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Dissociations

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PROCÈS D’ANIMAUX

Je lisais hier, en parcourant la collection d’un très ancien magazine, la liste de tous les procès d’animaux connus alors (1883), mais les archives sans doute en contiennent bien d’autres. Au premier abord, cette pratique paraît absolument folle, un procès supposant que l’accusé aurait pu ne pas commettre l’acte qui lui est reproché. Il met en cause la volonté et s’il ne peut prouver cette intervention, le caractère criminel de l’acte disparaît : il faut le ranger parmi les accidents. Du moins, c’est ainsi que je conçois le mécanisme social. Partant de ce point de vue, il est évident que l’on considérera comme absurde la sentence portée contre une truie qui a dévoré un enfant. Il n’était pas besoin de tant de cérémonies pour se débarrasser de l’animal dangereux et l’on aurait pu sans scrupule s’épargner cette parodie de la justice. Cependant, sommes-nous bien sûrs que beaucoup de nos procès criminels ne soient pas aussi des parodies de la justice ? On peut très bien supposer qu’un jour viendra où les hommes seront aussi honteux d’avoir condamné dans les formes tant d’impulsifs sanguinaires, qu’ils le sont en retrouvant la trace de quelques porcs féroces et quelques chiens enragés qu’on jugea solennellement avant de les pendre ou de les assommer. Je ne désire pas que l’on pende, ni que l’on assomme, ni que l’on raccourcisse, n’importe quel humain sans procès, mais je désirerais peut-être qu’on ne mêlât pas l’idée de justice à l’examen de la criminalité de certains êtres évidemment irresponsables. Ensuite, je voudrais que l’on jugeât des faits et non des intentions, la plupart du temps imaginaires. Et alors nous serions ramenés, ou à peu près, aux conceptions, au fond très naturelles, qui mettaient sur le même plan l’animal et l’homme. On les croyait également responsables, ce qui revient au même que de les croire également irresponsables. Il y a une telle distance aujourd’hui entre ce que l’on sait et ce que l’on pratique que tout a l’air, en effet, d’une parodie.

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