnement. Leur dureté occasionna une émeute parmi les bourgeois de la classe inférieure, qui maltraitèrent les collecteurs et le bailli de l’archevêque. Celui-ci somma les échevins, par un message impérieux, de lui faire promptement justice. Mais les magistrats de la commune ayant répondu à cette sommation par des remontrances, l’archevêque assembla au château de Porte-Mars tous les chevaliers qui tenaient des fiefs relevant du comté de Reims et descendit à leur tête dans la ville. Après avoir posé des gardes à toutes les portes, il fit arrêter dans leurs maisons les échevins et un certain nombre des bourgeois les plus considérés. On les traduisit devant la cour épiscopale, qui, sans information et sans enquête, emprisonna les uns, bannit les autres, et fit démolir de fond en comble les maisons des plus opiniâtres[449]. Un arrêt d’excommunication fut de nouveau lancé contre la ville, et toutes les églises furent mises en interdit. Les bourgeois de Reims demeurèrent sous le poids de cette sentence et des désordres qu’elle entraînait jusqu’à la mort de Henri de Braine, arrivée en 1240. Alors il y eut une vacance de quatre années, durant laquelle la commune reprit le dessus, comme il arrivait toujours, et obtint du chapitre métropolitain non-seulement la révocation des sentences ecclésiastiques, mais la remise des indemnités qui restaient à payer[450].
[449] … Multorum nobilium ac militum stipatus cohorte urbem ingreditur… in scabinos, urbisque primores manus injicere, quorum nonnulli in exilium missi, alii in vincula conjecti, quorumdam domus eversæ… (Marlot, Hist. metropol. Remensis, t. II, p. 526.)
[450] Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 67 et 68.
Dans cette lutte perpétuelle de deux puissances rivales, au sein de la même ville, la moindre concession faite de gré ou de force par l’une d’elles amenait toujours une réaction en faveur de l’autre. Ainsi, à chaque instant, les grandes questions, résolues dans un sens, pouvaient se débattre de nouveau et se résoudre en sens contraire. Reprenant par degré son ancienne énergie, la commune de Reims ne tarda pas à inquiéter le successeur de Henri de Braine. La principale source de ces inquiétudes était l’organisation des compagnies de milice bourgeoise que les magistrats municipaux s’occupaient à régulariser. Ces compagnies, commandées par des officiers appelés connétables, faisaient la garde de jour et de nuit aux portes de la ville et dans les différents quartiers, s’exerçaient fréquemment au maniement des armes, et quelquefois en venaient aux mains, par une sorte de bravade militaire, avec les soldats de l’archevêque, lorsque la bannière seigneuriale passait devant celle de la commune. Sous le prétexte d’établir d’une manière plus complète la sûreté et la tranquillité dans la ville, les bourgeois plaçaient à l’extrémité de chaque rue des chaînes de fer et des barricades, dont l’objet réel était d’empêcher la garnison du château épiscopal de se répandre dans la cité sans la permission des échevins. Ces nouvelles tentatives de la commune pour se fortifier et préparer une complète restauration de ses priviléges donnèrent lieu, en 1257, à une seconde intervention du roi Louis IX[451].
[451] Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 90 et suiv.
Le siége épiscopal était occupé alors par ce même Thomas de Beaumetz dont il a été fait mention plus haut, homme moins audacieux que Henri de Braine, mais aussi peu favorable aux libertés de la bourgeoisie. Encouragé par la conduite du roi dans la grande querelle de 1235, il le supplia de venir à son secours et de se rendre à Reims pour écouter ses griefs contre la commune. Le roi, cédant aux prières de l’archevêque, alla à Reims, et, après avoir écouté les plaintes des deux parties, il prononça, comme arbitre, un jugement analogue à celui qu’il avait rendu vingt-deux ans auparavant. Les échevins eurent beau représenter que la ville de Reims était ville de loi et de commune ; que les bourgeois y étaient associés en corps et en collége ; qu’à ce titre ils avaient le droit de lever des compagnies, de leur donner des capitaines, d’avoir en garde les clefs et les fortifications de la ville, le roi donna sur tous ces points gain de cause à l’archevêque. Les compagnies de milice furent placées sous son autorité, les clefs des portes lui furent remises, et l’enlèvement des chaînes et des barricades fut ordonné[452].
[452] Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 92 et 93.
L’histoire de la commune de Reims, durant la dernière moitié du treizième siècle et la plus grande partie du quatorzième, offre la répétition de mêmes querelles, mais avec des scènes moins variées, parce que l’autorité royale y intervient d’une manière uniforme par les appels au parlement. Cette lutte du privilége seigneurial contre les libertés bourgeoises, si énergique dans son origine et si pleine de mouvement, paraît ainsi transformée en un procès entre parties, où les rôles de demandeur et de défendeur sont remplis tour à tour par l’archevêque et par les magistrats de la commune. Plaideurs inconciliables et toujours en instance, ils portaient dans cette guerre d’un nouveau genre un acharnement qui rappelait, sous d’autres formes, le temps des hostilités à main armée. L’archevêque ou ses fondés de pouvoirs qualifiaient leurs adversaires de chétives gens, de gens de néant ; et lorsque ceux-ci présentaient leur requête scellée du sceau de la commune : « C’est une pièce fausse, disaient les premiers, et de nulle valeur en justice ; car les échevins de Reims n’ont pas le droit d’avoir un sceau[453]. »
[453] Missi ab archiepiscopo scabinorum procurationem, ac sigillum impugnant, dicuntque neo jus communiæ habere nec sigillum… (Marlot, Hist. metropol. Remensis, t. II, p. 572.) — Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 255.
En l’année 1362, les avocats de l’église métropolitaine prirent les conclusions suivantes : « Que l’échevinage soit déclaré aboli et que toute juridiction civile et criminelle soit remise en la main de l’archevêque ; que le roi détruise la commune, comme une association illicite, dangereuse et non autorisée par ses prédécesseurs ; que l’archevêque puisse régler à sa volonté le gouvernement de la ville, armer ou désarmer les habitants, lever des compagnies, nommer des connétables et des commandants, sans rendre compte à qui que ce soit. » L’arrêt du parlement ne fit droit ni à ces demandes ni aux plaintes de la commune sur les tyrannies et les usurpations du clergé ; mais il consacra les prétentions d’une troisième puissance qui s’élevait alors au détriment des deux autres. « La garde et le gouvernement de la ville, disait la sentence, appartiennent au roi seul et à ceux qu’il lui plaira d’y commettre[454]. »
[454] Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 257.
Au quinzième siècle, la commune de Reims cesse entièrement de jouer un rôle politique. Elle ne fut point abolie, mais elle s’amortit en quelque sorte sous la pression de l’autorité royale. Dans les temps de subordination paisible qui succédèrent aux tumultes du moyen âge, l’oubli éleva comme une barrière entre la bourgeoisie moderne et l’antique bourgeoisie, si fière et si indépendante. Le seul grand événement local, pour un habitant de Reims, fut la cérémonie du sacre ; et les enfants de la ville jouèrent au pied du vieux château des archevêques, sans se douter que ces murs en ruine eussent été maudits par leurs aïeux. Toutes les villes de France sont tombées, depuis quatre siècles, dans la même nullité politique ; mais on se figure trop aisément qu’il en a toujours été ainsi. Pour chercher des exemples de courage civique, nous remontons jusqu’à l’antiquité, tandis que nous n’aurions besoin que d’étudier à fond notre histoire ; parmi nos villes les plus obscures, il n’en est peut-être pas une qui n’ait eu ses jours d’énergie. Vézelay, dans le département de l’Yonne, n’est pas même un chef-lieu de sous-préfecture, et cette simple bourgade eut, il y a près de sept cents ans, l’audace de faire une révolution pour son compte.