Dans l'ombre chaude de l'Islam
SOUVENIRS DE FIÈVRE
Des négresses au corps mince et souple dansaient, baignées de lueurs bleuâtres. Dans leurs visages de nuit, l’émail de leurs dents brillait en de singuliers sourires. Elles drapaient leurs formes graciles en un long voile rouge, bleu ou jaune soufre, qui s’enroulait et se déroulait au rythme bizarre de leur danse et flottait au vent, devenant parfois diaphane comme une vapeur.
Leurs mains sombres agitaient les doubles castagnettes en fer des fêtes soudanaises. Tantôt, les castagnettes battaient une cadence sauvage, tantôt elles se heurtaient presque sans bruit.
… Mais les négresses se détachèrent peu à peu du sol et flottèrent dans l’air.
Leurs corps s’allongèrent, se tordirent, se déformèrent, tourbillonnant comme les poussières du désert aux soirs de siroco. Enfin, elles s’évanouirent dans l’ombre des solives enfumées du plafond.
Mes yeux s’ouvrirent péniblement. Mon regard traîna sur les choses. Je cherchais les étranges créatures qui, quelques instants auparavant, dansaient devant moi.
Je les avais vues, j’avais entendu leurs rires de gorge semblables à de sourds gloussements, j’avais senti sur mon front brûlant les souffles chauds que soulevaient leurs voiles. Elles avaient disparu, me laissant le souvenir d’une angoisse inexprimable…
Où étaient-elles maintenant ?
Mon esprit fatigué cherchait à sortir des limbes où il flottait depuis des heures ou depuis des siècles : je ne savais plus.
Il me semblait revenir d’un abîme noir où vivaient des êtres, où se mouvaient des choses subissant des lois différentes de celles qui régissent le monde de la réalité, et mon cerveau surchauffé s’efforçait douloureusement à chasser les fantômes qui le hantaient.