Le roman d'un mois d'été
ÉPILOGUE
A partir de ce jour, il ne fut plus question de Julien entre Anne et Antoinette, ni d'Antoinette entre Lorgis et Julien.
Lorgis cessa d'être froid avec le jeune homme, et ils reprirent peu à peu leurs bonnes relations et leurs conversations du matin. Seulement, Lorgis qui avait fait toutes sortes de réflexions sur le cas Julien-Antoinette, souffrait beaucoup de ne pouvoir les communiquer à Julien. Cet homme sage et discret était bien souvent conduit à l'indiscrétion par le besoin de montrer à quel point il pensait juste.
Il finit par prendre texte d'une histoire inventée, à peu près semblable, arrivée jadis dans un autre milieu et dans le même monde. Et il constata que chaque fois qu'un jeune homme fait la cour à une femme mariée entourée d'amis, il éveille toujours des hostilités parmi cet entourage. Mais aussitôt que l'irréparable est commis, beaucoup de ces amis rebelles finissent par accepter la situation, et une fois que le mal est fait, l'acceptent même avec une sympathie qui va s'augmentant...
—C'est peut-être, dit Lorgis, que le monde a le goût des unions sérieuses, et qu'une fois qu'un adultère lui paraît bien assorti, il prend à ses yeux le caractère sérieux d'une union sympathique, bien qu'extra-légale.
—C'est possible, répondait Julien, et il pensait à part lui:
«C'est possible, ce que dit Lorgis. Ce qui est certain, c'est que j'aime Antoinette.»
Cela n'avait aucun rapport mais il disait «J'aime Antoinette» pour se faire plaisir. Et le fait est qu'il l'aimait bien. Son amour avait triomphé de tout, même des petits mensonges, des poses, des attitudes que prescrivent la tradition, la littérature, et la mode, et dont s'embarrasse si souvent la vraie sincérité.