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Dissociations

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LES CONQUÊTES DE LA CENSURE

Ce que la censure perd d’un côté, il faut qu’elle le regagne de l’autre. Abolie pour les écrivains de profession et même il me semble pour les militaires, elle vient d’être rétablie pour les préfets et sous-préfets. Mais ce n’est rien auprès de la grande victoire qu’elle vient de remporter en Italie. Un groupe de femmes catholiques, m’apprend un journal italien, La Voce, a réussi à persuader au gouvernement que le cinématographe était immoral et dangereux pour les mœurs. Donc, dorénavant, tous les films italiens, qu’ils soient fabriqués à Milan ou à Palerme, devront être envoyés à Rome où une commission les fera défiler sous ses yeux ahuris, mais perspicaces. Elle veillera à ce que les scènes de plein air se déroulent selon la plus grande décence, qu’une des ombres n’y prenne pas sur une autre ombre un baiser intempestif et que lesdites ombres, si elles sont féminines, y soient enfermées dans des robes montantes, dans l’ombre, veux-je dire, d’une robe montante non moins que descendante, et que toutes ces ombres veuillent bien s’agenouiller devant la madone, quand il y a lieu, et montrent enfin la plus grande déférence pour toutes les convenances sociales. On dira que j’exagère, mais j’ai vu assez de films italiens pour juger qu’ils n’ont qu’un défaut, celui d’être parfaitement inanes et du sentimentalisme le plus odieux, quoique le plus convenable et le plus sirupeux. Qu’est-ce que la censure pourra bien trouver à reprendre dans ces histoires sans paroles et même sans intentions et qui dépassent en niaiserie nos films parisiens, ce qui n’est pas peu dire ? Tout de même, il y aurait peut-être une censure à exercer au cinématographe. Elle prohiberait l’absurde « film d’art » et ne tolérerait que le film sans art, celui qui est la représentation toute bête d’un fait ou d’un spectacle naturel. J’attends cette révolution pour me plaire tout à fait dans ce lieu de délices. Quel art serait le cinéma sans le film d’art !

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