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Dissociations

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LA NAÏVETÉ

La naïveté est une province psychologique qui touche d’une part à la bêtise et de l’autre à la bonté. Les gens pressés la confondent souvent avec l’une ou l’autre de ses voisines. Cependant elle a ses caractéristiques. D’abord les habitants de ce pays ne se connaissent pas eux-mêmes tels qu’ils sont et aucun ne veut jamais convenir de la qualité qui le distingue. Aussi sont-ils fort imprudents et toujours prêts à se jeter à travers mille aventures dont ils croient toujours que l’issue tournera à leur profit. Ils savent. Il ne faut pas chercher à leur en remontrer. « On me prend pour un naïf, dit l’indigène de cette province. Attendez un peu. Rira bien qui rira le dernier. » Et ils vont bravement, aveuglément, s’embarquent dans toutes les difficultés, toujours sereins, toujours confiants : « Je ne suis pas naïve, disait la pauvre héroïne d’une récente aventure. Je connais la vie, mais je suis bonne et c’est ce qui m’a perdue. » C’est la règle, ils ne veulent pas se reconnaître. C’est même à cela qu’on les distingue. La bonté est la qualité qu’ils assument le plus volontiers et je ne nie pas qu’ils y participent, qu’ils ne proviennent de quelque croisement avec les habitants de la province voisine. On peut être bon, sans être naïf et c’est là leur erreur, de ne pas savoir faire la distinction, mais s’ils la faisaient, ils ne seraient pas naïfs, ils n’existeraient pas. Ils ne sont pas, non plus, absolument bêtes. La bête ne perçoit même pas qu’on ose vouloir la tromper. « S’en prendre à moi, songe-t-elle. A moi ! » Le naïf, dans cette occurrence, a des soupçons, mais ils sont vite étouffés par la confiance. Il projette son caractère où luit la bonté dans les actes des autres et cela fait un jour sous lequel il ne perçoit pas la malice. Les naïfs sont bêtes aussi, sans doute, mais c’est à force de bonté. Cela fait qu’on ne peut tout à fait les mépriser.

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