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Keetje Trottin

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Keeeee… Keeeee… Est-ce que tu t’es couchée dans son lit, toi, sotte gamine ? Je n’ai aucune aide de toi !

Je me dépêchai de descendre avec le plateau.

— Il n’y a plus de lait… non, depuis que tu es ici, les messieurs boivent tout. Allons, aide-moi à peler les pommes de terre.

Je m’assis dans un coin de la cuisine, le panier de pommes de terre sur les genoux. Corry, la cornette de travers, bousculait tout dans la cuisine obscure donnant sur la ruelle. Son alcôve s’y trouvait : les battants ouverts, le lit pas refait, les eaux pas vidées. Corry avait tant de besogne le matin qu’elle ne trouvait pas le temps de mettre cela en ordre avant le dîner de midi.

Il faisait une chaleur atroce dans cette cuisine. Le patron, chapelier de son métier, y préparait les pailles, mouillées sur les formes de bois, et, avec les fers chauds, donnait le modèle qu’il fallait. En manches de chemise, il suait de grosses gouttes. Il était très réservé quand nous étions plusieurs. Ce n’est que lorsque je nettoyais des carottes ou des navets et que j’en mangeais, qu’il se retournait vers moi en me demandant si je n’en laisserais pas un peu pour eux. « Que tu manges les pelures des poires et des pommes, cela m’est égal, mais les carottes et les navets, je les aime aussi. »

— Keeeee ! Keeeee ! vite, prends les caisses et file.

J’en avais pour trois heures, sans pouvoir songer à aller manger. En rentrant, au lieu de me laisser retourner chez nous, on me donnait une tranche de pain avec du beurre ranci par la chaleur, et il fallait repartir. Eh bien, jamais je ne dépensais mes pourboires : mon orgueil était de les donner intégralement. J’en avais bien pour un florin par semaine et, avec un florin que je gagnais, ça en faisait deux à rapporter. Mina en crevait de dépit et n’osait plus me frapper sur le dos jusqu’à me faire tousser.

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