Dissociations
LA BEAUTÉ DE PARIS
Si Paris est, comme on l’écrit, et même un peu trop, une belle ville, cela ne tient pas à des beautés particulières et frappantes, car il n’en contient presque pas ; cela ne peut résulter que d’une impression d’ensemble, d’où le caractère des habitants ne doit pas être exclu, mais dont il faut même tenir le plus grand compte. Il est certain, en effet, que Paris n’est pas une belle ville, à la manière, par exemple, de Pise ou de Rouen. Elle manque de pittoresque et elle manque d’unité, étant trop grande. Mais précisément parce qu’elle est vaste et diverse en ses parties, on ne voit pas bien ce qui pourrait la gâter. On s’est récrié contre le trolley, on l’a évité aux rues les plus connues, mais on l’a établi, à la suite des inondations, sur la plus agréable, peut-être, des promenades, les quais de la rive gauche et personne ne s’en est aperçu : le trolley n’a rien gâté du tout. La beauté de Paris est tout à fait indépendante d’un fil de fer. Voici que l’on clame contre les abus de l’affichage et ici, c’est une autre question. Il s’agit de savoir si une ville est ou non enlaidie parce qu’elle se soumet aux coutumes modernes, qui sont que les industriels annoncent leurs produits par des réclames oculaires ? Paris serait-il embelli s’il prenait tout d’un coup l’aspect d’une ville figée à la norme du second Empire ? Laissez donc s’épanouir les affiches de couleur, et de paysages et de personnages. C’est vraiment le seul attrait des rues où l’on construit des maisons neuves. La partie récente du boulevard Raspail n’est tolérable que par ses longues palissades couvertes d’affiches illustrées. Peut-être que le même système rendrait de grands services à l’esthétique de certains palais aussi nouveaux qu’ils sont monstrueux ? En quoi des taches multicolores sur les murs gâtent-elles une rue ? Et quand une rue en serait, au sens de quelques-uns, enlaidie, est-ce que l’ensemble en est atteint ? La beauté de Paris, bien plus qu’un fait, est un sentiment.