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Chronique du crime et de l'innocence, tome 5/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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Le 15 frimaire de l'an 7 (5 décembre 1799), Marie Tavernier avait épousé Jean Tribout. Le 9 nivose suivant (30 décembre), Tribout, après avoir bu dans un cabaret, rentra chez lui fort tard, et mangea une soupe que sa femme lui avait préparée. A peine en eut-il mangé quelques cuillerées, qu'il fut atteint d'un grand mal de cœur, de violentes nausées, et fut forcé de se mettre au lit.

Marie Tavernier, du consentement de son mari, envoya chez le curé chercher une purgation. Le curé s'informa de l'état du malade, conseilla l'émétique, et en donna trois grains. Tribout prit ce vomitif; mais son mal s'accrut de plus en plus: au bout de quelques jours, le malheureux expira dans les souffrances les plus affreuses.

Le jour même de la mort, un procès-verbal fut dressé après l'ouverture du corps; et les deux chirurgiens qui l'avaient rédigé déclarèrent que le sujet leur paraissait être mort par toutes les causes qui peuvent occasionner le choléra-morbus.

Il est vrai que, quinze jours après, le cadavre fut exhumé pour être soumis à un nouvel examen; et il résulta des observations faites par les autres hommes de l'art à qui on avait confié ce soin que Tribout était mort empoisonné.

Bientôt des indices accusateurs s'élevèrent contre Marie Tavernier. Ses liaisons avec Marin Goupil, son cousin, étaient plus que suspectes. Elle prit la fuite peu de temps après la mort de son mari, et se retira à Vaugirard, où Goupil l'avait suivie. Ils y habitèrent quelque temps ensemble, et Marie Tavernier devint mère.

D'après le second procès-verbal des chirurgiens appelés la seconde fois pour examiner le cadavre de Tribout, la mort violente de ce dernier avait été attribuée à un empoisonnement. Marie Tavernier et Marin Goupil furent signalés comme les auteurs de ce crime. Les deux prévenus furent mis l'un et l'autre en jugement devant le tribunal criminel de l'Orne.

Ils furent défendus par Me Duronceray, qui ne négligea rien pour faire triompher la cause de ses cliens; mais ses efforts furent infructueux; le jury déclara les deux accusés coupables, et le tribunal criminel les condamna à la peine de mort.

Nouvel et déplorable exemple des suites qu'entraîne quelquefois pour les femmes l'infidélité conjugale! Qu'elles n'oublient jamais qu'elles ne peuvent trahir leurs devoirs d'épouses, sans s'exposer à devenir encore plus criminelles. Il en est beaucoup sans doute qui, tout en violant les lois de la pudeur, sont incapables de concevoir l'idée d'un assassinat; mais combien n'en est-il pas aussi dans le cœur desquelles une première faute arrache le germe de toutes les vertus! Des forfaits dont autrefois le récit les eût épouvantées ne sont plus à leurs yeux que des actes enfantés par une nécessité cruelle; et, dans l'affreux délire auquel elles s'abandonnent, elles ne rêvent qu'attentats.


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